Déclin et lutte des puissances maritimes européennes

Déclin et lutte des puissances maritimes européennes

Dès les années 1970 une véritable « crise de l’immatriculation » est venue frapper les puissances maritimes classiques, puissances principalement européennes. Jusqu’alors, les Etats disposant des plus grosses flottes étaient des anciens empires coloniaux, dominant l’économie mondiale.
Mais, nous l’avons évoqué, la cause de cette crise a rapidement été identifiée. Il s’agit de l’apparition, comme nous l’avons évoqué, du phénomène des pavillons dits de libre immatriculation. Les Etats ont ainsi pris diverses mesures depuis une trentaine d’années pour enrayer le phénomène.
Plusieurs moyens ont donc été élaborés par les Etats victimes de dépavillonnement massif, afin de tenter de conserver leur flotte. Si ces solutions apparaissent efficaces dans leur concept, leur bilan à l’épreuve des faits s’avère parfois décevant.
Le Rapport Richemont de 2003 apporte sur ces points une présentation efficace. Ce rapport constitue une réflexion sur l’état des flottes et les moyens de rendre le pavillon français attractif. Il plaide notamment pour la mise en place d’un registre International Français. Cependant, le RIF est depuis entré en vigueur en France en 2005. Six ans après son adoption, les premiers bilans s’imposent.

Analyse comparative des flottes

Le Sénateur Richemont dresse dans la première partie de son rapport, un état des flottes européennes. Il compare ainsi le pavillon français à ceux de ses voisins européens. Il évoque ensuite les différentes mesures prises pour enrayer le déclin de la marine marchande. S’appuyant sur ces exemples européens, Henri de Richemont présente une série de mesures visant à rendre le pavillon français plus attractif.
Ce rapport met en lumière trois éléments à prendre en compte : le déclin de la flotte immatriculée, déclin de la flotte contrôlée et le déclin du nombre de personnel navigant. Cette présentation nous parait être un moyen remarquable d’étudier l’évolution des flottes. Nous allons donc, sur ce schéma, présenter une vision actualisée de l’état des flottes mondiales.

La France, exemple du déclin des puissances maritimes face à l’émergence des pavillons de complaisance.

Avec près de 800 bateaux et 45.000 marins les années 1950 sont considérées comme un nouvel âge d’or. Après la guerre, le gouvernement engage en effet un vaste plan de reconstruction destiné à remplacer des centaines de navires hors d’âge ou détruits pendant le conflit. Les armateurs ont alors une flotte fraîchement construite. Certains bâtiments de cette époque sont restés emblématiques, comme le Bérénice qui, avec ses 32.000 tonnes de port en lourd, qui est alors le plus gros pétrolier du monde.
Mais la reconstruction de la flotte va rapidement s’essouffler. Si l’apogée technique de la flotte commerciale intervient dans les années 60 et 70, avec le paquebot France et les mégas pétroliers de la classe Batillus (550.000 tonnes), la « Mar Mar » ne cesse de décroître en terme d’unités et de marins.
Précurseur dans de nombreux domaines, le monde maritime a ainsi connu très tôt les effets de la mondialisation : « Les pavillon de complaisance sont arrivés très tôt, avec des équipages très bon marché, livrés à eux-mêmes. C’est une page qui s’est tournée pour les pays européens. Tout a été délocalisé et la population de marins a fondu comme neige au soleil », explique Daniel Sicard, historien et directeur de l’Ecomusée de Saint-Nazaire7.
Dès 1965, la chute est vertigineuse. On ne recense en France plus que 600 navires, et seulement 500 dix ans plus tard. La situation est telle qu’en 1986, le chiffre passe sous la barre symbolique de 300. Dans le même temps, le nombre de navigants tombe à 15.000, puis 10.000, soit cinq fois moins qu’après la guerre.

Un déclin en terme d’unités

L’origine du déclin de la flotte marchande française peut être située à partir des années 1970. Pendant près de vingt ans, le Pavillon français ne va avoir de cesse de perdre des navires, jusqu’à une stabilisation dans les années 1990.
Si en 1962 la flotte marchande française comptait 798 navires, seulement 514 navires étaient recensés en 1975. Certains ont tenté d’expliquer cette chute par l’accès à l’indépendance de l’Algérie et la disparition de plusieurs lignes régulières.
Pour autant ce déclin s’est poursuive jusqu’en 1989 où le tonnage en millions de tonnes en lourd s’est stabilisé autour des 6 Mtpl. A cette époque, c’est la flotte pétrolière a été réduite de près de moitié de ses unités représentant les trois quarts de sa capacité. L’impact de cette réduction est inévitablement flagrant.
Pendant vingt ans, le Pavillon français a perdu environ une vingtaine d’unités par ans.
En 1991 la France a connu son seuil le plus bas avec 5,57 Mtpl. Les années 1990 marquent cependant une stabilisation dans le déclin de la flotte avec en moyenne 205 à 215 navires.

L’émergence des pavillons de libre immatriculation

Les premiers cas avérés d’utilisation détournée d’un pavillon remonte au début du dixneuvième siècle. A cette époque, le Portugal, pour contourner un accord signé avec l’Angleterre interdisant l’importation d’esclaves, faisait circuler ses navires sous pavillon brésilien afin de continuer à en percevoir les bénéfices. Cette technique a été utilisée par les esclavagistes de l’Europe entière.
Plus tard, c’est le développement de la contrebande d’alcool aux Etas-Unis durant la Prohibition dans les années 1920 qui poussera les armateurs à utiliser ce procédé avec des navires immatriculés au Panama.
Ce procédé a également permis aux américains, avant de s’engager dans la Seconde Guerre Mondiale, de venir en aide aux pays occupés par l’Allemagne nazie. Ils conservaient ainsi, en apparence, une certaine neutralité dans le conflit.
Mais à côté de ces cas que nous pourrions qualifier « de circonstances », le développement des pavillons de libre immatriculation s’est réellement accentué au lendemain de la décolonisation. Les nouveaux pays décolonisés n’ont pas tardé, sous la pression de véritables lobbies maritimes dans un contexte de développement massif des échanges mondiaux, à mettre en place ces pavillons de complaisance. Sont ainsi apparues de nouvelles entités ouvrant leurs registres aux armateurs du monde entier à de faibles conditions hautement concurrentielles.
Ainsi, les 10 principaux pavillons de complaisance représentent 9% de la flotte mondiale en 1955. Cette proportion passe à 23% en 1970, 37% en 1985 et atteint 56.5% en 1998.
Comment s’explique un tel succès ? Quelle ont été les conséquences directes sur les gens de mer ?

Une attribution facilitée

L’article 91 de la Convention de Montegobay dispose que « chaque Etat fixe les conditions dans lesquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient droit de battre son pavillon ».
Ainsi, au Panama, première flotte mondiale, la législation autorise depuis plus de 70 ans toute personne physique ou morale, d’origine panaméenne ou étrangère, à enregistrer des navires de la marine marchande au Registre de la République du Panama.
Par ailleurs, tout navire de tout type peut-être soumis à l’immatriculation au Panama, pour autant qu’il répond aux exigences minimales de navigabilité, de sécurité et de respect de l’environnement requises par les conventions internationales et des réglementations nationales relatives à l’objet.
Ainsi les pavillons de complaisance permettent l’enregistrement à grande échelle de navires détenus par des intérêts étrangers, sans aucune relation économique avec l’Etat d’immatriculation.
Dès lors, le paradoxe évoqué en introduction, selon lequel des Etats de faible importance économique représentent les flottes les plus importantes, est un indicateur dans la qualification d’un pavillon.

Des pavillons économiquement ultra compétitifs

La compétitivité des pavillons de libre immatriculation découle de trois facteurs

Les pavillons de complaisance présentent en premier lieu un attrait fiscal. En effet, dans la plupart des Etats concernés, les bénéfices des armateurs sont exonérés d’impôts et les frais d’immatriculation sont entre 30 et 50% moins élevés que dans les pays d’Europe occidentale.
Par ailleurs, les pavillons de complaisance présentent en général une réglementation peu contraignante. Celle-ci se limite généralement au respect des prescriptions internationales, pour autant que l’Etat en question ait ratifié les conventions adoptées dans tel ou tel domaine.
Concernant les normes sociales, le registre panaméen par exemple n’impose aucune norme sociale particulière. Il s’en remet au droit international. C’est donc bien ici que la nécessité éprouvée pour l’entrée en vigueur de la MLC trouve tout son sens.
Les marins philippins sont indéniablement les plus employés dans la marine marchande internationale, constituant plus de 20% de la main d’œuvre. On estime leur nombre à environ 250 000 hommes et femmes, loin devant l’Indonésie ou la Chine – respectivement en deuxième et troisième position – avec environ 80 000 gens de mer.
Dans un pays où un habitant sur deux gagne moins de 2euros par jour, les salaires des marins, bien que faibles à l’échelle internationale, représente une source de revenus non négligeable pour des familles vivant dans une extrême pauvreté.
Cette activité génère par ailleurs un profit pour l’Etat. Une loi a ainsi été adoptée afin que 80% du salaire perçu à étranger revienne au pays. Si les marins ne représentent que 4% de la population expatriée, les Philippines comptant environ 8 millions de travailleurs expatriés, ils rapportent plus de 20% des devises au pays soit 1,5 milliards de dollars.
Cependant, il convient de s’attarder sur les conditions d’emploi de ces gens de mer. Par ailleurs, la situation est parfois plus déplorable dans certains autres Etats. Nous évoquerons ainsi au cours de nos développements le cas d’autres pays comme la Birmanie à titre exemple.

Les sociétés de manning, intermédiaires critiqués

Afin d’espérer trouver un emploi, les philippins ont la possibilité à recourir à des agents de manning. Très demandés, ils permettent un mise en contact entre les armateurs et les demandeurs d’emplois.
Des agences de manning sont ainsi apparues, sous un contrôle étroit des autorités Philippines et du Ministère des travailleurs émigrés. Leur rôle est de recruter et placer de nouveaux gens de mer.
On recense environ un millier d’agents de manning aux Philippines, dont près de 400 à Manille. Il n’est pas rare de voir ces agents recruter directement la main d’œuvre dans la rue.

Une formation de qualité, appréciée et subventionnée

Par ailleurs, la formation des marins philippins est elle aussi devenue une véritable industrie. Près de 150 écoles ont vu le jour au cours des dernières années. Ces écoles sont souvent financées directement par les armateurs européens, japonais et américains qui tirent un grand bénéfice de ce système.
Les officiers sont les plus recherchés. A titre d’exemple, l’Académie Maritime de l’Asie Pacifique (AMAP) est un institut privé ayant implanté une vingtaine de centres aux Philippines. Cet institut offre une formation de cinq ans prise en charge par les armateurs. Son objet consiste en la formation d’officiers, capitaines et chefs mécanicien. En retour le marin doit trois ans de service au minimum sur les navires de son mécène. La compétition entre armateurs se joue aussi dans ces écoles.
Outre l’attrait financier, ce genre de formation est en général très stricte et vise à former un personnel de haute qualité. Les élèves de l’AMAP doivent ainsi respecter une discipline militaire.
Durant leur première année de formation, il leur est interdit de se déplacer en marchant, ou encore de manger en baissant la tête et parler pendant les repas.

Des conditions de vie et de travail à bord souvent difficiles

Les conditions de travail discutables ne concernent pas uniquement les Philippins, mais tous les marins embarqués sur des navires battant pavillon de complaisance.
Cela commence par la réduction massive des effectifs. Il est certain que l’évolution technique des navires permet une limitation de l’équipage. Pour autant la modernisation des bâtiments ne permet pas une réduction de 50% des effectifs comme cela est souvent constaté sur de nombreux navires.
La conséquence directe de la compression des effectifs réside dans l’allongement de la durée de travail qui entraîne corrélativement une fatigue supplémentaire pour les marins.
La multiplication des tâches et des attributions est également souvent dénoncée. A bord, les marins en sous-effectifs doivent assurer l’entretien quotidien du navire, son voyage, et veiller à cacher la misère sous une couche de peinture. Arrivés au port, il n’est pas rare que les marins soient contraints d’aider au chargement et au déchargement ne pouvant ainsi pas profiter du répit qu’offrent les escales.
Le manque de sécurité et de matériel sont également pointés du doigt. A titre d’exemples,7 bateaux roumains sur 10 inspectés dans le cadre de Paris MOU montraient des carences dans ce domaine, 60% de bateaux battant le pavillon du Honduras présentaient ce genre de manquement . Le bilan des inspections faites dans le cadre de cette entente est révélateur : en 2010, 11,16% des navires contrôlés n’étaient pas conformes quant aux conditions de vie et de travail à bord . Cela va du manque de moyens de couchage au chauffage qui ne fonctionne pas, en passant par l’absence de vêtements chauds et imperméables qui sont pourtant indispensables pour affronter certaines conditions climatiques extrêmes. Plus généralement, l’ICONS estime que 10 à 15% des équipages dans le monde travaille dans des conditions dangereuses et sont sous-alimentés. Les espaces consacrés aux équipages et les cabines ne présentent pas une superficie convenable et les économies des armateurs passent bien souvent par la négligence du confort à bord.
Un autre élément non négligeable dans le bien être des gens de mer réside dans la diversité des équipages et les tensions qui peuvent exister entre les différentes nationalités.
Les rivalités poussent souvent les hommes à l’isolement qui vient s’ajouter à l’éloignement de leurs familles. A ce sujet, il n’est pas rare que l’accès aux moyens de communication leur soit refusé et que les marins restent sans nouvelles de leurs proches pendant de nombreuses semaines. Le sentiment d’enfermement est par ailleurs renforcé par la barrière de la langue qui limite les rapports entre les membres de l’équipage. Ces éléments sont d’autant plus difficiles à vivre que les navires sont vieux et mal entretenus.

Elévation des minima sociaux et baisse de la demande

La place prééminente qu’occupent les Philippines sur le marché mondial des gens de mer leur vaut cependant une attention particulière, notamment de la part de l’ITF. Nous l’avons évoqué en matière d’agents de manning, mais son contrôle de se limite pas à cela.
Comme nous le verrons plus tard, l’ITF mène depuis de nombreuses années un combat sans relâche contre les armateurs et les Etats peu soucieux du sort réservé à leurs marins.
Mais outre la surveillance au niveau international, un certain nombre de syndicats nationaux sont apparus. Certains, offrent des prestations uniques au monde. Le LAMOSUP est un syndicat regroupant environ 75 000 adhérents. Sa singularité réside dans le fait qu’il dispose de son propre hôpital et prodigue des soins gratuits pour ses membres et leurs familles.
Cependant, l’élévation progressive de la protection accordée aux marins philippins entraîne inévitablement une certaine baisse de la demande. Entre 1995 et 2000 leur nombre a reculé de 6%.
D’autant plus que dans le même temps d’autres Etats on bénéficié d’une hausse de la demande. La Birmanie en est un exemple flagrant.
Le nombre de marins birmans est passé de 15 000 en 1995 à 30 000 en 2000. Or les conditions de travail en mer sont particulièrement alarmantes. Les contrats de travail des marins étaient directement signés avec la junte militaire au pouvoir. Ce régime dénoncé pour son autoritarisme a interdit les syndicats des gens de mer, emprisonnant leurs dirigeants, et n’hésitait pas à exercer des représailles sur les marins et leurs proches en cas d’incident.
Le Seafarers’ Union of Burma – SUB – principal syndicat des marins birmans a ainsi été classé comme une « association interdite » aux termes de la loi sur les associations interdites. Par ailleurs, l’avis n° 3/2005, émis le 28 août 2005 par le ministère de l’Intérieur déclare que la « FTUB, – Fédération des syndicats de Birmanie – ses membres ainsi que les autres groupes et particuliers y étant associés » » constituent une menace pour le pays. Le régime considère la FTUB comme une « organisation terroriste ».
Les diverses condamnations de l’ONU et de l’ITF n’ont pas empêché l’explosion de leur effectif dont la majorité est embarquée à bord de navires battant pavillon de complaisance.
L’effondrement récent du régime en 2011 offre cependant une promesse d’amélioration pour les marins birmans.
La liste des Etats dénoncés par les instances internationales est longue. Le Honduras n’est pas en reste. En Chien également, les marins – environ 80 000 – sont placés sous le contrôle direct d’officines d’Etat qui peuvent retirer la moitié de leur salaire aux marins jugés indisciplinés. Cela permet d’éviter que ne se développent des idées contestataires et des aspirations à la liberté, notamment syndicale.
Depuis 2010, le nombre de marins philippins repart néanmoins à la hausse atteignant un record avec près de 340 000 marins, toutes classes confondues.

La mise en place de registres internationaux pour faire face à la concurrence

Les registres internationaux, plus qu’une solution, sont apparus comme une nécessité afin d’enrayer un processus aussi rapide qu’imprévu.
Leur appellation de «pavillons bis » fréquemment employée dans le langage courant est erronée et prête à confusion. Les Etats disposent en effet d’un seul et unique pavillon. Le pavillon se divise quant à lui en différents registres. Tout Etat dispose tout d’abord d’un premier registre dont il définit les modalités d’attribution. En Europe ces registres garantissent en général un haut niveau protection sociale. Les coûts d’exploitation sont de ce fait élevés et peu attractifs pour les armateurs . Les Etats disposant de territoires à l’Outre-mer ont ainsi mis en place des registres bis dits territoriaux, caractérisés, comme les premiers registres par un lien fort avec l’Etat d’immatriculation.

Un même objectif, plusieurs méthodes

Plusieurs registres territoriaux français ont ainsi été crées à coté du registre métropolitain: Wallis et Futuna pour les paquebots de croisière, Nouvelle Calédonie, Polynésie ou encore TAAF remplacé par le RIF. Les autres anciennes puissances coloniales disposent aussi de registres territoriaux comme l’Espagne avec le registre des Canaries, le Portugal avec le registre de Madère ou les Pays bas avec le registre des AntillesNéerlandaises.
C’est à côté de ces registres territoriaux que sont instaurés les registres bis internationaux. On les qualifie également de « registres papier ». Si le lien avec l’Etat conserve une certaine force, ils ne sont pas basés sur un territoire national.

Une adaptation difficile pour la France : L’échec du registre TAAF

« Les armateurs n’ont pas vraiment le choix, à partir du moment où ils se battent dans un monde totalement libéralisé avec une baisse des coûts au maximum. On tente donc de maintenir ce qui existe avec des bouts de ficelles. D’où l’idée d’un second registre, qui est toujours mieux que d’avoir des pavillons de complaisance », estime un spécialiste du transport maritime. Mis en place par le gouvernement Chirac entre 1986 et 1987, le registre TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises), fait référence au port d’attache des navires, Port aux Français, sur les îles Kerguelen. Il connaîtra un premier échec avec son annulation par le Conseil d’Etat le 27 octobre 1995. Ses décrets d’application n’entreront jamais en vigueur, y compris après sa modification par la loi du 26 février 1996. Ainsi le régime du travail des marins étrangers à bords des navires immatriculés sous ce registre n’a jamais été précisé créant un véritable vide juridique.

Un registre peu compétitif

La question de la compétitivité du registre TAAF s’est aussi posée assez rapidement.
En effet, si la mise en place de ce registre a nettement endigué la chute vertigineuse du nombre de navires, elle n’en a pas, pour autant, enrayer le déclin.
Ainsi, pendant 20 ans, la marine marchande française a stagné autour de 200 navires de plus de 100 tonneaux, une centaine d’unités seulement ayant été enregistrées aux Kerguelen. Le registre TAAF était alors principalement constitué de gros navires : pétroliers, porte-conteneurs, mais également rouliers et des transporteurs spécialisés. En 2003 ce sont exactement 94 navires de commerce de plus de 200 TJB qui y sont immatriculés. Il constitue ainsi le principal registre de la flotte française.
En termes d’effectifs, la même année, seulement 2 587 marins naviguaient sous registre TAAF, représentant 66% des effectifs français.
« Le registre TAAF est considéré par la Commission européenne comme le moins compétitif des registres européens, étant environ 35 % plus cher que les autres, et le plus rigide en terme d’emploi national. Le profit dégagé sur quinze ans par un porte -conteneurs ou un petit cargo polyvalent, dont les prix s’élèvent respectivement à 45 et à 7,6 M€ est inférieur, pour un navire immatriculé au TAAF, à celui tiré d’un navire immatriculé à l’étranger et que son exploitation est même déficitaire pour un navire placé sous registre métropolitain.
L’organisation du travail elle-même, et notamment l’application des 35 heures, entraînent des surcoûts, de même que des spécificités françaises telle un coefficient de relève des marins élevé. Tout ceci aboutit à ce que le coût d’un équipage français soit environ 2,5 fois plus élevé que le coût d’un équipage travaillant sur un navire battant pavillon de Hong Kong », écrit Henri de Richemont en 2003.

Des freins à la compétitivité

Outre l’organisation du travail et l’incertitude juridique concernant le travail des marins évoqués par le rapport Richemont, la non-compétitivité du registre Kerguelen s’explique par une accumulation de facteurs. Toujours à propos des équipages, ils sont plus nombreux que sous les autres registres ce qui engendre des coûts salariaux plus élevés, bien que le marin français ne soit pas particulièrement plus onéreux que dans d’autres pays Européens.
Par ailleurs, le coût d’immatriculation se révèle élevé. A ce coût s’ajoutent des frais connexes. Les visite de mise en service d’un nouveau navire nécessitent l’intervention de nombreux représentants des pouvoirs publics – agent des douanes, agent des affaires maritimes, médecin de gens de mer… – Cette « duplication des taches » n’a évidemment pas pour vertu d’attirer les armateurs.
A cela s’ajoute encore le fait que l’Union Européenne n’a pas reconnu le registre TAAF comme registre communautaire. Les navires immatriculés sous ce registre ne pouvaient pas, de ce fait, effectuer du cabotage communautaire, ce qui constitue un lourd handicap comparé aux registres bis des autres Etats membres.
La nécessité est donc apparue de mettre en place un dispositif plus attractif. Cela passe par l’élimination des éléments que nous venons d’évoquer mais également par la mise en place d’une politique fiscale adaptée à l’environnement international.
Indissociable d’une politique générale, destinée à relancer la marine de commerce française, le Groupement d’Intérêt Economique fiscal a été lancé en 1998 (* Ancien Article 39 CA du code général des impôts créé par l’article 77 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier et des articles 31 A à 31 E de l’annexe II à ce code, tel que modifié par le décret n°98-1243 du 29 décembre 1998 relatif à l’adoption de l’article 77 de la loi). Destiné à tous les secteurs économiques, il a largement été utilisé par les armateurs, en marge du pavillon TAAF, pour relancer les constructions. Ce système permet aux entreprises de bénéficier d’un prix d’achat particulièrement attractif, par rétrocession fiscale, à la condition que le navire soit immatriculé sous pavillon français. Cette mesure est offerte aux sociétés françaises mais aussi étrangères.
Ainsi, entre 1998 et 2004, 168 unités ont été construites grâce au GIE fiscal, ce qui représente un investissement de 5,9 milliards d’euros. Si la grande majorité de ces navires a été produite en Asie, la mesure a permis de réduire considérablement la moyenne d’âge de la flotte française, qui n’est aujourd’hui que de 8 ans.
Lors de la commande du Queen Mary 2, Cunard, la célebre compagnie maritime britannique aurait même envisagé de recourir au GIE fiscal. Cependant, sous le poids de la tradition supporté par le navire la compagnie a préféré maintenir le paquebot sous pavillon britannique et renoncer aux économies offertes par le GIE fiscal.
Si l’efficacité de la mesure ne fait aucun doute, sa légalité a été remise en cause par la Commission européenne qui a ouvert une enquête sur le GIE fiscal en décembre 2004, soupçonné de constituer une aide sectorielle. La Commission européenne a ainsi décidé le 20 décembre 2006 de classer le GIE fiscal au rang d’aide d’Etat, le dispositif n’ayant pas été jugé compatible avec les règles du marché commun. La disparition du GIE fiscal coïncide donc avec l’entrée en vigueur du RIF. Nombreux sont ceux qui pensent que les deux mesures doivent pouvoir se coupler afin d’offrir un registre réellement compétitif et réclament depuis plusieurs années maintenant un réexamen de la mesure.

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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : Déclin et lutte des puissances maritimes européennes
Section 1 : Analyse comparative des flottes
Section 2 : La mise en place de registres internationaux pour faire face à la concurrence
PARTIE 2 : L’ACTION PROTECTRICE ET REGULATRICE INTERNATIONALE
Section 1 : La convention MLC 2006
Section 2 : La mise en œuvre des prescriptions
Conclusion

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