Contexte normatif de la formulation des bétons
Contexte normatif international
Avant de nous intéresser en détail à la norme européenne [NF EN 206] sur la formulation des bétons, qui explicite les critères à respecter pour confectionner un béton (durable, écologique et à moindre coût), un inventaire et une description succincte des normes « béton » internationales proposant une démarche novatrice basée sur le concept de durabilité sont effectués.
En Australie,
La norme AS 3600-2001 permet de proposer, selon la classe d’exposition, une alternative aux bétons classiques « catégories courantes » par les bétons de « catégories particulières » en proposant des tests spécifiques. Dans la norme, plusieurs classes d’exposition sont définies pour, d’une part, les bétons situés à l’extérieur (7 sous-classes en fonction de la distance par rapport à la côte par exemple ou encore environnement tropical, zone tempérée…) et les bétons au contact de l’eau (3 sous-classes telles que eau douce, eau de mer et eau de ruissellement). La norme australienne distingue deux grandes familles de béton :
❖ les bétons de « catégories courantes » (« normal grade ») définis essentiellement par la résistance à la compression mais aussi par d’autres critères tels que la teneur maximale en chlorure et en sulfate dans le béton durci, le retrait, la masse volumique, la résistance en compression à 7 jours et éventuellement l’affaissement, la dimension maximum des granulats, la mise en place et le pourcentage d’air entrainé.
❖ les bétons de « catégories particulières » (« special grade ») si des caractéristiques non disponibles pour les bétons courants sont spécifiées. Plus précisément, cette famille de bétons est spécifiée quand des exigences supplémentaires ou alternatives à celles d’un béton de classe normale sont mentionnées. On peut citer par exemple, l’utilisation de granulats légers ou une classe de résistance spécifique.
Au Canada,
L’approche traditionnelle ou prescriptive c’est-à-dire la définition des constituants et de leurs proportions respectives reste l’approche privilégiée. Néanmoins, la dernière version de la norme canadienne [Techno-béton, 2006] propose une approche performantielle dans le cadre des bétons prêt à l’emploi couplée à l’approche prescriptive. Des classes d’exposition sont définies en fonction de l’environnement de l’ouvrage ou de l’élément : classe C (pour un milieu chloré), A (pour un milieu avec agressions chimiques), F (risque gel/dégel), N (ni chlorures, ni gel/dégel) et S (milieu avec sulfates). Des critères prescriptifs et de performance sont établis. Ils portent sur l’état frais et l’état durci du béton. Pour valider ces critères, des exigences doivent être respectées en fonction des classes d’exposition. Il s’agit du rapport E/L maximum, de la résistance en compression minimale spécifiée, de la teneur en air (plage définie en fonction de la dimension maximale du plus gros granulat), du type de cure admissible et de l’essai de perméabilité aux ions chlore.
Aux Etats-Unis,
Des tentatives ont été menées dans les années 2000 pour faire évoluer la norme ACI 318-05 basée sur une approche prescriptive, toujours dans le domaine du béton prêt à l’emploi. Un système de classes d’exposition a été proposé sur le même principe que les normes canadienne et européenne [Hover et al., 2008].
La norme américaine propose une approche performantielle associant à la fois des critères prescriptifs (E/L, contrainte minimum de compression du béton,…) et des mesures d’indicateurs de durabilité, indicateurs variables en fonction de l’environnement de l’élément. Ainsi, si on considère les classes d’exposition ” C ” (spécification vis-à-vis de la corrosion), la norme distingue trois sous-classes d’exposition C0, C1 et C2 pour respectivement, des risques faibles, modérés et sévères de corrosion. Pour chacune de ces sous-classes . Il est aussi intéressant de noter qu’il est possible d’utiliser un béton avec des constituants non normalisés à partir du moment où la formulation respecte les critères définies par la norme.
En Afrique du Sud,
L’équipe du Pr.MG Alexander (University of Cape Town) sous le pilotage de C&CI Technical Committee a développé depuis 1999 le « Durability Index approach » (DI) [Alexander et Ballim, 2005 ; Alexander et Beushausen, 2008 ; Alexander et al., 2012]. Cette démarche définit des classes d’exposition en fonction des conditions d’environnement. Elle est basée sur des essais de perméabilité à l’oxygène, d’absorption d’eau et de diffusion des ions chlorure réalisés sur bétons d’ouvrage ou sur éprouvettes de contrôle [Alexander et al., 2009].
Ensuite, à partir de ces résultats, la norme définit des modèles qui permettent de déterminer la durée de vie d’une structure, en considérant les conditions environnementales et la qualité du béton [Mackechnie, 2001 ; Alexander et al., 2002]. On peut citer, par exemple, l’indicateur de perméabilité à l’oxygène qui est utilisé dans le modèle de prédiction de la carbonatation.
En Iran,
Dans les années 2000, avec le développement des activités de construction au sud de l’Iran et autour du golfe Persique, une norme [N PG-OS, 2004] basée sur les indicateurs de durabilité a été mise en place pour toutes les constructions dans cette région. Les indicateurs de durabilité utilisés sont :
● la perméabilité à l’oxygène (CemBureau, RILEM TC 116-PCD),
● la migration des ions chlorure (NT BUILD 492),
● l’absorption d’eau (BS 1881),
● la résistivité électrique (ASTM G57)
● la quantité d’électricité (RCPT, ASTM C1202).
Synthèse :
Pour de nombreuses raisons dont des raisons économiques et environnementales, il est nécessaire de réduire le dosage en ciment en remplaçant partiellement ce dernier par des additions minérales mais aussi de valoriser l’utilisation de ressources locales ou de matériaux recyclés. C’est la raison pour laquelle des tentatives sont menées depuis une dizaine d’années dans plusieurs pays pour proposer des démarches de formulation de bétons novatrices. Toutes sont basées sur la définition de classes d’environnement (variables en fonction des pays) avec des critères prescriptifs classiques (tels que E/L max, résistance minimum à la compression, …) auxquels sont associés des critères performantiels (tel que la perméabilité aux ions chlore pour les ambiances chlorés). Ces tentatives sont cependant relativement timides car complexes avec, cependant, des enjeux scientifiques, techniques et financiers importants.
Contexte normatif européen et français
Suite à l’analyse du contexte normatif international, nous nous sommes intéressés plus précisément aux contextes normatifs européen et français. A la norme française [XF P 18-305] « Bétons prêts à l’emploi préparés en usine » de 1996 a succédé la norme européenne [NF EN 206], intitulée « Béton – Partie 1 : spécification, performances, production et conformité ». Entre ces deux normes, deux étapes ont été franchies.
L’une, quelque peu anecdotique, concerne le champ d’application de la norme [EN 206] plus large que la norme NF P 18-305 puisque la norme européenne s’applique non seulement aux bétons prêts à l’emploi mais aussi aux éléments issus de la préfabrication NF EN 13369 et au béton élaboré sur chantier. L’autre, majeure, concerne la philosophie même de la formulation d’un béton. Ainsi, si, dans la norme française XF P 18-305, la durabilité du matériau était certes à considérer, mais cet élément n’était pas majeur. En outre, pour s’assurer de cette durabilité, une approche traditionnelle basée sur la définition des constituants et de leur proportion respective habituellement adoptée pour formuler un béton aux performances mécaniques données, était proposée. Dans la norme NF EN 206, à cette approche classique prescriptive, s’est ajoutée comme alternative innovante l’approche performantielle de la durabilité. Ainsi, non seulement la durabilité du matériau est au centre des préoccupations (avec une définition plus détaillée de l’environnement de l’ouvrage) mais, en outre, la norme propose deux méthodes pour atteindre les objectifs de durabilité visés explicitées ci-après : l’approche prescriptive et les approches performantielles.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Etat de l’art
I. Introduction
II. Contexte normatif de la formulation des bétons
II.1 Contexte normatif international
II.2 Contexte normatif européen et français
II.3 L’approche prescriptive
II.4 Les approches performantielles
II.4.1 Application du concept de performance équivalente
II.4.2 L’utilisation des valeurs seuils des indicateurs de durabilité
III. Les outils des approches performantielles
III.1 Les indicateurs de durabilité généraux
III.1.1 La porosité accessible à l’eau (AFPC-AFREM, 1998) (NF P 18 – 459)
III.1.2 La perméabilité aux gaz (AFPC-AFREM, 1998) (NF P 18 – 463)
III.1.3 Le coefficient de diffusion des Cl-(NTBuild492)
III.1.4 La teneur en Ca(OH) 2 (LCPC M48)
III.2 Les indicateurs de substitution
III.3 Les indicateurs de durabilité spécifiques
IV. Un indicateur de durabilité spécifique vis-à-vis de la carbonatation
IV.1 Qu’est-ce que la carbonatation d’un béton ?
IV.2 Mécanismes physico-chimiques de la carbonatation
IV.2.1 Processus chimiques et transformations minéralogiques
IV.2.1.1 Processus chimiques
IV.2.1.2 Transformations minéralogiques
IV.2.2 Processus physiques
IV.3 Les paramètres influents du phénomène de carbonatation
IV.3.1 L’environnement
IV.3.1.1 Concentration en CO2
IV.3.1.2 Humidité relative
IV.3.1.3 Température
IV.3.2 Les paramètres propres aux bétons
IV.3.2.1 Rapport E/C
IV.3.2.2 Dosage en ciment
IV.3.2.3 Cure
IV.4 Protocoles d’essais caractérisant la résistance à la carbonatation d’un matériau
IV.4.1 Carbonatation naturelle
IV.4.2 Carbonatation accélérée
IV.4.3 Influence du mode de préconditionnement avant l’essai de carbonatation accélérée
IV.4.4 Influence de la méthode de détermination de la profondeur de carbonatation sur les résultats obtenus
V. Influence des additions minérales sur les indicateurs de durabilité
V.1 Description des additions minérales
V.2 Influence des additions minérales sur les indicateurs de durabilité généraux
V.2.1 Porosité accessible à l’eau
V.2.2 Perméabilité à l’oxygène
V.2.3 Coefficient de diffusion des ions chlorure
V.2.4 Teneur en Portlandite
V.2.5 Absorption d’eau par capillarité
V.2.6 Conclusion
V.3 Influence des additions minérales sur les indicateurs de durabilité spécifiques : la carbonatation
V.3.1 Influence des additions calcaires sur la carbonatation
V.3.2 Influence des additions pouzzolaniques et hydrauliques sur la carbonatation
V.3.3 Conclusion
VI. Conclusion générale
Chapitre II Étude expérimentale – Matériaux et protocoles
I. Introduction
II. Matériaux utilisés
II.1 Liant
II.2 Granulats
II.3 Adjuvant
III. Formulations des bétons de l’étude
IV. Procédures de coulage et mode de conservation
V. Essai de caractérisation des gâchées à l’état frais et durci
V.1 A l’état frais
V.1.1 Affaissement au cône d’Abrams
V.1.2 Mesure de la masse volumique apparente
V.1.3 Mesure de la teneur en air occlus
V.2 A l’état durci : Résistance en compression
VI. Caractérisation de la durabilité des bétons
VI.1 Les indicateurs de durabilité généraux
VI.1.1 Porosité accessible à l’eau
VI.1.2 Perméabilité au gaz
VI.1.3 Coefficient de migration des chlorures
VI.1.4 Teneur en Portlandite (Ca(OH)2 ou CH
VI.1.5 Absorption d’eau par capillarité (Indicateur de substitution)
VI.2 Indicateur de durabilité spécifique : la profondeur de carbonatation
VI.2.1 Mesure de la profondeur de carbonatation
VI.2.2 Les protocoles d’essai de carbonatation accélérée
VI.2.2.1 Protocole AFPC-AFREM [AFPC, 1997]
VI.2.2.2 Protocole XP P 18-458 [AFNOR, 2008] (Norme française)
VI.2.2.3 Protocole EN 12390-12 [AFNOR, 2011] (Prénorme européenne)
VI.2.3 Carbonatation en conditions naturelles
VI.2.4 Récapitulatif des essais de carbonatation
VI.3 Etude de la microstructure des matériaux
VII. Caractérisation préliminaire des bétons
VII.1 Caractérisation à l’état frais
VII.2 Caractérisation à l’état durci : Résistance en compression
VIII. Conclusion générale
Chapitre III Résultats expérimentaux : Les indicateurs de durabilité généraux
I. Introduction
II. Les indicateurs de durabilité généraux
II.1 Barrière physique
II.1.1 Porosité accessible à l’eau
II.1.2 L’absorption d’eau par capillarité (indicateur de substitution)
II.1.3 Perméabilité à l’oxygène
II.1.4 Diffusion des ions chlorure
II.2 Barrière chimique : La teneur en Ca (OH)2
III. Synthèse
III.1 Aspect « normatif » : Coefficient d’équivalence k
III.2 La notion de béton de référence
III.3 Les valeurs seuils des indicateurs de durabilité
III.4 Prise en compte de l’impact environnemental et du prix de revient
III.4.1 Estimation des émissions de CO2
III.4.2 Le prix de revient
III.5 Récapitulatif des résultats expérimentaux
IV. Conclusion générale
Chapitre IV Résultats expérimentaux : La carbonatation des matériaux cimentaires
I. Introduction
II. Résultats de carbonatation naturelle
II.1 Paramètres environnementaux : taux de CO2, température et d’humidité relative en condition naturelle
II.2 Résultats de carbonatation naturelle dans le temps
II.3 Etude de la cinétique de dégradation naturelle (K-nat)
II.4 Analyse et confrontation des résultats de carbonatation naturelle avec les données bibliographiques
III. Résultats de carbonatation accélérée
III.1 Différents protocoles dans le contexte français
III.2 Les résultats de profondeurs de carbonatation accélérée dans le temps
III.3 Discrimination des bétons de bâtiment selon les protocoles utilisés
III.4 Etude de la cinétique de dégradation accélérée (K-acc)
III.5 Analyse et confrontation des résultats de carbonatation accéléré avec les données bibliographiques
Conclusion générale