Contexte et intérêt des chromophores métalliques

Contexte et intérêt des chromophores métalliques

Historique

Les effets d’un rayonnement lumineux sur un composé métallique ont été très tôt un sujet d’étude pour les chimistes. Dès 1772, le chimiste suédois Scheele décrivait le noircissement du chlorure d’argent en présence de lumière, ce qui aboutit environ cinquante ans plus tard au développement des premières technologies photographiques. Edmond Becquerel qui découvrit l’effet photoélectrique, rapportait pour la première fois en 1842, un phénomène de luminescence sur un composé métallique : irradié sous lumière UV, il observa l’émission de lumière visible par le sulfure de cadmium. Cependant, il a fallu attendre pour disposer des bases théoriques permettant de mieux appréhender les phénomènes d’absorption lumineuse ou de luminescence. Parallèlement, au début du vingtième siècle, Werner (prix Nobel en 1913) a été le premier à lier la chimie inorganique aux propriétés optiques en s’intéressant notamment à la couleur des différents isomères du complexe [Co(NH3)4Cl2]. L’émergence de la mécanique quantique au début du vingtième siècle a permis de comprendre la nature de l’absorption lumineuse comme la capture par une molécule ou un matériau d’un photon d’énergie donnée. Ainsi, en 1933, le physicien polonais Jablonski pouvait publier le diagramme portant son nom qui décrivait assez précisément la nature des états excités impliqués dans ces processus.[1] Avec l’émergence de la théorie du champ de ligand dans les années 1950, la discipline pris réellement son essor grâce notamment à la compréhension des phénomènes de transfert de charge.

Ainsi, depuis les années 1960, les études des propriétés optiques (absorption, émission) des composés de coordination constituent un vaste domaine de la chimie inorganique. Les chromophores organométalliques représentent aujourd’hui un enjeu de taille compte tenu des nombreuses applications qu’ils peuvent engendrer. Ces dernières reposent toutes sur le même principe : l’irradiation d’un photosensibilisateur porte ce dernier dans un état excité. Cet état excité peut réagir chimiquement (photochimie)[2] , ou encore générer de l’oxygène singulet pour tuer une cellule cancéreuse (photothérapie dynamique)[3] . Parmi les nombreuses applications des chromophores métalliques, nous allons porter notre intérêt sur le domaine de l’optoélectronique qui est particulièrement étudié.

Exemples actuels d’applications à l’optoélectronique

Cellules à pigments photosensibles DSSC (Dye Sensitized Solar Cells 🙂

Dans les années 1990, Graetzel et son équipe ont mis au point des cellules pour une application photovoltaïque.[4] Inspirés de la photosynthèse, ces systèmes permettent la conversion d’une énergie lumineuse en différence de potentiel électrique. Sous l’effet de la lumière, le photosensibilisateur S passe à un état excité S* et peut alors transmettre un électron à la bande de conduction (conduction band, CB) d’un semi conducteur et ainsi générer un courant (Figure I.1.a).[5] Usuellement, des pigments photosensibles de type ruthénium(II) de géométrie octaédrique complexés par des ligands polypyridines sont utilisés. Le photosensibilisateur doit absorber la lumière sur une gamme de longueur d’onde la plus large possible pour avoir une meilleure efficacité. Ce sont donc les propriétés d’absorption de ces molécules qui sont déterminantes et au centre des préoccupations des chimistes. Le choix des ligands autour du centre métallique se révèle alors crucial. Par exemple, le « red dye » (Figure I.1.b) se montre très efficace pour absorber la lumière UV et bleue mais est insensible aux photons de plus basse énergie.

Dopants pour OLED (Organic Light Emitting Diode) 

A l’inverse des cellules de Graetzel, les OLEDs sont des systèmes qui visent à créer de la lumière à partir d’une différence de potentiel électrique. Un dopant est incorporé dans une couche d’un semi conducteur organique. L’application d’une tension électrique entre l’anode et la cathode de la cellule donne naissance à une paire électron-trou, qui en se recombinant permet au dopant d’atteindre un état d’émissif qui produira alors de la lumière. Les travaux pionniers de Thompson et de son équipe ont montré l’intérêt d’utiliser des complexes organométalliques comme dopants en raison des propriétés d’émission de ces derniers.[7] Ici encore, le choix des ligands autour de l’atome métallique est déterminant.

Par ailleurs, d’importantes recherches sont actuellement menées sur l’utilisation de complexes de platine(II) comme dopants dans le domaine des OLEDs. Le platine(II) possède en effet une géométrie plan-carrée qui lui confère des propriétés particulières. Ces dernières seront largement abordées au cours de ce manuscrit. Citons les travaux précurseurs de l’équipe de Thompson qui a exploré les propriétés optiques de complexes de type [(C^N)Pt(O^O)].[9] Par la suite, l’équipe de Williams a montré l’intérêt de l’utilisation de ligands tridentes N^C^N ou C^N^N pour former des complexes de Pt(II) qui leur confèrent une meilleure rigidité et permettent d’obtenir de meilleurs résultats en émission.[10] Enfin, l’équipe de De Cola a récemment pu développer une nouvelle famille de complexes de Pt(II) avec des ligands tridentes azotés triazoles-pyridine qui atteignent des performances aussi bonnes que les meilleurs complexes d’iridium.

Principes généraux de la photoluminescence

Absorption d’un photon

La luminescence désigne l’émission d’un rayonnement lumineux, dans le domaine visible ou non, qui n’est pas d’origine thermique (incandescence). Cette émission peut avoir plusieurs origines. Citons par exemple la chimiluminescence (due à une réaction chimique), la bioluminescence (due à une réaction enzymatique) responsable de la brillance des vers luisants, la triboluminescence (due à une déformation physique) ou encore l’électroluminescence (créée par un courant électrique, dans les OLED par exemple). Nous nous intéresserons ici à la photoluminescence dont l’origine est l’irradiation du composé luminescent par un rayonnement lumineux.

Sous l’effet d’un rayonnement lumineux suffisamment énergétique une molécule passe dans un état excité. Un état excité peut avoir des devenirs très divers: il peut par exemple subir des transformations physico-chimiques, des changements conformationnels, des réactions chimiques. Il peut également revenir à son état fondamental, soit par conversion interne (perte d’énergie sous forme de phonon), soit par l’émission d’un photon : c’est la désexcitation luminescente.

Luminescence et chimie de coordination

Particularités des chromophores métalliques

Nous portons notre attention sur les propriétés de luminescence des complexes de métaux de transition. En effet, ceux-ci possèdent des caractéristiques qui les rendent particulièrement intéressants dans la recherche de propriétés luminescentes et leurs applications potentielles par rapport aux luminophores organiques.

On l’a vu aux paragraphes précédents, la phosphorescence d’une molécule dépend de sa capacité à subir un croisement intersystème. C’est ce phénomène qui est responsable du peuplement des états triplets à partir des états excités singulets. Or, cette transition Sn→Tn en principe interdite, est rendue possible par la présence d’atomes lourds. Ceux-ci présentent une importante interaction spin-orbite (proportionnelle à Z4 où Z est le numéro atomique de l’atome). C’est ce couplage spin-orbite qui favorise le croisement intersystème. Ainsi, quand des espèces contiennent des atomes lourds comme le brome ou l’iode, des métaux de transition de la deuxième ou troisième série, ou encore des lanthanides, le croisement intersytème devient plus rapide et le peuplement des états triplets plus efficace. Ainsi, en photoluminescence, les composés organométalliques se révèlent être de bien meilleurs phosphorophores que les molécules organiques. Ces dernières n’ont souvent que leurs états singulets peuplés : leurs désexcitations radiatives (si elles ont lieu) ne peuvent conduire qu’à de la fluorescence.

Dans le domaine de l’électroluminescence, les complexes de métaux de transition présentent également des avantages par rapport à leurs concurrents organiques. Dans les OLED purement organiques, les recombinaisons des paires éléctrons-trous génèrent 25% d’états singulets et 75% d’états triplets. Ces derniers sont non radiatifs car les transitions Tn→S0 sont interdites de spin. L’énergie alors est dissipée par conversion interne : le système génère une perte de chaleur indésirable.[13] Ces dispositifs ont donc un rendement théorique maximum de 25%. Il apparaît alors que recourir à des dopants organométalliques permet :

➤ Une meilleure efficacité de phosphorescence par rapport aux dopants organiques: les états triplets des complexes de coordination ayant une durée de demi-vie de plusieurs ordres de grandeur plus courte que ceux des composés organiques, sont moins susceptibles de subir es conversions internes non radiatives. Par exemple, l’état T1 du naphtalène a une durée de demi-vie de 2 s, alors que celle du [Ru(bpy)3] 2+ est d’environ 1 µs.[14]
➤ Une diminution des vibrations intramoléculaires grâce à la géométrie fixée autour du centre métallique.
➤ Une fine modulation des longueurs d’onde d’émission en jouant sur les ligands des complexes.

Ces caractéristiques en ont fait les composés de choix pour les industriels. Ainsi, l’entreprise Samsung a abandonné récemment la technologie LCD (liquid cristal device) pour équiper ses écrans d’OLED à dopants organométalliques : des complexes d’Al(III) et d’Ir(III) sont par exemple utilisés.

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Table des matières

Chapitre I Introduction générale
I.1 Contexte et intérêt des chromophores métalliques.
I.1.1 Historique.
I.1.2 Exemples actuels d’applications à l’optoélectronique.
Cellules à pigments photosensibles DSSC (Dye Sensitized Solar Cells :).
Dopants pour OLED (Organic Light Emitting Diode)
I.2 Principes généraux de la photoluminescence.
I.2.1 Absorption d’un photon.
I.2.2 Emission d’un photon.
I.3 Luminescence et chimie de coordination.
I.3.1 Particularités des chromophores métalliques.
I.3.2 Les complexes de Pt(II).
Stabilisation des états excités émissifs.
Déstabiliser l’état excité MC.
I.4 La stratégie de l’organométalloligand.
I.4.1 Contexte et savoir-faire du laboratoire.
I.4.2 Un exemple d’application aux chromophores métalliques.
I.5 Organisation du manuscrit.
I.6 Bibliographie
Chapitre II Chaînes supramoléculaires de Pt(II) à organométalloligand quinonoïdes
II.1 Généralités.
II.1.1 Interactions platinophiles.
II.1.2 Interactions supramoléculaires.
II.2 Contexte et objectifs.
II.2.1 Précédents travaux.
II.2.2 Objectif : utilisation d’un ligand cyclométallant.
II.3 Ligand N^C^N simple et assemblage.
II.3.1 Synthèse des oganométalloligands.
II.3.2 Synthèse de la brique de platine(II).
II.3.3. Synthèse de l’assemblage.
II.3.4 Effet trans.
II.4 Ligand N^C^N fonctionnalisé et assemblages.
II.4.1 Synthèse d’une nouvelle brique de platine (II).
II.4.2 Synthèse des assemblages.
II.4.3 Propriétés optiques des assemblages.
Absorption.
Emission.
II.5 Conclusion.
II.6 Bibliographie.
Chapitre III : Complexes neutres de Pt(II) à organométalloligands odithioquinonoïdes
III.1 Les dithiolenes : des ligands non-innocents.
III.1.1 Les dithiolènes en chimie de coordination.
III.1.2 Application des dithiolènes à la chimie du Pt(II)
III.1.3 Notre Objectif.
III.2 Synthèse et caractérisation.
III.2.1 Synthèse de l’organométalloligand.
III.2.2 Synthèse des assemblages.
III.2.3 Caractérisation.
Caractérisations spectroscopiques
Caractérisation cristallographique
III.2.4 Synthèse et caractérisation d’un analogue à ligand diimine.
III.3 Caractérisations optiques.
III.3.1 Absorption.
III.3.2 Emission.
III.4 Caractérisation électrochimique.
III.5 Conclusion.
III.6 Bibliographie.
Chapitre IV : Chiralité & luminescence : assemblages de Pt(II) à organométalloligands soufrés chiraux
IV.1 La chiralité en chimie de coordination.
IV.1.1 Introduction.
IV.1.2 Différents types de chiralité en chimie de coordination.
Chiralité hélicoïdale.
Chiralité planaire.
Chiralité centrée.
IV.1.3 Précédents travaux de l’équipe.
IV.1.4 Objectifs.
IV.2 Organométalloligands soufrés chiraux.
IV.2.1 Synthèse.
IV.2.2 Caractérisations.
IV.3 Première série d’assemblages de Pt(II) chiraux et luminescents.
IV.3.1 Synthèse.
IV.3.2 Caractérisations.
Caractérisations spectroscopiques.
Structures à l’état solide.
Propriétés chiroptiques.
IV.3.3 Propriétés optiques.
Absorption.
Emission.
IV.4 Seconde série d’assemblages à ligand fonctionnalisé.
IV.4.1 Synthèse.
IV.4.2 Caractérisations.
Caractérisations spectroscopiques.
Propriétés chiroptiques.
Structure à l’état solide.
IV.4.3 Propriétés optiques.
Absorption.
Emission.
IV.5 Conclusion.
IV.6 Bibliographie.
V. Conclusion

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