Conséquences du vieillissement sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamie

Contexte épidémiologique : personnes âgées et réhospitalisations

Les personnes âgées

Les personnes âgées sont définies comme des personnes de plus de 75 ans ou polypathologiques et de plus de 65 ans (1). A l’échelle de la France, les projections démographiques de l’INSEE prévoient qu’en 2050, 22,4 millions d’habitants seront âgés de plus de 60 ans, soit 85 % de plus qu’en 2000 .

Le vieillissement de la population est un phénomène mondial, en partie lié à l’amélioration des systèmes de soins et des contextes socio-économiques (4). En France, ce vieillissement s’explique également par l’arrivée à ces âges des générations issues du baby-boom – nées entre 1946 et 1975 -, par un allongement de la durée de vie – estimation de l’espérance de vie à la naissance de 89 ans pour les femmes en 2050 – et par le maintien d’un solde migratoire positif (2). Les personnes âgées sont des personnes fragiles, chez lesquelles la présence concomitante de plusieurs pathologies est fréquente : une revue systématique récente a évalué que 95,1 % des patients de 65 ans et plus étaient polypathologiques, c’est-à-dire atteints simultanément d’au moins deux maladies chroniques (5–7). La fragilité et la polypathologie exposent les patients âgés à une polymédication, définie par la prise régulière journalière d’au moins cinq médicaments. La polymédication augmente le risque d’interactions médicamenteuses et de survenue d’iatrogénie médicamenteuse (8). Ainsi, il a été montré dans un service d’urgences que le risque d’interaction est de 38 % lorsque l’on associe 4 médicaments et augmente jusqu’à 87 % avec 7 médicaments ou plus (9). Garcia-Caballos et al. (3) ont réalisé une revue systématique en 2010, afin d’identifier les drug-related problems (DRP ou problèmes liés aux médicaments) et de déterminer leur fréquence chez la personne âgée. Ils ont identifié 20 études, publiées entre janvier 1998 et décembre 2009, décrivant des DRP et les interventions proposées pour les prendre en charge. Les résultats montrent que l’incidence des DRP varie de 18,4 % (sur-observance médicamenteuse dans les deux semaines suivant la sortie d’hospitalisation) à 37,5 % (modification non appropriée du traitement médicamenteux dans le mois suivant la sortie d’hospitalisation). Ces DRP peuvent avoir des conséquences délétères chez les personnes âgées, notamment des réhospitalisations qui peuvent à leur tour entraîner une augmentation de la dépendance et du déclin physique, fonctionnel ou psychosocial (10).

Les réhospitalisations

Les réhospitalisations précoces évitables (RPE) répondent aux critères suivants : hospitalisations non programmées, en lien avec le séjour précédent et survenant dans les 30 jours suivant la sortie d’hospitalisation (11). De par leur fragilité et leur polymédication, les personnes âgées sont particulièrement à risque de RPE : entre 5 et 35 % des patients hospitalisés âgés de 75 ans et plus seront réhospitalisés dans les 30 jours suivant leur sortie d’hospitalisation (12). D’après la revue systématique de Van Walraven et al., 23,1 % de ces réhospitalisations sont jugées évitables (13). Ainsi, la loi n°2004-806 du 9 août 2004 de Santé Publique intégrait comme objectif majeur la réduction du risque de réhospitalisation des personnes âgées (14). Au niveau hospitalier, la réduction du risque de réhospitalisation passe par la mise en place d’interventions visant à assurer la continuité des soins en coordonnant la transition hôpitalville des patients âgés. La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise d’assurer cette continuité des soins par (11) :
– le repérage dès l’admission des patients à haut risque de réhospitalisation,
– la préparation de leur sortie en lien avec leur médecin traitant,
– la mise à disposition des documents de sortie le jour même de la sortie,
– la coordination d’appui dans le suivi post-sortie avec l’équipe de soins primaires.

Dans le contexte actuel de ressources contraintes en moyens et en personnel, une intervention auprès de tous les patients âgés hospitalisés n’est pas envisageable. La HAS précise dans ce sens « qu’il n’est ni efficace ni efficient d’intervenir sur tous les patients ». L’identification des personnes âgées à risque de RPE devant bénéficier prioritairement de ces interventions est alors indispensable (11). Cette identification peut être réalisée grâce à un score de risque. Plusieurs scores ont été décrits dans la littérature, intégrant divers facteurs de risque de réhospitalisation (âge, sexe, polymédication, état de la fonction rénale, contexte socio-économique, etc.). Nous reviendrons ultérieurement sur ce point.

Les personnes âgées

Etat de santé des personnes âgées : la fragilité

Un risque important à prendre en compte chez la personne âgée est le passage d’un état de bonne santé à l’état de fragilité. Cette notion de fragilité a été illustrée dès 1984 par JP. Bouchon par le diagramme ci-dessous (15) : le vieillissement physiologique ou normal per se n’est pas responsable de défaillance d’organe mais d’une diminution de leurs performances. La fragilité réside dans le fait que des pathologies d’organes ou des affections intercurrentes, qui n’auraient que peu d’impact chez un sujet jeune, peuvent accélérer les baisses de performance et conduire à une insuffisance d’organe chez les sujets âgés. J-P. Bouchon indique également que des traitements entrepris pour traiter ces affections intercurrentes peuvent être inefficaces dans le rétablissement de l’insuffisance d’organe, passant ainsi de l’insuffisance aigüe à la pathologie chronique (figure 2) (16).

Personnes âgées et polymédication

La présence concomitante de plusieurs pathologies est fréquente chez les personnes âgées. Les patients âgés de 65 ans et plus ont en moyenne 6 maladies, contre 3,4 maladies pour les patients âgés de 40 à 64 ans, d’après une enquête de l’Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé (IRDES) (17). La fragilité et la polypathologie exposent les patients âgés à une polymédication, qui se définit par la prise régulière journalière d’au moins cinq médicaments (18). A ce seuil, 80 % des patients de 75 ans et plus sont concernés en France (19). Des valeurs similaires sont rapportées dans une revue systématique internationale de 2015, avec une estimation allant de 65 à 91 % de patients polymédiqués (20). Dans une note de la HAS datée de 2005 sur la consommation médicamenteuse du sujet âgé (21), S. Legrain rapporte que la polymédication des personnes âgées de 65 ans et plus s’élève en moyenne à 3,6 médicaments par jour et augmente jusqu’à 4,6 médicaments par jour chez les patients âgés de plus de 85 ans (figure 3). Cette consommation représente une dépense moyenne de 850 euros par personne de 65 ans et plus par an (21).

Par ailleurs, en 2015, Huon et al. (22) ont montré, dans une étude sur l’évolution de la prescription des médicaments chez la personne âgée, qu’en plus d’être les premiers consommateurs de médicaments, les personnes âgées ont doublé leur consommation médicamenteuse en 10 ans (figure 4). Les médicaments les plus largement prescrits chez cette population sont les médicaments du système cardio-vasculaire et les antalgiques.

Conséquences du vieillissement sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamie

Le vieillissement physiologique peut entrainer des modifications de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des médicaments. Au niveau pharmacocinétique, la diminution de l’eau totale corporelle, la fonte musculaire et l’augmentation du tissu adipeux peuvent modifier la distribution des médicaments, en particulier les médicaments à caractère hydrophile. Par ailleurs, une diminution de près de 40 % du débit sanguin hépatique entraîne une diminution de l’effet de premier passage hépatique, modifiant la biodisponibilité des médicaments, en particulier pour les médicaments à caractère lipophile. Enfin, la diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG) peut réduire l’élimination rénale des médicaments (23,24). Ces modifications exposent les personnes âgées à un risque de sous dosage (assez rarement) ou de surdosage médicamenteux (le plus souvent). Au niveau pharmacodynamique, la modification de l’affinité des neurotransmetteurs pour les récepteurs neuronaux et l’augmentation de la perméabilité de la barrière hémato- peuvent expliquer une augmentation de la sensibilité aux neuroleptiques et anticholinergiques à effets centraux. On observe également une diminution de la réponse aux β-bloquants et aux catécholamines, par diminution du nombre et de l’activité des récepteurs β-adrénergiques (25).

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Table des matières

Partie I : Introduction générale
I. Contexte épidémiologique : personnes âgées et réhospitalisations
I.1. Les personnes âgées
I.2. Les réhospitalisations
II. Question de recherche et objectif
Partie II : Etat de l’art
I. Les personnes âgées
I.1. Etat de santé des personnes âgées : la fragilité
I.2. Personnes âgées et polymédication
I.3. Conséquences du vieillissement sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamie
I.4. De la polymédication à l’iatrogénie médicamenteuse
II. Les réhospitalisations
II.1. Naissance du concept de réhospitalisation
II.2. Les réhospitalisations précoces
II.3. L’évitabilité des réhospitalisations
II.4. Réhospitalisations d’origine iatrogène
III. Les interventions pour réduire les réhospitalisations précoces évitables
IV. Facteurs de risque de réhospitalisation
V. Les scores de risque
V.1. Le développement du score
V.2. La validation du score
VI. Positionnement de l’hypothèse de travail par rapport à l’état actuel des connaissances
Partie III : Travaux de recherche
I. Revue systématique de la littérature : Risk scores identifying elderly inpatients at risk of 30-day unplanned readmission and accident and emergency department: a systematic review
I.1. Objectif de l’étude
I.2. Résumé de l’étude
I.3. Article : Revue Systématique
I.4. Commentaires et conclusions
II. Etude de faisabilité d’une validation externe sur base de données : External validation of the 80+ score and comparison with three clinical scores identifying patients at least 75 years old at risk of unplanned readmission within 30 days after discharge
II.1. Objectifs de l’étude
II.2. Résumé de l’étude
II.3. Article : Etude de faisabilité
II.4. Commentaires et conclusions
III. Validation externe des scores de risque de réhospitalisation précoces évitables de la personne âgée : étude prospective multicentrique : External validation and statistical comparison of clinical risk scores for unplanned hospital readmission within 30 days in the elderly: a prospective observational study
III.1. Objectifs de l’étude
III.2. Résumé de l’étude
III.3. Article : Etude de validation externe
III.4. Commentaires et conclusions
Partie 4 : Conclusion

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