Délivrance d’anticancéreux par ultrasons

Le développement de méthodes de délivrance ciblées de médicaments est devenu un objectif primordial dans le cadre des thérapies anticancéreuses afin de limiter les effets secondaires, inhérents à la toxicité très élevée des chimiothérapies traditionnelles sur les tissus sains, mais également de manière à augmenter la concentration en médicament dans les zones ciblées (tumeurs) par rapport aux autres parties du corps. Pour partie, les systèmes de délivrance sont des systèmes passifs, où des transporteurs de molécules thérapeutiques sont soit « adressés » directement à la zone à traiter grâce à une fonctionnalisation de surface appropriée (présence d’anticorps par exemple), soit accumulés dans les tissus cancéreux du fait de leur perméabilité accrue et de l’effet de rétention existant dans ces zones. Cependant, il n’existe malheureusement que peu de marqueurs spécifiques des zones tumorales. Afin de s’affranchir de la fonctionnalisation de surface par des marqueurs tumoraux, il est possible de combiner l’utilisation de transporteurs biocompatibles avec un moyen de déclencher à distance, de manière non invasive, et de façon spatialement déterminée, l’ouverture de ces transporteurs et la libération de leur contenu. Dans ce cadre, les ultrasons apparaissent comme une méthode de déclenchement de choix du fait de leur capacité à se propager profondément dans les tissus humains, sans pour autant être invasifs ou destructifs. C’est dans ce contexte que s’inscrit la première partie de cette thèse. Nous y décrirons une nouvelle stratégie de délivrance appelée « chimie in situ », basée sur l’encapsulation de molécules dans des doubles émulsions dont la phase perfluorocarbonée centrale est vaporisable sous l’effet d’ultrasons cliniques. Cette stratégie permettrait d’isoler des partenaires réactionnels et ainsi générer in situ des réactions chimiques contrôlées, par libération ultrasonore des composés encapsulés.

Délivrance d’anticancéreux par ultrasons

Généralités

Augmenter l’index thérapeutique (à savoir le rapport entre la dose toxique moyenne et la dose thérapeutique moyenne) des composés anticancéreux représente l’un des défis majeurs de l’industrie pharmaceutique pour le développement de nouvelles drogues. Dans cette perspective, des systèmes de délivrance ciblée ont été développés afin d’améliorer les propriétés pharmacologiques et thérapeutiques des drogues administrées. En particulier, en oncologie, la délivrance ciblée d’anticancéreux est devenue l’un des moyens les plus explorés pour limiter les effets secondaires des chimiothérapies traditionnelles sur les tissus sains du patient. Elle consiste à combiner l’utilisation d’un transporteur biocompatible contenant le principe actif ou bien fixé sur celui-ci avec un moyen soit de cibler passivement les tissus visés (taille, fonctionnalisation de surface), soit de déclencher à distance et de façon spatialement précise l’ouverture de ce transporteur afin d’administrer localement le produit encapsulé. Les ultrasons sont un moyen de choix pour agir à distance sur ces transporteurs. En effet, les ultrasons cliniques utilisent des ondes acoustiques qui ne sont ni invasives ni destructives pour les tissus traversés. Leur profondeur de pénétration dans les tissus permet virtuellement d’atteindre les mêmes zones du corps qu’en imagerie échographique. La précision spatiale de la délivrance est assurée par la focalisation des ondes dans la zone à traiter, selon des techniques déjà établies dans le cadre du diagnostic ou de la thérapie par ultrasons, à savoir qu’une pénétration centimétrique pour une résolution millimétrique est possible. Ayant identifié les ultrasons comme outil de « transmission » pour déclencher le largage, le défi qui s’imposait à nous était de concevoir des transporteurs sensibles au signal ultrasonore, mais qui soient également biocompatibles et stables en milieu biologique en l’absence de sollicitation acoustique. L’émergence de méthodes de délivrance par ultrasons ayant été grandement favorisée par le développement et l’utilisation clinique de microbulles comme agents de contraste pour l’imagerie, l’utilisation des microbulles a naturellement été « élargie » au transport de molécules thérapeutiques. Cependant, nous allons voir que de nombreuses autres stratégies ont été explorées, utilisant toute une gamme de transporteurs. Le largage des produits transportés s’effectue de manière générale selon deux types de mécanismes : thermique ou mécanique. Parfois, certaines stratégies exploitent également une combinaison de ces deux mécanismes de manière synergique.

Méthodes de délivrance thermique de principes actifs

Dans les cas de délivrance de produits par voie thermique, il est nécessaire d’induire sous l’effet des ultrasons une augmentation locale de température dans la zone à traiter. Cela implique en général l’utilisation de transducteurs à ultrasons focalisés (FUS) pendant des temps de traitement relativement longs (de plusieurs secondes à plusieurs dizaines de minutes). Afin de limiter l’intensité acoustique requise pour le largage des composés encapsulés et ainsi circonscrire au maximum l’élévation de température aux tissus ciblés et d’éviter l’endommagement des tissus sains, les transporteurs sont majoritairement conçus pour être capable de délivrer leur contenu à des températures tout juste supérieures à la température physiologique (42-43 °C).7 En effet, au delà de 43 °C, l’hyperthermie peut entraîner la mort des cellules exposées.

Les liposomes thermo-sensibles (« Thermo-Sensitive Liposomes » ou TSL) sont les transporteurs à délivrance thermique les plus décrits dans la littérature. Ils sont composés d’une solution aqueuse encapsulée au sein d’une ou plusieurs bicouches lipidiques (Figure I.1).

Des agents thérapeutiques peuvent être encapsulés dans les bicouches lipidiques (dans le cas d’agents à caractère lipophile) ou dans la solution aqueuse (dans le cas de drogues à caractère hydrophile). Dans ce dernier cas, un exemple connu est celui du « Doxil », un agent liposomal approuvé en 1995 par la FDA aux Etats-Unis, et transportant de la « doxorubicine », un composé anticancéreux. Cet agent liposomal permet de diminuer significativement la toxicité de la doxorubicine tout en autorisant un ciblage des zones tumorales pour la libération de l’agent anticancéreux. Un agent liposomal thermosensible contenant également de la doxorubicine, le «ThermoDox®», développé par l’entreprise Celsion, est actuellement en phase II pour le traitement du cancer du sein.

Des structures dites de « glissières à leucine » peuvent également être intégrées à la membrane de ces liposomes, comme décrit dans les travaux de Al-Ahmady et al. (Figure I.2). Le fait d’insérer dans la structure des liposomes un peptide thermosensible tel qu’une « glissière à leucine »  permet de pouvoir rompre l’unité de la membrane liposomale sous l’effet d’une hyperthermie modérée. En effet, les glissières à leucine sont connues pour leur structure hélicoïdale. Sous l’effet du chauffage, les brins de cette hélice vont se dissocier et permettre ainsi l’ouverture du liposome et le largage de son contenu dans le milieu environnant .

Délivrance mécanique de principes actifs à l’aide de microbulles

La délivrance de produits thérapeutiques peut également être réalisée en imposant un stress mécanique important sur les transporteurs de ces produits à l’aide d’ultrasons. C’est notamment le cas lors de l’utilisation de microbulles comme transporteurs.

Nous avons vu précédemment que les chercheurs impliqués dans la délivrance de médicaments s’étaient naturellement tournés vers l’utilisation de MicroBulles (MB), en raison de l’utilisation déjà répandue de ces dernières en clinique en tant qu’agents de contraste. En effet, ces entités composées d’un cœur gazeux sont particulièrement échogènes, et leur signal est facile à isoler en exploitant leur comportement non-linéaire, qui se traduit par des réponses acoustiques qui varient non linéairement avec l’amplitude de l’onde incidente. Grâce à leurs propriétés de compressibilité, leur rayon peut varier rapidement (jusqu’à un facteur deux) une fois placées dans un champ acoustique, entraînant des effets mécaniques notables sur le milieu environnant. Des pressions acoustiques suffisamment élevées vont mener jusqu’à la rupture de la coque lipidique des MB.

C’est cette réponse aux pressions acoustiques qui permet d’envisager l’utilisation des MB pour la délivrance de composés thérapeutiques. En effet, la rupture de la coque lipidique provoque le largage des composés adsorbés ou liés à sa surface. Le déplacement des fluides environnants sous l’effet des oscillations des microbulles dans le champ acoustique facilite la diffusion et la pénétration des composés thérapeutiques. Ces effets ne dépendent pas d’une élévation locale de température mais plutôt de la fréquence et de la pression acoustique maximale. La délivrance de composés encapsulés dans des MB est de ce fait compatible avec des systèmes ultrasonores de faible intensité, voire même des appareils de diagnostic, et seules de courtes impulsions ultrasonores sont nécessaires pour obtenir l’effet désiré.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I Utilisation de doubles émulsions sensibles aux ultrasons pour la chimie in situ
I.1. Introduction
I.2. Délivrance d’anticancéreux par ultrasons
I.2.1 Généralités
I.2.2 Méthodes de délivrance thermique de principes actifs
I.2.3 Délivrance mécanique de principes actifs à l’aide de microbulles
I.2.4 Combinaison des effets thermique et mécanique des ultrasons
I.2.5 Méthodes de ciblage
I.2.6 Limites et perspectives
I.3. Contrôle spatio-temporel d’une réaction chimique
I.3.1 Généralités
I.3.2 Contrôle par photo-activation à distance de la réaction
I.3.2.1 Introduction
I.3.2.2 Photo-activation de réactions de cycloaddition non catalysées
I.3.2.3 Photo-activation de réactions « click » catalysées au cuivre
I.3.2.4 Utilisation de composés photo-labiles
I.3.3 Contrôle par encapsulation et largage des réactifs
I.3.3.1 Introduction
I.3.3.2 Utilisation de capsules métalliques combinées à des champs radio-fréquence
I.3.3.3 Cages d’or photo-sensibles
I.3.3.4 Microgouttes
I.3.3.5 Conclusion
I.3.4 Résultats et discussion
I.3.4.1 Introduction
I.3.4.2 Fabrication des microgouttes de perfluorocarbone
I.3.4.3 Choix d’une réaction modèle
I.3.4.4 Synthèse
I.3.4.4.(1) Synthèse de l’azidocoumarine, A
I.3.4.4.(2) Synthèse du cyclooctyne, B
I.3.4.4.(3) Réaction de click 1 et 2
I.3.4.5 Analyse spectroscopique
I.3.4.6 Optimisation de l’encapsulation des composés A et B
I.3.4.7 Largage avec un transducteur monoélément en canal microfluidique
I.3.4.8 Largage avec un échographe clinique dans une plaque OptiCell
I.3.4.9 Conclusion
I.4. Etude in vitro de la fabrication in situ d’un anticancéreux
I.4.1 Introduction
I.4.2 Choix du système prodrogue/enzyme
I.4.3 Encapsulation des composés
I.4.3.1 Etude de l’encapsulation de composés dilués
I.4.3.2 Encapsulation des composés actifs
I.4.4 Conditions expérimentales
I.4.4.1 Montage expérimental
I.4.4.1 Protocoles de délivrance
I.4.4.2 Traitement des données expérimentales
I.4.5 Résultats et discussion
I.4.5.1 Contrôles
I.4.5.2 Délivrance de HMR1826/doxorubicine
I.4.5.3 Délivrance de MMAE-glu/MMAE
I.4.5.3.(1) Expériences en transfert
I.4.5.3.(2) Expériences avec contact de 72 h
I.4.6 Conclusion de l’étude in vitro
I.5. Conclusion
I.6. Perspectives
I.7. Partie expérimentale
I.7.1 Généralités
I.7.2 Synthèse des composés A et B
I.7.3 Fluorescence des composés A et B synthétisés
I.7.4 Système de production de gouttes
I.7.5 Largage ultrasonore en microfluidique
I.7.6 Protocole de culture cellulaire
Chapitre II Mélange dans des systèmes microfluidiques
II.1. Le mélange en microfluidique : un défi
II.1.1 Introduction
II.1.2 Forces en jeu
II.1.3 Mélangeurs passifs
II.1.4 Mélangeurs actifs
II.2. Principe du micromélange acoustique
II.2.1 Stratégie employée
II.2.2 Conception du système microfluidique et montage expérimental
II.2.3 Cas expérimentaux
II.3. Caractérisation du micromélangeur acoustique
II.3.1 Evaluation de la qualité du mélange
II.3.1.1 Principe de la mesure et application au cas hydrophobe
II.3.1.2 Cas hydrophile
II.3.2 Etude de la gamme de nombres de Reynolds atteignable
II.3.3 Capacité de mélange à la demande
II.3.4 Etude du mécanisme de mélange
II.3.5 Eléments de la cinétique de mélange
II.4. Conception d’un système intégrable
II.4.1 Etude de la cinétique de démixion du PFC
II.4.2 Mise au point d’un système d’extraction du PFC
II.5. Conclusion
II.6. Perspectives
II.7. Partie expérimentale
II.7.1 Généralités
II.7.2 Préparation des fluides étudiés
Annexe 1 : Fabrication des systèmes microfluidiques
A1.1. Fabrication du moule de silicone
A1.2. Fabrication des puces
Annexe 2 : Etalonnage du transducteur ultrasonore mono-élément et alignement avec le système optique
A2.1. Montage électronique et paramètres en jeu
A2.2. Etude de la pression acoustique autour du point focal
A2.3. Variations de la pression acoustique
A2.4. Alignement du transducteur avec l’axe optique d’un microscope
Annexe 3 : Publications
Conclusion générale

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