De la problematique de la philosophie africaine

DE LA PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

Si l’Afrique a connu l’éclosion de brillants foyers de civilisation, son histoire a pourtant été occultée par les Occidentaux pour diverses raisons. C’est dans cette perspective d’occultations des réalités historiques et culturelles du monde noir que les africains seront taxés par les auteurs du préjugé raciste d’être incapable de philosopher car dénués de raison. C’est dans ce contexte intellectuel qu’apparut « La philosophie bantoue » de Tempels. Il semble s’élever contre le préjugé raciste et admet ainsi l’existence d’un ensemble d’idées rationnelles sur lesquelles reposent et s’expliquent les comportements des indigènes.

La problématique de la philosophie en Afrique a vu le jour avec la publication en 1945 de cet ouvrage de Tempels. En effet, l’originalité de Tempels par rapport à la tradition intellectuelle africaine réside dans la formulation de l’hypothèse de l’existence d’une philosophie africaine. Il déclenche ainsi ce qui constituera l’objet de la problématique : le problème de l’existence de la philosophie en Afrique. Il s’agit bel et bien d’une problématique, car Tempels avancera dans son ouvrage, des jugements, des propositions dont la véracité reste à vérifier. André Lalande définit la problématique comme le caractère d’un jugement douteux, qui est affirmé gratuitement, sans preuves suffisantes et que, par suite, on doit considérer comme restant en question. C’est effectivement ce qui se passera, car à la suite des arguments avancés par le belge, Kagamé, à travers « La philosophie banturwandaise de l’être », tentera de rectifier la thèse avancée par Tempels.

Et d’autres philosophes africains contemporains (Hountondji, Towa, Boulaga) entameront la critique la plus radicale des thèses avancées par l’ethnophilosophie tout entière. D’autres critiques se retrouvent aussi chez Césaire, Frantz Fanon. Mais il est important de préciser que toute cette controverse est partie du préjugé raciste qui faisait de la raison et de la philosophie une affaire exclusive des Blancs.

Le préjugé raciste

Deux conceptions s’opposent à propos de l’origine du racisme : la première indique que différentes formes de racisme se sont succédées au cours de l’histoire, et ce, depuis l’antiquité et la seconde envisage le racisme comme produit de l’Europe occidentale moderne, exporté dans le sillage de l’impérialisme européen. Quoiqu’il en soit, le continent africain a été un champ d’évasion, non seulement militaire, mais aussi idéologique. Et toutes les idées racistes occidentales sur les sociétés africaines se sont appuyées sur les seules valeurs du monde occidental et reposaient pour l’essentiel sur un préjugé ethnocentrique. C’est sur leur propre histoire, leurs propres pratiques culturelles et sociales que devraient être jugées et condamnées toutes les autres valeurs et races. L’histoire occidentale apparaît alors comme l’aune à partir duquel doivent être jugé toute les autres civilisations.

Ainsi, sans hésitation, les occidentaux ont déclaré que la race noire était inferieure à la race blanche, et cela, sans connaître les réalités africaines. Qu’est-ce que le racisme? Elle peut se définir comme une idéologie qui postule une hiérarchie entre les êtres humains selon leurs origines ethniques. Plus précisément, il désigne la croyance que de prétendues propriétés biologiques innées, attribuées à des groupes sociaux, conditionnent véritablement l’accomplissement individuel et culturel. Cette conception est un postulat sur lequel s’accordaient très largement les scientifiques, les philosophes et les hommes politiques européens. Il s’agit bien d’un préjugé, d’un point de vue ou une opinion que les Occidentaux ont formulée avant même de traiter le problème rigoureusement. D’ailleurs, cela ne leurs intéressaient pas, car ce préjugé avait un autre but plus précis: faire croire au Noir qu’il était inférieur au Blanc. La présupposée suprématie blanche est l’élément fondamental de l’idéologie coloniale, c’est aussi le principe justificatif de toutes les épisodes tragiques qu’a connue l’Afrique et l’homme Noir de manière générale. C’est ainsi que le préjugé raciste a pris forme et a mis en place des thèses dominantes dans l’histoire de l’époque autour des années 1945. Dans ces thèses, on retrouve l’idée selon laquelle le monde est composé de sociétés à degrés inégaux de développement, d’évolution. Les Noirs étaient vus comme des primitifs, des sauvages qui seraient plus proches de la pure animalité que de l’humanité .Et, pour qu’ils accèdent à l’humanité, l’assistance de l’homme blanc qui est supérieur est jugé nécessaire. Ainsi, la colonisation est présentée de ce point de vue comme une pratique bénéfique à l’africain. Cette idée constitue le fondement du préjugé raciste et elle est fortement marquée par les thèses primitivistes et négativistes de Lucien Lévy-Bruhl et de ces épigones occidentaux. De ce point de vue, le nègre serait biologiquement constitué pour être asservi, car il n’est pas un homme plein au sens véritable du terme. Ce préjugé affirme qu’au sommet de l’évolution se trouve les sociétés occidentales. Et toutes les autres sociétés sont inférieures et primitives. L’instrument de ce dénivellement est l’usage plus ou moins de la raison. Ils affirment que les sociétés africaines sont réglées selon une mentalité mystique et mythique. Autrement dit, le Noir, enfermé dans les pensées mystiques fondées sur la croyance à des forces, des  influences, d’actions imperceptibles aux sens, ne résonnait guère, car il est privé de raison. Les Noirs entretiendraient un rapport non conflictuel avec la nature contrairement aux Blancs pour qui, il s’agit de la dominer pour améliorer ses conditions d’existence. Ce serait l’immobilisme et la stagnation qui auraient caractérisé les sociétés primitives, qui pour l’européen, ignoraient l’activité intellectuelle pure. L’usage correct de la raison comme instrument de domination et d’explication des mécanismes de la nature ferait défaut aux Noirs. Pour Lévy Brühl, la participation plus que la raison, caractérisait le Nègre qui est comme un être insensible à la contradiction et inapte à la pensée profonde et à la réflexion.

C’est pourquoi les doctrines africaines étaient fondées sur le sentiment et l’imagination et non sur la raison. Alors, il consiste chez le Noir à connaître autrement que par l’intelligence. Cela fait que les sociétés africaines n’ont jamais pu s’élever à la conceptualisation et partant de la philosophie. Ce préjugé, plus connu avec Lévy-Bruhl remonte à David Hume, qui, affirmait lui aussi le manque total d’intelligence du Noir : « Je suspecte les Noirs et en générale les autres espèces humaines d’être naturellement inférieures à la race blanche. Il n’y a jamais eu de nations civilisées d’une autre couleur que la couleur blanche, ni d’individus illustres par leurs actions ou par leur capacité de réflexion. Il n’y a chez eux ni engins manufacturés, ni arts, ni sciences. Sans faire mention de nos colonies, il ya des Nègres esclaves dispersés à travers l’Europe, on a jamais découvert chez eux le moindre signe d’intelligence.» .

L’ethnophilosophie

Les dates de 1945 et celle de 1955 gagnent à être mentionnées, car elles marquent toutes les deux la publication des ouvrages de Tempels,” La philosophie bantoue”, et de Kagamé, “La philosophie bantu-rwandaise de l’être “, qui ont véritablement dominés le courant ethnophilosophique. La désignation ethnophilosophique a été le fait de Paulin Jidenu Hountondji, mais Marcien Towa est celui qui l’introduisit pour la première fois dans la littérature philosophique africaine vers les années 1970 avec un contenu critique et péjoratif. On a cru qu’ils étaient les créateurs, mais depuis la conférence de Hountondji sur la politique en philosophie en marge du colloque inter africain sur la philosophie et son enseignement (Dakar du 18-21 mars 1985), on sait que le mot est emprunté à l’autobiographie de Kwamé Nkrumah.

L’ethnophilosophie, issue de la contraction des termes ethnologie et philosophie, semblait designer une méthode d’analyse reposant sur l’utilisation des deux disciplines. Ainsi, on appelle « ethnophilosophes» tous ceux qui ont voulu justifier l’existence d’une philosophie africaine en le fondant essentiellement sur la vision du monde collectif d’une ethnie. A cet égard, il semble que tempels est celui qui annoncera la piste à suivre. Il est le premier Occidental qui publiera un ouvrage d’une envergure philosophique. Il avait suggéré dans ces recherches dans l’espace baluba, d’étudier les réalités du peuple bantu afin de saisir parfaitement les raisons qui expliquent leurs comportements. Ainsi, l’ontologie tempelsien consiste dans l’indexation d’une théorie dynamique de l’être, pensée comme une théorie de forces. Cette philosophie pour l’essentiel vitaliste se fonde sur cette notion de force.

Kagamé, le premier africain reprend, même si avec une légère différence, le projet du philosophe belge. Au matin de son ouvrage, il précise son entreprise: « contrôler le bien fondé de la théorie avancée par l’excellent missionnaire.» . Cela consiste à retrouver dans la structure grammaticale du verbe être de langue Kynyarwandaise, l’invariant qui autoriserait l’écriture de l’ontologie bantoue, à la manière d’Aristote usant de la même opération à partir de langue grecque.

La part non africaine : Tempels 

Si nous considérons positivement l’ouvrage de Tempels, ses conclusions valident l’existence d’une ontologie bantoue contre la théorie de la tabula rasa et l’idéologie de la différence véhiculée par les Occidentaux, auteurs du préjugé raciste. Son livre, longtemps après sa publication constituera l’acte inaugural de la pensée philosophique en Afrique par son matérialisme vital. Tempels, missionnaire envoyé dans l’espace baluba, tentait de pénétrer l’univers mental des primitifs pour saisir les mobiles profonds qui expliquent leurs conduites. Imbibé du préjugé raciste, il croyait avoir affaire à des personnes d’une mentalité peu développée. C’est pourquoi il s’est agi d’abord pour lui d’effectuer des recherches dont l’intérêt ultime est de comprendre la psychologie des bantus, des indigènes pour des besoins d’ordre pratique et d’efficacité qui concourraient à l’assimilation des nègres aux valeurs du monde occidental.

En effet, ayant affaire à une culture de l’oralité, il a fallu urgemment accorder une attention particulière aux formes symboliques, l’écran sur lequel l’on pourrait avoir une idée exacte des mœurs, des institutions; bref les manières de vivre, d’agir, de réagir et de penser des nègres et plus particulièrement des bantous. Tempels, à très tôt compris que sa seule chance de réussir sa mission consisterait à « remonter vers les sources.» , c’est-à-dire dans les profondeurs du vécu des bantous pour interpréter les mythes, les contes, les proverbes et les légendes.

Ainsi, l’attention accordée à ces formes symboliques le conduit à détecter à leur base une conception de l’être comme force. Autrement dit, il entend donner un fondement ontologique à travers une pensée dynamique et vitaliste c’est-à-dire à travers la notion d’être force dont le décodage pourrait constituer une clé essentielle à la compréhension de tout le système bantu. Il reconnaît aux bantous l’existence d’une pensée qui pourrait être élevée au rang de la philosophie. Pour s’en vaincre, il suggère d’aller au-delà de la simple étude descriptive de l’ethnologie pour essayer de saisir la raison fondamentale qui détermine leur mentalité car « l’ethnologie, la linguistique, la psychanalyse, la science du droit, la sociologie et l’étude des religions ne pourront donner des conclusions définitives, qu’après que la philosophie et l’ontologie du primitif auront été étudiées et décrites. ».  La philosophie qu’il exhume dans ce système tient en un tout uni, en un système de principes cohérents où tout se répond: « un ensemble d’idées, un système logique, une philosophie complète de l’univers, de l’homme et, des choses qui l’environnent, de l’existence, de la vie, de la mort et de la survie, une ontologie logiquement cohérente. ». Toujours, selon Tempels, la théorie des forces existe et elle se présente avec une cohérence propre, qui montre qu’elle n’est pas un produit de l’imagination, ni de l’irrationnel, mais elle correspond à des lois définies selon une rationalité proprement bantue. Elle constitue une véritable ontologie présente dans chaque acte de la vie des bantu. Elle est à l’œuvre tant de la sagesse que de la psychologie ou alors dans leur éthique. C’est la raison pour laquelle cette ontologie « pénètre et affirme toute la pensée du primitif; elle donne et oriente tout son comportement.».

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I. : DE LA PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE
I. Le préjugé raciste
II. L’ethnophilosophie
La part non africaine : Tempels
La part africaine: Kagamé
III. La critique de l’ethnophilosophie
Chapitre II: LE DEPASSEMENT DE LA PROBLEMATIQUE
I. La contre critique: un défi dialectique
II. L’ethnophilosophie nouvelle formule
III. Perspectives ou enjeux du débat philosophique en Afrique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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