Dépistage du VIH, des hépatites virales, du HTLV1 et de la syphilis

Fréquence de réalisation des tests de dépistage chez les nouvelles personnes détenues

      L’objectif principal de notre étude était de déterminer la fréquence de réalisation des tests de dépistage de l’infection par le VIH, le VHB, le VHC, la syphilis et le HTLV1 chez les nouvelles personnes détenues en Martinique entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014. 461 nouvelles personnes détenues ont été dépistées en 2014, ce qui correspond à 59,3% des 778 nouvelles personnes écrouées (placement sous surveillance électronique compris), et à 70,3% des 656 nouvelles personnes détenues hébergées. Les personnes détenues placées sous surveillance électronique ne sont pas hébergées au centre pénitentiaire et n’ont donc aucun contact avec l’USS. En France, le dépistage des nouvelles personnes détenues doit être systématiquement proposé lors de la consultation d’entrée (5). L’étude PREVACAR réalisée en 2010 est l’étude française de référence concernant la prévalence du VIH et du VHC chez les personnes détenues (4,8) . La fréquence de réalisation des tests de dépistage à l’entrée en détention ne faisait pas partie des objectifs de cette étude. Sur les 1876 dossiers complétés au sein des 27 centres pénitentiaires faisant partie de l’échantillon, 72% avaient des résultats disponibles concernant le VIH, et 70% concernant le VHC. Cette étude a été réalisée à partir de données récupérées sur les dossiers médicaux de personnes détenues hébergées à un jour donné, et ne concerne pas uniquement les dépistages réalisés à l’entrée en détention. Le dernier rapport d’exploitation des données des unités sanitaires en milieu pénitentiaire, édité par le ministère de la santé, date de 2012. L’observatoire des structures de santé des personnes détenues (oSSD) a analysé les données de 173 unités sanitaires sur les 175 existantes. Au niveau national, la fréquence de dépistage était de 49% pour le VIH, 45% pour le VHC, 47% pour le VHB et 39% pour la syphilis. En 2011, le rapport d’exploitation des données de l’oSSD indiquait un taux de dépistage du VIH de 539‰ au niveau national et de 760‰ en Martinique, ce qui en faisait le centre pénitentiaire avec un taux de dépistage le plus fort après la Haute-Normandie. Au niveau national, la fréquence de réalisation des dépistages étaient de 538‰ pour le VHB et de 528‰ pour le VHC, en Martinique respectivement 679‰ et 641‰. Concernant ces données, le nombre de dépistages réalisés a été ramené à 1000 personnes détenues nouvellement incarcérées. Cependant des dépistages peuvent également être réalisés en cours de détention pour certaines personnes détenues, ainsi le résultat ne reflète pas uniquement le taux de couverture de dépistages à l’entrée. L’oSSD ne recense pas les dépistages réalisés en cas d’intervention d’un centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG), intervenant dans une unité sanitaire sur trois d’après l’enquête PREVACAR, ainsi les données ne témoignent pas de l’ensemble des dépistages réalisés. L’ OMS et l’Organisation des Nations Unies Sida (ONUSIDA) ont édité des recommandations de proposition systématique de dépistage du VIH à l’entrée en détention (9). En Estonie, le dépistage du VIH est systématiquement proposé lors de la consultation d’entrée, et reproposé une fois par an si négatif à l’entrée. Une étude portant sur les nouvelles personnes détenues, réalisée du 1er janvier au 31 décembre 2012, a retrouvé une fréquence de réalisation du test de dépistage du VIH de 97,3% (10). En Australie, on ne retrouve pas de stratégie de dépistage uniformisée. Certains centres pénitentiaires imposent un dépistage obligatoire du VIH pour les nouvelles personnes détenues (Northern Territory, Tasmania), d’autres proposent systématiquement le test de dépistage aux nouvelles personnes détenues (Queensland, South Australia, Western Australia) et certains un dépistage ciblé pour les populations à haut risque (New South Wales). En 2006, la fréquence de dépistage du VIH était de 100% pour les nouveaux entrants pour le Northern Territory, de 31% pour le New South Wales et de 28% en South Australia (11). Aux Etats-Unis, depuis 2009, les instances sanitaires dont le Center for Disease Control (CDC) recommandent une proposition de dépistage systématique pour les nouvelles personnes détenues (12). Ainsi, avant 2010, la proposition de dépistage du VIH était réalisée en Californie uniquement sur demande de la personne détenue. En 2010, the California Correctional Health Care Services (CCHCS) a recommandé la proposition de dépistage systématique pour les nouvelles personnes détenues. Une étude portant sur les 17436 nouvelles personnes détenues d’avril à septembre 2012 a retrouvé un taux de dépistage de 77% pour le VIH (13). Les études sur la fréquence de réalisation des tests de dépistage chez les nouvelles personnes détenues portent majoritairement sur le VIH. Les recommandations françaises de proposition de dépistage systématique à l’entrée en détention sont similaires à celles préconisées au niveau international, avec une harmonisation justifiée par la fréquence plus importante d’infection à VIH en milieu carcéral. Dans notre étude, la fréquence de réalisation des tests de dépistage chez les nouvelles personnes détenues hébergées (70,3%) peut être considéré comme correcte au vu des taux de dépistage retrouvés en France comme à l’étranger, mais reste cependant non satisfaisante. La fréquence de réalisation des tests de dépistage dans notre étude diminue à 59,3% si on prend en compte les personnes écrouées mais non hébergées, placées sous surveillance électronique. Selon les recommandations françaises, le dépistage doit concerner les personnes placées « sous main de justice », ce qui inclut les personnes prévenues (en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire) et les personnes condamnées. Le dépistage des personnes non hébergées devrait donc être organisé même si les conditions de réalisation pratique semblent difficiles.

Fréquence de réalisation des prélèvements

     La fréquence de réalisation des prélèvements pour les personnes détenues ayant accepté le dépistage est acceptable (89,7%). Parmi les 53 personnes détenues non prélevées, la cause la plus fréquemment retrouvée est la courte durée d’incarcération (28 personnes détenues soit 52,8% sorties moins de 30 jours après la consultation d’entrée). Le défaut de programmation est retrouvé une seule fois. Les refus de prélèvements sont trop fréquents (24 personnes détenues soit 45,3%), les personnes détenues ayant soit refusé de se rendre à l’USS, soit refusé le prélèvement en lui-même. Lors de la consultation d’entrée, il est donc nécessaire de bien préciser que le dépistage se réalise à partir d’un prélèvement sanguin, et que la personne détenue sera appelée à l’USS dans les semaines qui suivent, afin de limiter les refus ultérieurs. La réalisation du prélèvement sanguin à l’issue de la consultation d’entrée permettrait d’améliorer considérablement sa fréquence de réalisation mais n’est pas toujours envisageable en pratique. La question de l’utilisation des nouveaux tests rapides à orientation diagnostique (TROD) est posée, car présente l’avantage d’une réalisation et d’un rendu immédiats. Le coût encore élevé, non pris en charge par certaines structures, le temps, la technique de réalisation et le fait que tous les virus ne puissent pas encore être dépistés lors d’un test unique, n’ont pas amené à l’utiliser dans notre centre excepté pour quelques cas (refus de prise de sang, refus de dépistage VIH pour des raisons de confidentialité…).

Délais entre chaque étape-clé

      Le délai médian entre l’incarcération et la consultation d’entrée était de 3 jours [2-4], extrêmes : 0-41 jours. Les extrêmes (3 délais de plus de trente jours) correspondent à des personnes détenues ayant refusé à deux reprises la consultation d’entrée, et qui ont finalement été consultées par le personnel médical à l’occasion d’une demande de consultation de leur part. Les recommandations françaises n’imposent pas de délai pour cette consultation obligatoire. Le CPD souffre d’une importante surpopulation carcérale (7) et d’un sous-effectif de personnel médical à l’USS. En effet, dans le rapport public annuel de la Cour des comptes de 2014 (27), la Martinique avait le taux régional le plus bas en médecin généraliste au sein des USS. Malgré ces obstacles, le délai entre l’incarcération et la consultation d’entrée est très satisfaisant. Le délai médian entre la consultation d’entrée et le prélèvement était de 15 jours [1-18], extrêmes 1-241 jours, les extrêmes les plus élevés correspondant aux personnes détenues ayant accepté lors d’une nouvelle proposition de dépistage. Ce délai reflète l’efficacité de la programmation des prélèvements dans un délai rapide. Ce délai étant inférieur à six semaines, les personnes détenues ayant un résultat de dépistage négatif doivent être prélevées à nouveau si une prise de risque a eu lieu juste avant l’incarcération. Le délai médian entre le prélèvement et la remise des résultats était de 20 jours [13-34], extrêmes : 3- 147 jours. Ce délai est long pour les personnes détenues en attente de leur résultat, mais il prend en compte le cheminement des prélèvements jusqu’au CHU, leur analyse, la lecture des résultats par le médecin infectiologue, et la programmation par le secrétariat des consultations de remise. Une procédure pour raccourcir ce délai devrait être établie dans notre centre, d’autant que les résultats biologiques sont désormais visibles et imprimables par le médecin par voie électronique. Le délai médian entre l’incarcération et la remise des résultats était de 40 jours [31-56], extrêmes : 16- 250 jours. Ce délai parait beaucoup trop long et inadapté dans un contexte d’anxiété majorée par le milieu carcéral. La mise en place de la télémédecine (dans notre centre depuis 2015) permet la remise des résultats ne nécessitant pas de suivi spécialisé par un médecin infectiologue à distance, diminuant ainsi le délai de remise des résultats.

CONCLUSION

     Les publications scientifiques concernant la fréquence de dépistage à l’entrée en détention sont rares. Dans notre étude, la fréquence de dépistage des nouvelles personnes détenues au CPD est notable mais reste encore non satisfaisante, et pourrait être améliorée. Les causes principales de non dépistage sont les sorties d’incarcération et les refus. Le délai d’incarcération particulièrement court est dû aux transfèrements fréquents et aux libérations rapides (personnes détenues hébergées prévenues et non condamnées). Concernant les refus, la procédure du CPD nécessite une réactualisation et un rappel pour les principaux acteurs du dépistage : le motif du refus devrait être noté systématiquement, et permettrait de mieux connaître les craintes des personnes détenues et les obstacles au dépistage, afin d’adapter les stratégies d’information et de prévention. La programmation d’une seconde consultation pour nouvelle proposition de dépistage n’a pas été respectée dans notre étude. Le délai pour le renouvellement de la proposition de dépistage devrait aussi être discuté et notifié dans la procédure. Une vigilance est nécessaire pour les dépistages très précoces après l’incarcération. Lors de prise de risque récente, un deuxième contrôle sérologique doit être proposé. Les recommandations sont en faveur d’un renouvellement régulier de la proposition de dépistage au cours de l’incarcération (au minimum une fois par an) au vu des conduites à risque retrouvées en prison (tatouages, pose d’implants péniens, partage de matériels, relations entre hommes…) (15), mais ne doivent pas faire manquer le dépistage au moment de l’incarcération. Le dépistage à l’entrée en détention est l’opportunité de dépister précocement et de prendre en charge ces personnes qui, pour la plupart, ont eu peu de contacts médicaux antérieurs à leur incarcération. L’information et la prévention sont donc capitales pour cette population qui manque souvent de connaissance vis-à-vis des risques de transmission virale. La crainte du non-respect de la confidentialité est un frein au dépistage et à la prise en charge. Nous avons évoqué le cas de la personne détenue n’ayant pas déclaré sa séropositivité au VIH lors de la consultation d’entrée, et qui a présenté une toxoplasmose cérébrale dans les mois qui ont suivi son entrée en détention. Certaines personnes détenues séropositives pour le VIH refusent de poursuivre leur traitement par crainte que les codétenus n’apprennent leur maladie s’ils les voient prendre leur traitement dans leur cellule. Il arrive aussi que les personnes détenues refusent la distribution quotidienne du traitement à l’USS de peur que le personnel pénitentiaire ne découvre leur maladie. Ceci illustre bien la nécessité de réaliser des actions de formation à la fois pour les détenus et pour le personnel pénitentiaire afin d’améliorer leurs connaissances sur le sujet et espérer voir ainsi la discrimination diminuer (28). Outre les connaissances sur la maladie et ses risques de transmission, ces formations devraient aussi porter sur les mesures de réduction des risques et la conduite à tenir en cas d’accident d’exposition au sang ou sexuelle (AES).

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
DISCUSSION
Fréquence de réalisation des tests de dépistage chez les nouvelles personnes détenues
Fréquence de réalisation de la consultation d’entrée obligatoire
Fréquence de proposition de dépistage à l’entrée en détention
Fréquence des refus de dépistage
Fréquence de réalisation des prélèvements
Résultats biologiques des 461 prélèvements réalisés
Fréquence de remise de résultats
Délais entre chaque étape-clé
Fréquence des nouvelles personnes détenues non dépistées
CONCLUSION

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