DE LA TRANSFORMATION DE LA SUBJECTIVITE HUMAINE EN MARCHANDISE A L’EXPLOITAION DE L’HOMME PAR L’HOMME DANS LE MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE

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Le caractère fétichiste de la marchandise:

La définition dit que le fétichisme est une pratique qui consiste à transformer un objet, une chose ou un animal en fétiche. Le fétiche est donc cette chose à laquelle on attribue une propriété magique, mystérieuse, mystique, c’est-à-dire, divinisée. La chose devenue fétiche, dans le monde de la production capitaliste, est la marchandise : Le caractère mystique de la marchandise ne provient donc pas de sa valeur d’usage. Il ne provient pas d’avantage des c aractères qui déterminent la valeur. D’abord, en effet, si variés que puissent être les travaux utiles ou les activités productives, c’est une vérité physiologique qu’ils sont avant tout des fonctions de l’organisme humain, et que toute fonction pareille, quels que soient son contenu et sa forme, est essentiellement une dépense du cerveau, des nerfs, des muscles, des organes, des sens, etc., de l’homme. En second lieu, pour ce qui sert à déterminer la quantité de la valeur, c’est-à-dire la durée de cette dépense ou la quantité de travail, on sauraitnier que cette quantité de travail se distingue visiblement de sa qualité. Dans tous les états sociaux, le temps qu’il faut pour produire les moyens de consommation a dû intéresser l’homme, quoi que inégalement, suivant les divers degrés de la civilisation. Enfin dès que les hommes travaillent d’une manièrequelconque les uns pour les autres, leur travail acquiert aussi une forme sociale. 38
La valeur d’usage qui est la forme naturelle de la marchandise n’est pas mystérieuse. Elle ne possède pas une propriété magique dans la mesure où elle se définit par le fait qu’elle est l’incarnation matérielle de la propriété naturelle d’un produit, propriété permettant à cette valeur d’usage de satisfaire un quelconque besoin humain. De la même manière, la valeur en ell-même n’est pas mystérieuse : c’est comme, on vient de le voir, une vérité quasiment physiologique puisqu’il s’agit du temps social abstrait qu’il a fallu pour la production de la marchandise. La question est de savoir : « d’où provient donc le caractère énigmatique du produit du travail, dès qu’il revêt la forme d’une marchandise? Evidemment de cette forme elle-même » . Le caractère fétiche de la marchandise réside doncdans la forme de la valeur : la valeur d’échange. Ce caractère comporte une double dimension : une dimension subjective et une dimension objective. C’est à travers ce texte que Marx donne la définition précise à la dimension objectiv de l’essence du fétichisme de la valeur d’échange : En général, des objets d’utilité ne deviennent desmarchandises que parce qu’ils sont les produits de travaux privés exécutés indépendamment les uns des autres. L’ensemble de ces travaux privés forme le travail social. Comme les producteurs n’entrent socialement en contact que par l’échange de leurs produits, ce n’est que dans les limites de cet échange que s’affirment d’abord les caractères sociaux de leurs travaux privés. Ou bien les travaux privés ne se manifestent en réalité comme divisionsdu travail social que par les rapports que l’échange établit entre les produits du travail et indirectement entre les producteurs. Il en résulte que pour ces derniers les rapports de leurs travaux privés apparaissent ce qu’ils sont, c’est-à-dire non des rapports sociaux immédiats des personnes dans eursl travaux même, mais bien plutôt des rapports sociaux entre les choses.
De l’interprétation de ce texte se déduit la compréhension de la dimension objective. Celle-ci se conçoit comme la cristallis ation des rapports de production entre les hommes dans les conditions de production de marchandises dont le principe logique et ontologique est la propriété privée desmoyens de production. Cette cristallisation permet de savoir que les rapports sociaux entre les producteurs privés se révèlent uniquement sur le marché par la médiation de l’échange. L’organisation spontanée et inconsciente de ces rapports à l’échele de la société fait en sorte que les relations entre producteurs immédiats s’identifient à des relations entre les produits du travail humain.
Cette identité est conditionnée d’une manière objective par le fait que dans les conditions de production marchande fondée sur la propriété privée, les produits du travail représentent l’ensemble des objets issus de la multiplicité des travaux individuels et privés, indépendants les uns par raport aux autres. Alors qu’entre ces producteurs privés, il existe une relation, une interdépendance qui s’élève sur la base de l’échange et sur la multiplicité de divisions sociales de la praxis. C’est dans et par ces interdépendances que le travail de chaque producteur, créateur de marchandises apparaît, se définit comme une fraction, une parcele, comme un échantillon du travail social global et indistinct, c’est-à-dire indifférencié. La nature sociale globale, indifférenciée du travail ne se révèle que sur le arché,m un espace où le travailleur va savoir si sa marchandise est nécessaire, si, et parconséquent, la société a besoin ou non de son travail. Pour pouvoir bénéficier de cett reconnaissance sociale, chaque marchandise doit être comparée à une autre marchandise selon la modalité d’une proportionnalité déterminée.
D’une manière plus précise, la détermination objective de l’essence du fétichisme n’est rien d’autre que la réification des rapports humains. Cette réification est un mode d’existence sociale dans laquelle les rapports entre les hommes sont médiatisés par des choses, c’est-à-direpar des marchandises ou, encore, les rapports entre les marchandises règlent les rapports entre les hommes. Cette réification est une inversion réelle dans la mesureoù elle est la chosification des rapports sociaux entre les hommes et en même temps,humanisation des rapports de choses. Pour dire autrement, dans cette médiation, les hommes ont tendance à se fier à la chose (argent) plutôt qu’aux hommes, d’où, val orisation du monde des choses et dévalorisation du monde des hommes. Cette logique constitue la réalité phénoménale du marché, théâtre de l’échange entre les marchandises.
Cette logique n’est compréhensible que dans le concept qui exprime le processus par lequel les travaux réels des subjectivités individuelles se transforment en travail social abstrait et général. La véritableréalité est constituée par les travaux effectués par les individus qui ont produits ces marchandises. C’est dans la mesure où cette réalité est perdue d’une manière originelle àcause de cette abstraction, de cette généralisation et de cette socialisation, qu’elle donne l’illusion d’avoir la forme d’une chose. D’une manière plus précise, l’abstraction est la transformation de la réalité des travaux et des individus en chose. De la même manière, c’est dans la mesure où la mystification constitue le système de l’échange quela praxis individuelle, la véritable réalité est devenue travail abstrait. Cette mystification transforme les relations pratiques réelles entre les individus subjectifs endes relations de travail abstrait avec lui-même et par conséquent, en des relations d’équivalence et de proportionnalité entre les marchandises elles-mêmes. C’est la raisonpour laquelle, dans Le Capital, livre I, Marx expose de façon précise comment la substitution de la relation des produits à celle des producteurs trouve sa conditio n sine qua none dans l’abstraction du travail social : Le caractère d’égalité de travaux humains acquiertla forme de valeur des produits du travail ; la mesure des travaux individuels par leur durée acquiert la forme de la grandeur de valeur des produits du travail ; enfin les rapports de producteurs, dans lesquels s’affirment les caractères sociaux de leurs travaux, acquièrent la forme d’un rapport social des produits du travail. Voilà pourquoi ces produits se converti ssent en marchandises, c’est-à-dire en choses qui tombent et ne tombent pa s sous les sens, ou choses sociales. C’est ainsi que l’impression lumineuse d’ un objet sur le nerf optique ne se présente pas comme une excitation subjective du nerf lui-même, mais comme la forme sensible de quelque chose qui existe en dehors de l’œil. Il faut ajouter que dans l’acte de la vision, la lumière est réellement projetée d’un objet extérieur sur un autre objet, l’œil ; c’est u n rapport physique entre des choses physiques. Mais la forme valeur et le rapport de valeur des produits du travail n’ont absolument rien à faire avec leur nature physique. C’est seulement un rapport social déterminé des hommes entre eux qui revêt ici pour eux la forme fantastique d’un rapport des choses entre elles. Pour trouver une analogie à ce phénomène, il faut la chercher dans la région nuageuse du monde religieux. Là les produits du cer veau humain ont l’aspect d’être indépendants, doués de corps particuliers,n ecommunication avec les hommes et entre eux. Il en est de même des produitsde la main de l’homme dans le monde marchand. C’est ce qu’on peut nommer le fétichisme attaché aux produits du travail, dès qu’ils se présentent ommec marchandises, fétichisme inséparable de ce mode de production.
Interprétant à sa manière cette analogie entre le fétichisme religieux et celui du mode de production marchande, Karl Löwith écrit : Dans le fétichisme de la marchandise se manifeste al domination des choses sur l’homme qui les produit, la relation de dépendance de l’homme créateur vis-à-vis de ses propres créatures. Il s’agit de déposséder, non plus la puissance de la religion sur l’homme, mais cette domination. [L’homme est dominé dans la religion par une œuvre factice de sa propre tête. Dans la production capitaliste, il est semblablement dominé par une œuvre de sa main.] L’homme moderne ne dispose plus du monde de son travail à lui, ce monde coexiste avec lui, s’étant, pour ainsi dire,fait autonome, car l’homme a lâché l’œuvre de ses propres mains, dans le régime d’économie privée de la production. L’œuvre de sa propre tête et de ses propres mains a dépassé sa tête et échappé à ses mains.
Si l’œuvre de sa tête et de ses propres mains a dépassé sa tête et échappé à ses mains, c’est qu’elle est de nature fantastique, selon le texte de Marx. Cette nature fantastique se manifeste par le fait que l’œuvre de venue marchandise ou valeur d’échange est l’unité substantielle de sa dimensionsensible et non sensible, de sa détermination visible et invisible et de sa réalitésaisissable et insaisissable. C’est dans ce texte que Marx souligne cette nature fantastique et donc fantomatique de la marchandise lorsqu’il écrit que : Dès que la table se présente comme marchandise, c’est une tout autre affaire. A la fois saisissable et insaisissable, il ne lui suffit pas de poser ses pieds sur le sol ; elle se dresse, pour ainsi dire, sur sa tête de bois en face des autres marchandises et se livre à des caprices bizarres que si elle se mettait à danser.

Le Processus historique de la marchandisation de la subjectivité humaine:

La marchandisation est une opération qui consiste à transformer la subjectivité humaine en marchandise dont l’essence est l’unité substantielle de la valeur d’usage et de la valeur d’échange. Dans la logique de la pensée marxienne, ce processus historique de marchandisation n’est compréhensible sans la connaissance du statut ontologique du travail humain. C’est dans Le Capital Livre I que Marx montre les dimensions de ce statut ontologique : Voici les éléments simples dans lesquels le procèsde travail se décompose : 1. activité personnelle de l’homme, outravail proprement dit ; 2. objet sur lequel le travail agit ; 3. moyen par lequel il agit50.
La terre […] est aussi objet universel de travail qui se trouve là sans son fait. Toutes les choses que le travail ne fait que détacher de leur connexion
immédiate avec la terre sont des objets du travail de par la grâce de la nature51.
Le moyen de travail est une chose ou un ensemble de chose que l’homme interpose entre lui et l’objet de son trava il comme conducteur de son action52.
L’emploi et la création des moyens de travail, quoiqu’ils se trouvent en germe chez quelques espèces animales, caractérisent éminemment le travail humain53.
Dans le procès de travail, l’activité de l’homme ffectue donc à l’aide des moyens de travail une modification voulue de son objet. Le procès s’éteint dans le produit, c’est-à-dire dans une valeur d’usa ge, une matière naturelle assimilée aux besoins humains par un changement deforme. Le travail, en se combinant avec son objet, s’est matérialisé et la matière est travaillée. Ce qui était du mouvement chez le travailleur, apparaît maintenant dans le produit comme une propriété en repos.
De l’interprétation et de l’analyse de ces multiples textes de Marx se déduit la compréhension de la structure ontologique du procès du travail humain. En effet, cette interprétation analytique permet de dire que cette structure ontologique est une praxis qui comporte cinq dimensions fondamentales : la dimension subjective, la dimension objective, la dimension instrumentale, l’œuvre, et la finalité. Marx identifie activité personnelle de l’homme et travail proprement dit. Réalité de cette activité, le travail est une praxis subjective. Cette subjectivité s’explique par le fait que c’est l’homme qui en est la dimension subjective : il est l’auteur, l’acteur, l’agent et le sujet de toute ac tivité personnelle. C’est au cours du procès du travail que l’homme fait travailler toutes ses forces subjectives et vivantes de son être personnel : Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifiesa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent .
Puissance subjective, puissance psychique, puissance intellectuelle constituent la totalité subjective des forces que l’homme en tant que dimension subjective de la praxis, mobilise au cours de son travail de transformation de l’objet de son travail. Sans ces forces subjectives qui agissent sur l’objet, il n’y aura pas de modification de cet objet. La praxis, grâce à sa su bjectivité vivante, transformatrice et créatrice, est le principe logique et ontologique de toute transformation d’objet. En tant que principe logique, elle est le principe d’intelligibilité, de compréhensibilité et d’explicabilité de toute modification subjective de toute objectivité. En tant que principe ontologique, la praxis subjective est le fondement de toute métamorphose de l’objet. Par fondement, elle est l’unité ontologique de fondation et de justification. Fondation, elle est la substance subjective sur laquelle s’érige toute métamorphose de toute objectivité. Justification, la praxis subjective est cette réalité subjective qui donne raison d’être à toute transformation subjective.
Si la praxis subjective de l’homme est le principe logique et ontologique de toute transformation subjective de toute objectivité, c’est que la dimension objective du procès du travail est une exigence conceptuelle et ontologique de ce procès. La dimension objective fait partie intégrante de la détermination conceptuelle et ontologique du procès de travail car l’idée de procès du travail porte en elle-même l’idée objective du travail ; de même la réalité tonlogique du procès de travail est inséparable de l’existence de l’objet. En ce sens, le procès du travail est l’unité de sa dimension subjective et de sa dimension objective. Dans ce procès, il n’y a pas de sujet sans objet, ni d’homme sans la nature.
En conséquence, la dimension objective de ce procèsdésigne la multiplicité des objets sur lesquels agit la praxis subjective de la multiplicité d’individus auteur, acteur et sujet de ce procès. Dans Les Manuscrits de 1844, Marx dit que la nature est l’objet, la matière et l’outil universel de la praxis vivante et subjective de l’homme. La nature, objet universel du travail se transforme en terre dans Le Capital, comme objet universel du procès de travail. Ce qui caractérise l’humanité par rapport à l’animalité, c’est justement la capacité subjectivede sa praxis de prendre comme objet de son travail, la nature dans son entièreté.Par cette aptitude, par cette capacité, cette praxis subjective a le pouvoir de faire en sorte que tous les éléments de la nature, ou tous les objets de la terre, soient susceptibles de devenir objet du travail.
De là on peut déduire que l’homme est doublement universel. Cette double universalité est démontrée par la praxis subjectivedu point de vue de la dimension subjective du procès du travail et celui de la dimension objective. La dimension subjective prouve que l’homme est un être universeldans la mesure où – lorsqu’il travaille – il mobilise toutes les facultés de son être. Cette démonstration est affirmée par cette citation : Les forces dont son corps est doué, bras et jambes,tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie 56.
A la mise en mouvement de toute la puissance subjective de l’homme correspond, du côté de la dimension objective, la possibilité de cette praxis de s’ouvrir d’une manière universelle à la multiplicit é des objets de la nature de la terre. C’est cette double ouverture universelle à la total ité des forces subjectives et à la totalité objective d’objets, qui démontre et attest l’universalité de l’être de l’humain.
Cette universalité est réaffirmée par la dimensioninstrumentale du procès de travail. Tout comme la dimension subjective et objective, la dimension instrumentale est une exigence conceptuelle et ontologique du procès de travail. Dans ce procès, cette triple dimension s’interpelle conceptuellement, ontologiquement et instrumentalement. Cette interpellation se voit par le fait que le sujet ne peut transformer l’objet que dans la mesure où il utilise des instruments de travail. Le monde du travail est la médiation entre la subjectivité et l’objectivité, entre le sujet et l’objet, entre l’homme et la nature. La dimension i nstrumentale désigne la totalité des moyens utilisés par le sujet ou par l’homme pour transformer l’objet de son travail. La dimension instrumentale est une preuve de l’universalité de l’homme dans la mesure où sa subjectivité a la capacité de transformer tous les éléments de la nature en instruments de son travail, grâce à l’opération technique et scientifique. L’expérience montre que la dimension instrumentale est l’unité substantielle de la multiplicité d’outils, des machines et de la modalité particulière d’organisation de ce procès de travail.
Dimension subjective, dimension objective et dimension instrumentale constituent la triple détermination ontologique du procès de travail. A cette triple dimension s’ajoute une autre qui en constitue l’uni té substantielle : le résultat du procès de travail dont la réalité est l’œuvre. L’œu vre est un objet de la terre dont la modification est voulue et conçue par le travailleu r. C’est de cette manière que l’œuvre est l’unité substantielle de la triple détermination subjective, objective et instrumentale du procès de travail. Cette considération est confirmée par Marx lorsqu’il écrit : « Dans le procès de travail, l’activité de l’homme effectue donc à l’aide des moyens du travail, une modification voulue de son objet.57 ». L’objet modifié d’une manière voulue et consciente, constitue l’unité objective de l’objectivité et de la subjectivité par la médiation de l’instrumentalité. Il est l’unité objective dans la mesure où il existe d’une manière extérieure à la subjectivité humaine. Il est l’unité de l’objectivité et de la subjectivité dans la mesure où, la matière qui constitue la substance de l’œuvre, vien t de l’objet de la nature, et la forme qui s’incarne dans cette matière vient de la subjectivité humaine. Si la table est l’objet de la nature modifiée d’une manière voulue et conçue, elle est l’unité objective de la matière « bois » qui vient de la nature et de la forme table qui vient de la tête de l’homme. Cela justifie la thèse hégélienne selon laquelle l’œuvre est le concept devenu effectivité.
Si l’œuvre constitue la quatrième dimension du proc ès de travail, sa première signification sera sa valeur d’usage et sa première fonction sera l’utilité. La finalité constitue la cinquième dimension du procès de travail. C’est cette finalité qui donne sens et raison d’être à tout le procès de travail humain. Le procès n’a ni de légitimité, ni de validité que dans la mesure où il est une praxis subjective, créatrice d’œuvre utile à la vie ayant des propriétés capables d’êtreutilisées, pour satisfaire les besoins humains.
De l’analyse du statut ontologique du procès de travail découle l’idée que la subjectivité vivante est principe et fin du procèsde travail, son alpha et son oméga. La subjectivité vivante est principe dans la mesureoù elle est le point de départ du procès de travail. C’est la praxis subjective de la subjectivité vivante, de la multiplicité d’individus qui déclanche ce procès ettout le mouvement du travail. Sans cette subjectivité, il n’y a pas de travail humain. La subjectivité est fin dans la mesure où c’est la vie de cette subjectivité qui donne sens et raison d’être au procès du travail. La raison d’être de ce procès est de permettre à la vie de la multiplicité d’individus vivants de se produire et de se reproduire, c’est-à-dire, de vivre et de continuer de vivre.
Dimension subjective, dimension objective, dimension instrumentale, œuvre et finalité, constituent les cinq déterminations fondamentales de l’essence du travail
humain. Cette essence relève de la spécificité de’humanitél. Il est dans la nature même de toute essence d’être universelle. L’universalité de cette essence est historique. Par cette historicité, elle est une universalité temporelle et spatiale. La spatialité de cette universalité s’explique par lefait qu’elle est le principe logique, ontologique et existentiel de la vie de la multiplicité d’individus de toute société qui existe partout dans l’espace. Au fondement de cette multiplicité de sociétés se trouve une multiplicité d’individus qui travaillent à l’aide d’une multiplicité de moyens de travail et qui modifient une multiplicité d’objets dans la finalité de satisfaire une multiplicité de besoins. L’universalité de cette essence est temporelle dans la mesure où elle reste identique à elle-même au cours de l’évolution de l’histoire de la multiplicité de sociétés humaines. C’est cette universalité dans letemps et dans l’espace, essence entre l’homme et la nature que Marx évoque lorsqu’il écrit :
En tant qu’il produit des valeurs d’usage, qu’il e st utile, le travail, indépendamment de toutes formes de sociétés, est lacondition indispensable de l’existence de l’homme, une nécessité éternelle,le médiateur de la circulation matérielle entre la nature et l’homme.»58
. « Le procès de travail tel que nous venons de l’analyser dans ces moments simples et abstraits – l’activité qui a pour but la production de valeurs d’usage, l’appropriation des objets extérieurs aux besoins – est la condition générale des échanges matériels entre ommel’h et la nature, une nécessité physique de la vie humaine, indépendantepar cela même de toutes ses formes sociales, ou plutôt également commune à toutes59.
Ce procès traduit un concept d’échange organique entre l’homme et la nature. C’est une échange qui est une médiation dans et par laquelle s’effectue la relation de transformation de la nature par l’homme et de l’homme par la nature par le travail. Le travail est une opération d’humanisation de la nature et de naturalisation de l’homme. La force subjective du travail, définie comme ensemble de substance naturelle transformée en organisme humain agit surla substance naturelle extérieure à l’homme. C’est dans et par cette action que la natu re se convertit en nature humaine, c’est-à-dire, en nature humanisée. De la même manière, l’homme ne développe ses facultés subjectives que dans la mesure où il transforme la nature. On peut dire que l’œuvre, en tant que nature humanisée, représente la réalité humaine devenue naturelle et la réalité naturelle devenue humanisée.C’est dans cette condition que la nature devenue humaine acquiert une nouvelle forme, c’est-à-dire, une qualité sociale représentant la valeur d’usage. La valeur d’usage, pour dire autrement, est la nature humanisée ou l’homme devenu nature. Elle est l’unité substantielle de la forme sociale qui vient de l’homme et de la matière qui vient de la nature. Cette unité substantielle est le produit de l’échange organique vital entre l’homme et la nature.
C’est cette osmose originelle primordiale entre la subjectivité vivante et la nature, enfin, la vie et la terre que Michel Henri évoque orsqu’il écrit : Cette co-appartenance originelle de l’individu vivant et de la Terre est essentiellement pratique ? Elle a son site dans la vie et repose en elle. La force avec laquelle l’Individu et la Terre cohérentdans cette primitivité sans âge c’est la force de la vie. Le travail vivant n’e st que la mise en œuvre de cette force – non quelque évènement accidentel survenantà la surface de la Terre et affectant l’individu de l’extérieur, mais l’actualisation en lui du pouvoir par lequel la vie retient l’univers. Prises dans ce pouvoir, les choses sont d’entrée de jeu ce qu’elles se découvrent être sous l’actiondu travail vivant : des matières pour être informées par sa force vivifiante, des instruments de cette force, ses « prolongements » déjà façonnés, eux aussi et in-formés par elle. Tenus par la vie comme ce qu’elle retient dans l’être, comme son corrélat et son prolongement, matières premières et instrumentslui appartiennent dans le principe. C’est de cette façon que l’homme est l e propriétaire de la Terre,
pour autant qu’il se meut dans cette co-appartenance primitive de l’Univers et de la Vie60.
Dans la société pré-capitaliste, et malgré la transformation qu’elle a pu subir au cours de l’histoire, cette co-appartenance ontologique primordiale de la vie humaine avec la terre garde encore sa réalité. Celase justifie par le fait que l’essence du procès de travail n’était pas totalement détruite par les modalités d’organisation de la production : la modalité esclavagiste et la modalité féodale. Dans la terminologie marxienne, l’essence universelle du procès de travail devient processus de production lorsqu’elle est organisée par une modalité particulière d’organisation d’une société particulière. Si le procès de travail, actualisation de l’essence subjective, ne change pas, c’est le mode d’organisation du processus de production qui se transforme en fonction de la multiplicité de modalité de production, et en fonction de l’histoire de la société. La modalité de production asiatique, le mode de production esclavagiste et le mode de production féodale constituent la triple modalité avant la modalité capitaliste. Ce qui se caractérise d’une manière commune dans cette triple modalité c’est le fait que l’essence du travail humain n’était pas totalement détruite. Or, ce quispécifie le mode d’organisation capitaliste, c’est justement cette destruction de l’intégrité ontologique du travail humain. Il est donc question de savoir quelle est la cause, le processus et la conséquence de cette destruction de l’essence universelle de la praxis humaine. C’est dans ce texte qu’on peut extraire la réponse à cette triple question :
Au fond du système capitaliste il y a donc la séparation radicale du producteur d’avec les moyens de production. Cette séparation se reproduit sur une échelle progressive dès que le système capitaliste s’est une fois établi ; mais comme celle-là forme la base de celui-ci, il n e saurait s’établir sans elle. Pour qu’il vienne au monde, il faut donc que, partiellement au moins, les moyens de production aient déjà été arrachés sanshrasep aux producteurs, qui les employaient à réaliser leur propre travail, et qu’ils se trouvent déjà détenus par des producteurs marchands, qui eux lesemploient à spéculer sur le travail d’autrui. Le mouvement historique qui fait divorcer le travail d’avec ses conditions extérieures, voilà donc le fin mot de l’accumulation appelée « primitive » parce qu’elle appartient à l’âge préh istorique du monde bourgeois61.
Il a été affirmé que l’essence du travail est l’unité substantielle de la quintuple dimension : subjective, objective instrumentale, œuvre et fin. L’accumulation est ce mouvement historique qui consiste à détruire cette essence. Il est dans la nature même de ce mouvement d’être l’unité dialectique de l’appropriation et de l’expropriation. L’accumulation primitive est appropriation dans la mesure où elle est ce mouvement qui consiste à approprier les conditions objectives du travail, dont la réalité est plus particulièrement les instruments du travail, ses objets et ses produits. Cette appropriation est en même temps expropriation dans la mesure où elle est un mouvement qui consiste à exclure une multipl icité d’individus de leurs biens, de leurs terres, de leurs instruments du travail, de leurs objets du travail et surtout de leurs produits du travail. L’observation de l’histo ire permet de dire que l’accumulation primitive, dont l’essence est l’unit é de l’opération d’expropriation et de l’opération d’appropriation est faite de violence dans toutes leurs formes. Ce sont ces violences que Marx évoque dans ce texte : La spoliation des biens d’église, l’aliénation frauduleuse des domaines de l’Etat, le pillage des terrains communaux, la transformation usurpatrice et terroriste de la propriété féodale uo même patriarcale en propriété moderne privée, la guerre aux chaumières,voilà les procédés idylliques de l’accumulation primitive. Ils ont conquis la terre à l’agriculture capitaliste, incorporé le sol au capital et livré àl’industrie des villes les bras dociles d’un prolétariat sans feu ni lieu .

La loi de l’exploitation de l’homme par l’hom me dans le mode de production capitaliste :

La loi est d’une manière générale, une totalité derègles qui définit le fonctionnement d’une action. L’action dont il s’agi t ici est l’exploitation de l’homme par l’homme dans le mode de production capitaliste. Or, la société capitaliste est une société dont la double condition d’existence est lasuivante : la première condition est le fait que les travailleurs sont des échangistes dans la mesure où ils possèdent une marchandise, leur force de travail. Cette marchandise est une valeur d’usage pour la société, mais est valeur d’échange pour eux ; la deuxième condition est le fait que l’échange s’élève sur la base de la liberté de chaque individu à disposer de sa marchandise.
La réalité de cette liberté est laconfrontation dialectique entre l’offre et la demande. C’est une confrontation qui s’effectue san s qu’une puissance extérieure ou particulière puisse s’imposer et imposer les prix du marché.
Ce qui caractérise l’échange, c’est la relation des proportionnalités entre marchandises équivalentes. En ce sens, la circulation définie comme la réalité sociale de l’échange, n’est que l’existence de la forme valeur qui se maintient et se poursuit à travers différente forme. La valeur reste identiqueet égale à elle-même à travers toutes ses manifestations. Ce qui veut dire que l’égalité et la liberté sont la double détermination qui règle l’échange entre les individus, par la médiation de l’échange de leurs marchandises. De là, on peut déduire que, si l’égalité règne dans l’échange, il n’y aura pas de surplus de valeur dans la circulation des marchandises.
Or, ce qui caractérise la plus-value, réalité économique de l’exploitation de l’homme par l’homme est justement ce surplus de val eur. S’il en ainsi, la question fondamentale que Marx se pose dans Le Capital livre I est celle de l’origine de la plus-value. Comment se réalise la valorisation de la valeur, c’est-à-dire, son augmentation ? Comment se fait la possibilité pour le capital de s’accroître dans la forme A-M-A’ en tant que forme de circulation ?
La loi fondamentale du capital est la forme de l’échange A-M-A’, forme dans laquelle A’, argent défini supérieur par rapport à A, argent avancé ou investi dans l’appropriation d’une marchandise. Par cette formul e, on assiste à une augmentation de la valeur, mais cette augmentation paraît impossible si on tient compte de la logique équivalente et égalitaire de la circulation. Dans al circulation A-M-A’, il y a deux moments. Dans le second moment M-A’ de ce procès, à savoir la vente de la marchandise, un changement de valeur ne s’accomplit pas dans la mesure où la valeur passe simplement de sa forme marchandise à la forme argent. Dans le premier moment du procès, M-A par lequel le capitaliste achète unemarchandise, il n’y a également qu’échange entre équivalent, une simple métamorphose de la valeur qui passe cette fois-ci de sa forme marchandise à sa forme argent. De cette double hypothèse découle la constatation qu’aucune augmentation de valeur n’ est possible dans la formule circulatoire A-M-A’.
Il reste donc une troisième hypothèse. Celle-ci consiste à dire qu’il faut que cette augmentation de la valeur, impossible sur la sphère de la valeur elle-même c’est-à-dire sur le plan de la circulation, provienne de la valeur d’usage de la marchandise particulière achetée par le capitaliste sur le marché. Il faudrait qu’il soit question d’une marchandise extraordinaire dont la mise en œuvre, d ont l’usage a la capacité de produire de la valeur et par conséquent, de fournir à son utilisateur, le capitaliste bourgeois, l’homme aux écus, une valeur d’échange plus grande que celle qu’il a donné pour son obtention. Cette réalité existe, c’est la valeur d’usage fondamentale qui a été reconnue comme celle de la force de travail ueq constitue la subjectivité organique individuelle. A partir du moment où le capitaliste s’approprie cette force, il a le pouvoir de créer de la valeur d’usage et le processus de valorisation et de conservation constitutif du capital. C’est cette triple thèse que Marx évoque dans ce texte : Il faut donc que le changement de valeur exprimé par A-M-A’, conversion de l’argent en marchandise et reconversion de la même marchandise en plus d’argent, provienne de la marchandise. Mais il ne peut pas s’effectuer dans le deuxième acte M-A’, la revente, où la marchandise passe tout simplement de sa forme naturelle à sa fo rme argent. Si nous envisageons maintenant le premier acte A-M, l’achat, nous trouvons qu’il y a échange entre équivalents et que par conséquent, lamarchandise n’a plus de valeur échangeable que l’argent converti en elle. Reste une dernière supposition, à savoir que le changement provienne d e la valeur d’usage de la marchandise, c’est-à-dire de son usage ou de sa con sommation. Or, il s’agit d’un changement dans la valeur échangeable, de son accroissement. Pour pouvoir tirer une valeur échangeable de la valeur usuelle d’une marchandise, il faudrait que l’homme aux écus eût l’heureuse chance de découvrir au milieu de la circulation, sur le marché même, une marchandise dont la valeur usuelle possédait la vertu particulière d’être source de leurva échangeable, de sorte que la consommer serait réaliser du travail et, par conséquent, créer de la valeur. Et notre homme trouve effectivement sur le marché une marchandise douée de cette vertu spécifique ; elle s’appelle puissance de travail.
Sous ce nom il faut comprendre l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d’un homme, dans sa personnalité vivante, et qu’il doit mettre en mouvement pour produire des choses utiles66.
Il a été affirmé que cette marchandise particulièredouée de vertu spécifique n’est rien d’autre que la puissance de travail ou l a force de travail dont l’existence est la subjectivité organique et la personnalité vivante de l’homme. Pour que cette puissance de travail puisse produire d’une manière effective plus de valeur qu’elle n’a nécessité à sa production, il faut qu’un certain nombre de conditions soient remplies. Ce sont ces différentes conditions que Marx montreà travers ce texte :Pour que le possesseur d’argent trouve sur le marché la force de travail à titre de marchandise, il faut cependant q ue diverses conditions soient préalablement remplies. L’échange des marchandises, par lui-même, n’entraîne pas d’autres rapports de dépendance que ceux qui découlent de sa nature. Dans ces données, la force de travail ne peut se présenter sur le marché comme marchandise, que si elle est offerte ou vendue par son propre possesseur. Celui-ci doit par conséquent pouvoir endisposer, c’est-à-dire, être libre propriétaire de sa puissance de travail, de sa propre personne. Le possesseur d’argent et lui se rencontrent sur le marché et entrent en rapport l’un avec l’autre comme échangistes au même titreIls. ne diffèrent qu’en ceci : l’un achète et l’autre vend, et, par cela même, tous deux sont des personnes
juridiquement égales . Pour que ce rapport persiste, il faut que le propriétaire de la force de travail ne la vende jamais que pour un temps déterminé, car s’il la vend en bloc, une fois pour toute, il se vend lui-même, etde libre qu’il était, se fait esclave de marchand, marchandise. S’il veut maintenir sa personnalité, il ne doit mettre sa force de travail que temporairement à la disposition de l’acheteur, de telle sorte qu’en l’aliénant il ne renonce pas pour cela à sa propriété sur elle.
la seconde condition essentielle pour que l’homme aux écus trouve à acheter la force de travail, c’est que le possesseur de cette dernière, au lieu de pouvoir vendre des marchandises dans lesquelles son travail s’est réalisé, soit forcé d’offrir et de mettre en vente, comme une marchandise, sa force de travail elle-même, laquelle ne réside que dans sonorganisme69.
De l’analyse de ces trois textes, on peut extraire quatre conditions. La première condition affirme l’égalité juridique desindividus qui vendent et achètent la puissance du travail. Cette égalité juridique est nséparablei de la considération de la liberté au marché du travail. La deuxième conditiondit que le propriétaire de la force de travail est une personne juridiquement libre. C’est de cette façon qu’il doit pouvoir disposer de sa propre force de travail. Cela justifie l’idée que l’esclavage n’est pas une exploitation du travail. Il n’y a que la force de travail, librement disposée, qui puisse être exploitée. L’exploitation s’élève donc sur labase de la liberté consentie. On peut dire avec Boétie que l’exploitation est une servitude volontaire. Pour que le propriétaire de la force de travail ne se transforme pas en esclave, la puissance de son travail ne doit être vendue que pour une fraction emporellet bien déterminée, le jour, la semaine, le mois ou l’année. Sans cette fraction, le travailleur ne s’appartient plus à lui-même. Telle est donc la deuxième condition deal possibilité de l’exploitation de la force de travail.
A cette condition s’ajoute une troisième. Celle-ci consiste à dire que, privé de toute objectivité, de toute marchandise qu’il peut vendre pour satisfaire ses besoins, le propriétaire de la force de travail se trouve dans la nécessité de ne vendre que cette force dans la mesure où il ne possède rien d’autre pour vivre. C’est la raison pour laquelle le prix qu’on lui donne doit être tout entier destiné à la production et reproduction de sa force de travail. Telle est la quatrième condition.
Ce quadruple condition se résume dans l’affirmation que la liberté et l’indépendance déterminent les rapports entre les ndividus échangistes. Cette double détermination qui se réalise sur le marché n’est pas absolument naturelle. Elles sont le résultat d’un processus historique. C’est cette thèse que Marx évoque dans le texte suivant : Dans tous les cas, il y a une chose bien claire : la nature ne produit pas d’un côté des possesseurs d’argent ou de marchandises et de l’autre des possesseurs de leurs propres forces de travail purement et simplement. Un tel rapport n’a aucun fondement naturel, et ce n’est pa s non plus un rapport social commun à toutes les périodes de l’histoire. Il est évidemment le résultat d’un développement historique préliminaire, le produit d’un grand nombre de révolutions économiques, issu de la destruction detoute une série de vielles formes de production sociale70.
Il a été étudié que l’accumulation primitive faitartiep intégrante de cette opération de destruction de toute une série de vielles formes de production. Dans les nouvelles formes de production, c’est-à-dire, dans le capitalisme, la vérité profonde du système se trouve voilé à travers l’évaluation de al force de travail sur le marché. La question est de savoir qu’elle est le statut ontologique de cette force de travail et comment se fait son évaluation sur le marché. C’estdans ce texte que Marx identifie que la valeur de la force de travail est identique à la valeur de tout autre marchandise : Comment la détermine-t-on ? par le temps du travail nécessaire à sa production. » « En tant que valeur, la force de travail représente le quantum de travail social réalisé en elle. Mais elle n’existe en fait que comme puissance ou faculté de l’individu vivant. L’individu étant donné, il produit sa force vitale en se reproduisant ou en se conservant lui-même. Pour son entretien ou pour sa conservation, il a besoin d’une certaine somme de moyens de subsistance. Le temps de travail nécessaire à la production de la force de travail se résout donc dans le temps de travail nécessaire à la production de ces moyens de subsistance ; ou bien la force de travail a juste la valeur des moyens de subsistance nécessaires à celui qui la met en jeu71.
Le temps de travail nécessaire à la production-reproduction de la force de travail s’évalue en fonction d’une compensation de l’usure physiologique. Il est ici question des dépenses énergétiques engendrées par’usagel de la force physico intellectuelles que doivent fournir l’homme dans l’ accomplissement de son travail. Cette compensation doit être faite d’une manière journalière dans la mesure où c’est au jour le jour que le travailleur doit reconstruire ses capacités perdues. Or, on remarque, à l’époque où Marx parle de cette évaluation journalière de l’usure de la puissance subjective, que cette nécessité se reflète dans lepaiement du salaire d’une manière quotidienne.
La grandeur qui détermine l’évaluation de la valeurde la force de travail, c’est-à-dire le salaire, est variable. Cette variab ilité dépend de l’organisation du travail. Celle-ci peut augmenter l’usure de la force de travail. Plus cette usure est grande, plus élevés sont les coûts des frais de production ou dereproduction de la force de travail. Ce sont les différentes modalités de l’organisationdu travail qui justifie que le coût, c’est-à-dire la valeur de la force de travail, n’es t pas un élément stable du système de production. Ce coût relève de la forme variable du capital. Cette variabilité se comprend par le fait que la valeur de la force de travail reflète les conditions sociales et historiques dans lesquelles cette puissance de travail est produite en tant que marchandise. C’est la raison pour laquelle cette valeur dépend d’un grand nombre de facteurs. Ce sont ces facteurs que Marx évoque dansces textes : Les besoins naturels, tels que nourriture, vêtements, chauffage, habitation, etc., diffèrent suivant le climat et les autres particularités physiques d’un pays. D’autre côté, le nombre même de prétendus besoins naturels, aussi bien que le mode de les satisfaire, est un produit historique, et dépend ainsi, en grande partie, du degré de civilisation atteint72.
Les propriétaires des forces de travail sont mortels. Pour qu’on en rencontre toujours sur le marché, ainsi que le réclame la transformation continuelle de l’argent en capital, il faut qu’il s ’éternise, « comme s’éternise chaque individu vivant, par la génération. » Les forces de travail que l’usure et la mort viennent enlever au marché, doivent êtreconstamment remplacées par un nombre au moins égal. La somme des moyens desubsistance nécessaire à la production de la force de travail comprend don c les moyens de subsistance des remplaçants, c’est-à-dire des enfan ts des travailleurs, pour que cette singulière race d’échangistes se perpétuesur le marché .
D’autre part, pour modifier la nature humaine de manière à lui faire acquérir aptitude, précision et célérité dans unnrege de travail déterminé, c’est-à-dire pour en faire une force de travail développée dans un sens spécial, il faut une certaine éducation qui coûte elle-mêmeune somme plus ou moins grande d’équivalents en marchandises. Cette somme varie selon le caractère plus ou moins complexe de la force de travail. Les frais d’éducation, très minimes d’ailleurs pour la force de travail simple, rentrent dans le total des marchandises nécessaires à sa production74.
Trois sont les facteurs qui permettent l’évaluation de la force de travail. Le premier facteur est la structure historique et sociale des besoins qui sont variables selon l’histoire, c’est-à-dire selon l’espace et le temps, selon la culture et la civilisation de la société dans laquelle existe le propriétairedes forces de travail. C’est cette condition historique qui définit le deuxième facteur. Celui-ci est le temps nécessaire à la production des moyens de subsistance permettant la satisfaction des besoins, satisfaction dont la finalité est la production reproduction de la force de travail et l’éternisation de cette force sur le marché du travail. Le troisième facteur qui ne fait que confirmer cette considération est le caractèreplus ou moins complexe du travail. Ce caractère demande, en un certain sens, des actions qui doivent développer les facultés physiques, intellectuelles et morales qui coûtent elles-mêmes une grande équivalence de marchandises. L’évaluation de la force de travail dépend donc deces facteurs. Cela veut dire que la puissance du travail est identique à toute a utre marchandise. Son prix dont la réalité est le salaire correspond à la somme de marchandise qu’il a fallu à sa production-reproduction. Il est égal au coût de production de cette marchandise. Le coût est la traduction des conditions sociales dans lesquelles l’exploitation de la force subjective peut fonctionner d’une manière efficace et efficiente. Le salaire qui appartient au capital variable n’a rien à voir avec la répartition des revenus. Cela s’explique par le fait que le capitaliste achète la force subjective du travail. C’est un achat qui lui permet de donner le pouvoir d’en disposer comme bon lui semble, c’est-à-dire, de disposer de la totalité des produits engendrés par la consommation ou l’usage de la force de travail. Cette proposition théorique ne peut être évidemment valide que si le salaire est fixe, indépendamment des capacités produites. C’est bien sûr la seule modalité de faire apparaître le profit comme résiduel.
Telle est en quelque sorte la réalité ontologique ud travailleur dans le mode de production capitaliste. C’est une réalité qui identifie la subjectivité vivante à la seule force de travail et celle-ci à une marchandise. De ce double identification découle une multiplicité de conséquence dans la mesure où cetteidentification fait apparaître que le système capitaliste demande pour son fonctionnement que le travailleur consente à une avance au capitaliste. La double raison qui justifie cela se trouve dans ce texte : Qui dit puissance de travail ne dit pas encore travail, pas plus que puissance de digérer ne signifie digestion. Pour enarriver là, il faut, chacun le sait, quelque chose de plus qu’un bon estomac. Qui dit puissance de travail ne fait point abstraction des moyens de subsistance nécessaire à son entretien ; leur valeur est au contraire exprimée par la sienne. Mais que le travailleur ne trouve pas à la vendre, et au lieu de s’en glorifie r, il sentira au contraire comme une cruelle nécessité physique que sa puissance de travail, qui a déjà exigé pour sa production un certain quantum de moyens de subsistance, en exige constamment de nouveaux pour sa production. Il découvrira alors avec Sismondi, que cette puissance, si elle n’est pas vendue, n’est rien75.
Dans tous les pays où règne le mode de production capitaliste, la force de travail n’est donc payée que lorsqu’elle a déjà fonctionné pendant un certain temps fixé par le contrat, à la fin de chaque semaine, par exemple. Le travailleur fait donc partout au capitaliste l’avance de la valeur usuelle de sa force ; il la laisse consommer par l’acheteur avant d’en obtenir le prix ; en un mot, il lui fait partout crédit. Et ce qui prouve que ce crédit n’est pas une vaine chimère, ce n’est point seulement la perte du salaire quand le capitaliste fait banqueroute, mais encore une foule d’autres conséquences moins accidentelles76.
Le premier texte montre la première raison selon laquelle, privé de toute objectivité extérieure qu’il peut vendre, le travailleur ne peut produire et reproduire sa puissance de travail. Pour qu’il puisse produire et reproduire sa propre force de travail, il faut qu’il vende cette force. Pour fonctionner, il faut que la force de travail ait été préalablement produite. Mais la dépense qui constitue le frais de cette production reproduction ne peut être garantie que dans la mesure où cette marchandise, c’est-à-dire cette force de travail trouve un preneur. Il se peut que le travailleur reste au chômage. Le chômage est un mode d’existence sociale dans laquelle la puissance de travail n’a pas de preneur. Cette puissance, si elle n’est pas vendue, n’est rien.

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Table des matières

Première Partie : LE STATUT ONTOLOGIQUE DE LA MARCHANDISE
I.1. Définition de la marchandise : la dialectique de la valeur d’usage et de la valeur d’échange
I.2. De la valeur de la marchandise à la possibilité principielle de l’échange
I.3. Le caractère fétichiste de la marchandise :
Deuxième partie : DE LA TRANSFORMATION DE LA SUBJECTIVITE HUMAINE EN MARCHANDISE A L’EXPLOITAION DE L’HOMME PAR L’HOMME DANS LE MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE
II.1. Le Processus historique de la marchandisation de la subjectivité humaine :
II.2. La loi de l’exploitation de l’homme par l’homme dans le mode de production capitaliste
II.3. L’économie marchande, réalité moderne de l’aliénation :
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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