DES CONFLITS « EMBLEMATIQUES » INFLUENÇANT LA GOUVERNANCE TERRITORIALE

DES CONFLITS « EMBLEMATIQUES » INFLUENÇANT LA GOUVERNANCE TERRITORIALE

Une organisation institutionnelle en évolution face à des enjeux majeurs

Une imbrication institutionnel de l’aménagement du territoire

La Réunion connaît une situation institutionnelle très particulière. En effet, l’Ile regroupe plusieurs niveaux institutionnels qui rendent parfois la lisibilité de leurs compétences difficile. Du point de vue européen, elle est une région ultra périphérique8 (RUP). Du point de vue national, elle est une région et un département. Ce qui implique des échelles d’actions identiques mais des compétences différentes. Avec ses 24 communes, l’Ile a une organisation communale réduite. Ces communes sont globalement confrontées à la gestion de territoires importants présentant une réelle diversité de problématiques et de réglementations applicables. Du fait de la superficie communale étendue (généralement une même commune regroupe plusieurs cantons, alors qu’en métropole c’est majoritairement l’inverse), les communes jouent un rôle accru dans les politiques d’aménagement.
L’Ile est aussi découpée en quatre communautés de communes. L’intercommunalité est une organisation relativement récente qui continue à évoluer sur l’Ile. Elle a permis de créer dans sa structure actuelle un échelon intermédiaire qui suit plus au moins le découpage en « micro-région9 » (voir carte 7).
En termes d’outils de planification territoriale, le SAR de 1995 (Schéma d’Aménagement Régional) fait l’objet d’une révision. Au niveau intercommunal, les Schéma de COhérence territoriale (SCOT) couvrent l’ensemble de l’Ile (avec des degrés de finalisation différents). Et au niveau communal, la révision des Plans d’Occupation des Sols (POS) en Plans Locaux Urbanisme (PLU) est en cours dans la majorité des communes.

Une île confrontée à d’importants enjeux

Les différents usages du territoire réunionnais combinés à sa croissance démographique ont des conséquences importantes sur l’organisation et l’aménagement de l’Ile en termes de politique de transport, de gestion et traitement des déchets, ou encore d’alimentation en eau et électricité.
Le phénomène de périurbanisation crée également des situations difficiles en termes de circulation sur l’Ile qui sont accentuées par l’organisation spatiale du réseau routier, contournant le centre de l’Ile trop abrupt, comme nous le montre la carte 7. D’importants mouvements pendulaires entre les « pôles d’emplois » et les lieux d’habitations sont à l’origine de grosses difficultés « d’engorgement » du réseau routier. Pour tenter de réduire ces problèmes de transport, des « grands projets » sont en cours de réalisation : la construction sécurisée de la Route du Littoral, la Route des Tamarins (liaison autoroutière à mi pente entre Saint Paul et l’Etang Salé qui devrait en outre permettre le désengorgement de la zone balnéaire de St Gilles et la Saline) et le Tram-Train dont la première tranche devra relier l’aéroport de Gillot (dans la commune de Sainte Marie) à Saint Paul.
L’Ile est aussi confrontée à la gestion des déchets. Cette préoccupation en charge dans toutes les communes par des structures intercommunales est relativement récente. La gestion des déchets, est aussi réfléchie au niveau départemental, notamment par l’élaboration d’un Plan d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PDEDMA), validé par arrêté préfectoral le 2 février 199610.
L’objectif est d’amener l’Ile, d’ici 2006, aux normes européennes en matière de gestion des déchets par la mise en place d’équipements de traitements adaptés aux besoins. Ce plan prévoit notamment la saturation des deux C.E.T (Centre d’Enfouissement Techniques) dans un futur proche et la construction d’au moins un incinérateur sur l’Ile.
Le développement important de l’usage résidentiel est aussi à l’origine de difficultés dans l’alimentation en eau et en électricité. Deux problèmes majeurs sont à noter concernant ces deux ressources. La première concerne le raccordement des habitations souvent bâties illégalement et très éloignées des réseaux d’alimentation existants. Ceci est à l’origine de surcoût de raccordement. La seconde beaucoup plus préoccupante concerne la disponibilité de ces ressources à moyen et à long terme suite à la croissance démographique et au suréquipement des ménages. Pour répondre à la demande grandissante en électricité, plusieurs projets sont à l’étude : création d’une nouvelle centrale thermique et exploitation d’énergies renouvelables (biomasse à partir des résidus de la canne, éoliennes par exemple).
L’exigüité des surfaces utilisables, la richesse écologique, l’évolution et les caractéristiques socio-économico-politiques de l’Ile de la Réunion sont donc à l’origine de bouleversements spatiaux importants. Cela se traduit, notamment, par un enchevêtrement entre les espaces ruraux et urbains, allant jusqu’à remettre en cause leurs définitions à la Réunion. La combinaison de ces différents facteurs est aussi à l’origine de nombreux points de frictions entre les différents usagers de l’espace et donc potentiellement sources de conflits. Nous assistons, depuis plusieurs années, à la recrudescence d’outils de coordination mis en place par les institutions, afin d’accompagner ces transformations. (Ex : la création du parc national et de la réserve marine).
Forte de toutes ces spécificités, l’Ile de la Réunion rassemble, donc, différents facteurs potentiellement polémogènes. Ces différences, dont certaines sont caractéristiques des départements et territoires d’outre mer (insularité, démographie, biodiversité,…) influencent-elles les dynamiques conflictuelles°? Avant de répondre à cette interrogation il nous semble nécessaire d’apporter des éléments permettant définir le conflit de façon générale et plus particulièrement le conflit d’usage mais aussi de comprendre les raisons qui nous motivent à nous intéresser au conflit d’usage.

Le conflit d’usage : un « mal nécessaire »11 à l’organisation du territoire

Du conflit au conflit d’usage

Comme nous l’avons défini lors de notre travail bibliographique préliminaire (annexe III), le conflit est « une relation entre deux ou plusieurs acteurs dont l’un tend à dominer le champ social de leur rapport » (Touraine, 2002, p 241). Ce phénomène social fut, jusqu’au début du XXème siècle (1908), perçu comme un dysfonctionnement de la société qu’il fallait éviter (Durkheim, 1893). Cette approche du conflit a ensuite été contredite par plusieurs auteurs, comme Simmel (1908) ou Coser (1982), qui considèrent le conflit comme une forme inhérente de toute relation sociale qui serait à l’origine du rééquilibrage et de la structuration de la société. Le conflit qui était avant perçu comme une anomalie qu’il fallait bannir de la société devient alors un « mal nécessaire » qui permet de réajuster les règles et les institutions de la société (Jeanneaux, 2006).
Le conflit d’usage qui est l’objet de cette étude ne constitue qu’une catégorie de conflit. Les économistes le définissent comme la concurrence entre les usages de deux agents pour une même ressource visant un même objectif (Point, 1997). Nous élargirons cette définition économique en considérant la notion de « conflit d’usage » comme un terme générique ne désigne pas uniquement la concurrence d’usages d’une même ressource mais aussi les conflits environnementaux, les conflits d’aménagement, les conflits d’implantation, les conflits d’accès et les conflits de voisinage (Jeanneaux, 2001) (ces différents termes sont plus largement développés dans l’annexe III). Par conséquent, le conflit d’usage résulte pour nous de l’expression d’une divergence de points de vue entre plusieurs usagers d’un bien localisé.

Les différents modes d’engagement possibles

Le conflit se différencie de la tension par la notion d’« engagement » (Torre et Aznar, 2005) ou encore celle de « heurts manifestes » (Mann, 1999). Pour Torre et Aznar (2005) tout est question de gradation de l’intensité de l’opposition. L’engagement crédibilise et publicise la prise de position d’une des parties prenantes. L’usager, qui est en conflit, peut donc utiliser plusieurs modes d’engagement pour exprimer son désaccord concernant l’usage d’un bien localisé. Ces différents modes d’engagement sont :
– l’arbitrage par un tiers soit par le recours en justice ou encore par l’intervention d’un intermédiaire,
– la publicisation qui consiste à revendiquer l’usage soit par médiatisation (presse, média audiovisuel) ou par démonstration (manifestation, installation des pancartes).
– ou encore les Modes Alternatives de Règlements des Conflits M.A.R.C telles que la médiation, la concertation, la consultation.
Depuis les années 1970, les conflits d’usage ont évolué en France métropolitaine. Ces modifications sont liées à la mutation de l’usage du territoire. Le territoire rural et périurbain, qui était jusqu’alors voué à la production agricole, est investi par des « nouveaux venus » donnant à ces espaces un usage résidentiel. Ces nouveaux citoyens souhaitent alors participer aux décisions publiques les concernant. Cette revendication se concrétise d’abord à travers des modes traditionnels d’arbitrage notamment par l’augmentation du nombre de recours en justice, puis par la mise en place de nouveaux modes de coordination entre les différents acteurs impliqués (Jeanneaux, 2006). Outre l’évolution des usages du territoire, d’autres facteurs permettent aussi d’expliquer l’émergence de ces modes de coordination. Ces facteurs sont, (i) la désapprobation du « modèle français de politiques publiques » fondé sur l’arbitrage juridique, (ii) le développement de dynamique de contestation, (iii) l’affaiblissement et le « vieillissement du système notabiliaire12 » et parallèlement (iv) à l’émergence d’une prise de parole de la part des usagers et des populations via les mobilisations associatives (Clayes-Mekdade, 2003).
L’engagement des acteurs dans un conflit peut aussi se cristalliser à travers la publicisation de ce conflit. Cette publicisation se fait grâce à divers moyens de communication allant de la démonstration (par le bais de manifestation ou l’installation de panneaux) à la médiatisation du conflit. Cet engagement peut alors avoir différents objectifs : crédibiliser une position dans le conflit, faire valoir ses intérêts ou encore rechercher des alliés au sein de la population. La médiatisation des conflits peut utiliser plusieurs canaux médiatiques allant de la presse audiovisuelle à la presse quotidienne régionale (PQR).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT PROPOS
TABLE DES MATIERES
LISTE DES CARTES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES GRAPHIQUES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABREVIATIONS
ABSTRACT 
KEYS WORDS 
PARTIE INTRODUCTIVE
I. LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE : L’ILE DE LA REUNION, UN TERRITOIRE CONFLICTUEL
1. UNE ILE PROPICE AUX SITUATIONS POLEMOGENES
1.1 Un patrimoine exceptionnel
1.1.1 Un territoire insulaire
1.1.2 …aux conditions naturelles hostiles,
1.1.3 …au patrimoine naturel exceptionnel
1.1.4 …présentant une histoire sociale singulière
1.2 Des usages multiples et imbriqués du territoire
1.2.1 Différents usages du territoir
1.2.2 Un usage résidentiel en croissance lié à une forte pression démographique
1.2.3 La dynamique des usages productifs
1.2.3.1 La production agricole menacée…mais nécessaire
1.2.3.2 La production halieutique en croissance
1.2.3.3 Les autres activités de productions concentrées dans le littoral Nord et Ouest
1.2.4 Le poids économique de l’usage récréatif
1.2.5 Des usages de conservation multiples
1.3 Une organisation institutionnelle en évolution face à des enjeux majeurs
1.3.1 Une imbrication institutionnel pour l’aménagement du territoire
1.3.2 Une île confrontée à d’importants enjeux
2. LE CONFLIT D’USAGE : UN « MAL NECESSAIRE » A L’ORGANISATION DU TERRITOIRE 
2.1 Du conflit au conflit d’usage
2.2 Les différents modes d’engagement possibles
2.3 Les effets des conflits sur l’organisation du territoire
3. LA PROBLEMATIQUE DE NOTRE ETUDE
II. DE LA COLLECTE DES ARTICLES A LA CARACTERISATION DES CONFLITS
1. LA COLLECTE DES ARTICLES 
1.1 Les caractéristiques de la PQR à la Réunion
1.1.1 L’histoire de la PQR à la Réunion
1.1.2 Les spécificités de la PQR réunionnaise
1.2 Le J.I.R : notre source pour matérialiser les conflits
1.3 L’archivage des articles
1.4 Le tri des articles
1.5 L’analyse critique de la PQR
1.5.1 Les intérêts de la PQR dans notre étude
1.5.2 Les limites de la PQR dans notre étude
2. LA CARACTERISATION DES CONFLITS
2.1 La base de données d’Andycote
2.2 Le traitement des données
2.2.1 Le traitement statistique
2.2.2 Le traitement cartographique
3. LES LIMITES ET AMELIORATIONS POSSIBLES
3.1 Une prise en main difficile
3.2 Des variables peu adaptées au contexte réunionnais
3.3 Des analyses restreintes par la qualité de l’information recensées
3.4 Une période de dépouillement trop courte
3.5 La PQR : une source subjective
III. DES CONFLITS : « MIROIRS » DE LA SOCIETE REUNIONNAISE ET DE SON EVOLUTION
1. DES ARTICLES AUX CONFLITS
2. DU CONFLIT D’USAGE AUX ENJEUX DE TERRITOIRE
2.1 Une répartition géographique inégale des conflits
2.2 Des conflits reflétant des enjeux territoriaux
2.3 Une opposition entre les acteurs de la société civile et les décideurs publiques
2.4 Des modes d’actions encore « individualistes »
2.5 Des échelles d’action très localisées
2.6 Bilan de notre analyse générale
3. DES CONFLITS « EMBLEMATIQUES » INFLUENÇANT LA GOUVERNANCE TERRITORIALE
3.1 Un conflit récurent à la Réunion : la gestion et l’aménagement de la Route du littoral
3.1.1 Une route soumise aux caprices de la nature
3.1.2 Des conflits mettant en cause la responsabilité des pouvoirs publics
3.2 Le conflit emblématique de l’année 2006 : la gestion de l’épidémie de chikungunya
3.2.1 Le chik, un seul moyen de lutte : combattre les gîtes larvaires
3.2.2 Les conflits à propos du chik
3.3 Une solution controversée de la gestion des déchets : la construction d’un incinérateur
3.3.1 L’incinérateur : une volonté des autorités
3.3.2 L’incinérateur : une opposition locale / nationale
3.3.3 L’élimination des déchets vers une décision concertée ?
3.4 Bilan de nos études de cas
PARTIE CONCLUSIVE
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

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