Des familles bi-plurilingues en intégration dans un espace social officiellement monolingue

L’intégration des migrants a toujours été un sujet à débat que ce soit en France ou partout ailleurs. Les migrants qui s’installent dans les sociétés des pays d’accueil sont engagés dans un processus d’acculturation linguistique qui passe par la maitrise (inéluctable) de la langue dominante pour valider leur intégration. Or, en arrivant dans les sociétés réceptrices, notamment en France, les migrants originaires d’Afrique noire, apportent avec eux leurs langues et leurs cultures d’origine, qu’elles essaient de maintenir et de préserver par tous les moyens. Mais, la puissance du français et son omniprésence dans tous les secteurs de la vie sociale en France, oblige parfois ces derniers à opérer des choix linguistiques dans l’espace familial. Etant donné que, le français est la seule langue attestée dans l’environnement social en France, les langues des migrants se pratiquent le plus souvent que dans la famille. C’est aussi dans la famille que ces langues se transmettent.

Cependant, la plupart des migrants originaires de Guinée Conakry , du Mali et du Sénégal ne maitrisent pas la langue française. En plus, les populations originaires de ces pays, qu’elles soient scolarisées ou non scolarisées, ne parlent pas fréquemment la langue française dans la vie quotidienne. Le français est parlé que dans la plupart des cas dans l’environnement social de ces pays, et compris que par une faible minorité de la population. Alors qu’en France ils sont dans l’obligation de parler français pour s’intégrer dans la société. La coexistence des langues africaines et du français dans l’espace familial provoque parfois des choix de/de la langue(s) à employer dans les communications des membres de familles migrantes.

Diversité linguistique en Afrique de l’Ouest 

L’Afrique est connue pour sa diversité linguistique. Il est estimé que presque tous les pays africains vivent dans une situation de multilinguisme , dans laquelle différentes langues, cultures, traditions, ainsi que des religions sont adoptées et exprimées à différents niveaux. L’Afrique est un continent diversifié où coexistent un grand nombre de langues, ainsi que de multiples groupes ethniques qui cohabitent depuis toujours.

La situation sociolinguistique africaine a fait l’objet d’études de plusieurs linguistes qui se sont intéressés aux langues et aux locuteurs. L’Afrique est un continent où coexistent plusieurs langues et dialectes. Il est estimé environ 1979 langues sur le continent africain pour un milliard d’habitants. Cette diversité linguistique et culturelle conduit souvent des personnes à apprendre d’autres langues que leur langue ethnique. Selon Fabienne Leconte (1997 :19), un individu apprend souvent cinq à six langues, voire plus au cours de son existence en Afrique. Elle explique que dans ce contexte multilingue africain, la personne apprend en premier lieu la langue de son père, si celleci est différente de la langue de sa mère, puis celle de la mère, ensuite celle (s) des coépouses éventuelles, et puis la langue des groupes voisins. En plus de ces langues, la personne va encore apprendre une ou plusieurs langue(s) véhiculaire(s) du pays ou de la région d’origine, puis la langue européenne médium d’enseignement (le français). L’apprentissage des langues du pays se fait en général dans le cadre informel, en dehors de la langue de l’enseignement.

Le schéma d’apprentissage de la langue que Fabienne Leconte évoque ici, montre clairement la situation de contact des langues au quotidien dans les sociétés africaines, à laquelle les individus sont confrontés depuis leur plus jeune âge. La connaissance de plusieurs langues permet non seulement à l’individu d’utiliser ces langues selon le contexte de communication, mais aussi d’acquérir une compétence interculturelle lui permettant de mieux vivre en communauté. Cependant, l’individu plurilingue reste toujours attaché à un groupe ethnique, auquel il est socialement identifié, même s’il parle plusieurs langues du territoire.

Dans le contexte multilingue africain, la valeur et le statut des langues sont déterminés par des locuteurs et le milieu social dans lequel ils vivent. L’individu considère souvent sa langue ethnique comme la langue à laquelle il s’identifie, la langue qui l’associe à un groupe ethnoculturel, c’est-à-dire la langue de la filiation. La langue ethnique est souvent la langue du père, et dans certains cas celle de la mère, puisqu’elle est considérée comme la langue maternelle , la langue familiale, la langue de l’inscription à l’histoire des ascendants. Les langues des groupes voisins sont apprises pour des fins personnelles et sociales. Il s’agit souvent des langues vernaculaires et des langues véhiculaires qui ont souvent le statut de langues nationales, mais qui servent également pour des échanges interpersonnels et interethniques. Toutefois, l’individu peut considérer une langue comme une langue importante de son répertoire selon le territoire dans lequel il vit. Fabienne Leconte (1997 : 20) affirme à ce propos que « toutes les langues (africaines) n’ont pas le même prestige du fait de l’histoire et du contenu culturel qu’elles véhiculent ». Les valeurs sociales ou les statuts sociaux des langues se recoupent selon l’histoire et le nombre de locuteurs sur un territoire bien déterminé.

La distinction du statut des langues dans la société africaine n’était pas clairement visible jusqu’à la pénétration du français pendant l’ère colonisation. La pénétration du français en Afrique de l’Ouest pendant la période coloniale entraine le phénomène de contact de langues, c’est-à-dire des langues nationales et du français au sein des sociétés africaines. Ceci va soulever la question des statuts des langues, puisqu’elles se partagent dés lors l’espace sociolinguistique.

La pénétration du français en Afrique de l’ouest 

La période coloniale (1850-1960) a entrainé la pénétration des langues européennes en Afrique, notamment le français en Afrique de l’ouest. Les premiers français arrivent dans cette partie du continent africain au milieu du XVIIe siècle. Mais ce n’est qu’en 1954, avec l’instauration du capitaine Louis Faidherbe comme gouverneur du Sénégal que la véritable colonisation française en Afrique de l’Ouest commence. La pénétration française par les côtes du fleuve Sénégal est suivie par la politique linguistique consistant à imposer et à diffuser la langue française dans toutes les colonies, notamment en Guinée, au Mali, et au Sénégal. Dans ces pays, la langue française occupe une place centrale, contrairement aux langues nationales (J-L. Calvet, 2010 : 40-49). Nous reviendrons sur la situation sociolinguistique de ces pays.

La situation multilingue de la Guinée, du Mali, et du Sénégal amène les colons à considérer certaines langues comme des dialectes. A cet effet, ils vont instaurer une politique de division entre les langues. Le français devient une langue dominante destinée à assimiler les langues locales. Ces dernières deviennent des langues dominées sur le plan politique et social. Calvet (1974 : 63) appellera cette politique linguistique, une « superstructure ». Pour lui, la distinction entre langue dominante et langue dominée est un fait « superstructurel », puisqu’elle permet d’établir une certaine « organisation sociale et géographique du plurilinguisme » et de la société en général. Pour aller au bout de son propos, il définit cette nouvelle organisation linguistique sociale (langue dominante-langue dominée) comme une « lutte de classes ». Autrement dit, la langue devient un instrument de domination entre les hommes, ce qui a sûrement entrainé la distinction des classes sociale entre des individus de communauté différente.

Promu par les colons en tant que langue dominante, le français sera introduit dans tous les domaines de la vie sociale des peuples colonisés. Ainsi, il devient la «langue officielle » de la plupart des pays africains, notamment de la Guinée, du Mali, et du Sénégal après les indépendances, comme on peut le constater sur ces textes institutionnels de ces trois pays que nous venons de citer ci-dessus:

• Guinée : on lit, dans l’article 1er de la constitution du 23 décembre 1990, que « la langue officielle est le français », et que « l’Etat assure la promotion des cultures et des langues du peuple de Guinée.
• Mali : l’article 25 de la Constitution de 1992 déclare que « le français est la langue d’expression officielle » et que « la loi fixe les modalités de promotion et d’officialisation des langues nationales »
• Sénégal : l’article 1er de la Constitution du 7 janvier 2001 précise que « la langue officielle de la république du Sénégal est le français. Les langues nationales sont le diola, le malinké, le peul (ou poular), le sérère, le soninké, le wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée » (J-L. Calvet, 2010 : 178-179).

A cet effet, le français va occuper une place stratégique dans le développement de ces pays, puisqu’il devient la première langue, c’est-à-dire la langue de l’ouverture vers le monde. Par conséquent, les langues locales vont progressivement perdre leur champ d’action au profit du français dans les sociétés africaines. Elles vont occuper uniquement le statut de « langues nationales », c’est-à-dire des langues dont les fonctions se limitent essentiellement aux échanges interpersonnelles et interethniques (L-J Calvet, 2010 : 176).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Partie I : La situation sociolinguistique de l’Afrique de l’Ouest
1.1 Diversité linguistique en Afrique de l’Ouest
1.1.1 La pénétration du français en Afrique de l’ouest
1.1.2 Le brassage ethnique
1.2 L’histoire de la pénétration du français en Afrique de l’ouest
1.3 Définition de l’immigration
1.3.1 L’immigration africaine en France
1.3.2 Le choix de la destination : France
Partie 2 : Cadre théorique
2.1 Les représentations aux langues
2.1.1 Représentations et Attitudes
2.2.2 Représentations et Stéréotypes
2.2.3 Les imaginaires aux langues
2.2 Biographies langagières
2.2.1 Langue et construction identitaire
2.2.2 Langue et expression identitaire
2.2.3 La langue maternelle
2.3 Sécurité/Insécurité linguistique
2.4 Compétences plurilingues
2.4.1 Compétences bilingues
2.4.2 Le bilinguisme symbolique
2.4.3 Les compétences de communication des sujets bi-plurilingues
2.4.4 Les mélanges de langues
2.5 La transmission des langues
2.6 Problématique et objectifs de recherche
2.6.1 Présentation de la problématique
2.6.2 Les hypothèses
2.6.3 Les objectifs de recherche
Partie 3 : Cadre méthodologique
3.1 L’approche méthodologique
3.1.1 L’enquête par entretien
3.1.2 L’entretien semi-directif
3.2 La constitution de l’échantillon
3.2.2 L’échantillon
3.2.3 Le guide d’entretien
3.2.4 Accès au terrain et difficultés rencontrées
Partie 4 : Analyse des données
4.1 Fiabilité des données
4.2 Analyse des données
4.3 Les attitudes aux langues
4.3.1 Les attitudes envers les langues africaines
4.3.2 Expression de l’identité ethnique
4.3.3 Les attitudes envers le français
4.3.4 Insécurité linguistique dans la pratique du français
4.4 Les choix et les pratiques des langues
4.4.1 L’utilisation des langues en famille
4.4.2 L’utilisation des langues entre les membres de familles migrantes
4.4.3 La transmission réciproque des langues en famille
4.5 Remarques conclusives
Conclusion
Bibliographie

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *