De l’apport et des limites des contributions des acteurs des milieux autochtones et de la recherche

En 2003, une équipe de chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) a effectué une étude auprès des communautés autochtones et locales de Guyane française afin de recueillir leurs connaissances traditionnelles pour le traitement du paludisme. Selon les chercheurs, il s’agissait de valoriser les remèdes traditionnels qui ont largement prouvé leur efficacité et dont l’usage est par ailleurs largement recommandé notamment par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :

les populations vivant en zone d’endémie palustre utilisent des plantes médicinales pour se soigner, et ainsi qu’il a été démontré précédemment, certaines de ces plantes ont des activités antiparasitaires réelles, pouvant être mises à profit dans l’élaboration de remèdes traditionnels améliorés.

Le projet de recherche a conduit à l’identification de 45 remèdes traditionnels et de 27 plantes dont la plus utilisée : Quassia amara. Les chercheurs ont reproduit et étudié en laboratoire ces remèdes. Les chercheurs sont parvenus à identifier à partir de la plante Quassia Amara une molécule – la Simalikalactone E (SkE) – présentant un intérêt pour la lutte contre le paludisme . Le 18 juin 2009, l’IRD a déposé une demande de brevet portant sur l’utilisation de la SkE pour le traitement du paludisme. En 2015, le brevet a été délivré par l’Office Européen des Brevets (OEB).

Pour reprendre les termes employés par l’IRD dans le cadre d’un projet scientifique similaire , il pourrait s’agir d’un exemple « d’une aventure scientifique passionnante, alliant l’ethnopharmacologie à la biologie moléculaire, la tradition et la modernité » .

Pourtant, en octobre 2015, une opposition relative au brevet de l’IRD a été déposée auprès de l’Office Européen des Brevets. Il est notamment reproché à l’IRD : 1- de ne pas avoir informé les participant.e.s au projet de la volonté de développer et de déposer un brevet ; 2- de ne pas avoir obtenu leur consentement préalable libre et éclairé pour l’utilisation de leurs savoirs, tel que préconisé dans de nombreuses sources juridiques et éthiques, en particulier en droit international ; 3- mais également de ne pas avoir organisé de partage juste et équitable des avantages découlant du projet de recherche, parmi lesquels les droits sur le brevet.

En réponse à cette opposition, l’IRD a mobilisé plusieurs séries d’arguments visant à justifier les pratiques des chercheurs dans le cas de l’exploitation de la plante Quassia Amara et des savoirs traditionnels associés. En ce qui concerne le consentement des participants, si l’IRD reconnaît le caractère fondamental de celui ci et précise que « tout manquement en la matière n’est pas conforme aux bonnes pratiques de recherche avec des populations locales », l’institut précise que selon lui, le non-respect de ce consentement n’est problématique que lorsqu’il est «légalement requis » . Or, en l’occurrence, toujours selon l’IRD, « aucun dispositif légal (…) n’obligeait les chercheurs [de l’IRD] à mettre en place le CPI [consentement préalable et informé] ». Dans la même veine, tout en reconnaissant l’existence de principes internationaux en matière de partage des avantages, l’IRD avance que : « les incitations aux partages des avantages dans le droit international s’adressent aux États » .

L’IRD mobilise également une seconde série d’arguments selon lesquels, le respect du consentement et le partage des avantages présenteraient des difficultés insurmontables, voire des dangers d’abus. Lors de la révélation du cas, un des chercheurs responsables du projet a ainsi déclaré :

Je vous invite à me dire qui l’on doit rétribuer. (…) Les Créoles ? Les métros ? Les Hmongs ? Les Palikurs ?… Mais dans ce cas- là, il faut rétribuer aussi toutes les populations transamazoniennes et au-delà, car Quassia est utilisée partout dans le bassin amazonien jusqu’au sud du Mexique. Et cela depuis des centaines d’années. Voilà une question passionnante de débat : à qui appartiennent les connaissances transpopulations et transgénérations ? Et dans le cas précis de Quassia, la préparation est décrite par Kwasi au XVIIe siècle !.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
Partie I : De la capacité des acteurs des milieux autochtones et de la recherche de contribuer à l’encadrement de la circulation des savoirs traditionnels
Chapitre 1 : Approche par le haut et approche par le bas de l’encadrement de la circulation des savoirs traditionnels
Section 1 : Les savoirs traditionnels et le contrôle de leur circulation
Section 2 : Une approche par le haut pour la protection des droits des détenteurs : la reconnaissance des savoirs traditionnels en droit international
Section 3 : La reconnaissance et la protection des savoirs traditionnels en droit canadien : un traitement parcellaire
Section 4 : Une approche par le bas de la protection des savoirs traditionnels : le rôle et les contributions des acteurs locaux au Canada
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 : Cadre théorique et méthodologie
Section 1 : Cadre théorique : Une sociologie des émergences pour mettre en évidence des contributions sous-estimées
Section 2 : La délimitation des contributions visées par notre étude : méthodologie
Section 3 : Méthodes de collecte des instruments
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 : La grande diversité des contributions à la zone de contact identifiées au Canada
Section 1 : Les contributions des acteurs des milieux autochtones
Section 2 : Les instruments élaborés par les acteurs du milieu universitaire
Section 3 : Les pratiques contractuelles établies entre les acteurs des milieux autochtones et de la recherche
Conclusion du chapitre 3
Conclusion de la partie I
Partie II : De l’apport et des limites des contributions des acteurs des milieux autochtones et de la recherche
Chapitre 1 : L’élaboration du projet de recherche et le recueil du consentement des communautés et de leurs membres
Section 1 : La participation des communautés et de leurs membres à l’élaboration du projet de recherche
Section 2 : Le consentement et sa remise en cause
Section 3 : L’usage des langues lors de la phase d’élaboration du projet et de recueil du consentement
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 : Collecte, analyse des données et préparation des résultats
Section 1 : Les conditions d’utilisation des savoirs
Section 2 : Participation lors de la phase d’analyse des données et de préparation des résultats
Section 3 : La formation et l’emploi de participant.e.s dans le cadre des projets
Section 4 : La soumission et la validation des données et/ou résultats
Section 5 : Usages des langues lors la phase de conduite du projet de recherche
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 : Diffusion et valorisation des résultats
Section 1 : Retour des données et des résultats auprès des participant.e.s
Section 2 : Usages des langues lors de la phase de diffusion des résultats
Section 3 : Reconnaissance de la contribution des participant.e.s
Section 4 : Droits sur les données et résultats
Conclusion du chapitre 3
Conclusion générale

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *