Déduction et induction dans l’enseignement/apprentissage de l’imparfait en Grec

Déduction et induction dans l’enseignement/apprentissage de l’imparfait en grec: deux expériences de terrain au secondaire 1

Raisons et intérêt de la recherche

L’objectif de cette recherche est de préciser les apports distincts d’une démarche déductive et d’une démarche inductive dans l’enseignement/apprentissage de l’imparfait en grec. Je commencerai par montrer l’intérêt pratique de la recherche en lien avec le cadre institutionnel et scolaire dans lequel je me situe. Ensuite, je reprendrai chacune des notions constitutives de l’objectif de recherche et j’en donnerai une définition opératoire dans un cadre épistémologique plus large .

Du point de vue institutionnel, en tant qu’enseignante en formation dans le Canton de Vaud pour le grec (secondaire I), j’ai appris à planifier mes séquences d’enseignement en tenant compte de deux outils : le PER et le Vademecum pour l’enseignement d’une langue ancienne. La première règle de base illustrée dans le Vademecum et reprise dans le PER concerne le lien indissociable entre la langue, les textes littéraires et la culture. De cette règle découlent toutes les autres, notamment la N.° 72 : la recommandation est faite aux enseignants de considérer et pratiquer la grammaire du grec ou du latin non pas comme une fin en soi, mais comme un outil subordonné à la lecture et à la compréhension des textes. Ces deux règles de base permettent de situer l’orientation de la didactique du grec et du latin en Suisse Romande dans un contexte historique plus large, marqué par trois facteurs : 1) la mise en discussion des démarches traditionnelles d’enseignement du grec et du latin, en réaction au changement de statut de ces disciplines dans le milieu scolaire; 2) l’influence du paradigme d’enseignement des langues modernes axé sur la communication ; 3) l’influence des démarches de lecture méthodiques des textes littéraires (tributaires du paradigme d’enseignement des langues modernes, surtout du français). Le changement de statut du grec et du latin en tant que disciplines scolaires est un fait qui a marqué les systèmes éducatifs européens au fil du XXe siècle et qui fait sentir ses conséquences jusqu’au XXIe . Autrefois mis en valeur dans le but de la sélection scolaire, l’enseignement du grec et du latin a été progressivement subordonné à l’enseignement des langues modernes et des mathématiques, puis marginalisé dans une niche pour une élite culturelle pas forcément compétitive dans le monde du travail . D’où une réduction de la dotation horaire réservée à ces disciplines, ainsi qu’un changement de leur statut de disciplines principales à optionnelles. La situation actuelle du Canton de Vaud, définie par le PER, donne un exemple très précis mais en même temps très représentatif : le latin est aujourd’hui considéré une option spécifique, alors que le grec une option facultative dont la note n’a pas de poids sur la moyenne scolaire. Ce changement a déterminé partout en Europe une obsolescence des moyens et des méthodes traditionnels d’enseignement. Ces méthodes peuvent être couramment classées de logico-grammaticales dans la mesure où elles prévoient une séparation temporelle entre une première phase d’enseignement de la langue (très longue) et une deuxième phase de lecture et surtout de traduction de textes (Marchi, 2015). Le constat des contraintes temporelles auxquelles se trouvent confrontés les enseignants de grec et de latin dans les écoles, ainsi que les échecs de la méthode traditionnelle ont poussé les didacticiens à prendre conscience d’une crise ouverte et à réfléchir à d’autres possibilités. En France et en Suisse Romande les nouveaux paradigmes d’enseignement des langues modernes ont offert une source d’inspiration. Le CECRL, publié en 2001, attribue notamment à l’enseignement des langues modernes et anciennes le but fondamental de la communication. Si l’objectif visé par les unes inclut tant la compréhension que la production, l’objectif fondamental des autres devient la compréhension. D’où une marginalisation des activités traditionnelles de traduction, en faveur de nouvelles activités centrées sur la langue cible. Ces activités répondent, entre autres, au modèle de la lecture méthodique des textes littéraires. Développée en France à partir des années 1980 dans le domaine disciplinaire du français, cette démarche a été transplantée progressivement dans le domaine des langues anciennes . Son exploitation en vue d’une enseignement qui vise à faire le lien entre langue, texte et culture est suggérée dans le cadre de la didactique romande du grec et du latin.

lture est suggérée dans le cadre de la didactique romande du grec et du latin. C’est dans cette perspective qu’il faut resituer la question de l’enseignement de la grammaire aujourd’hui. L’enjeu est de comprendre comment libérer celui-ci des scories de la méthode logico-grammaticale pour l’intégrer à la lecture des textes. En ligne générale, une démarche conseillée est de partir par des activités d’appréhension/compréhension et d’introduire le sujet de grammaire seulement dans la phase d’analyse, comme un outil permettant l’approfondissement des contenus. Si la démarche est claire en générale, des difficultés restent néanmoins, surtout aux niveaux inférieurs de l’école.

L’avantage relatif dont profite un enseignant lorsqu’il se trouve au secondaire 2 c’est en effet qu’il peut donner un certain nombre d’objectifs de grammaire comme déjà acquis et par conséquent se dédier directement à la lecture. La situation change radicalement au secondaire  parce que c’est justement à ce niveau que l’enseignant construit les bases de la langue. Comment faire alors pour aborder des objectifs de grammaire qui soient vraiment intégrés au objectifs de culture ? Et quel type de grammaire pratiquer ?

Une solution possible au secondaire 1 est que la lecture méthodique s’adapte à la grammaire, selon des critères de combinaison entre des objectifs de culture et des objectifs de langue qui sont bien représentés dans les moyens d’enseignement pour les langues étrangères. Dans ce domaine, il arrive que la grammaire élémentaire fasse l’objet non pas d’un enseignement explicite mais d’une acquisition naturelle dans des situations de communication élaborées ad hoc par les enseignants (par ex. faire écouter un dialogue dans lequel deux personnes se présentent afin de s’emparer les formules de présentation) .

Dans le domaine des langues anciennes, le statut écrit, « académique » des documents abordés fait en sorte que l’enseignement reste explicite. La possibilité s’offre néanmoins de réfléchir à une combinaison modulée d’objectifs de langue et d’objectifs de culture liés à l’exploration d’un genre narratif particulier, selon une démarche bien représentée par des nouveaux moyens d’enseignement comme Latin Forum pour le latin et l’Organon 2005 pour le grec (un texte narratif sera ainsi employé pour permettre aux élèves de découvrir l’imparfait). La véritable alternative qui se pose alors à l’enseignant est celle entre une approche déductive ou inductive de la grammaire. Celle-ci sera de toute façon conçue en situation. L’approche logico-déductive, abstraite de tout contexte, qui était propre aux méthodes traditionnelles, laisse ainsi l’espace à une variante mise en contexte. L’enseignant soumet aux élèves un texte avec des formes mises en évidence, explique en quoi celles-ci consistent, puis leur demande d’en chercher d’autres en application. Dans la démarche inductive, l’enseignant isole les formes et demande aux élèves de les analyser, afin d’en reconstituer l’emploi et le mécanisme de formation. En principe, une démarche inductive s’adapte plus facilement à être intégrée à un type d’enseignement reliant langue, texte et culture, dans la mesure où l’objet de grammaire va constituer le cœur analytique de la boucle culturelle. C’est néanmoins une tendance qu’il est difficile de généraliser.

Caractéristiques et limites d’une méthode « expérimentale »

Du point de vue génétique, la question de recherche que je viens d’illustrer a pris sa forme vers la fin de l’année 2015. Dans les mois de janvier-février 2016 je suis passée à l’opérationnalisation : je me suis posé le but de déterminer la méthode et la technique de récolte des données qui s’adapteraient le mieux à vérifier ma question. Dans la mesure où celle-ci avait pris entretemps la forme d’une hypothèse (impact de la démarche d’enseignement déductive/inductive sur l’apprentissage des élèves), la nécessité s’est imposée d’avoir recours à une méthode expérimentale. Dans mon premier plan de travail, j’y retrouve les principes généraux et les caractéristiques13. À ce moment déjà, j’avais prévu que la population consisterait en une classe d’élèves à laquelle soumettre une séquence d’enseignement/apprentissage sur un sujet de grammaire grecque. La classe serait divisée en deux groupes (un groupe contrôle et un groupe expérimental) exposé chacun à l’une des deux modalités de la variable indépendante (démarche déductive/démarche inductive). L’outil de mesure consisterait en un test visant à mesurer le niveau d’apprentissage des élèves (variable dépendante).

Avec le recul, j’aimerais exprimer quelques précautions par rapport à la validité générale et particulière de l’expérience que j’ai menée. Conformément aux prémisses desquelles je suis partie (variabilité et pluralité de l’humain dans le temps et dans l’espace), je ne reconnais pas à la méthode expérimentale une validité universelle. Malgré son prestige, lié à sa transformation en paradigme scientifique par excellence, elle reste marquée par la civilisation qui l’a produite : l’Occident positiviste et industriel de la fin du XIXe siècle.

En outre, plusieurs biais limitent la validité de l’expérience particulière que j’ai menée. Le premier réside en la difficulté de réduire une expérience sur une population humaine au modèle de l’expérience expérimentale (en chimie, en physique … plus en général là où il est possible de décrire des phénomènes selon une causalité mécanique).

Un autre biais est intrinsèque à la technique de récolte de données. Le présupposé de la méthode expérimentale est que les deux groupes soient exposés à des conditions égales en tout sauf que pour la variable dont on veut tester l’effet (variable indépendante). Dans le cas spécifique, il s’agissait de respecter ces conditions dans la construction du dossier à soumettre aux élèves d’une part (distinction claire entre exercices déductifs et inductifs), dans la mise en pratique de l’expérience de l’autre. Rien n’assure, surtout pour la partie concernant la mise en pratique, qu’il n’y ait pas eu une sorte de perméabilité entre les deux conditions expérimentales. Cela est d’autant plus vraisemblable que l’expérience d’enseignement selon la démarche déductive a été confiée à un acteur encore différent : l’enseignant titulaire de la classe.

Un autre biais, le plus important sans doute, est la possibilité que des variantes parasites aient contaminé les résultats de l’expérience. Comment prouver en effet qu’aucun des élèves, notamment de ceux qui ont fait les meilleures performances, ne se soit préparé à la maison avant le test ? Comment exclure des facteurs individuels de prédisposition vers une démarche déductive ou inductive, conformément à l’hypothèses des styles cognitifs et d’apprentissage ? D’autant plus ces facteurs sont instables et temporaires, d’autant plus il devient difficile de les isoler. Enfin, un dernier biais d’ordre général concerne la validité, la fidélité et la précision de l’instrument de mesure, c’est-à-dire du test. On peut dire que ce test mesure ce qu’il est censé mesurer, l’apprentissage de l’imparfait, mais jusqu’à quel point est-il précis, permet-il donc de mesurer la différence spécifique entre les deux types d’apprentissage ? Est-il fidèle ? Une certaine fidélité a été prouvée par le fait qu’il a été employé deux fois sur deux publics-cibles analogues et que ses résultats vont être exploités pour la généralisation d’une hypothèse les concernant. Là aussi, néanmoins, il pourrait s’agir d’un cercle herméneutique, dans lequel la prémisse et la conclusion (fidélité du test) coïncident.

Caractéristiques de la population étudiée

Au mois de mars, avant même de rédiger la planification de ma séquence d’enseignement/apprentissage, je savais que je pourrais disposer de deux classes de 10e Vaud pour la mise en pratique : l’une (de sept élèves) dans l’établissement scolaire où j’avais tenu mon stage au semestre d’automne, l’autre (de trois élèves) dans l’établissement où j’allais tenir mon stage au semestre de printemps.

La disponibilité de deux publics a créé un biais supplémentaire par rapport aux autres, plus généraux, que j’ai mentionnés14. Les deux établissements dans lesquels j’ai eu l’occasion de travailler sont très différents du point de vue socioculturel, dans la mesure où ils sont considérés en ville comme représentatifs respectivement d’un milieu favorisé et nettement défavorisé. Je traiterai à nouveau de cet aspect dans la section consacrée à l’analyse réflexive de la séquence ainsi que dans la discussion des résultats globaux. Un autre biais doit être identifié dans la taille et dans la composition interne de la population à tester. Le minimum conseillé pour la mise en place d’une expérience expérimentale est de 10 élèves, alors que dans ce cas je disposais de 10 en tout. La composition interne aux groupes en a été aussi affectée. Dans chaque établissement j’avais prévu de diviser la classe en deux groupes, respectivement A (déductif) et B (inductif). Or, dans l’établissement x, le groupe B a été composé de deux personnes, alors que le groupe A d’une seule. Dans l’établissement y, j’ai formé un groupe A de trois personnes et un groupe B de quatre. On voit bien que les groupes ne sont pas parfaitement équilibrés du point de vue de la taille. J’ai essayé néanmoins de faire en sorte que chaque groupe soit formé selon un critère de composition variée, là où c’était possible. Les groupes A et B, dans l’établissement y, incluaient par exemple chacun une fille, chacun un élément fort et un élément plus faible etc. Une question importante du point de vue éthique mais aussi pour la réussite du test était la communication des informations aux élèves. J’ai choisi la voie de la transparence et je les ai mis au courant dès le début du fait qu’il s’agirait d’une séquence d’enseignement expérimentale pour laquelle j’aurais besoin de leur aide.

Analyse a priori de la séquence planifiée

La mise en pratique de la séquence impliquait la rédaction préliminaire d’une planification selon les critères courants en didactique du grec et du latin15. Pendant la rédaction (à la fin du mois de mars), j’ai pu tenir compte du double public-cible, en distinguant les deux établissements par des lettres de l’alphabet : « y » (milieu favorisé, classe de 7 élèves) ; « x » (milieu défavorisé, classe de 3 élèves). La contrainte du public (double, mais uniforme du point de vu du niveau) a déterminé le choix de l’objet d’apprentissage : j’ai écarté l’hypothèse de l’aoriste (programme de 11e ) et j’ai choisi de travailler sur l’imparfait, traité couramment en 10e dans la période que j’avais prévue pour la mise en pratique (avril mai). Quant à l’objectif d’apprentissage, j’ai décidé d’amener les élèves à comprendre et à analyser le mécanisme de formation de l’imparfait selon une double démarche, déductive ou inductive, à partir d’un texte grec adapté. Dans ce but, j’ai établi comme pré-requis les notions de grammaire qui sont censées être acquises par les élèves à la fin de leur première année de grec : première et deuxième déclinaison ; présent de l’indicatif et de l’infinitif aux formes actives et moyennes (savoir) ; décomposition des formes verbales au présent (savoir-faire). Dans la planification, j’avais visé la cohérence avec le Plan d’Études Romand en relation aux points suivants : PER, COMPOSANTE 2: – étude de l’emploi de l’indicatif imparfait ; PER, COMPOSANTE 3: – observation de la structure et de la syntaxe des phrases ; PER, COMPOSANTE 5 :- étude des principaux jalons fondateurs et historiques de la civilisation grecque…avec approfondissement de la technique de combat connue sous le nom de phalange hoplitique.

Conclusions 

Le moment est venu de tirer des conclusions sur l’expérience de recherche que j’ai menée, tant en général qu’en rapport avec ma pratique d’enseignement du grec. Tout d’abord, une telle expérience m’a permis de vérifier l’hypothèse attendue, notamment qu’une démarche d’enseignement inductive a un impact sur le degré et les modalités d’apprentissage des élèves différencié par rapport à une démarche déductive. Cet impact est néanmoins bien plus complexe que l’on aurait pu croire à première vue. Il n’y a pas, par exemple, une relation simple entre une démarche déductive/inductive et un degré supérieur ou inférieur d’apprentissage, ni entre une démarche déductive/inductive et une activité particulière de manipulation de textes ou d’objets de grammaire (avec accent sur la compréhension, sur la production etc.).

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Table des matières

1. Introduction
1.1. Raisons et intérêt de la recherche
1.2. Revue de littérature et problématique
2. Méthode
2.1. Caractéristiques et limites d’une méthode expérimentale
2.2. Caractéristiques de la population étudiée
2.3. Analyse a priori de la séquence
2.4. Caractéristiques expérimentales de la séquence
2.5. Test
2.6. Analyse a posteriori de la séquence
3. Analyse des résultats
3.1. Introduction
3.2. Aperçu global des résultats : comparaison entre les établissement x et y
3.3. Analyse quantitative des données
3.4. Analyse des traces
3.5. Interprétation et bilan
4. Conclusions

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