Description des pratiques de réseautage

Description des pratiques de réseautage

L’Abitibi-Témiscamingue est connue comme une région ressource, notamment pour ses trois principales activités économiques : les mines, la forêt et l’agriculture. À la différence des mines et des forêts qui sont des secteurs à économie cyclique (booms et crises qui se suivent), le secteur agricole assure une certaine stabilité malgré ses difficultés en termes de rentabilité. Le secteur agroalimentaire représente un potentiel pour diversifier l’économie régionale et son développement constitue un des meilleurs effets de levier pour la création d’emplois. L’importance de ce secteur d’activité pour l’économie régionale nous a amené à nous y intéresser de près pour en savoir un peu plus sur son état des lieux et pour mieux comprendre les raisons qui influencent son dynamisme.

Les connaissances scientifiques en ce qui a trait à l’entrepreneuriat régional et aux stratégies des petites entreprises agroalimentaires montrent que le capital social est un élément central pour mieux comprendre et expliquer le dynamisme de l’entrepreneuriat sur un territoire. Le capital social se définit comme l’ensemble des atouts ou les forces qui résultent des facteurs culturels et des réseaux de relations et qui fournissent un ensemble de ressources matérielles et immatérielles pour soutenir 1′ entrepreneuriat. Ces ressources sont, par exemple, les infrastructures, les organismes de soutien, le financement, l’accès à la main-d’œuvre, tout autant que le soutien moral, les encouragements, etc. Les entreprises agricoles étant au cœur de l’industrie agroalimentaire, la présente recherche vise à faire le portrait du capital social qm s’offre aux entrepreneurs agricoles en AbitibiTémiscamingue. Pour ce faire, le présent mémoire présentera une première partie théorique, tandis que la deuxième partie sera empirique dans le sens qu’elle sera consacrée à la méthode de collecte des données sur le terrain et à la présentation et l’analyse des résultats.

La partie théorique comprend trois chapitres. Le chapitre I présente les éléments permettant d’établir le contexte dans lequel la recherche a été réalisée, mais aussi son importance pour la société et la communauté scientifique. Pour conclure ce premier chapitre, nous présentons la problématique et la question spécifique de recherche à laquelle nous voulons répondre dans ce travail, à savoir : quel est le niveau de capital social des entrepreneurs du secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue? Le chapitre II présente la recension des écrits sur les deux concepts principaux dont fait l’objet cette recherche, soit l’entrepreneuriat et le capital social. Nous y présentons les éléments qui nous seront utiles pour dresser le cadre conceptuel, lequel est présenté dans le chapitre III. Ce dernier complète la partie théorique et présente les approches et les définitions que nous avons retenues pour la vérification empirique. Quant à la deuxième partie du travail, elle compte deux chapitres. Le chapitre IV présente la méthodologie de la recherche. Ce chapitre fait la transition entre 1 ‘aspect théorique et 1 ’empirique. Il expose les résultats attendus, les techniques et instruments ayant servi à collecter les données. Finalement, le chapitre V présente les résultats issus du travail de terrain, c’est dans ce chapitre que nous ferons une discussion avant de conclure l’étude.

ÉLÉMENTS DE CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE

Le premier chapitre aborde trois points importants. Dans un premier temps, nous décrivons le contexte dans lequel la recherche a été réalisée depuis le printemps 20 11. Nous présentons le contexte québécois et régional pour bien situer l’objet de la recherche, lequel se limite à l’étude de l’entrepreneuriat agroalimentaire régional, et ce, bien que nous soyons consciente que les entreprises évoluent dans un environnement économique mondialisé, mais que tout part du local. Dans un deuxième temps, nous justifions la pertinence ou l’intérêt du sujet, c’est-à-dire en quoi la question à l’étude constitue un sujet important d ‘un point de vue social et du point de vue scientifique. En dernier point de cette partie, nous présentons la problématique de recherche. Cette dernière reprend notre préoccupation sous forme d’une question à laquelle nous proposons des réponses provisoires (hypothèses) à vérifier dans la deuxième partie du mémoire en nous appuyant sur les données du terrain.

Mise en contexte 

Nous nous sommes intéressée au secteur agroalimentaire parce qu’au Québec comme en Abitibi-Témiscamingue, l’industrie agroalimentaire représente un secteur économique important qui relie consommateurs, commerçants, distributeurs, transformateurs et producteurs. Non seulement l’apport de ce secteur au dynamisme économique d’une région comme l’Abitibi-Témiscamingue n’est plus à démontrer, mais la présence des entreprises agricoles sur un territoire revêt une importance particulière pour la vitalité des milieux ruraux. Cependant, le contexte économique actuel fait en sorte que le développement de 1′ entrepreneuriat représente un nouveau défi pour assurer la relève des entreprises agricoles existantes ou pour la création de nouvelles entreprises.

En outre, l’agriculture au Québec en général et en Abitibi-Témiscamingue en particulier fait face à plusieurs difficultés en lien avec la démographie des entreprises. Selon les données de Statistique Canada (2007), le nombre de fermes au Québec est passé de 48 144 en 1981 à 30 675 en 2006 et ne cesse de diminuer. L’augmentation de la taille des fermes a occasionné une forte diminution de la population agricole qui a chuté de 26 % en 10 ans (de 1991 à 200 1) et qui a poursuivi sa chute de 6,2 % de 200 1 à 2006 pour s’établir à 90 940 personnes. Durant cette période, la production agricole au Québec est devenue de plus en plus spécialisée, concentrée et intensive. La transformation de la ferme familiale québécoise s’est effectuée sous la pression de nouvelles exigences imposées par l’industrialisation et les besoins d’une production de masse. Ce contexte a incité les agriculteurs à grossir la taille de leur ferme, ce qui était devenu le mot d’ordre associé au modèle dominant (Parent, 1996). Cette situation a modifié les relations entre l’agriculture et son environnement, car ce secteur économique fait maintenant face à une compétitivité accrue due, entre autres, aux conséquences de la globalisation des marchés.

Au plan régional, le secteur agroalimentaire représente un apport économique incontestable. Les principales productions agroalimentaires sont le bœuf, le lait et les productions végétales. Selon le portrait régional du secteur agroalimentaire dressé par l’Observatoire de l’Abitibi-Témiscamingue en 2012, la contribution de l’ensemble du secteur bioalimentaire régional s’élevait à 220 millions de dollars en 2009, dont 70 M$ en agriculture et transformation et 150 M$ en distribution alimentaire. L’ensemble de l’industrie représentait 9 307 emplois régionaux en 2007, soit 14% du marché du travail répartis dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. L’agriculture à elle seule comptait pour 1 977 emplois.

Selon une étude réalisée en 2009 pour 1 ‘Union des producteurs agricoles (UP A), l’industrie agroalimentaire contribue de façon plus importante dans une région comme l’Abitibi-Témiscamingue : un emploi créé à l’intérieur de la région par les productions non dominantes pour le Québec, tels le bœuf ou les céréales, est l’équivalent de 30 emplois à Montréal (ÉcoRessources Consultants et EcoTech Consultants, 2009). L’activité économique créée par ces entreprises et leur présence dans les milieux ruraux font en sorte que les retombées économiques sont plus importantes pour la région. Comme le mentionne l’étude en question, les mesures des retombées économiques traditionnelles, comme le PIB, ne donnent qu’un portrait partiel d’une activité économique. En outre, la présence de l’agriculture sur le territoire permet le développement de l’infrastructure municipale, du secteur commercial, des services privés, des services publics et particulièrement des établissements scolaires.

Le rôle social de l’agriculture dans la société régionale est en lien avec son impact direct sur la qualité de vie de ses habitants fortement concentrés en région rurale. La population rurale en Abitibi-Témiscamingue est de l’ordre de 45,2 %comparativement à un taux de 19,6 %pour l’ensemble du Québec (Statistique Canada, 2001). La dispersion spatiale des entreprises agricoles de la région s’étend sur un vaste territoire de plus de 64 000 km2 , une superficie deux fois plus grande que la Belgique ou 1,5 fois celle de la Suisse. Dans la région, c’est au Témiscamingue que l’on trouve la plus forte concentration des activités agricoles. Le secteur d’Abitibi-Ouest représente le deuxième territoire agricole en importance suivi d’Abitibi-Est. L’agriculture est aussi présente, avec une faible intensité, en périphérie des centres urbains des MRC de Rouyn-Noranda et de la Vallée-del’Or. La zone agricole représente 10 %du territoire régional (près de 6 500 km2 alors que la zone agricole exploitée est de l’ordre de 3 %(près de 2000 km\ La région détient un bassin de bonnes terres, à faible coût en comparaison avec le reste de la province, ce qui représente un atout potentiel pour le développement de l’agriculture dans la région.

Historiquement, on peut dire que l’attrait pour les secteurs miniers et forestiers, plus lucratifs, n’aura pas favorisé le développement de l’entrepreneuriat agricole dans la région. En outre, la situation économique actuelle de 1 ‘Abitibi-Témiscamingue stimulée par le secteur minier peut représenter un frein à l’entrepreneuriat agricole. Par ailleurs, l’augmentation de la taille des fermes en Abitibi-Témiscamingue suit la tendance provinciale. À l’instar des autres régions du Québec, le nombre des exploitations agricoles en Abitibi-Témiscamingue a diminué au cours des dernières années et est passé sous la barre des 700 entreprises en 2011. Au cours des dix dernières années, la région a vu le démantèlement du quart de ses fermes, alors que le Québec en perdait 10 %. Selon le portrait de la relève agricole, 14,6% des fermes de la région auraient besoin de relève dans les prochaines années alors que plus du tiers (35,9 %) de ces entreprises n’aurait pas identifié de relève potentielle (MAPAQ, 2010, p. 39).

À la lumière de l’état de l’industrie, le gouvernement québécois a mis sur pied, en 2006, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ) qui s ‘ est penchée sur différentes problématiques du secteur agroalimentaire. Cette commission a reçu quelque 720 mémoires provenant de citoyens, producteurs agricoles et représentants d’organismes des 17 régions du Québec, ce qui témoigne de son importance pour la société québécoise. «L’agriculture dans tous ses états »,tel était le titre de l’article publié dans le quotidien Le Devoir du 8 juillet 2006 annonçant la création de la CAAAQ, laquelle visait à redéfinir une politique agricole dans une industrie où le soutien de l’État est nécessaire.

Cet exercice avait d’abord été réclamé par l’Union paysanne, un mouvement regroupant des citoyens et paysans revendiquant la liberté d’association dans le secteur agricole québécois qui considèrent que le système actuel décourage l’établissement de petites fermes (Dutrisac, 2006). Dans le même sens, Solidarité rurale du Québec (2007), qui est l’ instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de ruralité, estime que le modèle actuel dans le secteur agricole québécois participe à la déstructuration des milieux ruraux et croit qu’un nouveau modèle agricole doit considérer la multifonctionnalité de 1′ agriculture. Pour 1 ‘Union des producteurs agricoles (UP A), qui détient le monopole syndical dans le secteur agricole québécois, la concurrence accrue à laquelle les agriculteurs doivent faire face justifie la nécessité pour ces derniers d’accroître la taille de leur ferme et d’investir dans les nouvelles technologies. Ces préoccupations, soulevées par les principaux représentants du monde agricole au Québec, témoignent des problématiques en cause, soit : la compétitivité de l’industrie dans un contexte de mondialisation; la relève agricole; l’environnement; l’occupation du territoire et la ruralité. C’est donc dans ce contexte de crise du secteur agricole québécois que notre étude a été réalisée dans le but de mieux comprendre le défi de 1 ‘entrepreneuriat agroalimentaire, spécifiquement dans la région de 1’ Abitibi-Témiscamingue.

Les entreprises agricoles étant le maillon central de l’industrie agroalimentaire, nous avons choisi de nous pencher sur ce secteur qui fait face à des problèmes de relève entrepreneuriale en Abitibi-Témiscamingue. S’inscrivant dans le champ d’études de 1′ entrepreneuriat, 1 ‘objectif de cette recherche est de comprendre les facteurs qui favorisent la création ou le développement des entreprises agroalimentaires régionales. En d’autres termes, nous nous demandons de quelle façon se présentent les facteurs comme le capital social et les réseaux pouvant favoriser 1 ‘entrepreneuriat dans le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue.

Pertinence sociale et scientifique du sujet de recherche

Pertinence sociale du sujet de recherche 

L’importance de l’entrepreneuriat pour le développement régional n’est plus à démontrer. L’ entrepreneuriat est considéré comme un moteur socioéconomique important et l’on fait de plus en plus la promotion des valeurs entrepreneuriales dans la société québécoise. Il en est de même dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. En 2007, la Conférence régionale des élus de l’Abitibi-Témiscamingue (CRÉAT) plaçait au rang des priorités régionales «le développement d’une culture entrepreneuriale forte» et la nécessité de « doter les entrepreneurs et les entreprises de moyens permettant la mise en œuvre de leur projet d’affaires» pour assurer le développement économique (CRÉAT, 2007, p.47).

Par ailleurs, une étude réalisée pour la Fondation de l’entrepreneurship établissait le constat que le niveau des activités entrepreneuriales était moins élevé en AbitibiTémiscamingue par rapport aux autres régions du Québec pour la période de 2004 à 2007, «ce qui laisse craindre que par l’absence d’actions posées, la situation actuelle ne risque pas de s’améliorer au cours des prochaines années » (Ri verin, Proulx et Po ta, 2010, p. 31 ).

Pourtant, l’ensemble des intervenants socio-économiques régionaux se mobilise pour stimuler 1′ entrepreneuriat, que ce soit dans le monde de 1 ‘éducation par la sensibilisation ou la promotion des valeurs entrepreneuriales ou en offrant du soutien aux entreprises. Nous pouvons mentionner, à titre d’exemple, la mise sur pied par l’UQAT de l’organisme de Relève de l’ entrepreneuriat scientifique de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-duQuébec (RESAN). Il n’y a pas de doute que le développement de l’entrepreneuriat est important pour l’ensemble des acteurs socioéconomiques régionaux et qu’il représente un des moyens d’assurer le développement de l’économie régionale.

Au Québec, on parle beaucoup de l’importance de développer l’entrepreneuriat dans tous les secteurs de l’économie et cette préoccupation vient de rejoindre le secteur agricole (Levallois et al., 2009). Face à la crise actuelle en agriculture, l’entrepreneuriat est considéré comme une alternative au modèle dominant notamment par l’innovation, le développement des circuits courts de commercialisation, la mise en valeur à la ferme et le développement de spécialités, de produits du terroir, etc. Les produits locaux et régionaux sont en croissance et répondent à une demande des consommateurs pour des produits distinctifs et de qualité. L’émergence des marchés publics au Québec et de l’agriculture soutenue par la communauté (ASC) en témoigne. Au terme de son exercice de consultation, l’un des constats de la CAAAQ était que l’une des façons pour une entreprise de se démarquer des produits de masse est de développer des produits régionaux ou des niches à plus grande valeur ajoutée.

À cet effet, les recommandations visent le développement de 1′ entrepreneuriat agroalimentaire dans les régions du Québec. Dans la foulée des travaux de la CAAAQ, on proposait également des changements en profondeur aux mesures de soutien pour favoriser la diversification et la création de nouvelles activités (St-Pierre, 2009). On constate également les signes d’un regain de l’ entrepreneuriat dans le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue. La région mise notamment sur le développement de l’agriculture nordique axée sur la production bovine qui fait l’ objet d’un créneau d’excellence dans le cadre d ‘une stratégie gouvernementale de développement économique régional, soit d’une Action concertée de coopération régionale de développement (Projet ACCORD).

Ce projet ACCORD et l’implantation de la Station de recherche agroalimentaire de 1′ Abitibi-Témiscamingue soutiennent les efforts des producteurs pour développer des techniques de production qui permettront une différenciation des produits du bœuf et l’émergence d’un réseau de commercialisation régional dans le cadre du projet« L’AbitibiTémiscamingue dans notre assiette ». Ces initiatives régionales en agroalimentaire illustrent bien la volonté des acteurs régionaux de développer les activités économiques à l’échelle de la région. D’autres initiatives comme «Les saveurs de 1 ‘AbitibiTémiscamingue » et le développement des marques de commerce telles que « VitaliPré », « AlléChamps » et l’initiative «Origine Nord-Ouest» visent à mettre en valeur les produits de la région et s’insèrent dans des stratégies liées aux produits du terroir (www.gouteznotreregion.ca).

De plus, on constate l’importance accordée au soutien des entreprises agricoles existantes et au développement des produits régionaux pour assurer le développement économique dans le secteur agroalimentaire, comme le mentionnait le Plan stratégique de développement de l’ Abitibi-Témiscamingue 2007-2011 : améliorer et consolider la filière des productions de base (lait, bœuf, agneau-mouton); développer la filière bovine à valeur ajoutée; soutenir et valoriser la relève agricole; soutenir et accroître la commercialisation des produits régionaux ams1 que développer la transformation des produits agroalimentaires de la région (CRÉAT, 2007, p. 58). Nous constatons que le développement de l’entrepreneuriat régional est une préoccupation actuelle pour la société québécoise et régionale et qu’il revêt une importance particulière pour le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue. De telles préoccupations sont partagées par la communauté scientifique.

Pertinence scientifique du sujet de recherche

Dans le contexte actuel de mondialisation des marchés, on connaît un intérêt grandissant pour le local. Les études menées par les géographes et les économistes spatiaux se multiplient et elles montrent que les entreprises adoptent des stratégies d’exportation qui se fondent sur des coopérations locales (Abdelmalki, 1996; Carluer, 2005; Courlet, 2001; Torrès, 2002).

Les études des économistes de la proximité s’intéressent de plus en plus au rôle des facteurs culturels et sociaux et des effets de proximité dans 1′ efficacité des interactions et des relations qu’entretiennent les entrepreneurs avec les acteurs territoriaux (Boschma, 2005; Bouba-Olga et Grossetti, 2005; Guedon, 2005; Plociniczak, 2004; Ra11et et Torre, 2004; Torre et Filippi, 2005).

D’autres recherches se sont intéressées aux nouve11es formes de coopération qui peuvent aider les entreprises des filières agroalimentaires à s’adapter à 1′ environnement mondialisé (Fourcade, 2006; Fourcade et al., 2005). Ces recherches ont montré que les nouve11es formes d’organisation sont dépendantes de la spécificité du tissu local sur les plans économique, sociologique et culturel (Fourcade et Polge, 2006). Des recherches portant sur les stratégies des entreprises agroalimentaires ont montré que le capital social d’une région crée une dynamique propre à un milieu et qu’il est l’élément central à considérer pour identifier les stratégies potentie11es pour un territoire spécifique (Boucher, 2005; Carluer, 2005; Fourcade, 2006; Munick et al., 2008). Ces modèles rejoignent les problématiques liées à 1 ‘étude de 1 ‘entrepreneuriat à 1’ échelle d’un territoire, car l’entrepreneuriat régional est considéré comme un phénomène co1lectif qui est influencé par la culture du milieu et les réseaux de relations (Johannisson, 2009; Julien, 2005; Plociniczak, 2004).

Les études en entrepreneuriat ont été nombreuses, principalement pour m1eux connaître le profil de l’entrepreneur et son comportement. Toutefois, on reconnaît de plus en plus le rôle central du capital social dans ce phénomène (Audet, Riverin et Tremblay, 2005; Julien, 2005; Julien et Cadieux, 2010). Cette approche a notamment été utilisée dans des études récentes ayant pour but de mieux comprendre le dynamisme entrepreneurial que l’on retrouve dans certaines régions du Québec (Julien et Lachance, 2006; Julien, Lachance et Morin, 2004). En outre, une recherche récente réalisée pour l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) en arrive à la conclusion que les variables déterminantes de l’entrepreneuriat sont la qualité des réseaux et le capital social (Julien et Cadieux, 201 0).

L’approche du capital social est particulièrement adaptée pour étudier le fonctionnement de l’entrepreneuriat régional qui nous concerne, la présente recherche visant à mieux comprendre l’entrepreneuriat agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue. Pour comprendre le fonctionnement de l’entrepreneuriat régional, les construits théoriques de la sociologie et des sciences du territoire contribuent de manière significative à la compréhension de ce phénomène. Les facteurs intangibles, dont fait partie le capital social, émergent de la culture propre à un milieu (Côté, 2002) et influencent son développement (Ependa, 2003).

Outre la dimension économique et la performance des entreprises, nous croyons que pour comprendre les actions des entrepreneurs, nous devons tenir compte des facteurs culturels et de la nature des liens sociaux. Thierry Verstraete avait déjà soulevé la question, à savoir quelle discipline scientifique pourrait accueillir le domaine de recherche en entrepreneuriat, et il conclut en affirmant que «les sciences de gestion sont les mieux placées pour offrir à l’entrepreneuriat son potentiel d’expression, encore faut-il que les chercheurs acceptent cette perspective et lui accorde un intérêt » (V erstraete, 2002, p.l4).

Cette affirmation peut soulever une réelle réflexion lorsqu’on s’adresse à l’étude de l’entrepreneuriat agricole dans une région comme l’Abitibi-Témiscamingue. D’une part, 1′ entreprise pourra être portée à croître et sa structure devra s’adapter aux changements provoqués par cette croissance. D’autre part, les modèles de gestion stratégiques peuvent être d ‘une grande utilité pour susciter l’innovation et la mise en œuvre de stratégies originales et adaptées aux attentes des entrepreneurs et particulièrement des entrepreneurs agricoles qui nous intéressent. En somme, si les sciences de gestion peuvent répondre à plusieurs problèmes, c’est plutôt le modèle économique sur lequel sont fondés les modèles stratégiques et les structures classiques utilisés dans cette discipline qui sont à remettre en cause et à adapter à la réalité de 1 ‘entrepreneuriat. Dans le cas des stratégies agroalimentaires, à l’instar des autres chercheurs s’y intéressant, nous croyons que nousdevons tenir compte de la variable territoriale et particulièrement des facteurs socioculturels. En définitive, nous croyons qu’il faut utiliser une approche multidisciplinaire pour comprendre la dynamique entrepreneuriale.

Problématique et question de recherche

L’entrepreneuriat est reconnu pour son importance majeure dans le développement économique et social du Québec. La situation et la mesure de 1′ entrepreneuriat représentent une préoccupation des intervenants socioéconomiques de toutes les régions du Québec. Le développement du secteur agroalimentaire, quant à lui, représente pour une région comme 1′ Abitibi-Témiscamingue une source de diversification de 1 ‘économie et un levier important pour la création d’emplois. Quant aux entreprises agricoles, leur présence dans les milieux ruraux contribue au maintien des services aux collectivités et à l’attrait pour ces milieux quant aux paysages qu’elles contribuent à créer. Malgré le contexte difficile qui sévit en agriculture au Québec, des projets novateurs se mettent en place notamment pour répondre aux besoins d’une clientèle qui recherche de plus en plus des produits régionaux et de qualité. Dans un contexte économique où plusieurs entreprises régionales sont menacées et où la relève entrepreneuriale est faible, il y a lieu de poser un diagnostic sur la situation de l’entrepreneuriat dans le secteur agroalimentaire pour la région de l’AbitibiTémiscamingue.

Pour évaluer le niveau d’entrepreneuriat régional, on dispose du portrait dressé par la Fondation de l’entrepreneurship (Riverin, Proulx et Pota, 2010). Toutefois, ce portrait n’offre qu’une image partielle de la situation entrepreneuriale. D’une part, il présente la situation globale de l’entrepreneuriat pour l’Abitibi-Témiscamingue et ne nous offre pas de données sur la situation du secteur agroalimentaire en particulier. D’autre part, il ne présente pas les raisons qui favorisent le développement entrepreneurial.

Dans le contexte actuel, il y a lieu de se demander quels facteurs incitent les dirigeants d’entreprises et les entrepreneurs agroalimentaires à persister à travailler pour développer leurs entreprises, ou plus encore, à démarrer de nouvelles entreprises dans ce secteur. Pour être en mesure d’intervenir et de favoriser le développement de l’entrepreneuriat agroalimentaire régional, on doit décrire les variables déterminantes. Ces déterminants ne peuvent se limiter à une période d’essor économique ou encore, comme c’est le cas en agriculture actuellement, à une période de crise. C’est plutôt la qualité des ressources territoriales caractérisées par le capital social qu’il faut considérer (Julien et Cadieux, 2010).

Peu d’études se sont penchées sur la dimension sociale de l’entrepreneuriat au Québec. À notre connaissance, une seule étude a visé 1′ évaluation du dynamisme des réseaux sur le développement des PME manufacturières dans les régions de la Mauricie et dans le Centre-du-Québec (Julien et Lachance, 2006; Julien, Lachance et Morin, 2004).

Les études en entrepreneuriat réalisées en région ont porté sur les motivations des entrepreneurs à démarrer une entreprise (Brouillard, 2005; Chartier, 2002). Toutefois, aucune étude n’a cherché à décrire le capital social des entrepreneurs. De plus, aucune étude n’a visé les entrepreneurs agricoles de la région. En outre, les études scientifiques menées au Québec auprès des entreprises agricoles concernent principalement les questions de la relève agricole et du processus de transfert de ferme.

En somme, la présente recherche apportera de nouvelles connaissances scientifiques au champ d’études de l’entrepreneuriat dans un contexte de développement régional et particulièrement quant à la mesure du capital social.

Pour comprendre la dynamique régionale de l’entrepreneuriat, on doit dépasser la théorie des traits personnels et l’interprétation des liens sociaux et plutôt s’intéresser aux comportements collectifs qm reposent sur les conventions et les idéologies socioéconomiques (Julien et Lachance, 2006). Le secteur agroalimentaire est particulier dans le sens où la structure du marché et le cadre règlementaire imposent certaines barrières qui sont aussi influencées par les orientations des politiques économiques. Les particularités du modèle agricole québécois font aussi en sorte que plusieurs ressources viennent appuyer les actions des différentes filières de production dans leurs stratégies de conquête des marchés. De même, plusieurs organismes œuvrent pour soutenir les entreprises de l’agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue. Dans quelle mesure les entrepreneurs utilisent-ils ces réseaux? En outre, considèrent-ils que les ressources disponibles sont satisfaisantes et adaptées à leurs besoins et à leurs objectifs? La structure actuelle et les ressources dans le secteur agroalimentaire offrent-elles la possibilité de développer 1′ entrepreneuriat régional?

Pour répondre à ces questionnements, nous souhaitions recueillir les perceptions des principaux intéressés, c’est-à-dire les entrepreneurs agricoles eux-mêmes. Nous nous demandons quelles sont les forces qui sont perçues par les entrepreneurs agricoles et quelles sont celles qm peuvent soutenir leurs actions pour créer ou développer les entreprises et le secteur agroalimentaire au niveau régional? Les résultats attendus nous apporteront de nouvelles connaissances pour cibler les actions à mettre de l’avant pour répondre aux objectifs et aux particularités des projets entrepreneuriaux et particulièrement en ce qui concerne les petites entreprises (moins de 50 employés) et les très petites entreprises (moins de cinq employés) du secteur agroalimentaire.

La culture, l’histoire, les modèles, les savoir-faire, l’esprit de coopération, la concertation sont des exemples de facteurs intangibles caractérisant le capital social. Ils dictent des façons de faire au quotidien et ils influencent, par leurs représentations, les meilleures actions à envisager pour 1′ avenir. La capacité de travailler en commun, l’expertise régionale, 1 ‘ouverture du milieu, l’implication des acteurs socioéconomiques représentent des ressources territoriales associées au capital social. Lorsqu’elles sont stimulées par des réseaux efficaces et dynamiques, ces ressources peuvent favoriser l’entrepreneuriat et l’innovation. Les facteurs culturels se manifestent au travers des relations qu’entretiennent les entrepreneurs. Nous devons par conséquent décrire les réseaux utilisés par les entrepreneurs agricoles. Nous nous demandons quelles sont les ressources que les entrepreneurs considèrent comme disponibles quant au soutien nécessaire pour prendre la décision de créer ou encore d’investir dans leur entreprise et pour développer de nouveaux projets ou entreprises. Pour répondre à ces questions, nous mobilisons le concept de capital social pour caractériser 1 ‘entrepreneuriat dans le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue. Pour nous, le milieu fournit un ensemble de ressources intangibles et collectives caractérisant le capital social. Ce capital social représente les atouts ou les forces qui résultent des facteurs culturels et il se manifeste par les réseaux de relations. C’est par l’insertion dans ces réseaux que les entrepreneurs ont accès aux ressources matérielles et immatérielles qui peuvent soutenir 1’ entrepreneuriat. Ce sont les perceptions de ces ressources et des éléments du capital social qui nous permettront de répondre à notre problématique de recherche. Cette étude se propose donc de répondre à la question suivante : quel est le capital social des entrepreneurs dans le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue.?

Nous posons ainsi deux hypothèses :
1. Premièrement, les entrepreneurs de 1′ agroalimentaire ont des perceptions différentes des ressources collectives qui sont disponibles ainsi que des forces et des besoins à différents niveaux.
2. Deuxièmement, les entrepreneurs de l’agroalimentaire entretiennent des relations de nature différente qui leur donnent accès à différentes ressources tangibles et intangibles. Dans le prochain chapitre, nous présenterons la recension des écrits sur nos deux concepts principaux : 1′ entrepreneuriat et le capital social. Cette revue de la littérature nous permettra de dresser notre cadre conceptuel, qui sera présenté au chapitre III, pour répondre à notre question de recherche.

CONCLUSION

La présente recherche avait pour but de décrire le capital social des entrepreneurs du secteur agroalimentaire de la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Si notre intérêt a porté sur le capital social des entrepreneurs de 1 ‘agroalimentaire, c’est parce que présentement ce secteur d’activité économique traverse une situation particulière au Québec et en région. D’un côté, les entrepreneurs se plaignent du peu de rentabilité des activités agricoles et d’un manque criant de relève. De 1’ autre côté, on remarque un certain dynamisme et un engagement entrepreneurial puisque dans le secteur, bien que des entreprises disparaissent, d ‘autres naissent ou prennent de 1 ‘expansion. Au point de se demander qu’est-ce qui maintient en place cet engagement chez ces entrepreneurs en Abitibi-Témiscamingue. La documentation scientifique suggère que le capital social est un facteur qui expliquerait cet engagement. S’inscrivant dans cette thèse, notre principale question de recherche était de savoir comment se présente le capital social entrepreneurial dans le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue. En d’autres mots, nous voulons mieux comprendre la dynamique entrepreneuriale dans le secteur agroalimentaire en Abitibi-Témiscamingue, et ce, afin d’identifier les forces pouvant favoriser son développement au niveau local et régional. En réponse à cette question, nous avons formulé deux hypothèses. Premièrement, que les entrepreneurs de 1′ agroalimentaire ont des perceptions différentes des ressources collectives qui sont disponibles ainsi que des forces et des faiblesses à différents niveaux. Deuxièmement, que les entrepreneurs du secteur agroalimentaire entretiennent des relations de nature différente qui leur donnent accès à différentes ressources tangibles et intangibles. La recension des écrits nous a permis de clarifier la signification des concepts d’ entrepreneuriat et de capital social. L’ entrepreneuriat représente à la fois un nouveau défi et une opportunité pour assurer la relève des entreprises agricoles dans les régions du Québec. Dans le secteur agroalimentaire, 1 ‘entrepreneuriat est associé notamment à l’innovation, au développement de produits à plus grande valeur ajoutée, de produits régionaux, de circuits courts de commercialisation ou d’autres stratégies liées au territoire. Nous avons adopté une approche qui considère que l’entrepreneuriat est un phénomène collectif influencé par le milieu, par les actions de 1′ ensemble des entreprises, des intervenants et des institutions. En nous demandant quelles sont les ressources qui peuvent favoriser 1′ entrepreneuriat agroalimentaire tel que perçu par les dirigeants des entreprises agricoles de l’Abitibi-Témiscamingue, nous avons ainsi voulu prendre en compte la dimension sociale et culturelle de 1′ entrepreneuriat. Dans ce contexte, le capital social représente les ressources intangibles qui influencent les actions des entrepreneurs, tels les modèles et les représentations, de même que les réseaux d’aide et de soutien disponibles. C’est grâce à 1’ accès à ces réseaux que les entrepreneurs peuvent s’approprier des ressources immatérielles, comme les conseils ou le soutien moral, ou des ressources matérielles tels l’aide technique, le financement …

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Table des matières

INTRODUCTION 
CHAPITRE I  ÉLÉMENTS DE CONTEXTU ALISATION DE LA RECHERCHE 
1.1 Mise en contexte
1.2 Pertinence sociale et scientifique du sujet de recherche
1.3 Problématique et question de recherche
CHAPITRE II  RECENSION DES ÉCRITS SUR LES CONCEPTS CLÉS 
2.1 L’entrepreneuriat
2.2 Capital social.
CHAPITRE III  CADRE CONCEPTUEL. 
3.1 Le champ théorique et le type de recherche
3.2 Approche de recherche
3.3 Théorie de référence, mode de raisonnement et définition des concepts
CHAPITRE IV  ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE 
4.1 Les résultats attendus
4.2 Méthode de collecte de données
4.3 Collecte de données et taux de réponse
4.4 Techniques d’analyse
4.5 Les éléments de l’éthique de la recherche
CHAPITRE V  RÉSULTATS DE LA RECHERCHE SUR LE TERRAIN
5.1 Profil des répondants
5.2 Description des pratiques de réseautage
5.3 Description du capital social
5.4 Forces et faiblesses entrepreneuriales
CONCLUSION

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