De la distance entre les visiteurs et les œuvres au sein de l’exposition muséale d’art

et les grilles des médias du texte à lire

   Influencés par les idées et réalisations urbanistiques et architecturales de Le Corbusier, artistiques de Kasimir Malevitch et Piet Mondrian, typographiques de Jan Tschichold – qui ont tous considéré, en théorie comme en pratique, les tracés régulateurs –, les graphistes, maquettistes, typographes se réclamant du style typographique international ou style suisse– comme Emil Ruder, Armin Hofmann et Joseph Müller-Brockmann – conçoivent et utilisent la « grille modulaire » comme base nécessaire à toutes compositions dynamiques, emploient des caractères sans empattements, prônent l’alignement du texte à gauche seulement, les colonnes étroites, les photographies plutôt que les illustrations faites à la main, etc. (Livingston, 1998 : 179). Cette grille modulaire doit son qualificatif aux modules, unités spatiales discrètes qui la composent. Les dimensions de ces modules sont homothétiques avec celles du gabarit d’empagement et se déterminent en subdivision de sa hauteur et de sa largeur. Ces modules servent à contenir ou à regrouper au sein de colonnes ou de zones spatiales horizontales et verticales tel ou tel texte, telle ou telle image, telle ou telle information (Ambrose & Harris, 2008 : 60-63 ; Pignier & Drouillat, 2008 : 95 ; Tondreau, [2010] 2013 : 11). En outre, cette grille modulaire est aussi qualifiée d’asymétrique dans le sens où le positionnement des différents blocs de texte et d’image diffère d’un feuillet à l’autre et les tailles de ces derniers sont hétérogènes (Demarcq, 1999 : 86 ; Ambrose & Harris, 2008 : 166). En France, le typographe français Pierre Faucheux devient également un fervent partisan et créateur prolifique de tracés régulateurs : « Un tracé régulateur commande généralement l’équilibre des ouvrages que je crée : qu’il s’agisse d’une série de romans, d’une encyclopédie, d’un livre de club ou d’un livre d’art illustré, d’un hebdomadaire ou d’une affiche. Ce tracé est lié au format et à la matière rédactionnelle à mettre en place. J’en ai appris la méthode en 1944, quand un ami m’apporta pour le lire, le livre de Le Corbusier : Vers une architecture. Ce fut le détonateur et dans les jours qui suivirent j’appliquais au livre, à des ouvrages existants ou à mes travaux en cours, la méthode qu’employaient les architectes… depuis des siècles… comme aussi Serlio, Léonard de Vinci ou Dürer, pour ne citer qu’eux, avaient créé de superbes alphabets. » (Faucheux, 1986 : 392.) Néanmoins, à partir de la fin des années soixante, les conventions typographiques sont mises de côté par certains graphistes postmodernistes. Ces derniers défient les principes fondamentaux d’ordre et de discipline propres au Bauhaus et à ses partisans (Livingston, 1998 : 155) et avancent notamment que l’emploi systématique des grilles provoque l’ennui et relève du diktat. Poussant à l’extrême l’initiative de Mallarmé, ils rejettent l’organisation rationnelle en faveur de la composition intuitive et s’emploient à sacrifier la lisibilité au profit de l’expression, à perturber de manière plus ou moins appuyée les automatismes de lecture afin de provoquer un effet émotionnel. Les réalisations des graphistes Neville Brody et David Carson dans les années quatre-vingtdix sont exemplaires de cette « typographie spectacle » qui ne répond à aucune règle – « no more rules » – et qui rompt radicalement avec la traditionnelle typographie rendue transparente au plan perceptif car mise au service du texte (Vandendorpe, 2003 : 16 ; Poynor, 2003). Le découpage excessif des mots, l’envahissement voire la disparition des marges, l’absence de repères stables, etc., sont caractéristiques de cette esthétique visuellement anarchique qui s’épanouit dans les domaines de la publicité, de la presse magazine et affleure le domaine du livre. Cependant, la mise en pages de style postmoderne concerne surtout le livre d’art, les magazines de la contre-culture, les fanzines de l’underground mêlant textes et images et semble se cantonner aux limites physiques de la couverture pour ce qui est du livre courant. En effet, le contenu exclusivement textuel continue à être mis en pages selon la grille à une colonne formellement assez proche finalement de la réglure à colonne unique usitée à partir du XVIe siècle. Par conséquent, à la fin du XXe siècle, le texte de l’essai, du roman, de la biographie, etc., se présente sur chaque page toujours sous forme d’un bloc unique dont les lignes sont délimitées à gauche et à droite par le cadre de justification/d’empagement et se trouve cerné par une marge de tête comprenant parfois le titre courant, par une marge de pied incluant le numéro de page, par des marges internes plus petites que les externes : « S’il est exact que les couvertures des livres, les pages de titre, le style des caractères typographiques reflètent les modes décoratives successives d’une époque, par contre la mise en page du corps de l’ouvrage dépend moins directement de l’évolution des styles. Sur elle pèsent les contraintes techniques et économiques de l’imprimerie, contraintes auxquelles s’ajoute le poids d’une tradition. Mais avant tout la mise en page dépend des habitudes de lecture de groupes sociaux déterminés, et comme ces habitudes, la mise en page évolue lentement. » (Renoult, 1986 : 377.) Parallèlement, des graphistes, maquettistes et typographes moins virulents quant aux conventions typographiques et aux principes de lisibilité et de rationalité s’emploient à décliner les différents tracés régulateurs. Ces déclinaisons se partagent en deux grandes catégories : les grilles symétriques et les grilles asymétriques. Les premières assurent l’équilibre statique de la double page – à l’instar de la réglure ancestrale – tandis que les secondes lui confèrent une sorte de rythmique – à l’instar de la grille helvétique. Aujourd’hui créées et utilisées avec « l’assistance » plus ou moins grande des logiciels – comme Adobe Indesign, QuarkXpress, Scribus –, ces grilles symétriques et asymétriques se développent sous diverses formes : les grilles modulaires, les grilles à colonnes, les grilles diagonales ou angulaires, les grilles hiérarchiques, les grilles de lignes de base, les grilles rectangulaires, etc. Elles sont principalement constituées de cadres de justification/d’empagement – ou pages –, de sous-unités spatiales et de colonnes – ou modules –, de marges, de linéations – ou lignes de base –, d’axes horizontaux, verticaux ou diagonaux, de repères (Perrousseaux, [1996] 2003 : 36-37 ; Ambrose & Harris, 2008 : 161-169 ; Pignier & Drouillat, 2008 : 95-116 ; Tondreau, [2010] 2013 : 11).

Une auctorialité tantôt affichée, tantôt dissimulée

   Si aujourd’hui les réglures et grilles sont tracées par tout un chacun dans le courant de la vie quotidienne, elles sont aussi des construits socio-historiques initialement élaborés par les premiers artisans de la mise en pages dont le travail consistait moins à élaborer le contenu du document qu’à donner forme à ce dernier. Elles ont été initiées par les scribes et calligraphes antiques, développées par les copistes médiévaux, observées par les typographes et imprimeurs renaissants et modernes puis reproduites par les multiples acteurs contemporains de l’édition – maquettistes, directeurs artistiques, webdesigners, etc. Au cours des siècles passés et encore de nos jours, l’auctorialité du geste de mise en pages et précisément du geste de création et d’imposition des tracés régulateurs est tantôt affichée au sein même du dispositif médiatique et au même titre que celle(s) inhérente(s) au(x) contenu(s), tantôt passée sous silence. Dans les colophons des manuscrits antiques, il n’est pas rare de voir mentionné le nom du scribe, du copiste, notamment. Au XXe siècle et encore maintenant, parfois l’identité du metteur en pages est indiquée à l’instar de celles de l’auteur du texte, de l’auteur des illustrations et de l’imprimeur pour ce qui est de l’édition de prestige et de spécialité48. Dans les ours des magazines et journaux d’hier et d’aujourd’hui, les noms des maquettistes sont mentionnés – avec ceux des directeurs de la publication, des rédacteurs et des directeurs artistiques. Cependant, l’affichage de l’identité auctoriale du geste de mise en pages et d’imposition des tracés régulateurs n’est pas systématique ; sa dissimulation étant, pour beaucoup de typographes, graphistes, maquettistes, un principe, évoqué en ces termes par Jan Tschichold : « Dans le livre même, l’oubli de soi est le devoir suprême du maquettiste responsable. Il n’est pas le maître du texte, mais son serviteur. » ([1994] 2011 : 15.) Alors les tracés régulateurs du livre courant, du catalogue commercial, du site internet, par exemple, apparaissent comme autant d’éléments relevant du plan formel, d’objets secondaires – par rapport à ceux du contenu –, de dispositifs sans auteurs déclarés. Signés ou non, les tracés sont produits par les différents acteurs de la mise en pages – typographes, graphistes, maquettistes, etc. – tiraillés entre le souci du respect des principes traditionnels de lisibilité transmis par leurs ancêtres, l’élan créatif et le désir d’innovation et la prise en compte de contraintes économiques et techniques notamment. Ainsi, les réglures et grilles sont les fruits du travail collectif mené sur le temps long par les différentes générations de metteurs en pages qui tantôt revendiquent leur participation à la production des médias et la paternité des tracés à travers l’affichage de leurs identités tantôt refusent cette identification auctoriale en conservant leur anonymat au motif d’une subordination de la forme par rapport au fond et de leur statut par rapport à celui de l’auteur ou des auteurs des contenus. Quoi qu’il en soit, anonymes ou identifiés, les producteurs de tracés élaborent ceux-ci en prenant en compte de multiples facteurs d’ordres économique, pratique, technique, esthétique, etc.

Les tracés régulateurs : des matrices et des schèmes

   Les tracés régulateurs sont des protocoles anticipés d’écriture et de lecture, déposés dans les dispositifs médiatiques, visant à instaurer les meilleures conditions possible à l’exposition et à la compréhension des contenus et engageant à cette fin différentes opérations sémiotiques (Jeanneret, 2008 : 66). Ils fondent les champs graphiques et leurs différentes zones constitutives – pages, marges, rubriques – ; ils déterminent la disposition réciproque de ces diverses unités spatio-graphiques ; ils performent l’ordre des contenus et de leurs relations ; ils induisent la rotation des pages, la manipulation des médias. Signes organisateurs, ils guident les usagers dans leurs pratiques de lecture et d’écriture (Beguin-Verbrugge, 2006). Ce faisant, ils révèlent l’intention informative et l’intention communicative des producteurs des dispositifs médiatiques – vouloir mener les destinataires à la découverte des contenus livrés, à la connaissance des informations données et montrer cette intention informative – et engagent le déclenchement de l’activité interprétative. Signes ostensifs, ils guident alors les utilisateurs dans leurs activités de production de signification et d’interprétation par inférences quant au jeu relationnel complexe proposé : entre les différents acteurs, entre ces derniers et les dispositifs médiatiques dont ils partagent l’expérience, entre les différents contenus, entre ceux-ci et les médias qui les accueillent, entre les différents producteurs, entre les divers usagers (BeguinVerbrugge, 2006 : 37-38 ; Jeanneret & Souchier, 2005 : 8 ; Jeanneret, 2008 : 167 ; Quinton, 2009 : NP). Signes organisateurs et signes ostensifs, les réglures et grilles s’érigent en « systèmes spécifiques d’énonciation et de représentation » (Laufer, 1984 : 63), en « matrice(s) d’expression et de représentation » (Jeanneret, 2008 : 67) – à l’instar du « texte livresque » mis à jour par Ivan Illich (1991) : d’une part, parce qu’elles sont l’expression d’« ordre(s) de la pensée et du savoir » (Jeanneret, 2008 : 67) et des intentions des producteurs (Beguin-Verbrugge, 2006 : 37-38) ; d’autre part, parce qu’elles représentent les ethos des énonciateurs – des « représentation[s] morale[s], non moralisante[s], imaginaire[s] » qu’ils donnent d’eux – mais également les types de rapports proposés par ces derniers aux énonciataires, quant à eux, quant aux contenus, quant aux médias (Pignier & Drouillat, 2008 : 42-52, 96). En outre, appréhendées « à travers le corps, sans recours nécessaire à la verbalisation » (Beguin-Verbrugge, 2006 : 131-132), pratiquées au cours des activités quotidiennes et répétées d’écriture et de lecture, les réglures et grilles sont implicitement mémorisées. Elles intègrent le répertoire graphique et sémiotique de l’individu (idem : 131) et, une fois consignées, sont actualisées lors des expériences successives d’écriture/lecture en tant qu’éléments d’interprétation. Objets d’intellection, ces matrices relèvent de la « discipline du lisible » (BeguinVerbrugge, 2004 : 94) qui engage dans l’usage en réception toute la compétence communicationnelle de l’acteur social, toute son aptitude sémiotique. Elles donnent appui à l’anticipation des rôles communicationnels, à l’identification des formes médiatiques par la reconnaissance des textes, par la qualification documentaire et par l’interprétation des discours (Jeanneret, 2008 : 165), à l’élaboration d’actions appartenant au large spectre des comportements d’appropriation du média : allant de l’adhésion la plus stricte en passant par la critique plus ou moins perspicace jusqu’au plus grand détournement (Jeanneret & Souchier, 2005 : 13). Ainsi, les réglures et grilles sont des infrastructures médiatisantes dans le sens où elles permettent l’instauration d’une situation d’interaction – entre les différents acteurs, entre eux et les contenus, entre eux et les médias

Des intervalles de protection et d’exposition du contenu

   Les marges encadrantes visent à protéger l’intégrité physique du corps de texte. Dans l’Antiquité égyptienne, elles sont rendues nécessaires par la fragilité du papyrus sur ses bords. Au Moyen Âge, elles permettent au lecteur de lire sans mettre les doigts sur le texte – ce qui provoquerait aussi son effacement en cas de lectures répétées de l’ouvrage. De nos jours, le texte imprimé est encore serti de ces espaces en réserve qui le protègent aussi d’une découpe destructrice lors du massicotage et d’une couture ou d’un collage tout aussi dommageables lors de la reliure (Zali, 1999 : 35 ; Crémoux, 2009 : 26). Pour les mêmes raisons et au motif de l’impression par imprimante, les logiciels attribuent automatiquement des marges minimales aux documents informatisés. En outre, les marges situées dans « l’œil de la page » soit au centre du champ graphique visent à assurer un minimum de confort de lecture en segmentant les lignes de texte dont la lecture serait éprouvante si elles s’étendaient sans interruption du bord gauche au bord droit d’un support de grande taille. Les lignes textuelles de longueur réduite qui composent les colonnes de texte séparées par la ou les marges médianes sont de lecture plus rapide et confortable (Barbier, [2000] 2012 : 61 ; Tondreau, [2010] 2013 : 11-12) – c’est d’ailleurs pour cela que les textes des journaux, par exemple, sont ainsi disposés. Une fois la mise en pages réalisée, les marges encadrantes restent vides, en règle générale. Elles se distinguent alors nettement des cadres d’empagement typographiquement remplis. Mais parfois il arrive aussi qu’elles accueillent différentes « choses » laissées là par l’auteur mais également par l’éditeur et le lecteur : « La marge est dans son sens commun un lieu neutre, une réserve ménagée au texte écrit, dont l’appel se fait cependant sentir dès les premières expériences avec le papier et le crayon : elle serait là avant tout pour être transgressée : “Espace interdit, la marge, vierge, est le lieu d’une attente71”. » (Rougerie, 2007 : 4.) Les marges peuvent contenir en leur sein des corrections. Dans l’Égypte antique, le scribe dépose dans la périphérie immédiate du texte copié ses révisions (Zali, 1999 :35). L’auteur et notamment l’écrivain – comme Montaigne et Balzac évoqués précédemment – corrige aussi son texte en marge de ses brouillons et des premières épreuves imprimées de son œuvre (Neefs, 1989 ; 1999). Le lecteur-correcteur de la maison d’édition investit également les marges des premiers tirages qu’il remplit de signes conventionnels signifiant les coquilles et erreurs logées au cœur du texte. De même, l’élève indique dans la marge latérale de sa feuille Séyès le mot manquant dans sa phrase ou la version corrigée du terme mal orthographié dans son texte. C’est dans cette même marge latérale que le professeur lors de l’évaluation de la copie inscrit ses corrections plus ou moins développées. Aussi, les logiciels de traitement de texte offrent à leurs utilisateurs la possibilité d’afficher dans des cartouches marginaux les révisions successives portées au texte. Outre les corrections, la zone marginale se remplit parfois d’un texte annexe visant à compléter le premier présenté dans la zone paginale. Par exemple, les manuscrits du XIIe siècle sont dotés d’apostilles, de notes et de gloses qui constituent l’exégèse. L’apostille indique le nom de l’auteur cité dans le corps de texte et se trouve rédigée – souvent à l’encre rouge – dans la marge au même niveau que l’extrait cité dans la page (Crémoux, 2009 : 26-27). La note très brève apporte ponctuellement des informations sur l’auteur, sur l’œuvre et des explications concises sur certains termes et expressions présents dans le texte. La glose est un commentaire relatif au texte commençant par le(s) premier(s) terme(s) du passage – appelé lemmes – sujet à digression et inscrit voire souligné en rouge (Bellon, 1999 : 68 ; Demarcq, 1999 : 71). Cette glose est également rédigée en caractères plus petits et selon un interlignage plus réduit que ceux du texte principal afin de renforcer graphiquement la distinction entre la glose et ce dernier (Vezin, 1982 ; Blaselle, 1997 : 30.). Ce qui se révèle particulièrement nécessaire lorsque la glose s’étire sur une ou plusieurs colonnes marginales parallèles à celle(s) du texte principal (Barbier, [2000] 2012)

L’émergence du dispositif de normalisation à l’échelle internationale

   En Angleterre, au milieu du XVIIIe siècle, la présence des gardiens est également effective au sein des expositions de la Royal Academy of Arts dont le public se limite à la seule élite notamment en raison d’un accès payant et d’une sélection opérée à l’entrée des expositions. Les portiers autorisent l’entrée uniquement aux personnes « de qualité » tandis que des officiers de police effectuent leur tour de garde au sein des expositions et, si besoin, excluent les fauteurs de trouble (Glicenstein, 2009 : 184). Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour assister dans ce pays à un élargissement du public des expositions d’art et ce, pour des raisons politico-sociales : « les penseurs réformistes vont considérer que la fréquentation des œuvres et l’amour de l’art peuvent avoir un effet bénéfique sur les classes populaires (tout en contribuant à désamorcer leur esprit de révolte » (idem : 184). Cet accès à l’exposition d’art, permis dorénavant à un public plus large, s’accompagne notamment de la mise en place de barrières instaurantl’éloignement physique des visiteurs vis-à-vis des œuvres. Par exemple, des vues de l’exposition Art Treasures of the United Kingdom, inaugurée le 5 mai 1857, à Manchester « montrent que les espaces n’étaient pas différents de ceux des musées à cette date, avec un accrochage dense sur trois rangées et une barrière pour empêcher le spectateur d’approcher » (Haskell, 2002 : 120). Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, les musées américains souvent fondés par des industriels fortunés sont réservés à l’élite. Cependant en échange de déductions fiscales consenties par l’État, ces musées ouvrent plus largement leurs portes. Ceci étant, le dispositif de normalisation des comportements de visite est également de mise et en 1897, le directeur du Metropolitan Museum of Art de New York relève en détail les résultats obtenus : « … on ne voit plus de personnes se moucher avec les doigts dans la galerie de peinture ; les chiens ne rentrent plus […] les gens ne crachent plus leur jus de chique sur le sol des galeries […] les nounous ne font plus faire leurs besoins aux bébés dans les coins […] les gens ne sifflent plus, ne chantent plus, ne crient plus» (Glicenstein, 2009 : 185). En somme, la mise en place de gardes, de barrières, de vitrines et la mise en vigueur d’interdits comportementaux au sein des expositions d’art par les diverses institutions – académies royales, musées publics – en France, en Angleterre et aux États-Unis aux siècles passés mènent à penser que le dispositif de normalisation des comportements de visite s’est construit non seulement à l’échelle microphysique de tel musée, à l’échelle mésophysique des musées de tel pays mais aussi plus largement à l’échelle macrophysique des musées de plusieurs pays. Aussi, à l’heure actuelle, les règlements de visite et les divers interdits comportementaux qui les composent en partie et qui constituent « le comportement général de visite » sont sensiblement similaires d’un musée à l’autre, d’un pays à l’autre.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
A) Mise en exposition et mise en pages : quelques cas d’échanges
B) La périphérie du texte et de l’œuvre exposés
C) Dénaturaliser les distances entre les visiteurs et les œuvres au sein de l’exposition muséale
PREMIÈRE PARTIE – DE L’ÉTUDE DE LA RÉGLURE ET DES MARGES DES MÉDIAS DU TEXTE À L’ÉTUDE DE L’ORGANISATION SPATIALE DE L’EXPOSITION MUSÉALE
CHAPITRE 1 – LA CONSTRUCTION D’UN OUTIL CONCEPTUEL : LA DÉFINITION DES MARGES PÉRI-OPÉRALES DE L’EXPOSITION MUSÉALE
A) Le tracé régulateur : un préalable historique et technique à l’inscription du texte
1) Les réglures du livre courant
2) et les grilles des médias du texte à lire
3) Les réglures du cahier scolaire
4) et les grilles des médias du texte à écrire
B) Les réglures et grilles : des matrices d’expression et de représentation et des schèmes organisateurs
1) Une auctorialité tantôt affichée, tantôt dissimulée
2) Les différents facteurs pris en compte lors de l’élaboration des tracés
3) Les réglures et grilles : des gabarits institués et circulants
4) Les tracés régulateurs : des matrices et des schèmes
C) Les marges : des signes-vecteurs d’attention et d’interprétation et des traces matérielles d’énonciation polyphonique
1) Des formes
2) Des intervalles de protection et d’exposition du contenu
3) Des signes
4) Des traces
CHAPITRE 2 – L’OBJECTIF DE LA RECHERCHE : POUR UNE APPROCHE COMMUNICATIONNELLE DES MARGES PÉRI-OPÉRALES DE L’EXPOSITION MUSÉALE D’ART
A) La construction de la réglementation de la visite de l’exposition muséale d’art
1) Des règles communicationnelles de l’exposition muséale à la réglementation de sa pratique
2) Gardes, barrières et interdits : les prémisses du dispositif de normalisation des comportements de visite
3) L’émergence du dispositif de normalisation à l’échelle internationale
4) Remise en cause et maintien des interdits comportementaux
B) La mise en espace de l’exposition muséale d’art
1) L’expographie : une écriture de choses
2) De l’intention communicationnelle du collectif producteur au développement de conventions expographiques
3) L’élaboration d’un bon corps visiteur lors de la conception de l’exposition
4) Les outils d’exposition et les outils de mise à distance
C) La saisie visuelle des œuvres lors de la visite de l’exposition muséale d’art
1) Avant que ne prédominent la vue
2) La gestion interactionnelle de l’espace de vision de chacun
3) L’alignement : un comportement standard
4) L’accomplissement social de l’ordre de la visite
CHAPITRE 3 – LA DÉMARCHE EMPIRIQUE : TROIS ENQUÊTES POUR L’ÉTUDE DES MARGES PÉRI-OPÉRALES DE L’EXPOSITION MUSÉALE D’ART
A) Documenter et observer les marges péri-opérales
1) Le recours aux différentes techniques d’enquête
2) Les modes de relevés d’observation et les protocoles photographiques
3) Les photos : des matériaux soumis à la pré-analyse scripto-graphique thématisée
B) L’enquête sur la réglementation de la visite de l’exposition muséale d’art : l’analyse des règlements de visite et des interdits comportementaux
1) La constitution du corpus A
2) Les méthodes adoptées pour les analyses du corpus A
C) L’enquête sur la mise en espace de l’exposition muséale d’art : l’analyse des outils de mise à distance et des marges expographiques
1) La constitution du corpus B (corpus B : sous corpus 1, 2, 3, 4, 5, 6)
2) Les méthodes empruntées pour les analyses des sous corpus 2, 3, 4, 5
3) Les méthodes spécifiques pour les analyses des sous corpus 1 et 6
D) L’enquête sur la saisie visuelle des œuvres exposées : l’analyse des comportements et alignements des visiteurs
1) La constitution du corpus C
2) Les outils conceptuels retenus pour les analyses du corpus C
SECONDE PARTIE – LES MARGES PÉRI-OPÉRALES DE L’EXPOSITION MUSÉALE D’ART : DES PHÉNOMÈNES SOCIO-SÉMIOTIQUES
CHAPITRE 4 – DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES COMME RÈGLES CONSTITUTIVES
A) L’obligation réglementaire de mise à distance physique vis-à-vis des objets patrimoniaux exposés
1) La publicisation du règlement de visite
2) La présentation multimodale du règlement de visite
3) Les trois interdits instaurant l’obligation de mise à distance physique vis-à-vis des objets patrimoniaux exposés
B) Des mesures de protection et d’accessibilité
1) Une argumentation épidictique pour convaincre le lecteur-visiteur
2) Une expression injonctive pour inciter le lecteur-visiteur
3) L’évocation du devoir muséal pour justifier les règles
C) Des règles constitutives de la visite de l’exposition muséale
1) Les interdits de toucher, de s’approcher, de franchir les barrières… en vigueur au quotidien et sur le temps long
2) Les dispositions réglementaires de mise à distance : des règles constitutives
CHAPITRE 5 – LES MARGES EXPOGRAPHIQUES COMME TRACES MATÉRIELLES D’ÉNONCIATION
A) Les moyens participant à l’inscription des marges expographiques
1) Des outils historiques et contemporains
2) Le mobilier expographique, un mobilier technique
3) La conception des marges expographiques : les étapes du processus et les acteurs impliqués
4) Les paramètres influençant la conception des distances
B) Les marges expographiques de l’exposition muséale : des signes vecteurs d’attention et d’interprétation
1) La réglure et les marges du champ expographique
2) Les fonctions indexicale, partitive et relative des marges expographiques
3) Les marges expographiques : des signes producteurs d’effets de sens
C) Des traces matérielles d’énonciation dans l’économie expographique régissant l’accès au patrimoine
1) Des procédés de valorisation des œuvres majeures
2) et de sacralisation des trésors patrimoniaux
3) Des repères signalétiques et des traces matérielles d’énonciation spatialement distribués
CHAPITRE 6 – LES ALIGNEMENTS DISTANCÉS COMME INDICES POSTURAUX DE CO-ÉNONCIATION
A) Les reculs et les alignements distancés : des actions d’actualisation
1) Reculs et alignements distancés : des actions individuelles et collectives d’actualisation des marges expographiques
2) Quelques actions de « dérivation », de subversion et de transgression des marges expographiques réalisées par le public
B) Les alignements distancés : des indices posturaux d’énonciation/co-énonciation
1) L’alignement distancé : une marque d’engagement dans la situation
2) Les lignes corporelles du public : des indices d’énonciation et de co-énonciation
C) L’alignement distancé : une figure rituelle
1) Une figuration médiatisée du public
2) Une performance rituelle
CONCLUSION GÉNÉRALE

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