Corrosion et fatigue-corrosion des aciers inoxydables

Les aciers inoxydables martensitiques

La dénomination “acier inoxydable” concerne la famille des alliages ferreux résistant à la corrosion dans leur domaine de passivation grâce à la formation d’une couche d’oxyde protectrice en surface. L’élément indispensable pour que cette couche d’oxyde résiste à la corrosion est le Chrome (Cr). Il permet la formation d’une couche d’oxyde compacte et d’hydroxyde de Chrome donnant à l’acier son caractère inoxydable. Pour que le phénomène de passivité puisse s’établir, il est nécessaire que l’acier présente une teneur minimale en Chrome de l’ordre de 11% ; il existe un effet de seuil au delà duquel le phénomène de passivité existe.
Les aciers inoxydables martensitiques représentent la catégorie des nuances ayant une teneur en Carbone suffisante (> 0, 008% en masse) pour assurer une austénisation totale de l’acier à une température proche de 1000oC . Ainsi l’acier sera facilement transformé en martensite après une trempe à l’air. Cette catégorie d’acier inoxydable présente un certain compromis entre la résistance à la corrosion et les propriétés mécaniques.
La martensite formée en dessous de la température seuil (Ms) est une phase métastable issue d’une transformation “displacive” (mouvement des atomes de réseau cubique à faces centrées (CFC) à courte distance) mettant en jeu un cisaillement suivi d’une rotation de la maille CFC. Cette transformation donne une phase tétragonale centrée (TC), dans laquelle le carbone reste en solution. Cette transformation appelée transformation de Bain . Le taux d’austénite transformée en martensite est en relation avec la température atteinte lors du refroidissement (Mf ). Il arrive qu’une certaine quantité d’austénite non transformée reste entre les lattes de martensite pour des températures Mf insuffisantes. Cette quantité peut être réduite par un traitement thermique de maintien à température très basse (environ −80oC) après la trempe .

Amorçage des fissures en fatigue

La fatigue est un processus qui, sous un chargement mécanique cyclique à amplitude constante ou variable dans le temps, modifie les propriétés mécaniques locales du matériau et peu entraîner l’endommagement de la structure. Le mécanisme de rupture par fatigue est généralement divisé en quatre stades :
l’amorçage à partir d’un défaut microscopique d’une fissure ; Propagation d’une fissure courte sur quelques grains ; la propagation de cette fissure millimétrique ; la rupture brutale de la structure. Il existe trois domaines de fatigue :
La fatigue oligocyclique ou “LCF” (Low Cycle of Fatigue) dite aussi fatigue plastique car les sollicitations sont suffisamment élevées pour entraîner des déformations plastiques macroscopiques dans le matériau. Ce domaine est limité par un nombre de cycles inférieurs à environ 104 cycles ;
Le domaine des grandes durées de vie ou “HCF” (High Cycle of Fatigue) concerne les chargements qui n’entraînent pas des déformations plastiques à l’échelle macroscopique pour lesquels la rupture interviendra après un grand nombre de cycles, souvent supérieur à 106 − 107 cycles ;
Le domaine d’endurance limitée situé entre les deux domaines précédents où la rupture se produit après un nombre de cycles croissant quand l’amplitude de contrainte diminue.
Le domaine des très grandes durées de vie où gigacyclique (VHCF) où la rupture intervient après un très grand nombre de cycles ( 108 à 10 10 cycles) ; la notion de la durée de vie infinie n’existe pas.
Le dimensionnement à la fatigue est fait le plus souvent en considérant que les structures ne contiennent pas de fissures. On utilise alors des données dite à l’amorçage de fissures, définie par l’apparition d’une fissure techniquement détectable sur une éprouvettes de laboratoire simulant un élément de volume représentatif de la structure.
Dans le domaine des grandes durées de vie, le temps (où nombre de cycles) nécessaire à la propagation est très faible par rapport à celui à conduisant à l’amorçage. Dans ce cas, l’étude de la résistance en fatigue des matériaux métalliques vis à vis de l’amorçage d’une fissure est souvent déterminée par des essais suivant Wöhler (1857). Cette méthode consiste à mettre sous un chargement cyclique une éprouvette et à enregistrer le nombre de cycles à la rupture Nr. La courbe de Wöhler (courbe d’endurance) en échelle semi-logarithmique présente le niveau du chargement (∆σ/2, ∆ε/2) en fonction du nombre de cycles à la rupture Nr. Cette courbe peut présenter un palier asymptotique qui définie une zone d’endurance illimitée pour une contrainte inférieure à la limite de fatigue.

Causes d’amorçage des fissures en fatigue-corrosion

Défauts métallurgiques

Toute hétérogénéité métallurgique dans le matériau est susceptible d’intervenir dans l’amorçage d’une fissure de fatigue-corrosion, en favorisant les effets électrochimiques et/ou mécaniques de création des sites d’amorçage de fissures(généralement des micro-entailles). Les effets électrochimiques sont généralement liés à la formation de cellules galvaniques autour des hétérogénéités microstructurales par exemple :
la dissolution des précipités de Al-Cu, dans les alliages d’aluminium, crée des zones appauvries en précipités dont le potentiel de corrosion est moins noble que les autres zones;
la dissolution anodique des inclusions situées à la surface du matériau, favorise la localisation de la corrosion sous forme de crevasses et piqûres dans les aciers inoxydables.
On note aussi les effets mécaniques dus généralement à une localisation de la déformation plastique à l’échelle microstructurale (interaction bande de glissement/joint de grains ou inclusion dure qui peut introduire :
une dissolution préférentielle locale des bandes de glissement persistantes, anodique par rapport au matériau de base ;
une forte concentration de contraintes par effet de blocage du glissement des dislocations aux interfaces métal/inclusion.

Effet de polarisation électrochimique

Le rôle de l’environnement aqueux vis-à-vis de la durée de vie en fatigue-corrosion est fortement lié à l’activité électrochimique du couple métal/électrolyte. L’effet d’un potentiel imposé a été largement étudié par Lee et Kenan . Le nombre de cycles à la rupture passe par un maximum pour un potentiel de corrosion égal à −0, 6 V (SHE). Pour des potentiels cathodiques inférieurs à la valeur de protection maximale, les durées de vie diminuent de nouveau sous l’effet de la fragilisation du métal par le dégagement de l’hydrogène cathodique. Par contre l’augmentation de la valeur du potentiel imposé conduit à la dissolution de la couche passive et à l’amorçage des piqûres de corrosion. Kenan et al. ont mis en évidence ce phénomène sur le même acier . La tenue en fatigue-corrosion s’améliore considérablement en imposant un potentiel de −0, 76 V (SCE). À une valeur de −1 V (SCE), la courbe de Wöhler s’approche de celle déterminée sous air. Alors que la diminution de potentiel améliore de plus en plus la durée de vie du matériau, le passage à une valeur de −1, 5 V (SCE) fait descendre la courbe de Wöhler sur le diagramme S-N par rapport à celle obtenue à −1 V (SCE) . Ils notent un dégagement d’hydrogène cathodique dont l’adsorption par le métal conduit à un phénomène de fragilisation.

Modèles de Prévision de la durée de vie en fatigue-corrosion

Les approches de modélisation de l’amorçage des fissures en fatigue-corrosion en milieu aqueux sont généralement liée à un ou plusieurs des mécanismes suivants :
baisse de l’énergie de surface du métal résultant des phénomènes d’absorption ou de fragilisation par l’hydrogène ;
attaque électrochimique des zones déformées plastiquement, jouant le rôle d’une anode par rapport au reste des surfaces (cathode), dans le cas des matériaux non passivables ;
attaque électrochimique au niveau des ruptures du film passif dues à l’activité des bandes de glissement à la surface et à l’exposition à l’environnement du métal mis à nu ;
concentration des contraintes au niveau des défauts de corrosion localisées (piqûres, crevasses) des alliages passivables dus à la présence d’inclusions ou à l’agressivité du milieu corrosif.
Seuls les deux derniers mécanismes peuvent intervenir dans le processus de fatigue-corrosion d’un acier inoxydable en contact avec une solution aqueuse contenant des chlorure (le cas de cette étude). Dans le cas des alliages passivables, Duquette montre qu’au cours de l’amorçage des fissures les interactions entre bandes de glissement et l’environnement sont de première importance. En effet l’émergence de ces bandes de glissement expose le métal mis à nu à l’environnement. Le métal subit une dissolution tant que la couche passive n’est pas encore reformée. Dans ce cas, le processus d’amorçage des fissures peut être considéré comme une interaction entre les cinétiques d’émergence des bandes de glissement et de la repassivation du métal . Un deuxième mécanisme intervient dans l’amorçage des fissures en fatigue-corrosion des alliages passivables ; il s’agit de l’amorçage sur les piqûres de corrosion. Plusieurs études montrent que l’amorçage est issu de piqûres déjà existantes . Le plus connu des modèles est celui de Kondo, qui relie l’amorçage des fissures à l’interaction de la cinétique de croissance de piqûre et la vitesse de propagation des fissures courtes.

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Table des matières

Introduction 
1 Corrosion et fatigue-corrosion des aciers inoxydables : une synthèse bibliographique 
1 Corrosion des aciers inoxydables en milieu liquide 
1.1 Les aciers inoxydables martensitiques
1.1.1 Microstructure des aciers inoxydables martensitiques
1.1.2 Les dislocations
1.1.3 Précipitations et inclusions
1.1.4 Propriétés mécaniques et traitements de revenus
1.2 Caractéristiques de la couche passive
1.2.1 Propriétés électrochimiques
1.2.2 Passivation des aciers inoxydables
1.2.3 Mécanismes d’initiation de la corrosion localisée par rupture de passivité
1.2.3.1 Mécanismes par adsorption et/ou pénétration des anions agressifs
1.2.3.2 Mécanismes par rupture mécanique
1.3 Comportement électrochimique des aciers inoxydables
1.3.1 Spectroscopie d’impédance électrochimique (SIE)
1.3.2 Phénomènes électrochimiques identifiables par SIE
2 Amorçage des fissures en fatigue 
2.1 Critères de fatigue à grande durée de vie pour matériau avec défauts géométriques
2.1.1 Critère de Murakami
2.1.2 Approches prenant en compte le gradient des contraintes
2.1.2.1 Critère de Crossland pour un matériau sain
2.1.2.2 Effet du gradient des contraintes
2.1.2.3 La théorie des distances critiques
2.1.3 Analyse des différents critères
2.2 Effet de la pré-corrosion sur la fatigue
3 Fatigue-corrosion des alliages passivables 
3.1 Causes d’amorçage des fissures en fatigue-corrosion
3.1.1 Défauts métallurgiques
3.1.2 Agressivité du milieu
3.1.2.1 Concentration des chlorures
3.1.2.2 Acidité du milieu
3.1.2.3 Température
3.1.3 Effet de polarisation électrochimique
3.1.4 Effet de la fréquence d’essai
3.1.5 Effet de synergie déformation cyclique/corrosion rôle des bandes de glissement
3.2 Modèles de Prévision de la durée de vie en fatigue-corrosion
3.2.1 Domaine de passivation : effet des bandes de glissement
3.2.2 Domaine de piqûration : transition piqûre/fissure courte
3.2.2.1 Modèle de Müller [79]
3.2.2.2 Modèle de Kondo [59]
3.2.2.3 Modèle de Chen [19]
3.2.2.4 Intégration de la loi de Faraday dans la croissance des piqûres : Cawley (1996)
3.2.3 Discussion
4 Conclusion et synthèse bibliographique 
2 Caractérisation du matériau étudié
1 L’acier X12CrNiMoV12-3 
1.1 Composition
1.2 Microstructure et analyse inclusionnaire
2 Étude du comportement mécanique cyclique de l’acier
3 Comportement mécanique cyclique de l’acier étudié 
3.1 Choix d’un modèle de comportement
3.2 Identification des paramètres par optimisation
4 Étude de la résistance en fatigue à l’air de l’acier 
4.1 Géométrie des éprouvettes et conditions des essais
4.2 Courbes S-N à l’air
4.3 Analyse optique et MEB des zones d’amorçage
5 Conclusion et synthèse
3 Effet de la pré-corrosion sur la durée de vie en fatigue du matériau 
1 Milieu corrosif de l’étude 
2 Corrosion par piqûration 
2.1 Protocole expérimental
2.2 Comportement électrochimique de l’acier étudié
2.2.1 Potentiels caractéristiques
2.2.2 Essais de corrosion par piqûre
3 Essais de fatigue sur éprouvettes pré-corrodées 
3.1 Géométrie des éprouvettes et préparation des surfaces
3.2 Conditions de piqûration des éprouvettes de fatigue
3.3 Essais de fatigue à l’air sur éprouvettes pré-corrodées
3.4 Application du critère de Murakami
3.5 Discussion
4 Modélisation à partir d’un défaut de géométrie hémisphérique
4.1 Identification des paramètres du critère de Crossland
4.2 Paramètres géométriques des défauts de corrosion étudié
4.3 Conditions de calcul par la méthode des éléments finis
4.3.1 Modèle géométrique et maillage
4.3.2 Modèle de comportement
4.3.3 Conditions aux limites
4.4 Résultats des calculs avec une contrainte appliquée égale à la limite
de fatigue du matériau sans défaut
4.4.1 Facteur de concentration de contrainte
4.4.2 Contrainte équivalente de Von Mises
4.5 Champs associé à la contrainte équivalente de Crossland
4.6 Application du critère proposé par Gadouini [38]
4.7 Limitation du critère de Gadouini [38]
4.8 Proposition d’un critère volumique non local basé sur le critère de Crossland
4.8.1 État de l’art
4.8.2 Proposition d’une approche volumique basée sur le critère de Crossland
4.8.3 Comparaison entre le critère de Crossland ponctuel et Crossland volumique
4.9 Application du critère dans les différents cas de calcul sur une géométrie hémisphérique de défaut
5 Etude d’une géométrie réelle de défaut
5.1 Application du critère de Crossland avec moyenne volumique
5.1.1 Comparaison avec les résultats d’une géométrie hémisphérique équivalente
5.1.2 Dépendance au maillage
6 Conclusion et synthèse 
4 Effet de la corrosion sur la durée de vie en fatigue de l’acier X12CrNiMoV12-3 
1 Méthodes d’études électrochimiques de la dépassivation
1.1 Effet de la corrosion sur la valeur du potentiel libre
1.2 Effet du chargement de traction sur la valeur du potentiel libre
1.3 Mesures d’impédance électrochimique
2 Essais de fatigue en milieu aqueux corrosif 
2.1 Conditions des essais de fatigue-corrosion
2.1.1 Géométrie des éprouvettes
2.1.2 Milieu corrosif
2.1.3 Montage de suivi électrochimique in-situ
2.1.4 Effet de l’agitation du milieu
2.2 Courbes S-N en milieu aqueux
2.3 Analyse des zones d’amorçage des fissures
2.4 Comportement électrochimique in-situ
2.4.1 Suivi du potentiel libre
2.4.2 Spectroscopie d’impédance électrochimique globale
2.5 Repassivation de l’acier après cyclage mécanique
2.6 Épaisseur de la couche passive
2.7 Effet de la fréquence du chargement
2.8 Scénario d’amorçage des fissures en fatigue-corrosion de l’acier X12CrNiMoV12-3
3 Modèle d’endommagement
3.1 Dépassivation de l’acier sous chargement cyclique
3.1.1 Discussion
3.2 Développement de la corrosion assisté par le chargement cyclique
4 Conclusion et synthèse
Conclusion générale et perspectives 
Annexe : Méthode de l’escalier court 
Bibliographie

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