Contribution à la grammaire de la langue kmhmou

Le projet d’un doctorat sur la langue kmhmouʔ a été une de mes ambitions dès l’issue de mon DEA (diplôme d’étude approfondie) en sciences et techniques du langage, en 2000. Mais j’ai malheureusement dû interrompre mes études pour des raisons financières et professionnelles. Malgré cela, cette ambition était toujours vive. Et c’est treize ans plus tard que j’ai bénéficié d’une bourse pour réaliser ce rêve.

Le choix de travailler sur le kmhmouʔ a été motivé par le fait que cette langue est parlée par un grand nombre de locuteurs répartis dans les provinces septentrionales du Laos. Ces locuteurs constituent une importante ethnie du Laos, dont ils constituent le deuxième groupe de population après les Lao, populations parlant lao, la langue à statut officiel parlée par la majorité de la population laotienne. Malgré le nombre important de ses locuteurs, la langue kmhmouʔ est peu étudiée. Cette langue n’a intéressé qu’un petit nombre de linguistes dont la plupart des travaux ont porté sur les dialectes kmhmouʔ parlés dans les régions Nord-Ouest du Laos. Du fait que les locuteurs Kmhmouʔ se répartissent sur plusieurs régions, la langue kmhmouʔ comporte des variations dialectales suivant les zones géographiques des locuteurs et leurs contacts avec d’autres groupes ethniques dans l’espace, notamment les groupes de langue Taï. On distingue principalement deux groupes de dialecte du kmhmouʔ (dialectes du Kmhmouʔ de l’Est et dialectes du Kmhmouʔ de l’Ouest). Cependant, le critère généralement retenu pour distinguer une langue d’un dialecte (Sapir 1968) est l’intercompréhension entre les locuteurs de différents dialectes, or, les Kmhmouʔ de toutes les régions peuvent communiquer entre eux sans difficulté majeure.

Le kmhmouʔ est une langue beaucoup citée, mais il existe peu de travaux linguistiques sur cette langue. On peut citer les travaux de William Smalley (1961), Michel Ferlus (1977), Kristina Lindell et al. (1977), Jan-Olof Svantesson et al. (1981, 1983), Damrong Tayanin et al. (1980), Suwilai Premsirat (1987). S’ajoutent à ces travaux le prtit dictionnaire kmhmouʔ-français de H. Delcros (1966) et des dictionnaires, de Suksavāng Sīmāna, Somsǣng Saiyavong et Elisabeth Preisig (1994), de Thǭngphet Kingsadā and Tadahiko Shintani (1999), de Suwilai Premsirat (2002), de Jan-Olof Svantesson et al. (2013). Sinon, il existe des travaux en anthropologie et en ethnologie sur des sociétés Kmhmouʔ : Frank Proschan (1996, 1997, 2001), Olivier Évrard (2006). La plupart de ces auteurs, à l’exception d’Henri Delcros et Michel Ferlus, ont travaillé sur les dialectes du Kmhmouʔ de l’Ouest. Ces auteurs, notamment KristiFamilles ethnolinguistiques du Laosdell et Jean-Olof Svantesson, ont publié plusieurs articles et ouvrages en collaboration avec Damrong Tayanin, lui-même originaire kmhmouʔ de la région de l’Ouest.

CONTEXTE ETHNOLINGUISTIQUE DU LAOS

Familles ethnolinguistiques du Laos

Le Laos ou la République Démocratique Populaire Lao (R.D.P Lao), appellation officielle, est un pays d’une grande diversité ethnique malgré sa faible population. Cette diversité de populations, de langues, de traditions, de religions et de coutumes constitue la richesse socio-culturelle du Laos. Selon les enquêtes et les critères de classification retenus, pour l’ensemble du pays, le nombre d’ethnies retenu varie de 49 à 68.

En 1973, le gouvernement du Laos reconnaissait 58 ethnies, dont 12 de la famille linguistique Taï, 35 de la famille linguistique Austro-Asiatique et de la famille linguistique Miao-Yao (Hmong-Mien) et Sino-Tibétaine. Les critères de sélection n’étaient pas mentionnés. En 1989, le Comité des Sciences Sociales reconnaissait 68 ethnies, dont la famille Taï représentait 68%, la famille Austro-Asiatique (Mon Khmer) 23%, les MiaoYao 6%, les Tibéto-Birmans 2,8% et les Ho 0,7%. Les critères de choix du nombre d’ethnies n’étaient pas mentionnés non plus. La classification simple et basée sur des concepts ethno-géographiques qu’ethnolinguistiques à la fin des années 60 classait la population du Laos en trois catégories : les Lao Lum (habitants des régions de plaines, des vallées et des plateau situés à 200-400 mètres d’altitude), les Lao Theung (habitants des versants, des pentes et des vallées entre 300-900 mètres d’altitude) et les Lao Sung (habitants des sommets des montagnes, au-dessus des Lao Theung, entre 800-1600 mètres d’altitude). Cette dénomination visait à intégrer toutes les ethnies du Laos dans le contexte national, même si les ethnies hors de la famille Taï sont culturellement et historiquement différentes des Lao. Cette définition simple et imparfaite est devenue populaire. Elle n’était pas parfaite car certains groupes des Lao Loum tels que les Phouane de la province de Xieng Khouang et les Thaï Dam, Thaï Dèng et Thaï Khao de la province de Houaphanh qui habitent sur une altitude entre 800-1000 mètres sont pourtant Lao Loum (Chazée 1995). A cela s’ajoutent les mouvements migratoires des peuples, donc les concepts ethnogéographiques conviennent de moins en moins.

En 2008, un nouveau classement a été effectué par une équipe de recherche en ethnolinguistique. Ce nouveau classement, basé sur des critères linguistiques, historiques, des critères coutumiers et cultuels , regroupe l’ensemble de la population laotienne est classé en 49 ethnies suivant l’ethnonyme, réparties sur 4 familles linguistiques (Taï, Austro-Asiatiques, Sino-Tibétaine, Miao-Yao), voir la carte à la page 17. Depuis l’adoption du nouveau classement en novembre 2008, l’appellation Lao Lum, Lao Theung et Lao Sung ne sont plus en usage officiel.

Présentation des Kmhmouʔ 

Les Kmhmouʔ constituent un groupe minoritaire ethnique important au Laos du point de vue de la démographie. Ils représentent 11% de la population nationale (6 492 228 habitants selon le recensement de 2015). Les Kmhmouʔ sont reconnus comme les habitants aborigènes du Nord-Laos, ce peuple étant majoritairement centré dans les provinces septentrionales du Laos. Il occupe ce territoire depuis au moins le début du premier millénaire de notre ère, bien avant la première pénétration des Taï sur ce qui est devenu le territoire laotien actuel (M. LeBar 1967), mais on ignore d’où les Kmhmouʔ ont migré vers le Laos. Selon Schliesinger (2003 : 150), certains anthropologues supposent que les Kmhmouʔ sont arrivés du sud de la Birmanie et de la partie Sud-Ouest de la province du Yunnan en Chine. Pour d’autres, ils auraient migré du Nord du Vietnam. Cette théorie s’appuie sur une similitude de leur langue avec certains dialectes parlés en Chine et au Vietnam. On dispose de peu de données ethnographiques sur ce sujet.

Le terme kmhmouʔ, ethnonyme et langue, a deux acceptions distinctes, il renvoie à l’ethnonyme en question « ethnie Kmhmouʔ » par opposition à d’autres ethnies ou nationalités, et à la distinction entre « être humain » et « animal ou chose ». Ces acceptions sont toujours d’actualité en kmhmouʔ contemporain. Orthographiquement, le terme kmhmouʔ est transcrit différemment selon les auteurs, comme on l’observe ci-après.

Répartition géographique des Kmhmouʔ

Le peuple kmhmouʔ est un groupe ethnique transnational, les habitations des Kmhmouʔ sont dispersées dans la péninsule indochinoise (au Laos, au Vietnam, en Chine et en Thaïlande). Ils se situent majoritairement au Laos, dans les provinces septentrionales. Leurs zones de concentration démographique sont principalement les provinces de Louang Phrabang, d’Oudomxay, et de Phongsaly. On les trouve également dans une moindre mesure dans les provinces de Louang Namtha, Bokèo, Sayabouri, Houa Phan, Xieng Khouang, Saisomboun, Bolikhamxai, dans la province de Vientiane et dans la capitale de Vientiane (voir la carte à la page suivante). En termes d’effectif, c’est l’ethnie la plus importante au sein de la population de la famille Môn-Khmer ; elle se place en deuxième position dans l’échelle ethnico démographique, juste après le groupe ethnique Lao. Aujourd’hui, la population kmhmouʔ dépasse un demi-million d’habitants. Selon le recensement en 2015, on dénombre 613.898 Kmhmouʔ au Laos, soit 11% de la population nationale .

En général, les Kmhmouʔ habitent sur les plateaux et dans des vallées de moyenne altitude, car ces endroits sont propices à la pratique des cultures sur brûlis d’où le terme “Lao Theung” en lao « peuple des hautes terres » provient des installations de ces habitants sur les hauts plateaux. Les Kmhmouʔ habitent aussi près des rivières où ils s’approvisionnent en eau, peuvent pêcher, ramasser de crustacés, des batraciens et récolter des algues pendant la saison sèche .

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Table des matières

Le cadre de l’étude
Liste des abréviations
Introduction
1 Présentation générale
1.1 Contexte ethnolinguistique du Laos
1.1.1 Familles ethnolinguistiques du Laos
1.1.2 Présentation des Kmhmouʔ
1.1.3 Répartition géographique des Kmhmouʔ
1.2 Aperçu sur la langue kmhmouʔ
1.2.1 La langue kmhmouʔ et ses dialectes
1.2.2 Interactions entre le kmhmouʔ et le lao
1.2.3 Recherches linguistiques sur le kmhmouʔ
1.2.4 Caractérisation typologique du kmhmouʔ
1.2.4.1 Les langues isolantes : définition et limites
1.2.4.2 Travaux typologiques sur différentes langues isolantes
1.3 Méthodologie
1.3.1 Le terrain
1.3.2 Corpus
1.3.2.1 Types d’enregistrement et données quantitatives
1.3.2.2 Traitement des corpus
2 Phonétique et phonologie
2.1 Système phonologique
2.1.1 Phonèmes consonantiques
2.1.1.1 Consonnes initiales
2.1.1.2 Consonnes finales
2.1.1.3 Groupes consonantiques
2.1.2 Phonèmes vocaliques
2.1.2.1 Monophtongues
2.1.2.2 Diphtongues
2.1.3 Structure de mot et de syllabe
3 Morphologie et classes de mots
3.1 Typologie morphologique des langues isolantes : problématique et état de l’art
3.1.1 Le Kmhmouʔ : langue isolante
3.1.2 Caractérisation morphologique du kmhmouʔ et des langues de l’aire
3.2 Les classes de mots
3.2.1 Mots pleins et mots outils
3.2.2 La distinction verbo-nominale : problématique et état de l’art
3.2.3 Nom
3.2.3.1 Définition fonctionnelle des noms
3.2.3.2 Formation des noms par composition
3.2.3.3 Types sémantiques de noms et classificateurs
3.2.4 Verbes
3.2.4.1 Types sémantiques des verbes
3.2.4.1 Caractéristiques syntaxiques des verbes
3.3 Morphologie dérivationnelle
3.3.1 Préfixes
3.3.1.1 Préfixes causatifs
3.3.1.2 Préfixe résultatif
3.3.1.3 Préfixes nominalisateurs
3.3.2 Infixes
3.3.2.1 Infixes nominalisateurs
3.3.2.2 Cas particuliers de dérivations
4 Syntaxe
4.1 Syntagme nominal
4.1.1 Déterminants qualificatifs
4.1.2 Déterminants classificateurs
4.1.3 Déterminants numéraux
4.1.4 Déterminants démonstratifs
4.1.5 Déterminants indéfinis et interrogatifs
4.1.6 Déterminants quantifieurs
4.1.7 Déterminants nominaux
4.1.8. Pour conclure sur le syntagme nominal en kmhmouʔ
4.2 Syntaxe de la phrase
Conclusion

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