Récupération d’horloge par boucle à verrouillage de phase

Généralités sur les systèmes de transmission optiques

   Fondamentalement, un système de transmission de données est constitué d’un certain nombre de blocs fonctionnels : un émetteur; un canal de transmission, qui a priori dégrade le signal mais comporte éventuellement un ou plusieurs relais ou régénérateurs ; et un récepteur. Plus spécifiquement, dans le cas d’un système de transmission optique, l’émetteur génère — par définition — un signal lumineux, lequel se propage dans un canal constitué typiquement d’une fibre optique.∗ Ce signal lumineux, devant transmettre de l’information, est modulé. Les grandeurs sur lesquelles on peut agir à cet effet sont l’intensité, la phase et la polarisation de la lumière transmise. À la différence des systèmes de communication par radio, où ces trois paramètres peuvent être utilisés de concert, les systèmes de transmission optiques actuels ne jouent que sur l’intensité : la polarisation se conserve mal au passage dans une fibre optique standard ; la phase est d’une part sensible au bruit et aux effets non-linéaires, et d’autre part difficile à détecter par les récepteurs classiques non cohérents [Gallion02]. Malgré un récent regain d’intérêt pour les modulations de phase différentielles (DPSK), nous nous limiterons donc aux modulations d’amplitude, en jouant habituellement sur des  puissances de l’ordre du milliwatt par canal ; les formats les plus utilisés actuellement dans les systèmes optiques sont les Non-Retour à Zéro (NRZ) et Retour à Zéro (RZ). L’annexe B, section B.1, traite de leurs caractéristiques respectives ; sommairement, le format NRZ est plus simple et peut être rendu plus économe en bande passante, mais le format RZ présente l’insigne avantage de comporter une raie spectrale à sa fréquence d’horloge, ce qui n’est pas le cas d’un signal NRZ (figure 1.1). Après avoir été émis, le signal transite parle canal de transmission qui, n’étant pas idéal, ne le restitue pas tel quel mais dégradé suivant plusieurs processus. Le plus évident est l’atténuation des fibres : 0,2 dB/km au minimum autour de 1,55 µm de longueur d’onde peut paraître faible, mais les longueurs de transmission visées étant de plusieurs centaines ou milliers de kilomètres, ceci ne représente pas un milieu suffisamment transparent .De ce fait, on place des amplificateurs optiques le long du parcours afin de ramener périodiquement la puissance du signal à un niveau acceptable ; mais de tels amplificateurs rajoutent automatiquement du bruit sous forme d’émission spontanée amplifiée. Enfin, sur de telles distances, il ne suffit pas de compenser l’atténuation : la dispersion chromatique et les effets non-linéaires apportés par la fibre et les amplificateurs deviennent des facteurs limitants. Pour illustrer ce propos, la figure 1.2 représente schématiquement le diagramme de l’œil d’un signal avant et après transit dans une fibre optique (figures 1.2(a) et 1.2(b)respectivement), puis dans les différents étages d’un régénérateur devant remédier à ces dégradations. Ainsi, la première tâche d’un tel dispositif est de ramener le signal à un niveau de puissance plus proche de celui de départ à l’aide d’un amplificateur optique (réamplification, figure 1.2(c)). On constate que l’œil, donc le rapport signal à bruit, est fortement dégradé notamment du fait de l’émission spontanée amplifiée rajoutée par l’amplificateur. Une deuxième étape, de remise en forme, est donc souhaitable, le principe étant d’appliquer au signal une fonction préservant son niveau moyen à l’échelle du temps bit (de façon à conserver le caractère 0 ou 1 du bit courant) mais pas le bruit (figure 1.2(d)). La fonction idéale est la «marche d’escalier » que représente une détection à seuil : on compare la puissance optique reçue à une certaine valeur de référence afin de déterminer si ce bit est un 0 ou un 1, comme au niveau du récepteur. De fait, il est toujours possible d’effectuer une détection et réémettre le signal, mais cette technique est lourde d’utilisation. On préférera faire passer le signal dans un dispositif non-linéaire ayant une réponse moins abrupte que la « marche d’escalier », mais qui garde le signal sous forme optique. Des exemples de tels régénérateurs sont donnés section 3.3.3. Enfin, on constate que les fronts montants et descendants du signal ne sont toujours pas nets, ce qui correspond à une variation d’un bit à l’autre de leur position temporelle par rapport au moment de décision, i.e. une gigue temporelle. C’est une source potentielle d’erreurs, il convient donc, pour une régénération complète, de l’éliminer en resynchronisant le signal sur une horloge (figure 1.2(e)). Les régénérateurs assurant ces trois fonctions sont qualifiés de « 3R», pour : réamplification, remise en forme et resynchronisation (reamplification, reshaping, retiming).

Mélange de signaux décalés

   Par analogie avec la méthode précédente, on peut utiliser un dispositif optique pour reproduire un décaleur-mélangeur, comme démontré avec un interféromètre de Mach-Zehnder asymétrique avec un bras décaleur dans [Lee99], et par dédoublement du spectre par modulation du signal, décalage par dispersion, et recombinaison par mélange à quatre ondes dans [Bilenca02]. Dans le second, comme l’illustre la figure 1.4, le signal NRZ de départ est modulé à haute fréquence par un interféromètre de Mach-Zehnder, autour d’un point de fonctionnement correspondant à des interférences destructives entre les deux bras, ce qui dédouble le spectre du signal. Ces deux «portions » de spectre sont déphasées par une fibre dispersive, ce qui reproduit le décalage temporel d’une fraction de temps bit. Le mélange, qui ci-dessus était effectué par une porte logique, est assuré par le mélange à quatre ondes se produisant dans une fibre à dispersion décalée, et isolé par un filtre optique. Comme précédemment, le spectre du signal résultant du mélange entre signaux décalés exhibe des raies aux multiples de la fréquence d’horloge.

Boucle à verrouillage de phase opto-électronique

   Si le facteur limitant pour une boucle à verrouillage de phase électrique, outre le fait de devoir convertir un signal optique, est la rapidité du comparateur de phase ou de l’élément nonlinéaire, on peut tenter de s’en affranchir en utilisant un composant optique à cet usage. Puisque l’on cherche à mélanger le signal optique et l’horloge récupérée, une approche possible est d’utiliser cette horloge sous forme électrique pour commander un modulateur optique, par exemple à électroabsorption, par lequel on fait passer le signal pour obtenir l’effet désiré. Cette méthode a été démontrée à 16 × 10 Gbps [Tong00]. Une autre approche est de mélanger directement les signaux sous forme optique, grâce aux effets non-linéaires que présentent un certain nombre de composants, à commencer par les amplificateurs optiques à semi-conducteurs, très utilisés car présentant à la fois un fort gain et de fortes non-linéarités de plusieurs types (modulation croisée de gain et de phase, mélange à quatre ondes…), ce qui leur permet d’effectuer un certain nombre d’opération de traitement de signal (cf. la section 3.3) sur des distances de propagation de l’ordre du millimètre. Notamment, le mélange à quatre ondes, comme son nom l’indique en partie, peut reproduire un mélangeur : ce sont certes à la base les signaux optiques qu’il mélange et donc aux fréquences optiques qu’il agit ; mais comme il mélange tous les harmoniques des signaux, il est également équivalent à un mélangeur électrique à la longueur d’onde de mélange, cf. section 4.4. En outre, les phénomènes physiques à l’origine de ces non-linéarités en général, et du mélange à quatre ondes en particulier, sont extrêmement rapides (d’une fraction de nanoseconde pour les plus lents à quelques dizaines de femtosecondes pour les plus rapides) comparés au temps bit correspondant aux débits des systèmes de transmission optiques actuels (10 à 40 Gbps par canal) voire futurs (jusqu’à plusieurs Tbps par canal ?) D’autres types de composants sont utilisables en régime non-linéaire, ne serait-ce que les fibres optiques, notamment les fibres à cristaux photoniques ou les fibres dopées amplificatrices, mais de grandes longueurs de propagation sont nécessaires pour faire apparaître les effets recherchés. On peut également avoir recours à des matériaux non-linéaires d’ordre 2 tels que le niobate de lithium, plus efficaces que les composants cités précédemment (qui sont d’ordre 3), mais où les conditions d’accord de phase sont problématiques.Il existe des composants à base de niobate de lithium à domaines périodiquement inversés (« Periodically Poled LiNbO3 », PPLN) qui permettent de s’affranchir de l’accord de phase, mais seulement autour d’une longueur d’onde bien précise. Ainsi, bien qu’ils n’en aient pas le monopole, les amplificateurs optiques à semi-conducteurs sont des composants de choix pour l’utilisation d’effets non-linéaires. De plus, comme nous l’avons vu — et le reverrons section 3.3.5 — un amplificateur optique à semi-conducteurs est capable de convertir un signal optique au format NRZ vers un format pseudo-RZ adapté à récupération d’horloge par boucle à verrouillage de phase. Tous ces éléments nous conduisent à la possibilité de récupérer l’horloge de signaux RZ et NRZ en reproduisant le schéma d’une boucle à verrouillage de phase dans le domaine optique, un amplificateur optique à semi-conducteurs assurant la fonction non-linéaire de mélangeur ou de corrélateur, et le reste de la boucle, travaillant alors dans un domaine de fréquence beaucoup plus faible voire en bande de base, restant constitué d’électronique

Dynamique des porteurs libres

   Imaginons un amplificateur optique à semi-conducteurs polarisé, sans puissance optique injectée. En régime stationnaire, les électrons de la bande de conduction et les trous de la bande de valence se répartissent dans ces bandes selon une pseudo-distribution de Fermi-Dirac pour chaque bande. La température de ces distributions est égale à celle du réseau cristallin ; le pseudo-niveau de Fermi est lié à la densité d’électrons ou de trous dans la bande correspondante, imposée par la densité de courant électrique traversant la jonction. Supposons à présent que l’on y injecte une impulsion très courte, centrée autour d’une longueur d’onde où l’amplificateur présente du gain. Elle se fait ainsi amplifier en provoquant des recombinaisons électrons-trous autour de l’énergie correspondante, ce qui annihile des porteurs libres. Ceux-ci reviennent rapidement au régime stationnaire, suivant un certain nombre d’étapes dont les constantes de temps sont très différentes. La figure 3.7 en illustre le processus. Très peu de temps après le passage de l’impulsion, on observe que les porteurs ne suivent plus une distribution de Fermi-Dirac, ayant été consommés sur une certaine zone d’énergie. Si une seconde impulsion devait arriver, elle subirait un gain moins important qu’en régime stationnaire, mais uniquement si sa longueur d’onde était voisine de la première ; à une longueur d’onde éloignée, les porteurs d’énergie correspondante n’ayant pas eu le temps d’adopter une nouvelle distribution, le gain serait identique au régime stationnaire. Ce phénomène est appelé « trou spectral » (« spectral hole burning », SHB). Pour revenir à une distribution de Fermi-Dirac, les électrons doivent échanger de l’énergie, mais aux échelles de temps très courtes — de l’ordre de 50 fs — seules les collisions porteurporteur au sein d’une même bande le permettent. Les électrons de la bande de conduction (de même que les trous de la bande de valence) évoluent donc à énergie totale constante, i.e. comme un système microcanonique. Par conséquent, la distribution qu’ils atteindront aura une énergie de Fermi et une température différente du régime stationnaire. Notamment, pour peu que les porteurs consommés par l’impulsion lumineuse aient eu une énergie moyenne inférieure à celle de tous les porteurs, cette nouvelle distribution sera plus étendue vers les hautes énergies, donc aura une température plus élevée. Ce phénomène est appelé « échauffement de porteurs » (« carrier heating », CH). À des échelles de temps un peu plus longues—environ 500 fs—d’autres processus prennent le relais, en particulier les collisions porteur-phonon, qui échangent de l’énergie avec le réseau cristallin. Les électrons libres (ainsi que les trous libres) reviennent alors à la température initiale, le système qu’ils composent devenant canonique. Mais leur énergie de Fermi reste inférieure à sa valeur de départ car ces porteurs sont moins nombreux : le retour au régime stationnaire (garanti in fine par le pompage) nécessite d’en ramener depuis d’autres bandes, donc des processus interbandes, beaucoup plus lents. Ce n’est donc que bien plus tard — quelques centaines de ps — que ce retour s’opère, le système des électrons dans la bande de conduction se comportant alors comme un système grand-canonique. Ce phénomène où la densité de porteurs varie « d’un bloc », i.e. à température constante, porte le nom de « pulsation de la densité de porteurs » « carrier density pulsation », CDP).

Comparateur (optique) de phase (électrique)

   Le comparateur de phase constitue la principale particularité de cette boucle à verrouillage de phase, et la raison pour laquelle elle est adaptée aux hauts débits : la fonction est assurée par le mélange à quatre ondes entre le signal d’entrée et un train d’impulsions de taux de répétition imposé par le VCO, à une longueur d’onde différente du signal. La section 4.4 nous a montré que le signal de mélange portait une composante lentement variable à la différence de fréquence d’horloge entre les deux signaux, comportement qui se rapproche de celui d’un mélangeur électrique. Le mélange à quatre ondes est généré au sein d’un amplificateur optique à semi-conducteurs. Diverses expériences préliminaires ont été effectuées sur des composants sur embase Alcatel et OPTO+, ainsi qu’un module fibré fabriqué au sein de l’ETH Zurich. Des considérations pratiques (couplage des fibres aux composants, contrôle de la température, efficacité de mélange) nous ont fait préférer un module fibré JDS ; les résultats présentés ici ont tous été obtenus à l’aide (entre autres) de cet amplificateur. L’intérêt d’utiliser le mélange à quatre ondes, outre sa rapidité qui permet de suivre un signal à très haute fréquence d’horloge, est qu’il est à une longueur d’onde différente des faisceaux optiques mélangés, donc isolable au moyen d’un filtre. Un photodétecteur lent complète l’ensemble, ramenant la sortie sous forme électrique et éliminant les harmoniques supérieures résiduelles.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
I Généralités : récupération d’horloge ; boucles à verrouillage de phase ; amplificateurs optiques à semi-conducteurs
1 Récupération d’horloge 
1.1 Principe et nécessité
1.1.1 Généralités sur les systèmes de transmission optiques
1.1.2 Nécessité de la récupération d’horloge
1.2 Conversion de format NRZ vers pseudo-RZ
1.2.1 Conversion électronique
1.2.2 Mélange de signaux décalés
1.2.3 Amplificateur optique à semi-conducteurs saturé
1.3 Méthodes de récupération d’horloge
1.3.1 Filtrage de la fréquence d’horloge
1.3.2 Injection dans un système oscillant
1.3.3 Boucles à verrouillage de phase
1.4 Boucle à verrouillage de phase opto-électronique
2 Généralités sur les boucles à verrouillage de phase 
2.1 Présentation
2.1.1 Principe
2.1.2 Variantes
2.2 Équations d’évolution
2.2.1 Composants de la boucle
2.2.2 Établissement des équations de fonctionnement
2.2.3 Régime stationnaire
2.2.4 Régime transitoire (petit signal)
2.2.5 Exemple : boucle du premier ordre
2.2.6 Exemple : boucle d’ordre deux
2.3 Fonctionnement non idéal
2.3.1 Stabilité
2.3.2 Signal non idéal
2.3.3 Acquisition
2.3.4 Boucle comportant un retard
2.4 Évaluation des paramètres
2.4.1 Gigue temporelle
2.4.2 Plages de verrouillage et de capture
2.4.3 Agilité, résistance à une suite de zéros
2.5 Applications
2.5.1 Démodulation de fréquence
2.5.2 Synthèse de fréquence
2.5.3 Récupération d’horloge
3 Généralités sur les amplificateurs optiques à semi-conducteurs 
3.1 Présentation
3.1.1 Principe
3.1.2 Structures et matériaux
3.2 Effets non linéaires
3.2.1 Dynamique des porteurs libres
3.2.2 Conséquences sur la linéarité
3.2.3 Effets sur les signaux optiques
3.3 Applications
3.3.1 Conversion de longueur d’onde
3.3.2 Portes logiques
3.3.3 Régénération de signal optique
3.3.4 Gestion de dispersion par inversion spectrale
3.3.5 Conversion de format NRZ vers pseudo-RZ
3.3.6 Mélangeur pour récupération d’horloge
II Mélange à quatre ondes et son utilisation dans une boucle à verrouillage de phase opto-électronique pour la récupération d’horloge
4 Mélange à quatre ondes dans les SOA 
4.1 Généralités sur le mélange à quatre ondes
4.2 Modélisation
4.2.1 Modèle à deux niveaux
4.2.2 Modèle de la matrice densité
4.3 Mélange de faisceaux continus
4.3.1 Schéma expérimental
4.3.2 Mélange à quatre ondes en fonction du detuning
4.3.3 Mélange à quatre ondes en fonction de la puissance d’entrée
4.4 Mélange de faisceaux modulés
4.4.1 Schéma expérimental
4.4.2 Mélange à quatre ondes en fonction de la puissance d’entrée
4.4.3 Mélange à quatre ondes en fonction du déphasage
5 Boucle opto-électronique à un étage 
5.1 Présentation
5.2 Composants de la boucle
5.2.1 Comparateur (optique) de phase (électrique)
5.2.2 Oscillateur commandé
5.2.3 Filtre de boucle
5.3 Modélisation
5.3.1 Régime petit signal, stabilité
5.3.2 Régime grand signal, acquisition
5.4 Résultats expérimentaux
5.4.1 Signal d’entrée RZ
5.4.2 Signal d’entrée NRZ
5.5 Récupération d’horloge fractionnelle
6 Boucle opto-électronique à deux étages 
6.1 Présentation
6.2 Modélisation
6.3 Résultats expérimentaux
6.3.1 Signal d’entrée RZ
6.3.2 Signal d’entrée NRZ
6.4 Récupération d’horloge fractionnelle
Conclusion

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *