Crise sanitaire Covid-19 en Belgique

UN CONTEXTE DE CRISE

En janvier 2020, l’éventualité d’une apparition du coronavirus en Belgique commence à se profiler mais les autorités se veulent rassurantes : « Toutes les mesures de précaution sont prises » assure Maggie De Block, alors ministre de la Santé.
Cependant, en février et mars 2020, les événements s’accélèrent et la propagation du coronavirus en Belgique inquiète, que ce soit sur le plan sanitaire ou, déjà, économique. Dans son rapport du 2 mars 2020, l’OCDE confirme déjà une future perte de croissance économique dans la totalité de la zone euro en raison du virus .
Cette épidémie, que l’on appellera par la suite pandémie, se propage rapidement et nécessite une prise de décisions rapide et drastique par le pouvoir politique. C’est ainsi que le 18 mars 2020, le gouvernement Wilmès annonce, à la suite d’un Conseil national de sécurité, la mise en place d’un confinement généralisé sur tout le territoire belge.
Si des mesures avaient déjà été prises pour soutenir les entreprises touchées par la crise sanitaire avant l’annonce du confinement, il devient rapidement évident, face à cette période d’immobilisation du pays et de son économie, que l’incidence de cette crise sur les entreprises belges va être considérable et que le gouvernement se devra d’agir au plus vite pour leur venir en aide.
Face à cette quasi-mise à l’arrêt du pays, nombreuses sont les entreprises qui voient leurs activités diminuées voire arrêtées, avec pour conséquence un déclin de leur trésorerie, et tout cela en continuant à faire face à de nombreuses charges.
Pour ces raisons, diverses mesures sont prises par l’État; certaines avec comme objectif de pallier une réduction, voire une absence de revenus (c’est le cas du droit passerelle élargi pour les indépendants impactés par la crise ou encore des prêts garantis par l’État), d’autres dans le but de limiter les charges dues par les entreprises (c’est le cas des reports de versement de la TVA et des cotisations sociales, ainsi que des reports de certains crédits bancaires).
Par ces actions, la finalité ultime de l’État est à la fois de permettre aux entreprises de traverser la crise mais aussi d’éviter à des entreprises pérennes de se retrouver face à des difficultés fatales. À cette fin, il était nécessaire que le gouvernement agisse dans la matière de l’insolvabilité. C’est ainsi qu’il adopte l’arrêté royal n°15 du 24 avril 2020, que nous allons analyser en détails.

Possibilité de recours contre la protection de l’arrêté n°15

L’article 1er alinéa 2 de l’arrêté n°15 prévoit la possibilité pour toute partie intéressée de demander, par citation au Président du tribunal de l’entreprise compétent, de décider qu’une entreprise ne tombe pas dans le champ d’application du sursis ou de lever ledit sursis, en tout ou en partie par une décision spécialement motivée.

Le Président est saisi par citation et selon les formes du référé

Le projet initial de l’arrêté n°15 prévoyait que le Président du tribunal de l’entreprise devait être saisi par requête unilatérale, avec la possibilité, une fois saisi, de demander à l’entreprise débitrice contre qui l’action était intentée, de présenter ses observations écrites dans un délai de cinq jours maximum et de la manière dont il le déterminerait.
Dans son avis, le Conseil d’État s’est montré très critique face à ce choix, y voyant une source d’insécurité juridique ainsi qu’une atteinte disproportionnée et injustifiée aux droits de la défense et au principe du contradictoire.
En droit belge, la requête unilatérale est une exception en matière d’introduction d’instance, le principe étant la citation. Ce type de requête n’est généralement admis que lorsque la partie adverse n’est pas identifiable ou lorsque l’action doit s’accompagner d’un effet de surprise, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Pour ces raisons, le Conseil d’État a suggéré aux auteurs du projet de remplacer la requête unilatérale par une procédure contradictoire aménagée.
Suite à ces recommandations, le texte a été modifié et prévoit désormais que la demande doit être introduite et instruite par citation selon les formes du référé. Ce choix permet de rencontrer la nécessité d’urgence et d’efficacité tout en respectant les droits de la défense de toutes les parties.

La demande est introduite par toute partie intéressée

La notion de « partie intéressée » inclut évidemment les partenaires économiques de l’entreprise protégée mais peut également inclure un concurrent de celle-ci lorsqu’il y a intérêt.
Pour ce qui est du ministère public, le Conseil d’État avait suggéré aux auteurs du texte de préciser s’il était ou non inclus dans la notion de « partie intéressée », suggestion qui n’a pas été suivie.
La lecture de la doctrine nous apporte cependant un éclaircissement sur ce point, en ce que nombre d’auteurs se sont exprimés dans le sens d’une inclusion du ministère public dans lnotion de « partie intéressée ».

Protection des entreprises contre la faillite, la dissolution judiciaire ou le transfert forcé d’activité

L’arrêté n°15 protège les entreprises contre la faillite, contre la dissolution judiciaire s’il s’agit d’une personne morale et contre le transfert forcé d’activité sous autorité de justice prévu en matière de PRJ.

Protection contre la faillite

En principe, lorsqu’une entreprise débitrice remplit les conditions de cessation persistante de paiement et d’ébranlement du crédit, elle est en état de faillite et peut être déclarée en faillite, que ce soit sur aveu du débiteur ou sur citation.
Il est évident qu’en raison de la crise, des entreprises saines avant celle-ci risquent désormais de remplir ces conditions et de se retrouver en état de faillite. L’arrêté n°15 a donc fait le choix de protéger ces entreprises contre une mise en faillite.

Protection contre la dissolution judiciaire

La dissolution judiciaire ne concerne que les personnes morales. Dans son avis, le Conseil d’État énonce toutes les possibilités de dissolution judiciaire d’une société et fait remarquer qu’il n’est pas pertinent que la protection du sursis empêche toute dissolution judiciaire, quelle qu’en soit la justification.
En effet, il énonce, à juste titre, que seule la dissolution pour réduction de l’actif de la société anonyme en dessous d’un certain seuil semble être en lien avec la crise du Covid-1956.
A titre d’exemple, l’absence de dépôt des comptes annuels d’une société ne semble pas avoir un quelconque rapport avec la crise sanitaire et ses conséquences. Pourtant la dissolution judiciaire de la société ne peut pas non plus être introduite sur cette base, et ce pendant toute la durée de la protection de l’arrêté n°15.
Les mêmes tempéraments qu’en matière d’impossibilité de déclarer une entreprise en faillite sur citation s’appliquent. Une société peut donc être dissoute judiciairement à l’initiative du ministère public, à l’initiative de l’administrateur provisoire désigné en vertu de l’article XX.32 du CDE ou si elle y consent.

Protection contre le transfert forcé d’activité

Les entreprises sont également protégées contre un transfert sous autorité de justice ordonné sur base de l’article XX.84 §2,1° du CDE, de tout ou partie de leurs activités. Cette protection a été ajoutée suite à une suggestion du Conseil d’État dans son avis. Elle a pour effet qu’une entreprise ne pourra se voir imposer un transfert d’activité, que ce soit sur citation du procureur du Roi, d’un de ses créanciers ou de toute autre personne ayant un intérêt à acquérir tout ou partie des activités de l’entreprise.

Effets sur les procédures de réorganisation judiciaire 

Une entreprise qui connaît des difficultés peut solliciter la mise en œuvre d’une procédure de réorganisation judiciaire. Celle-ci peut s’articuler de 3 manières ;
Par la conclusion d’un accord amiable , Par la conclusion d’un accord collectif avec les créanciers , Par un transfert sous autorité de justice de tout ou partie des activités de l’entreprise.
Lorsque le choix est fait d’une procédure en réorganisation judiciaire par accord collectif, un plan de réorganisation doit être établi pendant la période de sursis de cette PRJ puis déposé dans le registre central de la solvabilité (RegSol).
Ce plan de réorganisation peut se composer de diverses mesures et ne concerne que le remboursement des dettes sursitaires. Il impose la mise en place de délais de paiement, voire des abattements de créances sous certaines conditions66. Le plan doit ensuite être approuvé par une majorité de créanciers représentant au moins la moitié des sommes dues au principal. Le tribunal décide alors de l’homologation ou non du plan. L’homologation entraîne la fin de la période de sursis et rend le plan contraignant pour tous les créanciers sursitaires.
Face à la crise du Covid-19, il est fort probable que certaines entreprises impactées ne puissent plus respecter les délais de paiement prévus dans le plan homologué. Or, en principe, si une entreprise ne respecte pas le plan et les délais de paiement prévus dans celui-ci, ses créanciers ou le procureur du Roi peuvent en réclamer la révocation. L’arrêté n°15 prévoit que les délais de paiement repris dans un plan de réorganisation homologué avant ou pendant la période de protection prévue par cette règlementation, seront prolongés d’une durée égale à celle du sursis prévu par ledit arrêté, et ceci sans que les créanciers de l’entreprise concernée ne puissent demander la révocation du plan.

Protection contre la résolution du contrat pour non-paiement d’une dette d’argent

Dans un objectif de continuité des contrats en cours, les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’arrêté n°15, c’est-à-dire le 24 avril 2020, ne peuvent être résolus unilatéralement ou judiciairement pour cause de non-paiement d’une dette d’argent due et exigible.

Protection contre la résolution unilatérale et judiciaire

En principe, en droit des contrats et plus précisément dans le cas de contrats synallagmatiques, si une des parties au contrat ne s’exécute pas, l’autre partie va pouvoir, à certaines conditions, solliciter en justice la résolution du contrat, mais aussi, à ses risques et périls, résoudre unilatéralement ledit contrat, sans contrôle judiciaire a priori.
Il est évident que face à la crise, certaines entreprises ne seront plus en mesure de remplir leurs obligations et risqueront en conséquence de se voir reprocher une inexécution contractuelle. C’est pourquoi l’arrêté n°15 protège les contrats en cours au jour de son entrée en vigueur contre la résolution unilatérale et judiciaire pour inexécution. Est également concernée la résolution sur base d’une clause résolutoire expresse comme l’a précisément stipulé le rapport au Roi.
Notons que, comme nous allons le voir, seules les inexécutions pour non-paiement d’une dette d’argent sont visées par la protection, à l’exclusion des autres types d’inexécutions contractuelles.

Protection des inexécutions pour non-paiement d’une dette d’argent

La protection contre la résolution unilatérale et judiciaire ne concerne que l’inexécution d’un contrat pour «non-paiement de dette d’argent due et exigible pendant le sursis».
Le Conseil d’État s’est, dans un premier temps, interrogé sur les raisons de la différence de traitement entre l’inexécution pour défaut de paiement d’une dette d’argent et l’inexécution d’une prestation contractuelle en nature trouvant son origine dans la crise du Covid-19.
Le rapport au Roi justifie son choix par l’impossibilité d’invoquer la force majeure dans le cas d’une inexécution du contrat pour non-paiement d’une dette d’argent. Il se base pour cela sur le principe que l’argent est une chose de genre et que « genera non pereunt ». Les auteurs du projet semblent donc considérer qu’une entreprise qui n’aurait pu exécuter une ou plusieurs obligations contractuelles, autre que le non-paiement d’une dette d’argent, pourrait, si elle en remplit le conditions, invoquer la force majeure dans le cadre d’un conflit avec son cocontractant.
Dans un second temps, le Conseil d’État considère qu’au vu de l’objectif de protection des entreprises impactées par la crise du Covid-19, il convient que l’interdiction de résolution soit limitée aux inexécutions contractuelles dont l’origine découle de la crise du Covid-1981. Il est soutenu dans son appréciation par de nombreux auteurs de doctrine qui considèrent également que, sans cette limitation, la règlementation serait trop largement applicable.
Les auteurs du projet sont restés silencieux face à cette remarque du Conseil d’État. Certains considèrent dès lors que c’est le rôle des tribunaux, lorsqu’ils sont saisis d’une question sur ce point, de déterminer si les causes d’inexécution sont ou non imputables à la crise.

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Table des matières

INTRODUCTION
I.- UN CONTEXTE DE CRISE 
II.- ARRETE ROYAL N°15 DU 24 AVRIL 2020 
A.- ANALYSE GLOBALE 
1) Adoption
a) Processus d’adoption
b) Objectifs et raisons d’être
2) Application
a) Conditions d’application
1. « Être une entreprise au sens du Livre XX » .
2. « Voir sa continuité menacée par l’épidémie ou la pandémie de COVID-19 et ses suites »
3. « Ne pas avoir été en cessation de paiement à la date du 18 mars 2020 »
b) Application dans le temps
c) Application automatique
3) Possibilité de recours contre la protection de l’arrêté n°15
a) Le Président est saisi par citation et selon les formes du référé
b) La demande est introduite par toute partie intéressée
c) Le Président bénéficie d’un pouvoir discrétionnaire de décision
d) Effets de la décision
B.- ANALYSE PAR MESURES 
1) Suspension temporaire des saisies et voies d’exécution poursuivies ou exécutées sur les biens de l’entreprise
a) Principe
1. Suspension des saisies conservatoires ou exécutoires
2. Suspension des voies d’exécution
b) Exceptions
1. Biens immeubles de l’entreprise
2. Saisies conservatoires sur les navires et bateaux
3. Loi relative aux sûretés financières
4. Inscription d’hypothèques légales et compensation au bénéfice de l’État
5. Différence de traitement entre créanciers
c) Dettes concernées
2) Protection des entreprises contre la faillite, la dissolution judiciaire ou le transfert forcé d’activité
a) Protection contre la faillite
1. L’entreprise ne peut pas être déclarée en faillite sur citation
2. L’obligation de faire aveu de faillite est suspendue
3. Effets du sursis sur la période suspecte
b) Protection contre la dissolution judiciaire
c) Protection contre le transfert forcé d’activité
3) Effets sur les procédures de réorganisation judiciaire
4) Protection des contrats en cours
a) Protection contre la résolution du contrat pour non-paiement d’une dette d’argent
1. Protection contre la résolution unilatérale et judiciaire
2. Protection des inexécutions pour non-paiement d’une dette d’argent
3. Le sursis ne déroge pas aux sanctions contractuelles de droit commun
4. La protection ne s’applique pas aux contrats de travail
5. Le sursis ne déroge pas à l’obligation de paiement des dettes exigibles
5) Protection des nouveaux crédits conclus pendant la période de sursis
III.- SECOND MORATOIRE
A.- ADOPTION DU MORATOIRE 
1) Contexte de l’adoption
2) Processus d’adoption
B.- APPLICATION 
1) Conditions d’application
2) Application dans le temps
C.- CONTENU 
IV.- BILAN DE LA GESTION BELGE 
V.- QUELLES REACTIONS FACE A LA CRISE A L’ETRANGER ? 
A.- UN IMPACT MONDIAL 
B.- EXEMPLES D’AUTRES PAYS 
1) La France
2) La Suisse
3) La Suède
C.- BELGIQUE – ÉTRANGER : QUEL REGARD PORTER SUR LES MESURES PRISES ? 
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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