Définition et contextualisation du slam de poésie

Nous avons tous, à un moment où un autre, entendu parler du slam de poésie. Que nous l’aimions ou pas, que nous en entretenions une idée préconçue ou non, que nous le reconnaissions comme de la poésie ou plutôt comme une menace à l’intégrité de celle-ci, le slam existe, et il s’acharne à exister. Bien plus qu’une simple mode passagère de production et de diffusion de la poésie orale, le slam s’affirme en tant que véritable mouvement culturel, sa poésie prenant d’assaut tant les scènes ouvertes des bars les plus miteux que les classes des institutions scolaires, en plus de s’attaquer aux publics de l’industrie musicale et du monde du spectacle. Malgré que certains puristes du milieu littéraire s’acharnent encore à nier l’importance du slam, le fait est que le mouvement continue de s’étendre à l’échelle mondiale, à un point tel que refuser d’en admettre l’existence et la pertinence témoigne pratiquement d’une forme d’autisme culturel. Cela dit, il faut toutefois comprendre que le slam provoque une certaine vague de mécontentement chez certains littéraires plus conservateurs. Et pourquoi donc? En quoi le slam pourrait-il «nuire» au milieu littéraire? Se voulant une forme d’expression extrêmement accessible et populaire, le talon d’Achille du slam n’est certainement pas son caractère pandémique, lequel donne la piqûre poétique à plusieurs jeunes poètes en devenir qui, sans le médium qu’offre la poésie orale compétitive, n’auraient peut-être jamais soupçonné chez eux un tel appétit pour l’art poétique. Sa laideur, ce n’est pas non plus (surtout pas) son visage au rictus bâtard, dont l’on peut tordre et moduler à sa guise les traits flous afin de se réclamer de lui, car c’est précisément cet arsenal d’ambiguïtés qui en font ce qu’il est, c’est-à-dire un espace de rencontres artistiques et une pâte à modeler poétique, une matière scénique que chaque poète peut organiser comme bon lui semble, selon les caprices et les contraintes de sa propre créativité. Finalement, cette grande faiblesse, ce n’est pas non plus la compétition qu’il implique entre les poètes, puisque la compétition, lorsqu’elle est saine et productive, constitue une expérience fondamentale à l’apprentissage de tout créateur. Non; selon moi, le véritable problème du slam, ou, plutôt, le problème qu’il soulève, est le caractère paradoxal de la liberté créatrice qu’il accorde aux poètes: la liberté pour chacun d’écrire pour soi, de donner libre cours à sa parole poétique, de développer son authenticité créatrice; d’un autre côté, la liberté, également, d’écrire pour le public et la reconnaissance populaire, celle de donner libre cours à la parole de l’autre, de lui faire entendre ce qu’il veut entendre, au point de compromettre grandement la qualité artistique d’une prise de parole personnelle qui, poussée par la quête assoiffée du succès et de la reconnaissance, ne possède au final plus rien d’authentique. Avouons-le: ce cancer insidieux qui ronge le slam, c’est cette liberté qu’il se donne parfois d’enfermer, de figer et de stéréotyper la poésie dans la séduction grotesque, facile et complaisante du moule populaire, la liberté d’appauvrir les standards de l’écriture poétique au profit d’une expression uniquement artificielle de celle ci, le tout afin de répondre aux exigences (trop souvent comprises de manière superficielle) de la compétition entre les poètes.

Définition et contextualisation du slam de poésie

Ces dernières années, la poésie orale s’est grandement développée à l’échelle mondiale, en raison notamment de la popularisation virale du slam. D’abord développée, théorisée et réglementée par Marc Kelly Smith  vers la fin des années ‘80, cette «nouvelle» discipline s’est vue grandement popularisée par le succès commercial du chanteur  français Grand Corps Malade . Dès la sortie de son premier album, Midi 20, il semble que le mot «slam» ait «enfin» quitté l’underground pour conquérir un public plus large et se faire entendre de l’oreille populaire; notons que cette oreille, malgré qu’elle demeure constamment à l’affût des nouvelles modes et tendances artistiques, se tient toutefois loin du raffut des écoles secondaires difficiles, des petites salles de spectacle parfois un peu glauques et des bars modestes qui, pourtant, accueillent le slam sous sa forme la plus naturelle, généreuse et authentique. La véritable nature de cette pratique demeure donc, à ce jour, dans l’ombre de l’industrie musicale et, par conséquent, méconnue du grand public . Pour plusieurs, le slam se rapproche et, même, équivaut à la pratique du rap; d’autres l’associent à un genre précis de la poésie orale performée a capella, misant sur le rythme musical de la parole et les jeux phonétiques entre les mots.

Comprenons que le slam se définit avant tout comme le développement scénique de la poésie orale occidentale qu’est le Spoken word, «un mouvement populiste de la fin du 20e siècle qui inclut le slam de poésie et ses dérivés, dont les travaux partagent des similitudes avec les paroles de la musique populaire, particulièrement du rap ». Selon Wheeler, «Le slam engage […] la présence accentuée du poète, sa relation à la chanson ou au discours vernaculaire  »; il s’agit, de surcroît, d’une pratique spectaculaire et compétitive de l’oralité, d’une «forme dialogique et sociale de la poésie ». Plus important encore, il s’agit d’une volonté de ramener la poésie à servir les intérêts du peuple, de la purger de toute forme d’élitisme lié à l’intelligentsia littéraire et de s’opposer, par le fait même, à la capitalisation de celle-ci (ce qui contredit un peu la démarche plus «libérale» de certains «slameurs» reconnus, tels que Grand Corps Malade, justement). C’est précisément pour cette raison que le jury d’une compétition de slam se voit constitué de cinq personnes choisies au hasard au sein du public: afin qu’il revienne au spectateur la responsabilité presque politique de décider de l’issue du spectacle, de choisir lui-même ce qu’il reconnaît comme une poésie de qualité, plutôt que de se faire imposer cette fameuse «poésie de qualité» par le regard élitiste et sélectif des maisons d’édition les plus imposantes et des compagnies de disque qui dominent le marché de l’industrie musicale. Ce mode particulier de sélection du jury vise également à faire de la mise en compétition des poètes une attraction spectaculaire, tant pour le public que pour les slameurs, ce qui a pour effet de dévaluer la pertinence de l’issue du match afin de centraliser l’événement slam sur l’essentiel de sa raison d’être: la communication et le partage d’une poésie orale brute, sans prétention; une poésie humaine, transmise dans un rapport direct et communautaire, d’humain à humain. Le slam cherche également à élargir les possibilités de la poésie, plutôt qu’à les limiter, de même qu’à célébrer les différences des styles poétiques, plutôt qu’à en rechercher l’uniformisation . Enfin, aux règles de base liées à la compétition slam, nous pouvons ajouter la limite de trois minutes accordées à chaque performance slam, sans compter l’interdiction d’utiliser des accessoires autres que ce que fournit la scène, des gestes ou des instruments de musique pouvant reléguer la parole du poète en arrière-plan de la performance .

Suivant les indications de Smith et de Wheeler, le slam ne constitue pas en soi une forme esthétique de la poésie orale, mais plutôt un contexte de présentation de cette poésie orale, ouverte à toutes les approches artistiques que peut prendre celle-ci; le slam constitue avant tout un médium particulier de l’oralité, un contexte à la fois performatif et compétitif visant à stimuler les rencontres poétiques. Contrairement aux préjugés populaires, le slam n’est, en aucun cas, une esthétique ou un style d’écriture qui intègre des procédés formels précis tels que, par exemple, un rythme particulier dans le débit de la parole ou, encore, une manière de traiter la musicalité des mots et de la voix. En fait, on n’écrit pas un texte de slam; on slame un texte qu’on a écrit. L’ensemble des natures, formes, genres, styles, approches d’écriture et d’interprétation que peuvent prendre le texte slamé sont admis, tant que le performeur en est l’auteur. Seulement, le contexte de compétition et de performance orale du slam peut favoriser et induire l’écriture de certaines formes textuelles, au détriment de certaines autres. Ce contexte peut par exemple favoriser un travail de construction formelle parfois virtuose de la parole poétique (recherche du rythme musical et oral, travail élaboré des rimes et des jeux phonétiques tels que les allitérations et les assonances), en plus de miser sur la transmission directe et vivante du mot, laquelle implique en elle-même un certain niveau de théâtralité, extrêmement variable (de presque nul à omniprésent) selon le niveau d’aptitudes personnel à chaque slameur. Le slam se jouant en partie sur la séduction du public, il n’est effectivement guère surprenant de constater que les acrobaties verbales et rythmiques, les jeux de mots à complexités variables, ainsi que les thèmes sociaux et politiques d’actualité l’emportent sur le verbiage intellectuel et littéraire, souvent jugé (à tord) hermétique et assommant, de la poésie dite «plus traditionnelle». Rappelons cependant que si le contexte spectaculaire du slam favorise le développement d’une poésie écrite pour l’oralité, ce dernier demeure tout de même ouvert, sans discrimination aucune quant aux propositions des créateurs, à la présentation de toutes les formes que peut prendre celle-ci (poésie institutionnelle, rap, stand-up comique, conte, beatbox, etc.). Évidemment, le slam demeure ouvert à toutes ces formes tant et aussi longtemps que celles-ci se conforment à ses règles et ses codes établis.

À la recherche d’une «poésie vivante» 

Dans sa préface du recueil Slam ma muse 2 – Anthologie des slameuses du Québec, André Marceau, slammestre de la ville de Québec, définit le type de poésie orale que favorise le slam, fondée souvent sur le rythme, les jeux phonétiques de la parole et, surtout, sur la performance scénique, sous l’appellation de «poésie vivante».

En effet, une vaste majorité de slameurs (dont je fais partie) écrivent leurs textes dans l’optique de les présenter sur scène; il s’agit dans ce cas d’une poésie écrite par et pour l’oralité, en ce sens où son écriture est prioritairement centrée sur l’aspect performatif et spectaculaire de la poésie («pour» l’oralité), délaissant ainsi, dans plusieurs cas, une grande partie de sa valeur littéraire. En effet, la transcription écrite d’une littérature orale, dite «poésie vivante», ne reproduit probablement que le tiers, parfois seulement le quart de l’expérience spectaculaire dans laquelle cette poésie s’accomplit et s’épanouit, ce qui lui vaut parfois (et malheureusement) un certain mépris et/ou manque de considération au sein des institutions littéraires . De plus, il est courant pour un slameur de mettre à l’épreuve la force et l’efficacité de ses textes en situation de performance, par exemple lors des micros ouverts précédant ou succédant les matchs de slam. Le slameur réajuste et retravaille ensuite son texte en fonction de la réception spectaculaire de celui-ci, et c’est précisément en ce sens que l’on parle d’une poésie composée «par» l’oralité. Cette espèce de «préaction», soit le fait d’écrire en se projetant simultanément le texte slam dans le contexte de sa performance scénique à venir, s’avère aussi décisive dans l’écriture et la réalisation slam que sa «rétroaction». Par conséquent, cette poésie n’est pas seulement «vivante» en raison de son inclination naturelle vers la performativité scénique, elle l’est d’autant plus en raison de son évolution rétroactive perpétuelle.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 – Problématique de la recherche et de la création 
1.1 Cadre conceptuel
1.1.1 Définition et contextualisation du slam de poésie
1.1.1.1 À la recherche d’une «poésie vivante»
1.1.2 Définition et contextualisation de la biomécanique meyerholdienne
1.1.2.1 La biomécanique et le jeu de l’acteur
1.1.3 Définition et contextualisation du constructivisme théâtral russe
1.1.3.1 Le grotesque dans l’oeuvre de Meyerhold
1.2.4 Sur la théâtralisation du slam de poésie
1.2 Questions de recherche
1.3 Objectifs de la recherche
1.4 Méthode de recherche et approche de la création
1.5 Conclusion
Chapitre 2 – Recherches préliminaires à la création
2.1 Liens préexistants entre la biomécanique meyerholdienne et le slam de poésie
2.1.1 Potentiel dramatique de la biomécanique et du slam
2.1.1.1 Potentiel dramatique de la biomécanique meyerholdienne
2.1.1.2 Potentiel dramatique du slam de poésie
2.1.2 Prédominance de l’aspect formel
2.1.2.1 Le formalisme dans la biomécanique
2.1.2.2 Le formalisme dans le slam de poésie
2.2 L’univers dramaturgique de Panpan!
2.2.1 Leitmotiv 1: Apathie occidentale
2.2.2 Strophe 1: Violence médiatisée
2.2.3 Leitmotiv 2: Désir et séduction
2.2.4 Strophe 2: Guerre et party
2.2.5 Leitmotiv 3: Accouchement
2.2.6 Strophe 3: Leg générationnel
2.2.7 Leitmotiv 4: Apathie occidentale (bis)
2.3 Conclusion
Chapitre 3 – Les apports de la biomécanique à l’expression gestuelle du slameur
3.1 Théâtralisation de la gestuelle amenée par la biomécanique
3.1.1 Développement technique du mouvement en fonction des aptitudes et principes
amenés par la biomécanique
3.1.2 Développement d’une dramaturgie propre au texte à slamer
3.1.3 Rejet du jeu psychologique et recherche de démonstration
3.1.4 La place du «senti» dans l’expression corporelle du slameur
3.1.4.1 De la posture extérieure du corps vers l’excitabilité intérieure du performeur
3.1.4.2 Le retour au plaisir du jeu
3.2 Création d’une partition gestuelle
3.2.1 Organisation de séquences gestuelles précises
3.2.1.1 Séquences gestuelles «slam»
3.2.1.2 Séquences gestuelles «théâtre»
3.2.1.3 Séquences gestuelles «slam-théâtre»
3.2.2 Développement visuel des images poétiques présentes dans le slam
3.2.2.1 Fonction décorative
3.2.2.2 Fonction narrative
3.2.2.3 Fonction référentielle
3.2.2.4 Fonction métaphorique
3.2.3 Fragmentation du mouvement
3.3 Organisation esthétique de la partition gestuelle
3.3.1 Travail du contrepoint entre l’expression vocale et gestuelle
3.3.1.1 Contrepoints thématiques
3.3.1.2 Contrepoint formel
3.3.2 Organisation de récurrences de figures visuelles et de «rimes gestuelles»
3.3.2.1 Récurrence indirecte
3.3.2.2 Récurrence directe
3.3.2.3 «Rime gestuelle»
3.3.3 Travail des pauses sculpturales et expressives
3.3.3.1 La rythmique des pauses sculpturales dans la création
3.3.3.2 La rythmique des pauses sculpturales dans l’expression du performeur
3.3.3.3 La rythmique des pauses sculpturales chez le spectateur
3.4 Conclusion
Chapitre 4 – Les apports de la biomécanique à l’expression vocale dans le slam de poésie 
4.1 Théâtralisation de la parole amenée par la biomécanique
4.1.1 Développement technique de la parole en fonction des aptitudes corporelles et des
principes esthétiques amenés par la biomécanique
4.1.1.1 L’entraînement de la partition vocale de l’acteur chez Meyerhold
4.1.1.2 L’application des principes de la biomécanique aux procédés stylistiques du texte
à slamer
4.1.2 Travail d’interprétation du texte: dramatisation de la poésie, remaniement de la
partition textuelle et inclusion d’intentions théâtrales dans les séquences de la création
4.1.2.1 Intentions de jeu déterminées à partir des figures typées du texte
4.1.2.2 Intentions de jeu déterminées à partir des procédés stylistiques du texte
4.1.2.3 Intentions de jeu déterminées à partir de l’expression gestuelle
4.1.3 Rejet du jeu psychologique, de la justesse de ton et recherche de démonstration
4.2 Création d’une partition vocale
4.2.1 Organisation de séquences verbales précises
4.2.1.1 Séquence verbale «slam»
4.2.1.2 Séquence verbale «théâtre»
4.2.1.3 Séquence verbale «slam-théâtre»
4.2.2 Influence de la biomécanique sur la rythmique musicale de la parole
4.2.3 Fragmentation de l’expression vocale
4.2.4 Recherche d’une «mélodie» vocale définie
4.3 Conclusion
Chapitre 5 – La mécanique dramaturgique
5.1 Un système biologique théâtral
5.1.1 Centre de gravité poétique: Fonction et représentation scénique du cabotin
5.1.2 Figures articulatoires du mouvement poétique: structure et fonctions des figures
archétypales et stéréotypées
5.1.2.1 Figures articulatoires primaires
5.1.2.2 Figures articulatoires secondaires
5.1.2.3 Figures articulatoires tertiaires
5.2 Système nerveux dramatique: propriétés du jeu, découpage des séquences, système et montage de symboles
5.2.1 Le jeu du cabotin comme muscle théâtral
5.2.1.1 Montage de l’expression gestuelle et vocale du cabotin
5.2.1.2 Montage des séquences du corps poétique
5.2.1.3 Montage scénographique
5.1.3.4 Montage sonore et visuel
5.2 Conclusion
Conclusion générale

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