Définitions ethnologiques et sociologiques des rituels

Définitions ethnologiques et sociologiques des rituels

   Je souhaite définir le rituel du point de vue de l’anthropologie, car il représente un sujet important de cette science qui étudie les divers aspects de l’être humain. Au départ, le rituel provenait de l’étude des religions pour les anthropologues. Puis, par l’ethnologie qui est une discipline de l’anthropologie et par la sociologie, le rituel a été considéré comme quelque chose de plus profane (Segalen, 1998). De plus, je souhaite également définir le rituel du point de vue de la psychologie car le rituel touche également certains aspects psychiques de l’être humain. Les recherches sur les rituels en ethnologie d’Arnold Van Gennep ont apporté la notion de rituel de passage. L’individu passerait d’un statut à un autre. Il passerait, du statut d’enfant à celui d’adulte et ce passage serait symbolisé par une cérémonie. Dans ce cadre, le rituel indique un profond changement d’identité qui est induit et/ou admis par la personne. Ce changement va amener la personne dans une autre forme de relations aux autres individus (Van Gennep, 1909, cité dans Alban-Arrouy, Marchesan, Schmitt & Marquié-Dubié, 2009). En effet, Van Gennep s’intéresse dans son ouvrage, Les rites de passage, aux faits se produisant dans le cycle de vie de l’individu. Selon cet auteur, la vie individuelle consiste en : Une succession d’étapes dont les fins et commencements forment des ensembles de même ordre : naissance, puberté sociale, mariage, paternité, progression de classe, spécialisation d’occupation, mort. Et à chacun de ces ensembles se rapportent des cérémonies dont l’objet est identique : faire passer l’individu d’une situation déterminée à une autre situation tout aussi déterminée (Van Gennep, 1909, p.4). Le rituel de passage permet donc selon l’auteur, de reconstruire l’ordre social mis en œuvre lors de chaque nouveau moment du cycle de la vie de l’être humain. Ainsi, chaque rituel se constitue de séquences consécutives et ordonnées. Cela se traduit par une suite d’actes prescrits. De plus, le sens d’un rituel dépend des actes qui se passent avant, ainsi que des actes qui le suivent. Il faut donc pour pouvoir comprendre un rituel, l’étudier dans sa totalité en le décomposant en séquences consécutives et non l’extraire de son ensemble car chaque élément de son ensemble doit être analysé par rapport aux autres. La position de Van Gennep est alors novatrice car il procède à une analyse spatiotemporelle des rituels. Par ailleurs, l’auteur observe également que l’individu se positionne différemment au cours de sa vie par rapport au sacré et profane. Il développe alors la notion de « pivotement du sacré » qui est un moment de transition entre le profane et le sacré et qui permet de faire avancer le cheminement du rituel. Ce « pivotement » comprend trois stades. Dans le premier, l’individu est séparé de sa vie ordinaire. Puis, il va mener une vie marginale et pour terminer, il est réintroduit dans la vie normale avec un nouveau statut (Segalen, 1998). Pour établir un lien avec mon objet d’étude, en 1-2H, chaque matin j’observe qu’il existe un certain nombre d’activités consécutives et reprises très souvent dans le même ordre. Par exemple, compter ses camarades, participer au calendrier, s’inscrire aux divers coins. En ce qui  concerne l’idée de « pivotement », la classe peut être considérée comme un lieu séparé de la vie ordinaire. En sociologie, Pierre Bourdieu s’intéresse à la fonction sociale du rituel. Il s’interroge sur la signification sociale de la limite dont le rituel autorise le passage. Il définit alors le rituel comme un acte d’institution qui est : Un acte de communication mais d’une espèce particulière : il signifie à quelqu’un son identité, mais au sens à la fois où il la lui exprime et la lui impose en l’exprimant à la face de tous et en lui notifiant ainsi ce qu’il est et ce qu’il a à être (Bourdieu, 1982, p.60). Le rite d’institution a quelque chose de symbolique, car il agit sur la représentation du réel. L’institution transforme la représentation des autres individus envers la personne instituée et ils adoptent également d’autres comportements à son encontre. Mais, cette institution change aussi la représentation que la personne investie a d’elle-même et lui montre les comportements à adopter, ainsi que les limites à ne pas franchir pour se conformer à cette nouvelle représentation et donc à ce nouveau statut. A la différence de Van Gennep, pour Bourdieu le rituel ne fait donc pas passer l’individu d’un état à un autre, mais institue un nouvel ordre établi qui oblige l’individu à vivre selon les attentes liées à son statut. Ce qui compte n’est pas le passage d’un état à un autre, mais la ligne qui sépare un avant et un après et qui marque une différence entre deux groupes (Bourdieu, 1982). En effet, lorsque l’enfant commence l’école, il acquiert un nouveau statut, celui d’élève de  la classe. L’enfant doit alors adopter de nouveaux comportements qui lui sont imposés de par son statut d’élève. Il s’agit par exemple, de lever la main pour s’exprimer, d’écouter les autres, les respecter. Malgré cette différence, rites de passage et d’institution ne s’excluent pas l’un l’autre. D’ailleurs, Van Gennep n’a jamais affirmé que tous les types de rituels étaient des rituels de passage. Bourdieu met en avant le fait que le rituel qu’il institue ou qu’il fasse passer ne peut pas être autoadministré. Il faut une instance de légitimation (Segalen, 1998). En effet, cette dernière est représentée par l’enseignant qui instaure les règles et les comportements à adopter en classe. Pour Emile Durkheim (1968), également sociologue, le rite et la religion sont fortement liés. La pensée religieuse est composée de deux éléments : les croyances et les rituels. Il définit alors ainsi le rituel : « des règles de conduite qui prescrivent comment l’homme doit se comporter avec les choses sacrées » (p.56). Sa définition se limite alors aux faits religieux. Mais pour lui, l’essentiel est que les individus aient un sentiment d’appartenance au groupe et cite : « Tout nous ramène donc à la même idée : c’est que les rites sont, avant tout, les moyens par lesquels le groupe social se réaffirme périodiquement » (p.553).Pour Christoph Wulf (2003), anthropologue, les rituels sont « des actions sans paroles, exprimées par des gestes. Un rituel est un mouvement corporel avec un début, une fin et une direction précise. Il assigne une position déterminée aux participants. » (p.65). Par ailleurs, les rituels permettent d’intensifier le sentiment d’appartenance à une communauté et sont également des moyens pour se démarquer. J’observe qu’en 1-2H, les élèves apprennent ensemble notamment les règles de vie de la classe, mais aussi à progressivement dénombrer, à connaître les jours de la semaine, la date, la saison, le mois et l’année. Il y a donc une idée de communauté de travail qui offre un cadre rassurant à l’élève.Pour cet auteur, les rituels sont mimétiques, c’est-à-dire qu’ils contiennent des éléments d’imitation. Comme les rituels sont exercés dans une communauté, Wulf parle alors de mimésis sociale ce qui renvoie aux sens. Il développe ainsi l’idée que les rituels sont des mises en scène du corps mais également des sensations, des émotions, d’espoirs et de désirs. L’individu imite les comportements et les réactions exprimés par le corps et ils entrent dans sa mémoire sous forme d’images, de sons, de mouvements. Ces comportements et réactions commencent alors à s’inscrire dans le monde intérieur de l’individu, donc dans son imaginaire. L’imagination de l’individu peut alors être servie par le fait qu’il les active ou les modifie en fonction de nouveaux contextes. De nouveaux comportements se superposent alors aux anciens. L’individu s’approprie un savoir pratique par la mimésis des rituels. Ce savoir s’acquiert lors des ritualisations et est le résultat d’expériences passées qui servent de point de départ à de futures actions (Wulf, 2003).

Définitions du rituel scolaire

  Selon Amigues & Zerbato-Poudou (2000), les rituels scolaires sont « des cadres de fonctionnement collectifs qui se répètent dans le but de produire des effets psychiques durables chez les individus soumis à un ordre didactique » (p.108). Le rituel, de par son caractère répétitif et routinier, confère un rôle secondaire à l’action de l’enseignant, alors qu’il constitue le cadre de mise en œuvre du déroulement des leçons, de l’introduction d’un nouveau thème, de la fin d’un thème. Tous ces moments sont ritualisés et montrent une sorte de frontière symbolique entre ce qui se passe avant et ce qui se passe après. Cela rejoint l’idée de Bourdieu pour qui ce qui compte n’est pas tant le passage d’un état à un autre, mais bien la ligne qui sépare un avant et un après et qui marque la différence entre deux groupes. De plus, la notion de rituel fait également référence au sacré qui indique dans le cas présent les savoirs à enseigner prévus par l’école. Il y a aussi une idée de séparation du sacré qui renvoie à la conduite symbolique qui concerne la communauté et le profane qui renvoie à la conduite spontanée et concerne l’individu. Pour terminer, elle comprend la notion de milieu considéré comme le lieu dédié au savoir (la classe) des autres milieux qui n’en sont pas (par exemple, la cour de récréation).Les rituels scolaires sont des rituels laïcs, mais qui ont conservé des liens lointains avec le sacré, qui a encore actuellement une portée symbolique. Ils proviennent d’une culture partagée qui construit l’identité de l’école, comme les rituels sociaux unissent une société (Dumas, 2009).Pour Garcion-Vautor, le rituel s’est imposé aux enseignants de par l’aspect répétitif des activités d’une journée d’école. Cette auteure s’est alors intéressée aux rituels du matin en maternelle qui consistent à compter les présents, identifier les absents et inscrire le jour, la date, l’année. L’auteure fait alors le constat que dans toutes les classes de l’élémentaire jusqu’au lycée, une partie de ces pratiques rituelles est retrouvée, puisque l’enseignant fait l’appel lorsque les élèves arrivent le matin et très souvent encore, les élèves inscrivent la date au tableau ou dans leur cahier. L’auteure fait un second constat en montrant que les enseignants de maternelle ne se posent pas la question de savoir si ces activités sont des rituels ou non. De plus, beaucoup d’enseignants ont de la peine à définir la fonction des rituels, ils ne savent pas vraiment pourquoi ils le font, mais sont conscients du fait que s’ils ne les faisaient pas, le résultat ne serait pas le même (Garcion-Vautor, 2003).

Définition du rituel scolaire selon trois enseignantes de 1-2H

   Pour l’analyse et la discussion des données, des verbatim illustratifs sont utilisés de la manière suivante : ils sont inscrits en italique, suivi du nom d’emprunt de l’enseignante concernée. Je constate que pour les trois enseignantes, le rituel scolaire est quelque chose qui se répète chaque jour, qui structure la journée d’école et donne des repères aux élèves. L’une des enseignantes va plus loin en affirmant que ces rituels permettent un ancrage aux enfants et « constate que s’il n’y a pas de rituel ou si un rituel est supprimé pour une raison x, y de temps ou d’événements non maîtrisables, ils sont perturbés. Ils me disent pourquoi on n’a pas fait ça ? Ou bien, est-ce que c’est l’heure de l’histoire ? » (Danielle).Ce constat illustre le fait que les rituels donnent des repères stables et permettent également « d’établir des repères sûrs même si les contenus évoluent » (Dumas, 2009, p.7). Les élèves sont donc très attachés aux rituels. Une enseignante affirme que dans sa classe, les 2H y sont en quelque sorte « accros » et vont rechercher ces rituels, ils en sont demandeurs et ne vont pas hésiter à dire à l’enseignante si elle oublie de faire quelque chose. Concernant les 1H, le constat est identique chez les trois enseignantes. Ils sont beaucoup plus en difficultés et ne savent pas toujours ce que l’on attend d’eux. Une enseignante affirme qu’ « autant les rituels sécurisent les grands parce que ça fait un moment que l’on travaille dessus et c’est acquis, donc ça dénote bien l’utilité du rituel, autant les petits, moi je dirais qu’ils subissent. Ce n’est pas aussi perceptible que chez les grands du bien-fondé du rituel, parce que l’on est au début de ce genre de chose. La contrainte n’est pas leur spécialité quand ils arrivent de la maison, c’est vraiment quelque chose qu’ils doivent apprendre » (Danielle). Selon cette enseignante, les rituels seraient donc en premier lieu subis par les enfants en début de scolarité et ils devraient passer réellement par une phase d’apprentissage de ces rituels. Lorsque j’ai demandé aux enseignantes ce qu’est un rituel scolaire et à quoi il sert, un élément est ressorti chez les trois. C’est le fait qu’il sécurise les enfants et les rassure. De par cette unique définition de l’utilité du rituel, il apparaît donc que les enseignantes éprouvent quelques difficultés à expliquer ce qu’ils apportent réellement aux élèves, si ce n’est les rassurer et les sécuriser.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Problématique
1.1 DEFINITION ET IMPORTANCE DE L’OBJET DE RECHERCHE
1.2 ETAT DE LA QUESTION
1.2.1 Définitions ethnologiques et sociologiques des rituels
1.2.2 Définitions du rituel scolaire
1.2.3 Les fonctions des rituels scolaires
1.2.4 Le risque de dérive des rituels scolaires
1.3 QUESTION DE RECHERCHE ET OBJECTIFS
1.3.1 Identification de la question de recherche
1.3.2 Objectifs de recherche
Chapitre 2. Méthodologie
2.1 FONDEMENTS METHODOLOGIQUES 
2.1.1 Type de recherche et d’approche
2.1.2 Type de démarche
2.2 NATURE DU CORPUS
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Echantillonnage
2.2.4 Récolte des données
2.2.5 Procédure et protocole de recherche
2.2.6 Echantillonnage
2.3 METHODES ET/OU TECHNIQUES D’ANALYSE DES DONNEES
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Méthodes et analyse
Chapitre 3. Analyse et interprétation des résultats
3.1 PRESENTATION DES DONNEES
3.1.1 Eléments provenant d’entretiens avec trois enseignantes de 1-2H
3.1.2 Eléments provenant d’observations effectuées dans trois classes de 1-2H
3.2 ANALYSE ET DISCUSSION DES DONNÉES
3.2.1 Définition du rituel scolaire selon trois enseignantes de 1-2H
3.2.2 Les fonctions des rituels scolaires
3.2.2.1 Fonction liée aux apprentissages fondamentaux
3.2.2.2 Fonction de passage
3.2.2.3 Fonction de socialisation et fonction intégrative
3.2.2.4 Les rituels considérés comme un espace d’autonomie
3.2.2.5 Fonction contractuelle
3.2.2.7 Risques de dérive des rituels scolaires
Conclusion
Références bibliographiques

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