Consommation de caféine pendant la grossesse

La caféine est la substance psychoactive la plus consommée à travers le monde, y compris pendant la grossesse [1]. Plus de 80 % de la population mondiale en consomme quotidiennement.

Il s’agit d’un alcaloïde d’origine végétale appartenant à la famille des méthylxanthines et possédant des propriétés psychostimulantes, diurétiques, relaxantes sur les muscles lisses (en particulier sur le muscle bronchique), inotropes et chronotropes positives .

Elle se retrouve en proportion variable dans le café, le thé, les boissons énergisantes, les sodas au cola, le cacao, certains médicaments [1], ainsi que dans le guarana et le yerba maté, infusions traditionnelles des pays d’Amérique du Sud, très peu consommées hors de ce continent [2]. La caféine et la théine sont une seule et même molécule [3]. Une tasse moyenne de café (150 mL) contient approximativement 100 milligrammes (mg) de caféine, alors qu’une tasse de thé (250 mL) en contient en moyenne 40 mg. En 1995, la consommation française moyenne de caféine issue du café et du thé est de l’ordre de 250 mg par jour et par habitant [4] ; néanmoins, il faut ajouter à cela le cacao ainsi que deux sources importantes et en constante augmentation : les sodas au cola et les boissons énergisantes. En effet, environ 40 mg de caféine sont retrouvés dans une cannette de soda au cola (330 mL), 150 mg dans 100 grammes de chocolat noir pour la cuisson et 80 mg dans 250 mL de boissons énergisantes [1,5,6]. La teneur en caféine contenue dans les différents produits est exposée de façon plus précise en annexe I. La molécule entre également dans la composition de certains médicaments antimigraineux, antalgiques et analgésiques (entre 20 et 80 mg), stimulants (environ 200 mg) et spécialités destinées à soulager les symptômes du rhume et de la grippe [7].

La molécule traverse librement la barrière placentaire et passe dans le lait maternel. Dès le deuxième trimestre de grossesse, son élimination est retardée (demi-vie multipliée par 3), augmentant ainsi l’intensité et la durée de ses effets. Le fœtus, le nouveau-né et le nourrisson de moins de 9 mois n’expriment pas l’enzyme permettant de l’inactiver ; de ce fait, elle est éliminée sous forme quasiment inchangée dans les urines avec une demi-vie plus de 20 fois supérieure à celle de l’adulte [2].

En 2005, un comité d’experts scandinaves a conclu qu’un apport important de caféine durant la grossesse pouvait nuire au fœtus [8]. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande depuis 2002 une consommation de caféine inférieure à 300 mg/jour durant la grossesse [9], ainsi que l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) qui étend ces recommandations à l’allaitement maternel depuis 2007 [10]. Le Collège Américain des Gynécologues Obstétriciens et l’Autorité Norvégienne de Sécurité Alimentaire sont, quant à eux, en accord avec les recommandations nutritionnelles des pays nordiques qui préconisent une consommation maximale de 200 mg/jour durant la grossesse [11]. L’Agence Britannique des Standards en Nutrition ainsi que l’Agence Canadienne de Nutrition ont également donné leurs recommandations, en 2008 et en 2010 respectivement, au seuil maximal de 200 mg/jour [12].

Les études expérimentales menées sur des modèles animaux ont mis en évidence la tératogénicité de la caféine. En effet, un risque accru de malformations congénitales (anomalies des extrémités, aplasies digitales, malformations craniofaciales, anomalies d’ossification des membres, de la mâchoire et du sternum) a été observé chez les rongeurs après administration de doses importantes de caféine situées entre 50 et 300 mg/kg/jour selon l’espèce animale étudiée [12]. D’autres études expérimentales réalisées chez les singes ont rapporté une hausse du risque d’avortement spontané, de mortinaissance , de retard de développement et de petit poids de naissance [13]. A plus long terme, l’exposition maternelle à la caféine a induit des conséquences néfastes sur le sommeil, la locomotion, les capacités d’apprentissage, l’émotivité et l’anxiété chez les progénitures des rats [12].

Une autre étude réalisée en 2013 a montré une plus grande sensibilité aux crises d’épilepsie et aux problèmes de mémorisation chez la progéniture de souris chez qui a été administré, durant leur gestation, l’équivalent de deux à trois tasses de café par jour chez l’homme [14].

Ces conclusions, bien que difficilement extrapolables aux populations humaines du fait des différences de développement, de maturation et de sensibilité aux agents pathogènes entre les espèces [14], soulèvent des questionnements concernant la consommation de caféine chez les femmes enceintes. Il paraît donc légitime de se demander : qu’en est-il du déroulement de la grossesse des femmes enceintes consommatrices de caféine et de l’état de santé des fœtus, nouveau-nés et enfants exposés à cette molécule in utero ? Afin de répondre à cette question soulevée, une revue de la littérature ayant pour objectif de recherche d’apprécier les retentissements maternels, fœtaux, néonatals et infantiles liés à une consommation de caféine pendant la période périconceptionnelle et la grossesse a été réalisée.

Matériels et méthode 

Une revue de la littérature du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2015 a été réalisée en utilisant la base de données PubMed.

Les critères d’inclusion retenus sont toutes les études prospectives, rétrospectives, revues de la littérature et méta-analyses, disponibles sur PubMed, publiées en anglais ou en français entre janvier 2010 et janvier 2015 et répondant à l’association des mots-clés « pregnancy » et « caffeine ». Les critères de non-inclusion retenus sont toutes les études réalisées in vitro ou sur modèles animaux, les études de cas et les études traitant de la caféine uniquement en association avec d’autres facteurs d’exposition. Les critères d’exclusion sont définis par les articles indisponibles ou payants.

À l’issue de l’étape de collecte des articles publiés sur PubMed entre janvier 2010 et janvier 2015 à partir des mots-clés précédemment cités, 172 articles ont été retrouvés.

Une première procédure de sélection des articles a été réalisée à l’aide de la grille : « Les premières étapes de sélection d’un article médical » présentée en annexe II et extraite du Guide d’analyse et de gradation des recommandations de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) [15].

Après lecture du titre, 49 articles ont été retenus et 123 ont été rejetés. La lecture du résumé des 49 articles retenus a permis d’en conserver 33 et d’en éliminer 16. En prenant compte des critères d’inclusion, de non-inclusion et d’exclusion, 14 articles ont été rejetés. Au final, 19 articles ont été retenus et analysés.

Les 3 articles qui avaient été sélectionnés à l’aide de la recherche de proche en proche ont été a posteriori retrouvés dans la base de données PubMed parmi les articles retenus au terme de la sélection.

La deuxième procédure de sélection a ensuite été effectuée à partir des 19 articles retenus. Pour cela, ces derniers ont été soumis à différentes grilles de lecture présentées en annexe III et extraites du Guide d’analyse et de gradation des recommandations de l’ANAES [15] selon la nature des études réalisées (grille de lecture d’un article de causalité, grille de lecture d’un article de pronostic, grille de lecture des revues de synthèse).

Les facteurs d’impact attribués pour l’année 2014 aux revues d’où sont extraits les 19 articles sont exposés en annexe IV.

Résultats

Les 172 articles retrouvés sur la base de données PubMed, à l’issue de la collecte des articles publiés entre le 1er janvier 2010 et le 1er janvier 2015, correspondaient à des études de cohorte, des études cas-témoins, des études d’observation d’un cas, des études sur modèles animaux ou in vitro, des revues de la littérature simples et des revues de la littérature & méta-analyses. La langue de publication de 169 articles était l’anglais ; un article était publié en français.

Concernant la présentation des résultats, les 19 articles retenus et analysés sont classés selon leur niveau de preuve scientifique. L’analyse de chaque étude est présentée dans un tableau de synthèse figurant en annexe VI ; les abréviations qui y sont employées sont détaillées en annexe VII. Chaque tableau présente :
● Les références de publication (auteurs, date de publication et nom de la revue)
● Le protocole utilisé
● Le ou les objectif(s) de l’étude
● Les caractéristiques de la population étudiée pour les études de cohorte et cas-témoins ou les caractéristiques des articles analysés pour les revues de la littérature et méta-analyses
● Les critères de jugements
● Les limites de l’étude et les principaux biais identifiés ou identifiables
● Les résultats
● Les conclusions de l’étude
● Le niveau de preuve scientifique .

Parmi ces 19 articles sélectionnés après la première procédure de sélection et soumis à la deuxième procédure de sélection, 7 études de cohorte prospectives, 8 études cas-témoins rétrospectives, 3 revues systématiques de la littérature & métaanalyses et une seule revue de la littérature simple sont retrouvées ; toutes étant publiées en anglais. Aucune étude de cohorte ou cas-témoins sélectionnée n’a été incluse dans l’une des 4 revues de la littérature. Concernant les dates de publication des articles, 3 articles ont été publiés en 2014, 5 ont été publiés en 2013, 2 ont été publiés en 2012, 6 ont été publiés en 2011 et 3 ont été publiés en 2010. Parmi les études de cohorte, 2 études norvégiennes, 2 études américaines, une étude britannique, une étude hollandaise et une étude portugaise sont retrouvées ; parmi les études cas-témoins, 4 études américaines, 2 études italiennes, une étude française et une étude polonaise sont retrouvées. Les 153 autres articles ont été rejetés après lecture du titre, du résumé ou de l’article lui-même car ne ils satisfaisaient pas aux critères d’inclusion retenus ou correspondaient aux critères de non-inclusion et d’exclusion.

Parmi les articles sélectionnés et analysés, 11 ont un niveau de preuve à 2 et 8 ont un niveau de preuve à 3. Ils ont été déterminés pour chaque article à l’aide du « grade des recommandations » extrait du guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations de l’ANAES .

Les effectifs de la population incluse dans chaque étude varient de 47 à 59 123 individus.

La consommation quotidienne moyenne de caféine est définie, pour 18 études, par une auto-évaluation maternelle de leur consommation personnelle de produits contenant de la caféine. Ces rapports de consommation sont relevés au cours d’un entretien avec un professionnel de santé qui se base sur un questionnaire standardisé. Seule l’étude de Laughon et al. [16] utilise des échantillons plasmatiques afin de doser la concentration plasmatique de caféine.

Le café est la source de caféine systématiquement incluse dans toutes les études. Seules deux études incluent uniquement le café [17,18] avec une restriction supplémentaire pour celle de Conde et al. [18] qui ne prend en compte que le café «expresso ». Toutes les autres études incluent également le thé et les sodas au cola. Parmi celles-ci, 13 prennent aussi en compte le chocolat et le cacao dans l’évaluation de la consommation de caféine. Seules deux études incluent également les boissons énergisantes [19,20]. Trois études s’intéressent aux prises de médicaments contenant de la caféine (en plus de celle issue des boissons et de l’alimentation) [21-23] mais ne les prendront finalement pas compte du fait du faible effectif rapportant ces prises. Les infusions de yerba maté et guarana ne sont prises en compte dans aucune étude.

Concernant les revues de la littérature, EMBASE et Medline ou Pubmed sont des bases de données systématiquement interrogées. Deux revues ont également interrogé la Cochrane Library [24,25] ; l’une d’entre elles a en plus interrogé ISI Web of Knowledge [25]. Seule une revue a restreint la période de couverture de la recherche à 15 ans [26].

Les principales mesures étudiées en lien avec une consommation de caféine sont la croissance fœtale et le poids de naissance des nouveau-nés [11,18,20,22,24,27], la durée de la grossesse et le risque d’accouchement prématuré [11,20,24,26,27], le risque de survenue d’avortements spontanés et de morts fœtales in utero [19,27,28], le risque de malformations congénitales notamment d’anomalies de fermeture du tube neural [17,21,23,25,29], le score d’Apgar à la naissance [20,24], l’insulinorésistance maternelle [16], le comportement de l’enfant [30,31], le risque de leucémie [32] ou d’obésité chez l’enfant [33].

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Table des matières

Introduction
Matériels et méthode
Résultats
Analyse et discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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