Défis de la collaboration entre enseignant spécialisé et enseignant ordinaire 

Collaboration

Dans la littérature, plusieurs auteurs définissent la « collaboration » différemment. Comme le soulignent Friend et Cook (2010), cités par Mireille Leblanc (2011) : « Le concept de collaboration est difficile à délimiter, car il existe peu de définitions claires et précises de ce phénomène » (p.38). Le Petit Robert (2012) propose une définition de la collaboration au sens large : « travail en commun, action de collaborer avec quelqu’un ». D’après Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud (2007), cités par Benoit et Angelucci (2011), « la collaboration est le fait que « plusieurs enseignants travaillent ensemble à la poursuite d’un objectif commun et d’un projet commun, même s’ils assumeront individuellement leurs tâches face aux élèves » (p.108). Nous pouvons donc constater une évolution entre la définition du Petit Robert et celle de Benoit et Angelucci, car la deuxième ajoute l’idée de poursuivre un objectif commun. Leblanc (2011), quant à elle, propose une synthèse des éléments qu’elle juge fondamentaux dans la collaboration: « une participation volontaire, un statut égalitaire entre les personnes, l’adhésion à des buts communs, ainsi que le partage des rôles, des responsabilités et des expertises» (p.39).
Nous parlons de collaboration entre enseignant ordinaire et enseignant spécialisé en classe et non pas de co-enseignement, car travailler ensemble n’implique pas forcément du co-enseignement. Ce dernier est défini par Friend (2008) comme « le partenariat entre un enseignant régulier et un enseignant spécialisé, ou un autre spécialiste, dans le but d’enseigner conjointement, dans une classe de l’enseignement régulier, à un groupe hétérogène d’élèves – incluant ceux qui sont en situation de handicap ou qui ont d’autres besoins particuliers – afin de répondre à leurs besoins d’apprentissage de manière flexible et délibérée » (Friend 2008 et 2010, cité par Benoit & Angelucci, 2011, p. 108). Nous pouvons constater que les auteurs parlent d’un enseignement conjoint. Selon Benoit & Angelucci (2011) ceci « implique non seulement la co-instruction, mais également la coplanification et la coévaluation d’un groupe classe (Murawski 2003, dans Murawski et Hughes, 2009). Ce sont trois composantes sine qua non du coenseignement (Murawski et Lochner, 2011) » (p.108).

Trouver des moments de partage

Leblanc (2011) affirme que « la fréquence des rencontres de soutien semble exercer une influence sur la perception de la qualité des relations de collaboration vécues » (p.115).
Pourtant, certains enseignants pensent que « le soutien offert à travers ces rencontres formelles, qui se déroulent pendant et surtout après la classe, apportent peu de bénéfices tangibles et représentent surtout un surplus de travail qui les empêche de planifier leur prochaine journée d’enseignement » (Leblanc, 2011, p.115). Avec les emplois du temps chargés des partenaires, il est en effet difficile de trouver un moment qui convient aux deux. « Le temps de travail en commun est l’un des obstacles les plus fréquemment rencontrés dans la pratique » (Bauwens et Hourcades, 1991; Compton et al., 1998; Wood, 1998; Kohler-Evans, 2006; Wischnowski, Salmon et Eaton, 2004, cités par Benoit et Angelucci, 2011, p.140).
De plus, en fonction de l’implication des enseignants, cela pourrait être plus ou moins facile de trouver du temps. « L’engagement personnel dans tout processus de collaboration découle d’une ferme croyance dans les bienfaits et dans la valeur intrinsèque de la collaboration » (Friend et Cook cités par Leblanc, 2010, p.114). Comme l’affirment Benoit et Angelucci (2011), « l’implication des enseignants dans le choix de leur partenaire et dans l’organisation de la planification d’intervention favoriserait la pratique d’un coenseignement plus efficace » (p.113). L’implication dépend donc de la perception qu’ils ont de la collaboration ainsi que de la possibilité de choisir comment cette dernière va se dérouler et avec qui.

Clarifier les rôles

Comme le précisent Dieker et Murawski (2003), cités par Benoit et Angelucci, « les rôles et les responsabilités des coenseignants nécessitent d’être clarifiés » (p.114). En effet, comme l’analyse Tremblay (2012), « l’enseignement ordinaire est considéré comme un enseignement qui ne conviendrait qu’à une partie, certes majoritaire, des élèves. L’enseignement spécialisé serait une réponse à l’incapacité de l’enseignement primaire ordinaire de prendre en charge ces élèves et de permettre leur réussite » (p.29). Quant à l’enseignant ordinaire, il reste la personne de référence auprès de ces élèves. En effet, «dans un contexte scolaire inclusif, l’enseignante ou l’enseignant de classe ordinaire est donc le premier intervenant auprès de tous les élèves de son groupe-classe et est également l’intervenant qui passe le plus de temps avec les élèves qui y sont inclus» (Leblanc, 2011, p.19).
Si nous étions amenées à collaborer avec un enseignant spécialisé au sein même de la classe, « il serait judicieux que les membres de la direction assignent des fonctions professionnelles précises en définissant un cahier des charges pour chacun des intervenants de la classe. Cela permettrait d’éviter une déprofessionnalisation ou une frustration réciproque des professionnels qui travaillent conjointement » (Isherwood et Barger-Anderson, 2007, cités par Benoit et Angelucci, 2011, p.114). Clarifier les rôles permettrait d’éviter certaines situations où l’enseignant spécialisé serait vu comme un assistant. Selon Benoit et Angelucci (2011), « le coenseignement serait employé de manière moins efficace qu’il ne le pourrait (Scruggs, Mastropieri et McDuffie, 2007), car, dans bien des situations, l’enseignant spécialisé serait relégué à un rôle de subordination (Isherwood et Barger-Anderson, 2007; Keefe et Moore, 2004; Mastropieri et al., 2005; Murawski, 2006; Scruggs, Mastropieri et McDuffie, 2007) » (p.111).
Selon nous, le rôle principal de l’enseignant spécialisé est de répondre à des besoins de l’enseignant pour les besoins de l’enfant. Le but étant que l’enseignant ordinaire soit outillé pour aider l’élève même lorsque l’enseignant spécialisé n’est pas présent en classe.

Définir des objectifs communs

Un aspect de la collaboration est « l’adhésion à des buts communs » (Leblanc, 2011, p.39). Allenbach (2010) souligne différentes questions concernant la cible ou l’intention de l’intervention comme « sur qui, ou sur quelles relations, l’intervention va-t-elle porter ? Sur un enfant (son développement, ses difficultés, ses compétences) ? (…) Sur un enseignant pour aider l’enseignant à analyser une situation difficile et y faire face ? ». L’enseignant spécialisé et l’enseignant ordinaire peuvent donc s’interroger sur ces différents aspects afin d’être au clair sur la situation qu’ils vont tenter de résoudre ensemble.
De plus, comme le disent Beaumont, Lavoie & Couture (2010) « Par exemple quand le but commun poursuivi par l’équipe est d’aider un élève à mieux s’adapter socialement, l’enseignant, le psychologue, le psychoéducateur et le directeur, bien qu’ayant des visions différentes sur les moyens à mettre en place, ne perdront pas de vue l’objectif fixé de ce travail de collaboration même s’ils peuvent débattre de leurs idées personnelles » (p.7). Il faudrait donc convenir ensemble des objectifs à poursuivre et réguler les actions mises en place pour les atteindre au fil de l’année en fonction de ce qui se passe en classe. Selon nous, il ne faudrait pas s’éloigner de cet objectif, le rappeler régulièrement en faisant le point sur les acquis ou le redéfinir en fonction de l’évolution, car un enseignant spécialisé intervient généralement dans une classe pour résoudre une situation problématique ou accompagner l’enseignant ordinaire dans une situation particulière.

Accepter l’autre

Il est parfois difficile pour un enseignant ordinaire qui a l’habitude d’être seul dans sa classe d’y accueillir une personne inconnue, surtout quand celle-ci est présente dans l’optique de résoudre une situation problématique que l’enseignant ne peut pas gérer seul (Tremblay, 2012). « Le respect mutuel entre enseignants, et à l’égard de leurs domaines de compétence respectifs, est également un facteur qui influence la mise en œuvre et l’adoption du coenseignement (Mastropieri et al., 2005; Weiss et Brigham, 2000), tout comme la nécessité d’être ouvert et prêt à l’échange (Tilman et Ouali, 2001) » (Benoit et Angelucci, 2011, p. 112). Toutefois, des tensions pourraient apparaître si une relation d’expertise s’installe entre l’enseignant ordinaire et l’enseignant spécialisé. Cette relation est définie par Allenbach, Bori-Anadon, Leblanc, Paré, Rebetez et Tremblay (à paraître 2015) lorsque « l’intervenant place l’enseignant dans une position d’ignorant (Vial et Caparros-Mencacci, 2007) ; l’enseignant soumet une situation à laquelle il est confronté à l’intervenant-expert qui expose, voire impose son analyse ainsi qu’une marche à suivre » (p.7).
En effet, comme le dit Allenbach (à paraître 2015) « ce positionnement fait obstacle au développement de pratiques collaboratives car il contribue au sentiment d’incompétence de l’enseignant régulier, ce qui n’est pas propice à mobiliser son avis, ses ressources et son engagement dans une collaboration » (p.6). Il serait donc préférable qu’il y ait une relation d’accompagnement entre les deux partenaires et non d’expertise. La relation d’accompagnement est définie par Allenbach & al. (à paraître 2015) comme l’intervenant qui « accompagne l’enseignant ordinaire dans ses réflexions, tout en lui offrant ses connaissances, mais sans estimer savoir mieux que l’enseignant ce qu’il doit faire » (p.7).
Pour que cette relation se déroule dans la confiance, plusieurs intervenants mettent en avant qu’ « un travail sur sa posture, de non-jugement, de distanciation de figure d’expert ; une posture d’humilité, qui mette en confiance l’interlocuteur, et montre l’intérêt que l’on porte à prendre en compte son avis » (Allenbach, 2013, p.14).

Développer des relations satisfaisantes

La collaboration peut procurer un sentiment de satisfaction chez les partenaires. En effet, « la collaboration aurait également pour effet de consolider la confiance en soi et de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté partageant les mêmes préoccupations pédagogiques, ce qui assoit la certitude dans l’action (Tilman et Ouali, 2001) » (Benoit et Angelucci, 2011, p.112).
Comme le disent Beaumont, Lavoie & Couture (2010) « les pratiques collaboratives et le soutien personnel et professionnel qu’ils en retirent influencent la motivation des enseignants, leur engagement et leur satisfaction au travail » (p.11).
Il ne faut pas oublier qu’autant l’enseignant spécialisé que l’enseignant ordinaire ont des compétences différentes et que chacun peut apprendre de l’autre et ainsi pouvoir se confronter à des situations problématiques avec plus d’assurance et de nouvelles ressources. En effet, comme le souligne Tremblay (2010) : « le contact et la collaboration avec leur collègue leur aurait permis d’acquérir de nouveaux savoirs et de nouvelles compétences professionnelles » (p.80). Le défi serait, selon nous, de parvenir à une relation satisfaisante pour les partenaires.

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Table des matières

1. Introduction 
2. Problématique
3. Définitions 
3.1 Collaboration
3.2 Défis
4. Défis de la collaboration entre enseignant spécialisé et enseignant ordinaire 
4.1 Trouver des moments de partage
4.2 Clarifier les rôles
4.3 Définir des objectifs communs
4.4 Accepter l’autre
4.5 Développer des relations satisfaisantes
5. Méthodologie 
6. Présentation et analyse des résultats 
6.1 Trouver des moments de partage
6.1.1 Actrices de la collaboration
6.1.2 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.1.3 Discussion
6.2 Clarifier les rôles
6.2.1 Actrices de la collaboration
6.2.2 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.2.3 Discussion
6.3 Définir des objectifs communs
6.3.1 Actrices de la collaboration
6.3.2 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.3.3 Discussion
6.4 Accepter l’autre
6.4.1 Actrices de la collaboration
6.4.2 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.4.3 Discussion
6.5 Développer des relations satisfaisantes
6.5.1 Actrices de la collaboration
6.5.2 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.5.3 Discussion
6.6 Catégorie émergente : Choisir les modalités de travail
6.6.1 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.6.2 Discussion
6.7 Catégorie émergente : Mobiliser des compétences relationnelles
6.7.1 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.7.2 Discussion
6.8 Catégorie émergente : Parvenir à co-planifier
6.8.1 Actrices de la collaboration
6.8.2 Récits de collaborations : Entretiens de recherche
6.8.3 Discussion
7. Synthèse 
8. Conclusion 
9. Bibliographie

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