Contribution de l’agriculture aux émissions de gaz à effet de serre 

Processus biologiques des échanges de GES

Les flux de CO2 entre les surfaces agricoles et l’atmosphère mettent en jeu les processus de fixation du C par la photosynthèse et la minéralisation des résidus de cultures et de la matière organique du sol. Les flux de méthane sont le bilan net entre production et consommation. Le N2O est produit lors des processus de nitrification et de dénitrification dans les sols.
Les entrées de carbone dans la biosphère continentale se font exclusivement par la production primaire nette (PPN). Les plantes chlorophylliennes fixent le CO2 atmosphérique dans leur tissu par le processus de photosynthèse. Rojstaczer et al. (2001) ont estimé qu’environ 40 % de la PPN était utilisée pour les activités humaines. Une grande partie de C retourne au sol sous forme de matière organique ou sous forme de CO2 dans l’atmosphère après des temps de résidence variables selon les produits (aliments, fibres, construction ; Smith et al. (2008b)). Le bilan entre les entrées de C, fixé par photosynthèse, et la minéralisation reflète l’évolution du stock de C de l’écosystème.
La minéralisation est le processus de transformation de la matière organique qui retourne au sol en éléments minéraux sous l’action des micro-organismes hétérotrophes du sol. L’azote organique est transformé en azote ammoniacal par la réaction d’ammonification et le bilan avec l’immobilisation (N consommé par les micro-organismes) reflète la quantité d’azote potentiellement disponible pour les plantes).
La nitrification est le processus d’oxydation de l’ammonium (NH+4) ou de l’ammoniac (NH3) en nitrites (NO−2) et en nitrates (NO−3) en condition aérobie par des micro-organismes majoritairement autotrophes du genre Nitrosomas pour l’oxydation de NH+4 en NO−2 et du genre Nitrobacter pour l’oxydation de NO−2 en NO−3. La nitrification est principalement contrôlée par la teneur en NH+4 , la pression partielle en O2, l’humidité et la température du sol. L’observation d’émissions de N2O dans des sols bien aérés et dépourvus de NO−3 montre qu’elles sont corrélées à la concentration en NH+4 (Khalil et al., 2004). La production de N2O a lieu à partir de l’hydroxylamine (NH2OH) quand la disponibilité en O2 diminue. Le N2O ainsi formé est un sous-produit de la réaction de nitrification. Les émissions de N2O produites sont mineures relativement aux quantités d’azote nitrifiées, mais le cumul des émissions sur une saison de culture peut représenter au final une fraction importante des émissions totales de N2O. Des oxydes nitriques (NOx) sont également produits pendant la transformation de nitrites en nitrates et peuvent représenter de 1 à 4 % de l’ammonium oxydé (Laville et al., 2005). La nitrification dénitrifiante est la succession de l’oxydation de l’ammonium en nitrites, suivie directement par la réduction des nitrites en N2O et N2. Cette réaction a lieu en condition d’O2 limitante. Peu de travaux sont disponibles pour quantifier la part de N2O émise par cette réaction par les sols agricoles (Wrage et al., 2001).

Bilan de gaz à effet de serre des agro-écosystèmes

Afin de comptabiliser les flux de GES des systèmes de cultures, il est important de prendre en compte toutes les émissions de GES de l’agrosystème (CarboEurope, 2004; Soussana et al., 2007). Les flux de GES sont quantifiés en terme de pouvoir de réchauffement global (PRG), exprimés relativement au forçage radiatif du CO2 à horizon 20, 100 ou 500 ans (IPCC, 2007). Par ailleurs, plusieurs travaux suggèrent qu’il est nécessaire de considérer la totalité des émissions directes de GES afin de quantifier le PRG total du système et de prendre en compte les effets antagonistes de certaines pratiques sur les flux. Par exemple, Li et al. (2005a) mettent en garde sur l’effet de pratiques, qui pourraient stocker du C dans le sol, sur les émissions de N2O. En effet, les auteurs ont montré que les bénéfices du travail du sol réduit en terme de stockage de C pouvaient être annulés par une augmentation des émissions de N2O. Par ailleurs, il s’avère que les émissions indirectes ont un poids important sur le bilan global (Robertson et al., 2000; Smith et al., 2001). Bernacchi et al. (2005) ont montré que le potentiel de stockage de carbone dans le sol lors de la conversion au non-labour est diminué quasiment d’un tiers lorsqu’on prend en compte les émissions indirectes.
Robertson et al. (2000) ont montré qu’un système conventionnel avec une rotation maïs-soja-blé aux États-Unis possédait un potentiel de réchauffement global de 114 g CO2-eq m−2 dont une moitié provient des émissions de N2O (52 g CO2-eq m−2) et l’autre moitié des émissions indirectes (66 g CO2-eq m−2), le sol étant un puits de méthane de 4 g CO2-eq m−2 . Dans le cas d’un système sans travail du sol, le stockage de C dans le sol permet de diminuer le potentiel de réchauffement à 14 g CO2-eq m−2, les émissions de N2O et les émissions indirectes étant pratiquement identiques au système conventionnel. Mosier et al. (2005) et Del Grosso et al. (2005) ont calculé le PRG de systèmes de cultures et leurs estimations donnent des résultats plus élevés en moyenne que ceux de Robertson et al. (2000) .
Pour réaliser un bilan complet de gaz à effet de serre d’un agrosystème, les émissions directes de GES biogéniques (CO2, N2O et CH4) et les émissions indirectes dues à la consommation d’intrants et aux pratiques culturales doivent être comptabilisées selon la démarche inspirée de l’analyse de cycle de vie (ACV).

Potentiel de mitigation

Le potentiel de mitigation des GES d’origine agricole se divise en trois grandes catégories basées sur les mécanismes suivants (Smith et al., 2008a) :
Réduire les émissions : Une gestion plus efficace des flux de C et de N permet de réduire de manière substantielle les émissions de GES.
Augmenter les prélèvements de CO2 atmosphérique : Les techniques culturales qui permettent d’augmenter les entrées de C photosynthétique ou de diminuer la respiration de la matière organique du sol permettent d’accroître le stock de C du sol et donc de diminuer d’autant le stock atmosphérique.
Substituer le C fossile : La biomasse peut être utilisée comme source de bioénergie directement en combustion ou après conversion en biocarburants. Le carbone fixé est renouvelable et le bénéfice net en terme de GES est calculé par rapport à l’évitement des émissions générées par la combustion des carburants fossiles Ces trois mécanismes peuvent être mis en pratique à travers la gestion agronomique des cultures, le changement d’usage des sols et la bioénergie. La gestion de la fertilisation basée sur des apports en adéquation avec la demande des plantes permet de réduire les émissions de N2O. McSwiney et Robertson (2005) ont montré que les émissions de N2O doublaient dès que les apports d’azote dépassaient les besoins des cultures (pour du maïs, Michigan, États-Unis ).
Selon Arrouays et al. (2002), les techniques culturales simplifiées pourraient stocker 0.2 t C ha−1 an−1 et selon Freibauer et al. (2004), le potentiel de stockage de C à l’échelle européenne pourrait être de 2.4 Mt C ha−1 an−1 à l’horizon 2012. Le bilan net de ces pratiques entre stockage de carbone et émissions de N2O n’est toujours pas démontré globalement et dépend largement du type de sol, du climat et des pratiques de gestion (Beheydt et al., 2008; Desjardins et al., 2005; Li et al., 2005a; Six et al., 2004). L’implantation de couverts végétaux et de cultures intermédiaires (Freibauer et al., 2004) et la conception de systèmes de cultures à bas niveaux en intrants avec l’intégration de légumineuses (Dick et al., 2008; Rochette et Janzen, 2005; Tonitto et al., 2007), peuvent aussi participer à la réduction des bilans de GES des systèmes de cultures.
Le changement de couverture du sol est la méthode la plus efficace pour réduire les émissions mais elle entraîne inévitablement un changement d’usage. La conversion de surface cultivée en prairie ou en forêt, permet d’augmenter le stock de C du sol et pourrait réduire les émissions de N2O du fait d’apports azotés réduits (Arrouays et al., 2002). De même, le reboisement de terres cultivées conduit à une accumulation moyenne de 0.5 t C ha−1 an−1 sur 100 ans selon Arrouays et al. (2002).

Méthodes d’estimation des flux de GES des agro-écosystèmes

Les échanges de gaz à effet de serre entre les écosystèmes cultivés et l’atmosphère dépendent de processus biologiques, dont l’intensité est en relation avec les conditions du milieu et la gestion par l’agriculteur. Des méthodes basées sur les mesures permettent de quantifier les flux de l’échelle de la parcelle agricole à quelques km2. Une autre voie basée sur des facteurs d’émission (FE) consiste à calculer directement les flux de GES en fonction des activités (IPCC, 2006). Mais l’approche qui semble la plus prometteuse est l’utilisation de modèles mécanistes orientés sur les processus (Butterbach-Bahl et al., 2004; Gabrielle et al., 2006a).

Systèmes de mesures

Échanges de CO2 entre l’atmosphère et le système sol-plante :La mesure de la variation du stock de carbone du système sol-plante peut être envisagée de 2 manières possibles : soit en mesurant les flux de CO2 à l’interface du système sol-plante et de l’atmosphère, en prenant en compte les entrées et les sorties de C aux frontières de la parcelle, soit en mesurant directement l’évolution du stock de C du sol (résidus, litière, matière organique). Nous présenterons ici, seulement les techniques de mesure de flux de CO2 avec la première méthode, la seconde étant plus généralement utilisée pour rendre compte de changement de systèmes ou de pratiques sur le long terme (labour à semis direct, par exemple).
Les flux de CO2 et de vapeur d’eau sont habituellement mesurés par la technique micrométéorologique des corrélations turbulentes (eddy covariance). La méthode est largement répandue à travers le monde, en particulier au sein de réseaux de mesures, comme le réseau international FluxNeT (Baldocchi et al., 2001) ou le réseau européen CarboEurope (Aubinet et al., 2000).
La méthode d’eddy covariance perturbe très peu l’environnement étudié et permet des mesures de manière continue sur des périodes de plusieurs années à l’échelle de plusieurs hectares. Elle consiste à mesurer la vitesse verticale du vent et la concentration des gaz étudiés au-dessus du couvert, les flux des gaz mesurés (vapeur d’eau, CO2) étant proportionnels à la covariance entre les fluctuations de la vitesse verticale du vent et la concentration des gaz. Les composantes de vitesse du vent sont mesurées avec un anémomètre sonique et les concentrations des gaz avec un analyseur à infrarouges (Denmead et Raupach, 1993). Les données brutes mesurées nécessitent d’être retraitées afin d’éliminer les données qui ne répondent pas à certains critères. Les données manquantes sont recalculées, selon différentes stratégies de remplissage des vides (gap filling, Falge et al. (2001)). Les flux de N2O et de CH4 peuvent également être mesurés selon ces méthodes micrométéorologiques pour une évaluation des flux à une échelle spatiale de quelques hectares.

Méthode d’estimation par facteur d’émission

Les pays signataires de la Convention des Nations Unies sur le Changement Climatique (United Nations Framework Convention on Climate Change, UNFCCC) doivent réaliser leurs inventaires nationaux de GES, en précisant les méthodes de calcul employées. Les méthodes d’inventaires de GES du secteur agricole sont plus complexes que pour les autres secteurs du fait de la grande diversité des sources d’émissions et de la variabilité spatiale des émissions (IPCC, 2006).Les pays membres doivent utiliser des méthodes de calculs comparables et agréées par la Conférences des Parties (COP, l’institution politique de l’UNFCCC). Les inventaires nationaux sont produits annuellement depuis 1994 et doivent suivre les lignes directrices de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change). De nouvelles lignes directrices ont été proposées en 2006. Elles fournissent des méthodes de calcul de complexité croissante : de niveau 1 pour la méthode par défaut , de niveaux 2 ou 3 pour réaliser le calcul des émissions avec des données ou des méthodes spécifiques au pays .
La méthode de niveau 1 consiste en de simples équations et de facteurs d’émissions (décrits dans l’encadré 3 pour le N2O). La méthode de niveau 2 utilise les mêmes équations que le niveau 1 mais requiert l’utilisation de facteurs d’émissions spécifiques au pays qui prennent en compte le climat local et les types de sol. La méthode de niveau 3 est basée sur l’utilisation de modèles complexes et de systèmes d’information géographique. Le principe est d’estimer les flux de GES à une échelle spatiale réduite qui puisse prendre en compte les variabilités locales en termes de types de sol, de climat et de pratiques agricoles, puis d’agréger les émissions pour produire les inventaires nationaux. De plus, les pays membres sont encouragés à estimer l’incertitude de leurs inventaires (IPCC, 2006).

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Table des matières

1 Introduction 
1.1 Contexte de la thèse
1.1.1 Contribution de l’agriculture aux émissions de gaz à effet de serre
1.1.2 Les flux d’azote réactif
1.2 État de l’art 
1.2.1 Processus biologiques des échanges de GES
1.2.2 Bilan de gaz à effet de serre des agro-écosystèmes
1.2.3 Potentiel de mitigation
1.2.4 Méthodes d’estimation des flux de GES des agro-écosystèmes
1.2.4.1 Systèmes de mesures
1.2.4.2 Méthode d’estimation par facteur d’émission
1.2.4.3 Modélisation biophysique des agro-écosystèmes
1.3 Objectif et démarche de modélisation 
1.3.1 Boucle de progrès des modèles
1.3.2 Sélection du modèle et application de la boucle de progrès
1.4 Organisation du mémoire 
2 Calibration bayésienne d’un module d’émissions de protoxyde d’azote d’un modèle d’agro-écosystème 
2.1 Introduction
2.2 Material and Methods 
2.2.1 The CERES-EGC model
2.2.1.1 A process-based agro-ecosystem model
2.2.1.2 The nitrous oxide emission module
2.2.2 The database of nitrous oxide measurements
2.2.3 Bayesian calibration
2.2.3.1 Markov Chain Monte Carlo
2.2.3.2 Procedure for the nitrous oxide emission module
2.2.4 Evaluation of model predictions
2.3 Results
2.3.1 Simulation of soil state variables
2.3.2 Posterior parameter distributions
2.3.3 Model prediction uncertainty
2.3.4 Calibration efficiency and model prediction error
2.4 Discussion 
2.4.1 Suitability and benefits of Bayesian calibration
2.4.2 Spatial variability of model parameters
2.4.3 Prediction of nitrous oxide fluxes from agro-ecosystems
2.5 Conclusion and future work 
3 Prédiction des échanges nets de carbone de rotations de cultures en Europe avec un
modèle d’agro-écosystème 
3.1 Introduction
3.2 Material and Methods
3.2.1 The CERES-EGC model
3.2.1.1 A process-based agro-ecosystem model
3.2.1.2 Modelling of net carbon exchange
3.2.2 Field sites
3.2.3 Carbon dioxide fluxes and biomass measurements
3.2.4 Parameter calibration
3.2.5 Goodness of fit
3.3 Results 
3.3.1 Model calibration
3.3.2 Dynamics of net carbon exchanges
3.3.3 Model prediction assessment
3.3.4 Carbon balance of crop rotations
3.4 Discussion 
3.4.1 Model calibration and prediction error
3.4.2 Using a crop model to simulate the net carbon exchanges
3.5 Conclusion and future work 
4 Prédiction et mitigation du pouvoir de réchauffement global des agro-écosystèmes 
4.1 Introduction 
4.2 Material and Methods
4.2.1 Experimental data
4.2.1.1 Field sites
4.2.1.2 Soil and crop measurements
4.2.1.3 Trace gas fluxes and micrometeorological measurements
4.2.2 The indirect GHG emissions
4.2.3 Global warming potentials of crop rotations
4.2.4 The CERES-EGC model
4.2.5 Parameter selection and model calibration
4.2.6 Model evaluation
4.2.7 Scenarios of mitigation
4.3 Results
4.3.1 Model testing
4.3.1.1 Crop growth
4.3.1.2 Net carbon exchanges
4.3.1.3 Soil drivers of nitrous oxide emissions
4.3.2 Nitrous oxide emissions
4.3.3 Simulation of crop rotations
4.3.3.1 Net biome production
4.3.3.2 Indirect emissions
4.3.4 Global Warming Potential
4.3.5 Mitigation strategies
4.4 Discussion 
4.4.1 Relevance of modelling to estimate GHG balances
4.4.2 Model application for predicting global warming potential
4.4.3 Efficiency of mitigation options
4.5 Conclusion 
5 Conclusion et perspectives 
5.1 Bilan du travail de thèse 
5.2 Perspectives 
A Modélisation des émissions de protoxyde d’azote d’origine agricole à l’échelle de la région Île-de-France 
A.1 Introduction
A.2 Matériel et méthodes 
A.2.1 Méthodologie générale
A.2.2 Description du modèle CERES-EGC
A.2.3 La base de données des entrées
A.2.3.1 Définition des unités de simulation
A.2.3.2 Les données météorologiques
A.2.4 Simulations et spatialisation des émissions
A.2.5 Définition des scénarios pour l’analyse de sensibilité
A.3 Résultats et discussions 
A.4 Conclusion
B Analyse de sensibilité globale multivariée pour les modèles dynamiques

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