Contamination du bassin versant de la Seine et influence de l’Île-de-France sur l’axe fluvial

Dans l’Antiquité, les Grecs et les Romains utilisaient déjà des systèmes d’assainissement perfectionnés pour drainer leurs eaux usées hors des cités et les décharger dans les rivières. Cet usage des cours d’eau est symbolisé dans le mythe d’Hercule. Dans sa cinquième tâche, le héros devait nettoyer les écuries d’Augias. Pour cela, Hercule a détourné le cours de deux fleuves, l’Alphée et le Pénée, afin d’assainir rapidement les écuries, mais polluant, sans doute, irrémédiablement les deux fleuves. Durant le Moyen-âge, les systèmes d’assainissement ont été abandonnés et les eaux usées étaient rejetées directement dans les rues où elles ruisselaient jusqu’à se déverser dans les cours d’eau. A Paris, l’insalubrité des rues a probablement contribuée à amplifier l’épidémie de peste noire des années 1350. En 1370, les parisiens prennent conscience de la nécessité d’assainir les rues et Hugues Aubriot, alors prévôt des marchands, fait construire le premier égout couvert de Paris au niveau de Montmartre. Plus récemment, la révolution industrielle du XIXème siècle a considérablement transformé les modes de production et de consommation des populations. Les nouvelles activités industrielles et économiques ont engendré une forte croissance démographique des villes et un exode rural massif. Dans leur croissance, les villes généraient continuellement de plus en plus d’eaux usées pour leurs besoins industriels et domestiques. Durant le XIXème siècle, les eaux usées étaient communément déversées dans les cours d’eau sans traitement. En conséquence, à cette époque déjà la communauté scientifique s’alarmait sur la qualité des eaux de surface et l’impact que pouvaient engendrer les activités urbaines sur les ressources en eau en Europe (Anonyme 1870) et sur le bassin de la Seine (Neuville 1881). Un siècle plus tard, en 1962, le livre de Rachel Carson intitulé « Silent Spring » (Carson 1962) traitant des effets négatifs des pesticides sur les animaux et l’Homme peut être considéré comme le point de départ de la prise de conscience des impacts sur le milieu des molécules organiques utilisées industriellement. Cette prise de conscience a engendré le démarrage de nombreuses études sur les eaux de surface.

Présentation générale 

Origine des alkylphénols et du bisphénol A 

Les alkylphénols dits « simples », tel le para-nonylphénol (4-NP) et le para-tertiaire-octylphénol (4-t-OP), sont des composés xénobiotiques synthétisés par réaction d’alkylation entre un alcane et un phénol. Ces alkylphénols sont ensuite majoritairement utilisés pour la fabrication d’alkylphénols polyéthoxylés par réaction d’éthoxylation avec un ou plusieurs oxydes d’éthylène qui vont former la chaîne éthoxylée. La longueur de cette chaîne (n), pouvant atteindre 50 unités éthoxylées, variera en fonction du nombre d’oxydes d’éthylène qui auront réagi avec l’alkylphénol. Le 4,4’-dihydroxi-2,2’-diphénylpropane, plus communément connu sous le nom de bisphénol A (BPA), est issu de la synthèse entre deux équivalents de phénol et un équivalent d’acétone. La première synthèse du BPA a été attribuée au professeur Alexander P. Dianin en 1891. Dans les années 1930, le BPA a été étudié dans le cadre de la recherche d’œstrogènes de synthèse. Toutefois, le BPA n’a jamais servi à des fins contraceptives en raison de la découverte de molécules considérées, à l’époque, plus performantes (diéthylstilbestrol ou distilbène). C’est au début des années 1960 que les industriels ont commencé à utiliser largement le BPA dans la confection de plastiques et de résines en raison de ses propriétés d’antioxydant ou de durcissant.

Structures des alkylphénols et du bisphénol A

Les structures, les noms et les abréviations des alkylphénols étudiés dans ce travail ainsi que le bisphénol . Bien qu’il existe de nombreux alkylphénols (propylphénol, méthylphénol, éthylphénol, nonylphénol et octylphénol), seules deux familles, les plus utilisées industriellement, seront étudiées : d’une part les dérivés du para-nonylphénol (4-NP) et d’autre part les dérivés du para-tertiaire-octylphénol (4-t-OP).

Propriétés physico-chimiques des alkylphénols

Les poids moléculaires des alkylphénols et du bisphénol A ont été estimés à partir de leur structure. Ces valeurs, inférieures à 300 g.mol -1, les classent parmi les composés organiques légers et peu complexes (INERIS 2005). Peu de données de log Kow (coefficient de partage eau / octanol) sont disponibles pour les composés éthoxylés (NP1-2EO et OP1-2EO) et aucune pour le NP1EC. Au contraire, plusieurs valeurs souvent différentes sont disponibles dans la littérature pour le 4-NP et le 4-t OP et le BPA. Dans le cas du 4-NP, les larges variations du log Kow (de 4,48 à 5,92) peuvent être une conséquence des différents protocoles analytiques, mais aussi une conséquence de la différence de formulation des mélanges techniques de 4-NP. Ces variations pourraient donc révéler que tous les isomères n’auraient pas le même log Kow, ce qui ferait varier l’indice du mélange technique selon leur proportion dans ce mélange. Les variations de mélanges industriels pourraient également être à l’origine de la variation de constante de Henry (KH) retrouvée pour le 4-NP (de 0,43 à 11 Pa.m3 .mol-1). Le 4-t-OP et le BPA étant des molécules uniques, les variations de log Kow retrouvées, de 4,12 à 5,28 pour le 4-t-OP et de 2,2 à 3,82 pour le BPA, mettent en évidence la difficulté de mesurer précisément ce paramètre pour un même composé. La valeur de la constante de Henry du 4-t-OP (0,69 Pa.m3 .mol-1) est, elle, identique dans les deux références retrouvées dans la littérature (IFREMER 2005 ; Hildebrandt et al. 2007) tandis qu’une seule référence est disponible pour le BPA (1,0.10-5 Pa.m3 .mol-1) (Staples et al. 1998). Les log Kow des alkylphénols, généralement supérieurs à 4, laissent supposer de bonnes affinités de ces composés avec les sols et les sédiments, tandis que pour le BPA, les log Kow plus faibles (de 2,2 à 3,8) suggèrent une affinité réduite. Au contraire, les valeurs de solubilité dans l’eau des alkylphénols, entre 3,02 mg.L-1 et 13,20 mg.L-1, montrent qu’ils sont modérément solubles alors que le BPA, avec une solubilité allant de 120 mg.L-1 à 300 mg.L-1 , semble plus soluble. Les alkylphénols et le BPA pourront être retrouvés dans les fractions dissoute et particulaire des eaux de surface. Les valeurs des constantes de Henry du 4-NP, du 4-t-OP et du BPA, révèlent que ces composés sont semi volatils.

Autres législations dans le monde

Les règlementations sur les alkylphénols et le BPA diffèrent selon les pays. A titre d’illustration, les rêglementations suisse, canadienne et américaines sont exposés brièvement.

Suisse
Le premier protocole suisse citant le 4-NP et le 4-t-OP, est le protocole N°5 du recueil systématique du 22 juillet 1972. Ce protocole, visant à permettre à la Suisse « de reconstituer des réserves obligatoires de certains produits », autorise l’importation et le stockage de nonylphénols et d’octylphénols éthoxylés sur le territoire. Ce protocole a donc entraîné dans les années 1980 une forte consommation d’alkylphénols éthoxylés en Suisse. Toutefois, après la découverte de leur toxicité, la Suisse a suivi le droit européen en interdisant la mise sur le marché de produits contenant plus de 0,1 % en masse de nonylphénols éthoxylés dans l’ordonnance n°814.81 de 2005.

Canada
Suite à un rapport établi en septembre 2004 dans le cadre de la loi sur la protection de l’environnement de 1999, le gouvernement canadien a décrété la nécessité d’un contrôle de l’importation et de l’utilisation du 4-NP et des nonylphénols éthoxylés sur le sol canadien. Cependant, dans cette loi de 1999 aucune réglementation claire limitant l’utilisation des NPnEO n’a été éditée. Concernant le BPA, dès octobre 2008, le gouvernement canadien a fait savoir son intention d’interdire les biberons contenant du bisphénol A compte tenu des incertitudes soulevées par les études toxicologiques (Canada environnement 2008). Cependant, ce n’est que le 11 mars 2010 que le décret n°DORS/2010-53, venant interdire l’utilisation du BPA dans la fabrication de biberons, a été promulgué par le gouvernement canadien (gazette du Canada partie II 2010). Concernant l’impact environnemental, le document publié par Canada environnement (2008) soulève déjà la question des rejets de BPA dans l’environnement sans, toutefois, proposer de les réglementer.

États-Unis d’Amérique (USA)
Aucune loi restrictive sur l’utilisation des nonylphénols éthoxylés n’existe actuellement (US EPA 2010). En 1990, dans le cadre de la loi nommée : « Toxic substance control act », une demande a été effectuée afin de réaliser des enquêtes de toxicologie et de dangerosité du 4-NP et des NPnEO (US EPA 1990). Les tests n’ont débuté qu’en juin 2007 avec un niveau de priorité classé non significatif, marquant le manque de considération de l’administration américaine pour ces molécules. Cependant, suite aux tests réalisés par l’US EPA, la législation pourrait, dans un proche futur, devenir plus restrictive sur l’utilisation des NPnEO (US EPA 2010). Ainsi ce dernier « act » de l’US EPA d’août 2010 prévoit d’une part d’encourager, sur la base du volontariat, la réduction de l’utilisation industrielle de ces composés, mais également de proposer d’inscrire les NPEO dans les substances nécessitant un contrôle d’ici 2011. Dans un rapport émis le 9 mai 2012, l’US EPA identifiait 8 substituts aux NPnEO considérés « sans danger pour l’environnement », et encourageait fortement les industries à les préférer aux NPnEO sans, toutefois, les imposer (US EPA 2012). Dans le cas du bisphénol A, en mars 2009 durant la polémique sur les biberons contenant du BPA, les plus gros fabricants américains de biberons en plastique ont décidé de stopper l’utilisation de ce composé. Malgré cela, aucune loi limitant l’utilisation du BPA n’était alors émise. Cependant, suite à une pétition faite par l’American chemistry council (syndicat professionnel des industries chimiques américaines), la Food and Drug Administration (FDA) a publié, le 17 juillet 2012 dans le Federal Register 2012, son accord pour retirer les biberons et les gobelets en plastique de la liste des ustensiles alimentaires pouvant contenir du BPA. A l’heure actuelle aucune réglementation environnementale n’existe aux USA concernant le BPA.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Contexte bibliographique
1 Présentation générale
1.1 Origine des alkylphénols et du bisphénol A
1.2 Structures des alkylphénols et du bisphénol A
1.3 Propriétés physico-chimiques des alkylphénols
2 Utilisations industrielles
2.1 Utilisations du para-nonylphénol
2.2 Utilisations des alkylphénols éthoxylés
2.3 Utilisations du bisphénol A
2.4 Réglementations
3 Dégradation des alkylphénols et du bisphénol A
3.1 Biodégradation des alkylphénols éthoxylés
3.2 Biodégradation du para-nonylphénol
3.3 Biodégradation du bisphénol A
3.4 Photodégradation des alkylphénols et du bisphénol A
4 Toxicité des alkylphénols et bisphénol A
4.1 Modes d’action sur les organismes
4.2 Toxicité sur les organismes
4.3 Bioaccumulation dans différents organismes
5 Sources urbaines dans l’environnement
5.1 Origine dans l’environnement urbain
5.2 Eaux usées et assainissement
5.3 Sources urbaines de temps de pluie
6 Niveaux dans le milieu naturel
6.1 Niveaux dans l’atmosphère
6.2 Niveaux dans les eaux de surface
6.3 Niveaux dans les sédiments
6.4 Niveaux dans les sols
7 Conclusions
Chapitre II : Matériels et méthodes
1 Présentation des bassins d’étude
1.1 Présentation du bassin de la Seine
1.2 Présentation du bassin de l’Orgeval
2 Etude du bassin versant de la Seine
2.1 Retombées atmosphériques totales (RAT)
2.2 Etude des sols franciliens
2.3 Etude d’une tête de bassin, cas de l’Orgeval
2.4 Etude des sources urbaines
3 Etude de l’axe fluvial Seine
3.1 Suivi annuel des concentrations en Seine
3.2 Suivi d’une masse d’eau en aval de Paris
4 Analyse des paramètres globaux
4.1 Matières en suspension
4.2 Carbone organique dissous
4.3 Carbone organique particulaire
5 Précautions de manipulation, matériels et réactifs
6 Analyse des alkylphénols et du BPA
6.1 Paramètres chromatographiques d’analyse des alkylphénols et du BPA
6.2 Paramètres spectrométriques d’analyse des alkylphénols et du BPA
6.3 Paramètres chromatographiques et spectrométriques pour l’analyse comparative des nonylphénols éthoxylés à longue chaîne
6.4 Analyse par UPLC-MS-MS
7 Traitements des échantillons
7.1 Prétraitements
7.2 Extraction de la phase dissoute
7.3 Extraction de la phase particulaire
8 Incertitudes de mesure sur les eaux de surface
8.1 Plan de prélèvement et d’analyse
8.2 Résultats des incertitudes de mesure
Chapitre III : Contamination du bassin versant de la Seine et influence de l’Île-de-France sur l’axe fluvial
1 Introduction
2 Méthodologie d’exploitation des données
2.1 Concentrations totales et répartitions dissous – particulaire
2.2 Représentation graphique sous forme de boîte à moustache
2.3 Calcul de la variabilité intercampagne des concentrations
2.4 Calcul log KD et log Koc
2.5 Tests statistiques de comparaison de données
3 Retombées atmosphériques totales
3.1 Contamination globale
3.2 Variabilités spatiales et temporelles des retombées atmosphériques
4 Contamination des sols d’Île-de-France
4.1 Contamination globale
4.2 Influence de l’occupation des sols
4.3 Influence des vents dominants
5 Têtes de bassin versant, cas de l’Orgeval
5.1 Sols
5.2 Eaux de surface
6 Sources des bassins versant urbains
6.1 Qualité des rejets de stations d’épuration par temps sec
6.2 Contamination des sources urbaines de temps de pluie
7 Contamination de l’axe Seine
7.1 Contamination globale
7.2 Influence de l’agglomération parisienne
7.3 Variations saisonnières des concentrations
7.4 Evolution des concentrations en fonction des conditions hydriques
8 Conclusions
Chapitre IV : Modélisation du devenir des alkylphénols dans la Seine
1 Introduction
2 Présentation du modèle hydrodynamique ProSe
2.1 Présentation générale
2.2 Module hydraulique
2.3 Le transport dissous
2.4 Le module biogéochimique (RIVE)
3 Campagnes de prélèvement et données d’entrée du modèle
3.1 Descriptif des campagnes de prélèvement dédiées à la modélisation
3.2 Données d’entrée du modèle ProSe
4 Résultats
4.1 Calage des constantes de biodégradation
4.2 Etude de la sensibilité du modèle
4.3 Simulation de l’année 2010, année de référence
4.4 Scénarios prospectifs
5 Conclusions
Conclusion générale

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