Coordination des soins : une notion floue ?

Coordination des soins : une notion floue ?

La coordination des soins est un concept à la mode dont les contours sont souvent flous. Chaque professionnel, chaque institution, pense travailler en réseau et que ses actions sont coordonnées avec les autres prestataires de soins [6]. Dans la littérature, la définition de la coordination de soins proposée par McDonald fait autorité : « La coordination des soins est l’organisation intentionnelle des activités de soins au patient entre deux ou plusieurs personnes (incluant le patient) impliquées dans ces soins pour faciliter la prestation appropriée des services de santé. » [7] Pourtant, le constat sur le terrain est autre.

Il est fréquent d’entendre des professionnels se plaindre de la mauvaise collaboration avec d’autres groupes de professionnels. L’infirmière n’arrive pas à joindre le médecin, ce dernier regrette le peu d’initiatives des autres soignants, le pharmacien estime que ses compétences ne sont pas assez mises à contribution, le physiothérapeute regrette de ne pas être au courant de l’histoire clinique du patient. Le jeu institutionnel accentue encore ces attitudes corporatistes. L’hôpital n’a pas, parfois, connaissance des investigations et des traitements des médecins de ville, le secteur public et le secteur privé ne trouvent pas les collaborations nécessaires pour garantir l’accès équitable à des soins de qualité.

Difficultés à coordonner les soins : une conséquence des fragmentations 

La difficulté à coordonner les actions et les contributions de chaque prestataire résulte des fragmentations que connaît notre système de santé. En premier lieu, l’absence de cadre fédéral de gouvernance ne force pas les acteurs à coopérer. Ensuite, le financement dual des soins entre l’assurance maladie et l’état, ainsi que les sectorisations entre privé et public, ambulatoire et stationnaire, le tout sur un fond de fédéralisme se traduisent par un fort éclatement des prestataires. La performance d’ensemble du système de soins est loin d’être optimale, chacun étant avant tout préoccupé par ses propres résultats et accessoirement par sa contribution au produit sanitaire global. Cette approche segmentée de la maladie est, aussi, une conséquence du financement par catégorie de prestations.

« Cette situation est particulièrement inquiétante au moment où la maladie chronique, qui requiert la continuité des soins grâce à l’intervention coordonnée de tous les prestataires impliqués dans la prise en charge du patient, occupe une place de plus en plus importante dans le tableau épidémiologique ».

La coordination des soins en France 

La coordination territoriale d’appui : rapport de l’IGAS 2014 

En décembre 2014, une mission diligentée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a procédé à « un inventaire et à une analyse de l’ensemble des coordinations d’appui déployées en France ». Cette réflexion menée en France n’est pas isolée puisque tous les pays de l’OCDE ont exprimé un besoin de coordination. Il est pourtant difficile de faire des comparaisons et des bilans des coordinations existantes du fait de l’absence d’une définition consensuelle de ce qu’est une coordination en matière de parcours de soins, a fortiori de ce qu’est une coordination territoriale d’appui.

Devant cette lacune, la mission s’est dotée d’une définition à laquelle se référer tout au long des bilans qu’elle a réalisés et des propositions qu’elle a élaborées en vue de garantir la mise en œuvre d’une véritable coordination territoriale d’appui : selon elle, la coordination territoriale d’appui rassemble tous les acteurs (des professionnels de santé jusqu’aux personnels médico-sociaux ou sociaux) dont la coordination permet une prise en charge complète du patient, sans rupture des soins qui lui sont dispensés. La coordination vient en complément de l’exercice clinique et en appui à celui-ci pour une amélioration de l’état de santé global au sens de l’organisation mondiale de la santé (OMS). En fonction des besoins de santé, la coordination peut être ponctuelle à l’occasion d’un accident de santé ou installée dans la durée.

Des structures multiples aux caractères redondants 

Des bilans, il ressort que les structures de coordination sont nombreuses et diverses, mais elles se cantonnent le plus souvent à de la coordination soit strictement clinique, soit strictement médico-sociale et sociale. Elles sont donc rarement transversales d’autant qu’elles sont très souvent organisées par pathologies ou par secteur. Ainsi, au gré des plans de santé publique, chaque pathologie a conduit au développement d‘organisations coordonnées. Les maladies chroniques ont favorisé ces organisations, notamment les programmes de disease management qui sont les plus anciens et les plus nombreux ; toutefois, ce sont souvent des coordinations cliniques c’està-dire limitées aux professionnels de santé telles que les centres régionaux de lutte contre le cancer, cancéropôles, centres de coordination en cancérologie…coordonnés par les réseaux régionaux en cancérologie, réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), etc. Dans le secteur des personnes âgées, ont été créés les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou les centres locaux d’information et de coordination gérontologiques (CLIC) ou encore les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA). Dans le secteur du handicap, ce sont les maisons départementales pour l’autonomie des personnes handicapées (MDPH) qui se sont installées. Ici ce sont les coordinations médico-sociales qui sont les plus développées.

En outre, la difficulté à organiser une prise en charge globale et pluridisciplinaire conduit à multiplier les structures au risque de les rendre redondantes les unes par rapport aux autres, et sans toujours intégrer les professionnels de santé. Ainsi, les MAIA qui devaient être sanitaires, médico- sociales et sociales n’ont pu s’imposer aux professionnels de santé et sont restées sur le champ médico-social et social sur lequel les CLIC, notamment ceux de niveaux 3, étaient déjà positionnés. Aussi, les pouvoirs publics expérimentent-ils désormais le dispositif PAERPA. Cette situation a conduit à organiser la coordination de la coordination, dans une fuite en avant nuisible tant à l’efficacité qu’à la lisibilité pour les principaux intéressés. En revanche, plusieurs dispositifs généralistes tels que le parcours de soins coordonnés, les maisons et pôles de santé pluridisciplinaires, les réseaux de santé polyvalents, prennent en charge les patients, indépendamment de leurs âge et pathologie, et en faisant le lien entre ses besoins sanitaires et médico-sociaux. Ces dispositifs ne répondent toutefois pas encore assez à cet objectif de coordination transversale, notamment le parcours de soins coordonnés qui a répondu avant tout à des motifs économiques. Les coordinations se heurtent en outre aux cloisonnements entre les soins à l’hôpital et les soins en ville ou entre les différentes administrations (nationales, locales, sociales), cloisonnements que des nomenclatures plurielles des différents territoires de mise en œuvre viennent encore complexifier.

Le médecin généraliste : au cœur de la coordination des soins ? 

Bien qu’elles soient très diverses, les fonctions assurées restent parcellaires et incomplètes : selon les éléments recueillis par la mission par le biais d’un questionnaire transmis aux ARS, les principaux rôles de la coordination sont la prise de rendez-vous, la mobilisation de soins et services à domicile, l’acquisition d’aides techniques et l’aménagement du domicile. Pour la quasi-totalité des dispositifs, une évaluation concertée des besoins des patients est assurée et les deux tiers assurent cette évaluation en passant par le domicile du patient. Toutefois si plus des deux tiers des structures élaborent un plan personnalisé de santé, outil formalisé de la coordination, un peu plus de la moitié seulement associe le médecin traitant et le personnel médico-social à l’élaboration du plan. Le médecin traitant ne valide finalement que 27 % des plans dont il n’est destinataire qu’à 50 %. Dans à peine plus de la moitié des cas, le dispositif effectue des retours formalisés d’informations au médecin traitant. Cette structuration des coordinations peine ainsi à répondre aux besoins des patients en termes d’accessibilité et des médecins qui sont peu informés et impliqués par les coordinations existantes, sauf lorsqu’elles sont intégrées à leur pratique comme certaines maisons de santé.

Une organisation coûteuse 

Dans le même temps, cette organisation, qui ne fait l’objet d’aucune évaluation médico- économique, s’avère au final coûteuse pour l’Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale. Il s’agit soit de financements à des dispositifs auxquels sont consacrés près de 300 millions d’euros (160 millions d’euros pour les réseaux, 55 millions d’euros pour les MAIA, 60 millions d’euros pour les CLIC, 15 millions d’euros pour les centres de santé), soit de financements directs des professionnels de santé, sous forme de forfaits (600 millions d’euros environ), sans que soit explicitement rémunérée une fonction de coordination. S’y ajoutent 8 millions d’euros environ pour le module 1 de coordination dans le cadre de l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération (ENMR). Par ailleurs, les financements affectés à la coordination sont organisés en silos, malgré les progrès réalisés grâce à la mise en place du fond d’investissement régional (FIR), et ne contribuent ainsi pas à structurer une coordination transversale. Au nombre des éléments structurant la construction d’une coordination d’appui, la mission a inscrit le fait que la coordination devait proposer des fonctions complémentaires aux soins : selon de nombreuses études, une coordination efficace en appui aux médecins permet d’améliorer la qualité des soins, dans un système de santé complexe et fractionné. En effet, ce soutien doit permettre aux professionnels de santé d’exercer leur métier sans se délester, pour les cas les plus consommateurs de temps, sur les urgences des hôpitaux ou des réseaux trop spécialisés et de bénéficier d’une assistance logistique ou d’une aide dans les prolongements médico-sociaux et sociaux de la prise en charge des patients.

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Table des matières

Introduction
I. La coordination des soins
A. Généralités
1. Coordination des soins : une notion floue ?
2. Difficultés à coordonner les soins : une conséquence des fragmentations
B. La coordination des soins en France
1. La coordination territoriale d’appui : rapport de l’IGAS 2014
2. Des structures multiples aux caractères redondants
3. Le médecin généraliste : au cœur de la coordination des soins ?
4. Une coordination coûteuse
5. Les conditions de réussite de la coordination territoriale d’appui : vers une meilleure gestion des ressources
6. Formation à de nouveaux métiers de la coordination
6.1. Typologie des professionnels de la coordination
a. Les coordonnateurs de parcours
b. Les coordonnateurs d’innovation
c. Quatre nouveaux métiers à construire
C. Nouvelles technologies : nouvelles coordinations ?
1. L’e-santé
2. Différents modèles de la e-santé
3. Quelques exemples de plateformes au service de la coordination des soins
3.1 A l’échelle des régions
a. Le logiciel Terco
b. L’application « Un médecin 116 117 »
3.2 A l’échelle nationale
a. MS Santé
b. Le cas du dossier médical partagé (DMP)
D. La coordination des soins dans le monde
1. En Europe
2. Aux Etats-Unis
a. La coordination, un enjeu économique et qualitatif
b. Contraindre l’hôpital à coordonner les soins
c. Les ACO, un nouveau modèle
d. La coordination des soins, thématique de recherche majeure au service d’une priorité politique
II. Ma santé 2022
A. Accélérer le virage numérique : cinq orientations pour y parvenir
1. Renforcer la gouvernance du numérique en santé
2. Intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé
3. Accélérer le déploiement des services numériques socles
4. Déployer au niveau national des plateformes numériques de santé
5. Stimuler l’innovation et favoriser l’engagement des acteurs
B. Services numériques de coordination pour les parcours de santé
III. La réhabilitation rapide après chirurgie (RRAC) de l’épaule
IV. Entr’actes
A. Le projet « @nsanm Martinique »
1. Contexte
2. Objectifs
V. Question de recherche et objectif de notre étude
Matériel et méthodes
I. Type d’étude
II. Définition de la problématique de recherche
III. Choix du type de méthode qualitative
IV. Choix de l’échantillon
V. Choix de la technique de recueil des données
VI. Déroulement des entretiens
VII. Analyse
VIII. Méthodologie de la recherche bibliographique
Conclusion

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