Création et caractérisation d’une source ajustable de paires d’atomes corrélés

En entamant ma thèse dans les atomes froids, je ne m’attendais pas à mettre les pieds dans un domaine aussi riche et varié. Ce domaine est né grâce au développement des techniques de refroidissement laser il y a une trentaine d’années [MS03] et a connu un essor important amenant une diversité extraordinaire des phénomènes étudiés. La mise en place du refroidissement évaporatif a permis d’atteindre, à la fin des années 90, la dégénérescence quantique avec l’obtention des premiers condensats de Bose-Einstein [And+95] et des premières mers de Fermi [DJ99].

Les nuages d’atomes ultra-froids constituent des systèmes extrêmement purs et bien contrôlés qui permettent de simuler la matière condensée. En effet, pour étudier de la supra-conductivité, par exemple, il est très difficile d’observer le comportement des électrons dans les solides, les mesures insitu sont délicates et les comportements observés dépendent énormément des défauts immanquablement présents au sein de l’échantillon. Grâce aux atomes froids il est possible d’accéder aux comportements microscopiques, on peut également contrôler la forme du potentiel ressenti par les atomes à l’aide de champs magnétiques ou de la force dipolaire électrique [GWO00], contrôler les interactions inter-atomiques grâce aux résonances de Feshbach [Fes58 ; Fes62 ; TVS93], ajouter des impuretés en utilisant plusieurs espèces atomiques et depuis peu, plusieurs équipes produisent des champs de jauges artificiels pour étudier le magnétisme [Dal+11].

Un autre pan important du domaine est la métrologie avec la création d’horloges atomiques [Biz+05], d’accéléromètres, de senseurs inertiels, de gravimètres [Yve+03] et plus généralement d’interféromètres atomiques [CM91 ; Kei+91]. Les très basses températures garantissent alors une faible expansion des nuages autorisant ainsi des temps d’interrogations importants permettant d’atteindre des précisions sans précédent. Ainsi, des horloges atomiques à travers le monde sont utilisées pour définir le Temps Atomique International.

Une autre application des atomes froids dont le succès ne cesse de grandir est le développement des analogues aux phénomènes relativistes. En effet, les équations de l’hydrodynamique dans les condensats de Bose-Einstein sont formellement équivalentes aux équations de champ dans un espace-temps courbe [Unr81]. Il est par exemple potentiellement possible de créer un trou « muet » analogue à un trou noir pour les ondes sonores. Sur notre dispositif, un projet de recherche entamé par J-C. Jaskula et G. Partridge et maintenant poursuivi par mon compère Raphaël Lopes en parallèle de ma thèse se focalise d’ailleurs sur la réalisation d’un analogue à l’effet Casimir dynamique. J’ai un peu contribué à cette étude mais comme il ne s’agit pas du cœur de mon sujet de thèse, j’ai choisi de ne pas aborder ces travaux dans ce manuscrit. Les lecteurs intéressés peuvent lire l’article publié à ce sujet [Jas+12] et, le moment venu, pourront s’intéresser au manuscrit de Raphaël Lopes (probablement disponible dès 2015 dans toutes les bonnes librairies ou presque).

Mes travaux de thèse quant à eux, se place dans le cadre de l’optique atomique quantique dont l’objectif est la production, puis la manipulation, d’états non-classiques de la matière. L’optique quantique « photonique » est une forte source d’inspiration puisque la recherche sur la création d’états quantiques de la lumière a commencé dès la réalisation des premiers laser dans les années 60 et a donc presque trente ans d’avance sur les atomes froids dans ce domaine. Les sources de photons corrélés sont à la base de très nombreux protocoles de calculs et de cryptographie quantique [ADR82 ; Wei+98 ; Eke91 ; KLM01] et sont maintenant très bien contrôlées contrairement à leurs équivalents atomiques qui sont au centre des recherches actuelles [Bon+13 ; Jas+10 ; Büc+11 ; Gre+05]. L’un des avantages à travailler avec des atomes est la présence d’interactions qui rendent l’observation des processus nonlinéaires beaucoup plus aisée et par conséquent rendent la création d’état non classiques plus accessible. Pour créer de tels états de la matière, il est possible d’utiliser des ions qui sont facilement manipulables par des champs électriques grâce à leur charge. Ainsi, l’intrication de plusieurs ions (jusqu’à 14 !) a pu être démontrée [Mon+11 ; Row+01 ; BW08]. Mais il est tout à fait envisageable de travailler avec des atomes neutres, certes moins facilement manipulables mais pour lesquels on peut obtenir des populations importantes avec typiquement 10⁵ atomes dans les condensats de Bose-Einstein. Cela permet de se placer aussi bien dans des régimes « macroscopiques » avec des états à beaucoup de corps que dans des régimes « microscopiques » où l’on peut travailler avec très peu d’atomes en moyenne. Dans tous les cas, l’obtention d’une source robuste et contrôlable de paires d’atomes corrélés est une étape incontournable du développement de l’information quantique atomique et c’est ce qui a motivé nos recherches sur le mélange à quatre ondes dans un réseau optique. Ce processus dont nous allons largement parler tout au long du manuscrit semble en effet un candidat idéal à la réalisation d’une source d’atomes corrélés.

Avant mon arrivée l’équipe avait déjà démontré la création de paires d’atomes fortement corrélés grâce à la collision de deux condensats de BoseEinstein en espace libre. Malgré la preuve du caractère non-classique de l’état obtenu, de nombreuses limitations sont rapidement apparues. En effet, les paires d’atomes se repartissent dans de très nombreux modes et la population dans chaque mode est en moyenne très faible (de l’ordre de 0.01 atome par mode) et de plus n’est pas facilement réglable. Voilà pourquoi il a été décidé de mettre en place un nouveau dispositif pour dépasser ces limitations. Grâce à l’utilisation d’un potentiel périodique, il est possible de produire spontanément des paires d’atomes dans un nombre limité de modes bien définis [HM05] et obtenir ainsi des faisceaux corrélés de forte intensité.

es états de la lumière les plus couramment rencontrés sont sans conteste les états thermiques tels qu’un gaz à température fixe, la lumière issue d’une lampe à incandescence, les états cohérents comme les laser pour les photons ou les condensats de Bose-Einstein pour les atomes ou polaritons. Mais ces états ont des propriétés qui peuvent être expliquées grâce à des théories classiques et ne permettent pas d’explorer toute la beauté et l’étrangeté du monde quantique. Voilà pourquoi on cherche à créer des états non classiques en faisant subir à un état classique, en général un état cohérent, un processus non-linéaire. Nous allons ici aborder deux processus non-linéaires qui permettent de générer des paires de particules fortement corrélées.

En optique quantique, la conversion paramétrique est sans aucun doute le processus le plus utilisé pour générer des paires de photons jumeaux. Les photons ne pouvant pas directement interagir entre eux, il est nécessaire d’utiliser un milieu non-linéaire qui va induire des corrélations non-classiques. La conversion paramétrique est un processus non-linéaire d’ordre deux au cours duquel un photon se scinde en une paire de photons dans laquelle l’énergie initiale est répartie entre les deux photons jumeaux.

Le mélange à quatre ondes est un effet non-linéaire d’ordre supérieur à la conversion paramétrique puisqu’il s’agit d’un processus d’ordre trois. À cause de la conservation du nombre de particules, la conversion paramétrique est impossible à réaliser à partir d’atomes puisque un atome ne peut pas en créer deux. Pour réaliser l’analogue atomique de la conversion paramétrique il faudrait utiliser des molécules diatomiques qui, en se dissociant, produisent des paires d’atomes. À partir d’un gaz monoatomique tel que notre nuage d’hélium métastable, le mélange à quatre ondes constitue donc la manière la plus simple d’obtenir des paires d’atomes corrélés. Lors de ce processus deux particules de pompe (pas forcément dans le même mode) interagissent et produisent une paire de particules dans les modes signal et complémentaire. Dans le cas de photons, à l’instar de la conversion paramétrique, il est nécessaire d’utiliser un milieu non-linéaire (dans ce cas de type χ⁽³⁾), alors que pour les atomes ce sont directement les interactions qui donnent naissance aux non linéarités, ce qui rend ce processus particulièrement intéressant en optique atomique.

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Table des matières

Introduction
1 Paires de particules corrélées
1.1 Création des paires
1.1.1 Conversion paramétrique
1.1.2 Mélange à quatre ondes
1.1.3 Conclusion
1.2 Propriétés des paires
1.2.1 Corrélations
1.2.2 Fluctuations de la différence du nombre de particules
1.2.3 Conclusion
1.3 Paires de photons en optique quantique
1.3.1 Effet Hong, Ou et Mandel
1.3.2 Interférométrie sous la limite quantique standard
1.3.3 Inégalité de Bell
1.4 Mélange à quatre ondes de matière
1.4.1 Éléments théoriques
1.4.2 Collision en espace libre
1.4.3 Mélange à quatre ondes dans un réseau optique .
1.5 Conclusion du chapitre
2 Effets et mise en place d’un réseau
2.1 Les réseaux, un outils pour les atomes froids
2.2 Effet d’un potentiel périodique
2.2.1 Création d’un réseau optique
2.2.2 États propres et bandes d’énergie
2.2.3 Diffraction d’onde de matière par un réseau : cas de la diffraction de Bragg
2.2.4 Conclusion sur l’effet d’un potentiel périodique
2.3 Mélange à quatre ondes et conditions d’accord de phase
2.4 Mise en place expérimentale du réseau optique
2.4.1 Le banc optique
2.4.2 Alignement sur le nuage atomique
2.4.3 Calibration du réseau
2.5 Création de paires, premiers résultats
2.5.1 Distribution d’impulsions
2.5.2 Conditions d’accord de phase
2.5.3 Conclusion sur les premiers résultats expérimentaux
2.6 Conclusion
Conclusion

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