Contraintes chronologiques et biogéochimiques grâce au méthane dans la glace naturelle

Archives paléoclimatiques, intérêt de l’étude des carottes de glace 

La neige s’accumule d’année en année sur les calottes polaires, se transformant en glace tout en conservant la mémoire de l’atmosphère. Les conditions d’archivage exceptionnelles, liées d’une part à une accumulation continue dans les régions centrales antarctiques et groenlandaises, d’autre part à l’absence de fusion saisonnière permettent d’obtenir une histoire climatique longue continue et de qualité. Les carottes de glace sont des enregistrements à haute résolution couvrant des milliers d’années et elles représentent actuellement la seule archive capable de reproduire fidèlement la composition atmosphérique passée.

Les archives glaciaires permettent de caractériser l’évolution du climat grâce à une multitude d’informations liées aux différentes mesures telles que :

– la mesure du dépôt des aérosols (notamment Na+, Cl−, Ca2+, SO42−, NO32−, acidité, poussières) qui nous renseigne sur l’intensité de la circulation atmosphérique, le calendrier des éruptions volcaniques, l’origine des masses d’air et les variations climatiques des régions sources (aridité, type de végétation, etc.) ;

– le contenu en certains isotopes cosmogéniques (10Be, 36Cl) permet d’avoir accès au taux de précipitations dans le passé, à l’évolution de l’activité solaire et/ou aux variations du champ magnétique terrestre ;

– les isotopes stables de la molécule d’eau (rapport deutérium/hydrogène et oxygène 18/oxygène 16) renseignent sur les variations de température locale et sur celles des régions sources de vapeur d’eau ;

– les mesures du contenu des bulles d’air piégées dans la glace renseignent sur la composition de l’atmosphère et permet d’appréhender le lien qui a existé dans le passé entre climat et gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O).

Dès les années 1960, les scientifiques ont compris l’intérêt de cette formidable archive et se sont lancés dans l’aventure du forage en zone polaire. Malgré des conditions de travail difficiles dans un environnement hostile et une logistique lourde et coûteuse, de nombreux sites de forages et donc d’archives paléoclimatiques ont été étudiés au Groenland et en Antarctique. Dans le cadre de cette thèse, les principaux sites de forage sur lesquels nous avons travaillé sont les deux sites EPICA (EPICA Dôme C et Dronning Maud Land). L’histoire de leur forage   est une belle aventure scientifique et humaine faisant intervenir huit pays membres de l’Union Européenne et deux états associés avec un travail d’analyse et d’interprétation effectué par tous les laboratoires européens ayant une expertise «glace ». Le nouveau projet EPICA-MIS en place depuis un an a pour but de combiner les informations obtenues à partir de la glace à celles obtenues à partir des carottes marines pour prendre en compte l’évolution du système climatique dans un contexte plus global.

Comparaison des archives au cours du temps, intérêt d’une chronologie précise

Un élément clé de la compréhension du système climatique est d’obtenir des chronologies les plus précises possibles pour pouvoir déterminer la séquence et la durée des événements climatiques par le biais d’une ou plusieurs archives paléoclimatiques. Pour les carottes de glace, l’intérêt porte surtout sur les déphasages existant entre variations de températures et des gaz à effet de serre et entre les variations de températures enregistrées dans les deux hémisphères.

La particularité des carottes de glace est que le névé, partie supérieure de la calotte, d’une épaisseur de 100 m environ, est poreux. Par conséquent les bulles d’air ne sont piégées qu’à une certaine profondeur, la base du névé où les pores se ferment piégeant l’air ambiant. Ainsi, dans une carotte de glace, l’âge du gaz est plus jeune que l’âge de la glace environnante (Schwander et al., 1997). Cette différence appelée le delta âge, notée aussi Δâge (ou Δprofondeur si l’on compare les profondeurs d’un même événement enregistré dans le gaz et dans la glace) peut atteindre des valeurs de plusieurs milliers d’années sur les sites à faible accumulation. Différentes méthodes peuvent être utilisées pour calculer ce delta âge:
– l’utilisation d’un modèle de densification qui simule le piégeage des gaz comme une fonction des propriétés physiques du névé et des conditions climatiques (Goujon et al., 2003 ; Arnaud et al., 2000). Il est alors nécessaire de bien connaître les paramètres climatiques du passé (accumulation, température) qui n’ont souvent pas d’analogue actuel ;
– la comparaison d’un signal de température enregistré dans la glace et le gaz (Severinghaus et al., 1998 ; Caillon et al., 2001) ;
– l’utilisation des valeurs isotopiques de l’azote (δ15N de N2) comme un proxy de définition de la profondeur de la zone non-diffusive, profondeur à laquelle les gaz s’arrêtent de diffuser et les pores commencent à se fermer (Goujon et al., 2003 ; Sowers et al., 1992).

Pour pouvoir comparer les variations de température enregistrées entre les deux hémisphères, il est nécessaire d’établir une synchronisation des carottes à l’aide de différents enregistrements (10Be, CH4, δ18Oatm, etc.) montrant des variations enregistrables à l’échelle globale. L’étude du méthane est un excellent outil dans ce cadre du fait que son temps de résidence atmosphérique (10 ans) est un ordre de grandeur plus long que le temps moyen de mélange interhémisphérique (1 an). De nombreux travaux de synchronisation ont déjà été réalisés en utilisant ce signal ou le δ18Oatm (Bender et al., 1994; Blunier et al., 1997, 1998; Blunier and Brook, 2001; Steig et al., 2002; EPICA, c.m., 2006). Ils ont permis de mettre en évidence lors des variations climatiques rapides ponctuant le climat glaciaire au Groenland (Dansgaard et al., 1993), un phénomène de balancier entre les températures de l’Hémisphère Nord et de l’Hémisphère Sud, au moins pour les événements les plus amples et les plus longs (bipolar seesaw theory ; Stocker et Johnsen ; 2003).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
I. Contexte
II. Intérêt de l’étude des climats passés
II.1 Archives paléoclimatiques, intérêt de l’étude des carottes de glace
II.2 Comparaison des archives au cours du temps, intérêt d’une chronologie précise
II.3 Quantification du cycle biogéochimique du méthane
III. Objectifs de la thèse
IV. Organisation du manuscrit
Chapitre I : Le cycle du méthane
Introduction
I.1 Evolution du méthane dans l’atmosphère : état de l’art
I.1.1 Brève introduction sur les sources anthropiques et le bilan actuel
I.1.2 Les sources naturelles
I.1.2.1 Définition
I.1.2.2 Distribution géographique et saisonnière des sources du méthane
I.1.3. Les puits
I.1.3.1 Définition
I.1.3.2 Point sur la capacité oxydante de l’atmosphère
I.2 Contraintes sur le bilan méthane
I.3 Forçage radiatif du méthane
Conclusion
Chapitre II : L’archive glaciaire et les enregistrements du méthane
Introduction
II.1. Présentation des sites étudiés
II.1.1 Les forages antarctiques
II.1.1.1. Les sites EPICA
II.1.1.2 Vostok
II.1.1.3 Berkner
II.1.1.4 DSS
II.1.2 Les forages groenlandais
II.2 Processus de densification
II.2.1 Transport des gaz dans le névé
II.2.1.1 Le fractionnement gravitationnel
II.2.1.2 Le fractionnement thermique
II.2.1.3 Le fractionnement lié au gradient de concentration
II.2.2 Structure du névé défini par les isotopes des gaz permanents
II.2.3 Structure du névé défini par la densité, la porosité fermée et la teneur en gaz
II.2.4 Atténuation et distribution de l’âge gaz
II.3 La formation des hydrates de gaz
II.4 Les névés actuels
II.4.1 Effet de la température
II.4.2 Effet de l’accumulation
II.4.3 Effet du vent
II.4.4 Effet de l’insolation
II.5 Et pour le passé ?
II.6 La mesure du méthane dans la glace
II.6.1 Description de l’appareillage
II.6.2. Protocole expérimental
II.6.3 Traitement des données
II.6.3.1 Calcul de la concentration
II.6.3.2 Précision expérimentale
II.6.3.2.1 La précision de la mesure
II.6.3.2.2 L’erreur systématique
II.6.3.2.3 La dispersion statistique
II.6.4 Quelques réflexions sur la validité des enregistrements
II.6.4.1 Transition névé-glace ; fractionnements lié à la taille des molécules
II.6.4.2 Les réactions chimiques
II.6.4.3 La qualité de la glace ; problèmes liés au forage et au stockage
Conclusion
Chapitre III : La datation de la glace, du gaz et les corrélations entre les enregistrements
Introduction
III.1 La datation de la glace
III.1.1 Le comptage des couches annuelles
III.1.2 La reconnaissance d’horizons repères
III.1.3 Corrélation avec un autre enregistrement daté
III.1.4 La datation par calage orbital
III.1.5 La datation par modélisation physique de l’écoulement du glacier et de
l’accumulation
III.1.6 Datation par méthode inverse
III.2 Evaluation de l’accumulation passée
III.2.1 Modélisation des précipitations en fonction de la température
III.2.2 Accumulation par profil radar
III.2.3 Utilisation de traceurs
III.2.3.1. Les isotopes cosmogéniques
III.2.3.2. Les composés chimiques
III.3 Evaluation de la température
III.3.1 Evaluation de la température au-dessus de la couche d’inversion
III.3.2 Evaluation de la température à la surface de la calotte
III.3.2.1 Le thermomètre isotopique
III.3.2.2 Inversion du profil de température dans les puits de forage
III.3.2.3 Composition isotopique de l’air
III.4 La datation du gaz
III.4.1. Les modèles de densification
III.4.2 Validation du modèle pour le présent à Dôme C
III.4.2.1 Validation des températures
III.4.2.2 Validation de la densité
III.4.2.3 Comparaison entre COD modélisé et LID définie par les isotopes des
gaz permanents
III.4.3 Utilisation du modèle pour le passé
III.5 La synchronisation des carottes de glace
III.5.1 Corrélation des enregistrements présents dans la glace
III.5.1.1 Le signal isotopique D/H ou 18O/16O de la glace
III.5.1.2 Les poussières
III.5.1.3 La composition chimique de la glace
III.5.1.4 Les couches de cendres
III.5.1.5 Le pic de 10Be
III.5.2 Corrélation des enregistrements présents dans le gaz
III.5.2.1 Le méthane
III.5.2.2 Le δ18Oatm
III.5.2.3 Le CO2
III.5.2.4 Le N2O
Conclusion
CONCLUSION

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *