Constitution de référentiels géochimiques locaux pour les sols et proches sous-sols urbains

A partir des années 1980, après les « Trente Glorieuses », la France comme d’autres pays fortement industrialisés, a connu de grands changements socio-économiques. L’intensification de la pression démographique en ville, liée à un fort exode rural couplé à une importante désindustrialisation, pousse les aménageurs à repenser et à réaménager les villes. Dans un contexte de hausse des prix de l’immobilier puis de politique de limitation de l’étalement urbain, la libération de vastes emprises industrielles, souvent à proximité du centre-ville, constitue une aubaine pour de nombreuses collectivités. Les projets d’aménagement visent alors à redensifier et à reconstruire les villes sur elles-mêmes, notamment en reconvertissant les anciennes friches industrielles.

Des villes comme Lyon, Bordeaux, Le Havre ou Nantes   et aujourd’hui Paris (http://www.grandparisamenagement.fr/), ont ainsi investi dans d’ambitieux projets de renouvellement urbain, visant à répondre à la demande en logements et à renforcer l’attractivité de leur agglomération.

Une difficulté lors du réaménagement de friches industrielles est liée aux pollutions des sols. Si les pollutions ponctuelles problématiques rentrent dans le cadre de la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués (cf. circulaires de 1993 et 2007), une partie importante de ces friches mais aussi du tissu urbain est impactée par des pollutions diffuses. Or, le réaménagement de friches urbaines génère d’importants volumes de terres excavées.

Cependant, selon l’Ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010, les terres excavées (naturelles ou non) qui sortent du site dont elles sont extraites ont un statut de déchet . Ainsi, toute gestion ou valorisation des terres excavées en dehors de leur site d’origine doit se faire suivant la réglementation des déchets . Ce statut de déchet apparaît comme un facteur limitant pour leur valorisation. Toutefois, pour éviter la mise en installation de stockage de ces terres et du fait de la tension sur les ressources en matériaux de construction, le Ministère en charge de l’environnement a souhaité faciliter leur valorisation en aménagement et en technique routière, tout en préservant les enjeux environnementaux et sanitaires. Pour cela, il a édité un guide permettant d’appliquer aux terres modérément contaminées une logique d’économie circulaire (Blanc et al. 2012, Coussy et al. 2017). Cette gestion devrait engendrer des gains économiques et environnementaux importants (Jeanniot et al, 2014). Elle doit s’assurer néanmoins de limiter l’impact sur l’environnement tout en vérifiant la compatibilité entre la qualité des milieux et les usages dans les aménagements futurs. Dans le cas d’une valorisation initialement impossible, les terres peuvent faire l’objet de traitements (in-situ ou en centre de traitement) afin de les rendre compatibles avec leur usage futur.

Sol et Sous-Sol

La définition du sol est primordiale car elle concerne l’objet d’étude. Une définition relativement générale le décrit comme « faisant partie intégrante des écosystèmes terrestres et constituant l’interface entre la surface de la terre et le socle rocheux. Il se subdivise en couches horizontales successives aux caractéristiques physiques, chimiques et biologiques spécifiques. Il a également différentes fonctions » (Council of Europe, 1990). Or il apparaît que cette définition dépend du domaine d’expertise. En agronomie, le sol est défini comme un support des plantes, cultivées ou non. C’est la zone exploitée par les racines. Il présente donc un intérêt comme ressource pour la vie végétale. En pédologie il est décrit comme « la formation naturelle de surface, à structure meuble et d’épaisseur variable, résultant de la transformation de la roche mère sous-jacente sous l’influence de divers processus, physiques, chimiques et biologiques, au contact de l’atmosphère et des êtres vivants» (Demolon, 1952). Il n’y a donc pas de notion d’épaisseur limite à proprement parler ; dans certains cas, celle-ci peut atteindre plusieurs mètres. Toutefois, la majorité des études se concentrent sur les 30 premiers centimètres, en se concentrant sur les applications agronomiques. En archéologie urbaine, il est défini comme « le volume de sol produit par les activités humaines de leurs origines à nos jours. Caractérisé par une épaisseur importante généralement comprise entre deux et douze mètres, il est une source de l’histoire des villes et de leur communauté d’habitants » (Laurent et Fondrillon, 2010, Laurent, 2007 ; Fondrillon, 2007). Ainsi la définition varie selon les enjeux de l’étude. Le sol peut apparaître comme un support de la vie, une zone d’échange entre différents milieux (hydrosphère, atmosphère, biosphère), une archive du passé, un bien foncier ou encore une ressource.

Nous le considérerons ici davantage comme un ensemble de matériaux potentiellement mobilisé lors de travaux d’aménagements (et d’excavation). Nous avons donc besoin d’une définition plus large, telle que celle fournie par la base de référence mondiale sur les sols (World Reference Base for Soils), où les sols sont décrits comme « tout objet faisant partie de l’épiderme de la terre » (Sokolov, 1997; Nachtergaele, 2005). Dans cette définition le sol comprend « tout matériau dans les deux premiers mètres de la surface de la Terre qui est en contact avec l’atmosphère, à l’exclusion des organismes vivants, des zones couvertes par un continuum de glace qui n’est pas recouverte par un autre matériau et des masses d’eau d’une profondeur supérieure à deux mètres » (WRB, 2015).

Néanmoins, dans le contexte de la réutilisation de terres excavées, nous considérerons cette dernière définition des sols en considérant la profondeur possible d’excavation (une couche de plusieurs mètres d’épaisseur). Les remblais, généralement présents en zone urbaines sont également pris en compte dans notre définition. Dans la suite le terme de sol, intègre donc une partie du sous-sol. Ce point de vue est proche de la définition proposée dans la norme ISO 11074 décrivant le sol comme la « couche supérieure de la croûte terrestre transformée par des processus climatiques, physico-chimiques et biologiques et composée de particules minérales, de matière organique, d’eau, d’air et d’organismes vivants, organisée en horizons de sols génériques. Dans une acception plus large relevant du génie civil, le terme « sol» inclut l’horizon superficiel et le sous-sol; les dépôts tels que les argiles, limons, sables, graviers, gravillons, pierres, ainsi que la matière organique et les dépôts tels que la tourbe; les matériaux d’origine anthropique tels que les déchets; les gaz et l’humidité du sol; et les organismes vivants ».

Contamination / Pollution

Si les termes de contamination et de pollution sont couramment considérés comme synonymes, ces deux termes présentent des concepts différents qu’il convient de rappeler. Ces concepts varient selon les pays. En France, la présence d’une substance potentiellement dangereuse sur un site n’est pas nécessairement synonyme de pollution. Une distinction est à faire entre a) la contamination qui est l’introduction « d’une substance potentiellement dangereuse, quelle que soit sa teneur » (Jeannot, 2001), dans les milieux naturels de transfert et d’exposition que sont le sol, l’air et l’eau, et b) la pollution, qui est présente dès lors que « la teneur est potentiellement dangereuse ou qu’elle atteint des valeurs limites fixées par les normes » (Jeannot, 2001). Un site pollué est alors « un site présentant un risque pérenne, réel ou potentiel, pour la santé humaine ou l’environnement du fait d’une pollution résultant d’une activité actuelle ou ancienne sur ce site » (Commissariat Général au Développement Durable, 2012).

On parlera ici de contamination diffuse pour une contamination « qui affecte tous les sols, plus ou moins faiblement, mais de manière généralisée. Ce type de contamination ne peut être totalement évité : il est la conséquence d’apports involontaires (émissions atmosphériques industrielles par exemple) ou d’impuretés indésirables dans des apports volontaires (métaux dans les engrais minéraux par exemple) » (SPAQuE, 2010). On en distingue deux sortes :
– Contaminations atmosphériques : les retombées généralisées affectent l’ensemble d’un territoire, les sources sont multiples et difficilement identifiables. On y trouve les rejets industriels transportés sur de longues distances, mais aussi les rejets automobiles ainsi que les émissions liées au chauffage collectif ou individuel.
– Contaminations culturales, principalement dues aux épandages sur les parcelles agricoles.

Les contaminations locales ou ponctuelles sont définies comme une « contamination spatialement localisée, sur un territoire restreint : sources ponctuelles (ex : les activités industrielles pouvant avoir des émissions dans les divers milieux environnementaux) » (RECORD, 2010). Ainsi la différence majeure entre une contamination locale ou diffuse s’effectue d’après des critères spatiaux de localisation et d’étendue. Bien qu’une distinction puisse être effectuée entre contamination et pollution, celle-ci n’est pas toujours faite dans le langage courant ainsi que dans certains termes utilisés par les acteurs de la valorisation des terres excavées. Les termes de « pollutions diffuses et ponctuelles » seront utilisés dans la suite du manuscrit bien que celles-ci se rapportent généralement à des contaminations.

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Table des matières

TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
Partie I : ETAT DE L’ART ET DONNEES DISPONIBLES
I.A. Etat de l’art
I.A.1. Définitions
I.A.1.1. Sol et Sous-Sol
I.A.1.2. Contamination / Pollution
I.A.1.3. Fond pédo-géochimique anthropisé
I.A.2. Cartographie géochimique
I.A.2.1. Contexte historique
I.A.2.2. Bases de données
I.A.2.3. Méthodes de cartographie et intérêt de la géostatistique
I.A.3. Echantillonnage et analyse
I.A.3.1. Stratégie d’échantillonnage
I.A.3.2. Mode d’échantillonnage
I.B. Présentation des données utilisées
I.B.1. Les secteurs tests
I.B.2. Données de géochimie
Partie II : METHODES STATISTIQUES DE DETERMINATION D’UNE VALEUR SEUIL DE FOND PEDO-GEOCHIMIQUE ET ETUDE DE SENSIBILITE
II.A. Méthodes usuelles de détermination d’une valeur seuil de fond pédo-géochimique
II.A.1. Méthodes graphiques
II.A.2. Calculs statistiques
II.B. Sensibilité des calculs statistiques du seuil de fond géochimique
II.B.1. Influence de la distribution
II.B.2. Mélange de lois
II.B.3. Effectif et limite de quantification
II.B.4. Hétérogénéité d’échantillonnage
II.B.5. Discussion
Partie III : PRISE EN COMPTE DE L’HETEROGENEITE DES SOLS URBAINS
III.A. Déterminants de la géochimie des sols urbains
III.A.1. Nature des matériaux
III.A.2. Pressions anthropiques
III.A.3. Influence croisée des déterminants sur la géochimie : hétérogénéité des sols urbains
III.A.4. Données descriptives courantes de la nature et de l’occupation des sols : échelle de la ville
III.A.5. Données descriptives spécifiques au cas d’étude à l’échelle du quartier
III.B. Proposition de méthodologies pour la prise en compte des déterminants de la géochimie urbaine
III.C. Découpage d’entités selon le potentiel de présence d’anomalies géochimiques
III.C.1. Principe général et échelle de travail
III.C.2. Application à la ville et au quartier (Nantes)
III.C.3. Résultats cartographiques du croisement des descripteurs
III.C.4. Comparaison aux données réelles
III.C.5. Calculs statistiques de valeurs seuil
III.D. Regroupement des échantillons en classes homogènes
III.D.1. Objectif et principe général
III.D.2. La classification ascendante hiérarchique
III.D.3. Application aux données
III.D.4. Résultats et discussion
III.D.5. Test sur un autre quartier
III.E. Conclusions sur la prise en compte de l’hétérogénéité du milieu et les indicateurs possibles
Partie IV : SEPARER FOND ET ANOMALIES PAR FILTRAGE GEOSTATISTIQUE
IV.A. Le filtrage par analyse krigeante
IV.A.1. Une autre définition d’une anomalie
IV.A.2. Principe de l’analyse krigeante
a) Cas monovariable
b) Cas multivariable
IV.B. Application à un site
IV.B.1. Sélection du site et des données
IV.B.2. Résultats et discussion
IV.C. Application à un quartier
IV.C.1. Différences et limites par rapport à l’application à un site
IV.C.2. Résultats et discussion
IV.D. Prise en compte d’échantillons de supports variables
IV.E. Conclusion et perspectives
CONCLUSION
REFERENCES

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