Conséquences des violences sexuelles dans les sociétés musulmanes et réponses juridiques

Les violences sexuelles en conflit, une stratégie pensée et planifiée : étude des situations dans le monde arabe

Les violences sexuelles en conflit répondent à des objectifs bien précis qui instaurent par conséquent une stratégie planifiée et organisée. Nous étudierons la mise en place de ces stratégies et les objectifs escomptés en analysant trois cas. Le premier nous permettra de comprendre en quoi le viol de guerre peut être une stratégie de répression politique et de terreur, via les études de deux situations, en Syrie et en Libye. Le second cas s’intéressera aux violences sexuelles poursuivies dans le jihad, la guerre sainte que met en place l’Etat Islamique, et nous permettra donc de nous pencher sur l’Irak. Enfin, nous nous intéresserons au cas du Yémen, où la violence sexuelle est une arme aux mains de tous, utilisée pour assoir un pouvoir.

Le viol, comme instrument de répression politique et de terreur en Syrie et en Libye

Répression de l’opposition et assise du pouvoir : le viol en Syrie

En premier lieu, il semble pertinent de s’intéresser à la situation en Syrie. Le pays connaît une guerre civile depuis 2011, année où la population s’est soulevée contre le pouvoir de son Président, Bachar al-Assad. La répression fut féroce dès les premiers mois du soulèvement pour tuer la contestation dans l’œuf. Si le régime a perdu beaucoup de territoire jusqu’en 2015, l’intervention de la Russie et de l’Iran lui ont permis de se maintenir à flot. Le régime a désormais repris la plupart des grandes villes et la rébellion ne tient plus que quelques zones. Au Nord, les forces kurdes intégrées aux FDS luttent et refusent de se voir imposés des accords léonins quant au partage du territoire sous leur contrôle.
Dans ce cadre là, les violences sexuelles sont apparues très tôt. L’étincelle du soulèvement a débuté à Deraa où des adolescents ont été capturés et torturés pour avoir écrit sur un mur « A ton tour docteur », réclamant le départ d’Assad – ophtalmologue de formation – et s’inspirant des différents mouvements qu’il existait alors en Tunisie et en Egypte . Lorsque les parents sont venus réclamer leurs enfants, Atef Najib, chef de la branche locale de la Sécurité politique à Deraa et cousin de Bachar alAssad leur aurait donné cette réponse laconique : « Oubliez vos enfants, faites en d’autres. Et si vous n’en êtes pas capables, ramenez-nous vos femmes, on le fera pour vous » . Ce n’était peut-être que des paroles, mais déjà l’impudeur du régime se laisse apercevoir. Et très tôt, celle-ci se confirme. Les corps de Hamza Al-Khateeb et de Thamer Al-sharee, deux adolescents enlevés et torturés par le régime pour avoir participé à des manifestations sont retrouvés sans vie et présentent des marques de violences sexuelles . La torture sur ces enfants à la suite de l’épisode de Deraa déclenche l’ire de nombreux Syriens qui descendent dans les rues. Mais il semble alors que le viol fasse partie de l’arsenal du régime dès les premiers jours de la rébellion, un régime qui n’a cessé de s’avilir depuis.
Les enlèvements et la torture commencent dès lors, comme en témoigne Samar Yazbek dans son ouvrage qui retrace les premiers pas de l’insurrection.

Viols et enlèvements aux checkpoints et violences sexuelles en détention

En effet, les cas de violences sexuelles sont nombreux entre fin-2011 et 2013. Le régime met notamment en place un réseau de checkpoints qu’il fait tenir par les Chabiha. Il s’agit de milices alliées au régime qui ne font pas officiellement inscrites dans ses forces armées. La plupart des hommes qui la composent sont alaouites, tout comme l’est le clan Assad, appartenant donc à une branche sectaire du chiisme. Les Chabiha aurait été créées dans les années 1980 par Namir al Assad, cousin de Hafez al-Assad et son frère, Rifaat al-Assad.
Il existe de nombreux cas de femmes fouillées et violées par les Chabiha lors de leur passage à différents checkpoints. Les hommes les accusent d’appartenir à l’opposition ou d’en aider ses  membres et n’hésitent pas à les violer en leur clamant : « « Ask the FSA to protect you ! They want to kill us. They want to rape our women ». Les viols de femmes mais aussi de jeunes filles deviennent ainsi fréquents dans les checkpoints tenus par les Chabiha. On a ici tout d’abord l’idée que l’ordre de violer n’est pas directement donné par les autorités syriennes, mais qu’on laisse le champ des possibilités le plus étendu possible pour ces forces de sous-traitance. Il semblerait par exemple que l’un des directeurs des renseignements militaires, Abdulfatah Homsi aurait dit que ses agents avaient désormais « les mains libres » . Les Services de renseignement militaires sont les fameux Mukhabarat, qu’Assef Chaoukat, beau-frère de Bachar al-Assad avait dirigé pendant un temps. C’est un organe de sécurité très renseigné, et omniprésent dans la vie quotidienne des syriens.
De la même façon, un colonel de l’ASL qui a déserté l’armée syrienne témoigne avoir entendu des conversations sur talkie-walkie et l’ordre des Mukhabarat à des Chabiha : « tout ce qui vous tombe sous la main vous appartient. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, y compris le viol » . Selon le colonel de l’ASL, il s’agissait là également d’un moyen de se faire craindre puisque les autorités syrienne étaient pleinement conscientes que les ondes radios étaient écoutées par leurs adversaires : « ils savaient qu’on les écoutait, ils étaient presque fiers, ils parlaient des viols des femmes et du reste pour nous saper le moral » . Concernant cet ordre précis, il s’agirait de Louay Al-Ali, chef du renseignement militaire à Deraa. Son utilisation des Chabiha pour accomplir les tâches les plus abjectes répond à une certaine logique pour ne pas salir les mains du régime, puisque ces milices n’appartiennent pas officiellement à ses troupes armées.
De même, de nombreux kidnappings suivis de viols ont eu lieu, en pleine rue ou lors de passages à des checkpoints. L’enlèvement est une stratégie que le régime syrien a massivement utilisée depuis le début de la guerre . Dans son rapport, Marie Forestier rapporte l’expérience d’un docteur en 2012, appelée pour s’occuper de 19 filles kidnappées et violées par des Chabiha.Ce kidnapping était selon eux justifié comme acte de vengeance après la mort d’un officier alaouite. Ces jeunes filles étaient âgées de 14 à 28 ans, et toutes ont été violées plusieurs fois selon le médecin, 3 d’entre elles étant même tombées enceintes. L’une de ces 3 jeunes filles s’est suicidée peu de temps après. Marie Forestier souligne néanmoins que ces cas de kidnappings groupés sont rares, une seule personne étant enlevée en pleine rue pour la plupart des cas.
D’autre part, c’est aussi dans les centres de détention que la violence sexuelle s’est exprimée en Syrie. En effet, avant d’être transférés dans les prisons, les personnes interpellées étaient très souvent interrogées dans des centres de détention, officiels ou non .Ceux-ci étaient souvent tenus par les services de renseignement, les Mukhabarat. Dans ces centres, la torture était monnaie courante et employait une kyrielle de méthodes. De nombreux témoignages mettent également en lumière des violences sexuelles. Celles-ci pouvaient être de divers degré : harcèlement moral, menace, attouchements sur le corps, la poitrine, l’entre-jambe, ou pénétration . Ces violences avaient parfois lieu directement dans la salle d’interrogatoire. Elles pouvaient être utilisées dans l’objectif de faire parler la personne détenue, mais aussi dans l’idée de casser toute forme de résistance et de montrer l’étendue du pouvoir du régime. Marie Forestier retrace l’expérience d’une jeune femme détenue dans le centre de détention connu sous le nom de « Branche Palestinienne » ou « Branche 235 ». L’homme qui l’a violée lui aurait dit : « Are you going to speak ? See how strong I am ? » . Les Mukhabarat veulent se montrer intraitable et donnent l’image d’un régime fort, stable et insubmersible aux détenus : « te tuer, c’est plus simple que de boire du café ».
D’autre part, de nombreux témoignages semblent indiquer des ordres clairement donnés par les autorités supérieures de ces centres aux gardes moins gradés. Une femme violée en 2013 dans un centre explique que le garde est passé à l’acte après en avoir reçu l’ordre et sous le regard des autres gardes de la pièce. Leur supérieur aurait ensuite ordonné au garde et à la femme d’imiter une scène pornographique.
Le viol se veut également être une arme de chantage dans ces centres. L’idée est de mettre les maris sous pression en menaçant de violer les femmes, pour les faire parler. C’est ce que me confirmait une source présente à Deraa, et qui semblait connaître différentes situations de chantage via la menace du viol . Enfin, l’idée est aussi d’assoir son autorité pour un chef de service : en forçant ses hommes à violer et en assistant aux scènes, il se montre intraitable devant ses soldats. En punissant par le viol des femmes qui prient dans leur cellule alors que ça leur est interdit, il se montre intraitable devant les détenues.
L’aéroport militaire de Mezzeh est également connu pour les sévices sexuels qui y ont eu lieu.
Des femmes étaient forcées à se mettre nues devant de nombreux gardes. Plusieurs cas de viols collectifs y ont été recensés . Sur les 121 cas (hommes et femmes confondus) qu’a enregistré l’ONG Lawyers and Doctors for Human Rights dans ce centre et ailleurs, 17 ont été forcés d’assister à des violences sexuelles sur les autres, 23 menacés de viol sur leur personne ou leur famille, et 103 ont été sujet à une forme ou une autre de violence sexuelle, notamment la nudité forcée. Un autre rapport d’Euro-Med indique que sur les 53 femmes interrogées, une seule affirme n’avoir subi aucune forme de violence sexuelle, de façon physique ou par harcèlement moral . Encore, différents témoignages de femmes violées semblent souligner un aspect ethnique dans ces viols, les Chabiha insistant parfois sur l’appartenance religieuse de leur victime : « Damn islam. We want to rape all sunni girls » . Le viol est aussi un moyen de vengeance de la communauté alaouite sur la communauté sunnite : « The men have orders to take revenge on those vandals and to avenge their community. As long as those terrorists are against the State, everything is allowed to punish them » .
Par ailleurs, il convient de souligner que les hommes ont également été touchés par ces violences sexuelles. En effet, un rapport de l’UNHCR indique que 94% des détenus en Syrie seraient des hommes, de même que 97% des personnes disparues . Les violences sexuelles les ont donc massivement touchés également. Ici, il s’agit souvent de violences sexuelles utilisées comme moyen de torture, pour faire parler le détenu. Elles utilisent des objets, tels que des bouteilles ou des bâtons en bois pour pénétrer analement le détenu. Le rapport donne la parole à un réfugié en Jordanie qui explique avoir été arrêté, ligoté, et avoir subi des attouchements mais aussi des chocs électriques sur les parties génitales. Il aurait également été violé à l’aide d’objets.
Les témoignages d’hommes sont moins nombreux que ceux des femmes, mais il semble néanmoins que les cas cités au-dessus ne soient pas isolés. Comme l’explique Mohammed AlAbdallah de la Commission For International Justice and Accountability in Syria (CIJA), « These are not isolated cases. This is a State systematic campaign of torture and abusing and killing people ».
Pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas là de cas isolés, il suffit de se pencher sur les sévices administrés dans la tristement célèbre prison de Sadnaya près de Damas. Un ancien garde témoigne auprès d’Amnesty International : « Sadnaya is the end of life, the end of humanity » . Un rapport de l’ONG décrypte entièrement cet « abattoir humain ». En forme « L », la prison de Sadnaya dispose d’un « bâtiment rouge » dans lequel se trouvent les détenus civils et d’un « bâtiment blanc » dans lequel se trouvent les prisonniers militaires. Le rapport d’Amnesty International avait beaucoup choqué puisqu’il indiquait les massacres et pendaisons de masse qui existaient dans cette prison. En effet, l’ONG estime qu’entre 5000 et 13 000 détenus ont été exécutés entre septembre 2011 et décembre 2015 sans aucune forme de jugement. Les cadavres des victimes sont transportés vers l’hôpital Tishreen puis enterrés dans des fosses communes sur un terrain militaire proche de Damas et sur les terrains de Najha, un petit village proche Rafles et opérations militaires : le viol, un crime ordonné par le régime et sous-traité par des milicesD’autre part, le régime syrien a ordonné des viols durant les offensives de son armée, mais le plus souvent, durant des attaques menées par les milices Chabiha. Dans l’esprit du régime et de ses milices, les violences sexuelles en détention et durant les opérations militaires font partie d’une seule et même stratégie. A Al-Harak, près de Deraa, on pouvait lire des graffitis de la main des soldats du régime : « « Your men in our prisons, your women on our laps ».
Dans les opérations militaires, le régime a souvent sous-traité les violences aux milices Chabiha. Un même schéma semble se répéter : l’objectif des opérations est de reprendre possessions de quartiers très précis et de se débarrasser des opposants. Les Chabiha visent donc des espaces très limités géographiquement, parfois quelques maisons où sont regroupés tous les membres d’une même famille. Les raids sont rapides et très violents, les hommes sont séparés des femmes et tués, et leurs compagnes sont souvent violées, parfois tuées ensuite. Ce type d’opération a particulièrement existé autour de Homs. Le massacre d’al-Houla en est un tristement célèbre exemple : le 25 mai 2012, 1 civils dont 34 femmes et 49 enfants sont massacrés par les Chabihas. La violence est ignoble, beaucoup d’enfants ayant été égorgés. Le quartier de Taldou est particulièrement touché, et plusieurs témoins auraient entendu les milices criaient en arrivant « Oh Ali. Oh Hussein. Nous venons pour venger Alaa » . Ils faisaient ici référence à un soldat alaouite mort dans des affrontements plus tôt.
Les milices pénètrent ensuite dans les maisons et violent femmes et filles, parfois devant leurs parents impuissants sous la menace d’une arme. Les crimes ont clairement un motif ethnique, en témoigne les références au chiisme cité au-dessus, et une haine de ces populations sunnites du village de Al-Houla : « You’re sunni, you’re muslim. We want to eat your flesh » . Ce même type d’opération s’est répété à Jobar, Khalidyeh ou encore Karm al-Zeitoun, à chaque fois avec le même mode opératoire. Un autre massacre est tristement connu, celui d’Al-Koubeir, puisque 78 civils ont été massacrés, tous sunnites, par des Chiabihas, avec plusieurs marques de viols une nouvelle fois. L’aspect ethnique de ces massacres ne peut pas être nié, avec notamment la participation aux exactions d’une force paramilitaire : les forces de défense nationales, connues sous le nom de Jaych alChaabi et créées en 2012 rassemblent des groupes paramilitaires chiites et des Chabiha. Ces troupes sont organisées par la force Al-Qods iranienne et notamment dirigés par deux généraux iraniens, Qasem Soleimani et Hossein Hamadani . Cette même force Al-Qods a même créé une branche féminine de ces forces de défense nationales, « les lionnes de la défense nationales », surnommées les « Amazones de Bachar » . Ces-dernières aiment à se faire appelées « fedaïyate », ce qui veut dire « celles qui se sacrifient ». Elles sont notamment employées pour les fouilles lors des passages au checkpoints. Il semble que ces forces de défense nationales ont participé au massacre d’al-Bayda et Baniyas. Il s’agit là de deux villes sunnites au cœur du gouvernorat de Tartous qui est à majorité alaouite. Le massacre a fait 278 morts d’après Human Rights Watch, 400 d’après l’ONU . Une fois encore, des cas de viols ont été répertoriés et l’accusation ethnique d’appartenance au sunnisme semble une nouvelle fois avoir été clamée par les agresseurs.
Dans ces opérations de raids terrestres, certains déserteurs des services de renseignement indiquent que l’ordre de violer n’a pas touj ours été donné explicitement. Il s’agissait parfois simplement d’une absence absolue de cadre, avec des possibilités infinies de méthodes accordées : « Do whatever you want ». Un déserteur des services de renseignement à Homs aurait entendu son supérieur dire aux Chabiha : « Go fuck their female relative, do whatever you want, no one will be held accountable ».
On notera que Marie Forestier remarque dans son étude une baisse des cas de viols à partir de l’engagement russe et iranien en Syrie. Cela peut s’expliquer par un regain de contrôle et de territoire par le régime qui considère la stratégie du viol comme désormais moins utile. Cela peut aussi s’expliquer par des directives fixées par les puissances étrangères à Damas, et que le régime ne devait donc pas dépasser. Néanmoins, on remarque d’autres cas assez documentés de viols lors de la reprise de certaines villes, comme par exemple à Alep. L’association Syrie Moderne Démocratique et Laïque avait notamment publié la lettre d’une femme d’Alep qui avait préféré se suicider avant l’arrivée des soldats du régime, étant persuadée qu’elle serait violée. D’autres cas similaires existent, avec des mères de familles ayant préféré tuer leurs propres filles avant de se donner elles-mêmes la mort, plutôt que de voir leurs enfants se faire violées.

Une stratégie pensée et qui fait sens dans le régime d’Assad

Il apparaît donc que le régime syrien a massivement utilisé le viol dans sa logique de répression et de terreur, que ce soit dans ses prisons ou lors d’offensives terrestres. Il est très difficile de connaître l’ampleur du phénomène. Aucune étude globale n’existe sur les violences sexuelles en Syrie.
D’ailleurs, aucune étude globale n’existe sur le viol de guerre de façon générale, et l’ONG We Are Not Weapons of War aimerait pouvoir conduire une première étude de la sorte, pour contrer des chiffres énoncés parfois sans élément tangible . Il convient donc d’être très prudent avec les données que l’on peut lire. Céline Bardet m’a plusieurs fois expliqué durant mon expérience avec son ONG que les méthodes de collecte d’informations et de chiffres des grandes ONG sont parfois discutables. Leurs employés utilisent parfois des méthodes d’interrogation efficaces pour d’autres types d’exactions (entretiens en groupes, système de la « main levée »), mais totalement inappropriées au cas des violences sexuelles.
En tout état de cause, l’initiative Women Under Siege du Women Media Center propose des données sur l’ampleur du viol de guerre en Syrie. L’idée est de proposer une « crowd-sourced map », c’est-à-dire une carte qui recense les cas de sévices sexuels directement avec le signalement de personnes sur le terrain (victimes, proches, activistes…). La carte proposée met en évidence les différents cas de violences sexuelles à travers le pays, mais permet aussi de les classer par catégorie.
Ainsi, l’on peut rechercher les cas de violences sexuelles en fonction de l’auteur présumé, du type de victime (femme, homme, enfant) ou même du type de violence (harcèlement, attouchement, pénétration, viols collectifs…). La carte donne également accès aux sources qu’elle utilise lorsqu’il s’agit d’article ou de dépêche, ou encore à des photos et des vidéos. Women Under Siege précise bien que les informations ne sont pas vérifiées et sont à considérer avec prudence puisqu’elles viennent de personnes qui les signalent depuis le terrain. A noter par ailleurs que cette carte n’est plus mise à jour depuis début 2016.
Néanmoins, la possibilité d’étudier les cas de violences par type de victime ou type d’auteur, mais aussi par région est très intéressante. Dès lors, de mars 2011 à 2016, on compte 67 cas de violences sexuelles, tous types confondus, à Homs, 14 à Alep, 14 à Idleb, et 63 à Damas. On compte 7 cas de grossesse après viol à Damas, 4 à Homs. On enregistre également 16 cas de violences sexuelles contre les hommes à Damas. Les principaux écueils de cette carte résident dans l’impossibilité de vérifier les données entrées, et dans sa connaissance réduite par les personnes sur le terrain. La carte ne peut donc pas rendre une image précise du phénomène.

Violences sexuelles des autres parties au conflit syrien

Il convient enfin de montrer que les violences sexuelles ne sont malheureusement pas l’apanage du régime syrien dans ce conflit. Si de nombreux organises ont crié haro sur le régime de Damas pour les crimes commis, il ne faudrait pour autant pas entrer dans une vision trop simpliste : toutes les parties au conflit ont commis des crimes en Syrie. D’autres acteurs se sont aussi rendus responsables de sévices sexuels, même si la plupart des études et des rapports semblent montrer que la majorité de ces crimes proviennent de la main du régime.
L’Armée Syrienne Libre (ASL) a elle aussi participé à certains crimes sexuels. Le terme d’ASL n’a en réalité que peu de sens puisqu’il regroupe une myriade de factions et brigades aux intérêts et aux idéologies différentes. Certaines brigades sont très modérées, d’autres sont beaucoup plus violentes et radicales, et d’autres se sont radicalisées et sont devenues des factions salafistes durant le conflit. Quoi qu’il en soit, certaines brigades de la rébellion syrienne ont commis des crimes sexuels.
Ces dernières détenaient moins de checkpoints que le régime. De même, même si la rébellion a tenu une majeure partie du territoire pendant un certain temps dans le conflit, elle n’a jamais eu sous son contrôle une majeure partie de la population. C’est aussi ce qui explique que moins de cas de violences sexuelles sont enregistrées pour l’ASL . Le Conseil des Droits de l’Homme donne néanmoins un témoignage d’une jeune fille de Damas violée par trois soldats rebelles, de la Brigade al-Barraa . Il met également en exergue plusieurs cas de jeunes filles appartenant à des minorités religieuses, Alaouites, Druzes, Chiites ou Chrétiennes ; violées par des membres de Jaysh al-Islam ou de Faylaq al-Rahman par exemple. Un autre rapport souligne le meurtre d’une jeune fille par une brigade rebelle après l’avoir violée.
De même, la branche d’Al-Qaïda en Syrie, ex Front Al-Nosra, désormais appelée Hayat Tahrir al Cham (HTC) s’est attaqué à des familles druzes dans le Mont Sumaq : ils ont forcé les hommes à se raser la moustache qu’ils se laissaient pousser par culture religieuse, et ont forcé les filles à épouser certains de leurs soldats . Quelques cas de violences sexuelles contre les hommes ont été répertoriés. D’autre part, des cas de lapidation sur des femmes accusées d’avoir commis l’adultère ont été enregistrés, tout comme des cas d’hommes projetés au sol depuis un toit parce qu’accusés d’être homosexuels. On notera que l’ouvrage de propagande de HTC, Al-Iba, encourage la pratique des mariages forcés et condamne fermement l’homosexualité.
Ce type de violences a également été signalé de la part de l’Etat Islamique (EI). A Raqqa et Deir ez-zor, plusieurs cas de lapidation de femmes accusées d’adultère et de défenestration d’hommes accusés d’homosexualité ont été enregistrés. Les femmes qui ont dépassé l’âge de la puberté et qui ne sont pas mariées sont en outre considérées comme une menace pour l’ordre social par l’EI. Plusieurs jeunes filles sunnites ont ainsi été mariées de force, entre 12 et 16 ans . Daech a également mis en place un véritable esclavage sexuel avec la communauté yézidie. Nous reviendrons sur ce phénomène plus tard dans ce travail lorsque nous évoquerons le cas irakien, mais il est important de signaler que des Yézidies ont été réduites en esclaves sexuelles en Syrie également. Enfin, plusieurs témoignages semblent montrer que certains groupes jihadistes droguent et violent des enfants pour avoir plus d’emprise sur eux et ainsi les enrôler pour aller combattre . Ces violences, notamment celles commises par l’Etat Islamique, ont notamment été largement documentées par un groupe d’activistes vivant à Raqqa et alimentant le site Raqqa is being slaughtered silently.

Outil de vengeance et d’effacement de l’opposition à Mouammar Kadhafi : le viol en Libye

Les violences sexuelles ont été une arme largement répandue dans le conflit libyen. Aujourd’hui encore elles continuent à traumatiser le pays. C’est dans le contexte de la guerre civile qui a suivi le soulèvement populaire libyen que les violences sexuelles apparaissent. Durant huit mois en 2011, le régime de Kadhafi lutte pour son maintien et ordonne des viols systématiques. A la mort du raïs, la division du pays se fait encore plus forte. Deux gouvernements se disputent le pouvoir avec une fracture historique entre Tripolitaine et Cyrénaïque, deux des trois grandes régions du pays. Le torchon brûle entre Fayez el-Sarraj et le Maréchal Khalifa Haftar. Mais cette dispute masque en réalité des antagonismes bien plus importants et un pouvoir finalement diffus aux mains des très nombreuses milices, les katiba, qui tiennent le pays . Face à cette situation, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé est bien désarmé. S’il prétend vouloir mettre en place des élections et permettre l’écriture d’une nouvelle Constitution, il est en réalité bien dépassé, et dans l’incapacité de savoir dans quelles mains se trouvent le pouvoir . Depuis la mort du « Roi des Rois d’Afrique » en octobre 2011, et ce jusqu’à aujourd’hui, les violences sexuelles sont quotidiennes dans le pays, moyen de terreur et outil de vengeance entre tribus pro et anti-kadhafistes.
Mais avant même cette situation de conflit, les sévices sexuels avaient une place particulière en Libye, bien que largement ignorés. C’est avec Iman al-Obeidi, que la communauté internationale prend conscience du phénomène. Rescapée des mains du régime, cette activiste rentre dans l’hôtel Rixos en mars 2011 où la presse du monde entier s’est réunie. Elle hurle qu’elle a été violée par le régime avant d’être sortie par les services de sécurité . Le bruit se répand alors petit à petit, et fin avril, le Procureur Général de la CPI, Luis Moreno Ocampo promet d’ouvrir des enquêtes. Mais aucune action ne suit ces promesses. Le viol continue donc d’être monnaie courante en Libye, dans un conflit que l’on qualifie parfois en « peau de léopard » : un conflit où la délimitation des zones de pouvoir est très floue, et où des groupes différents contrôlent des parcelles de territoire très réduites. Il est donc très difficile de savoir qui contrôle telle ou telle zone quand on se déplace, et c’est donc très risqué. C’est une Libye aux mains des katiba qui poursuivent une guerre par le viol. Il y aurait plus de 100 milices en Libye, et 103 000 miliciens à l’échelle nationale, dont 40 000 à 45 000 dans le grand Tripoli . Celles-ci contrôlent, administrent et tiennent d’une main de fer les territoires où elles se trouvent. Comme l’explique un activiste en Libye : « tu ne peux pas imaginer l’enfer qu’on vit en Libye. Les milices sont partout, contrôlent tout » . C’est aussi le sentiment que laissent transparaître plusieurs sources que l’ONG We Are Not Weapons of War a sur place et qui montrent un climat de tension et d’insécurité invivable où la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres.

La répression du soulèvement libyen par le viol

Dès 2011, certaines ONG alarment sur les cas de sévices sexuels qui ont lieu en Libye. L’ONG Physicians for Human Rights publient notamment les témoignages de six activistes libyens et de deux gynécologues-obstétriciens qui mettent en évidence des crimes sexuels commis avec beaucoup de violence. Ceux-ci parlent tous d’un centre de détention secret à Tomina, où des forces Kadhafistes accompagnées par des membres de la tribu Tawergha ont retenu plusieurs prisonniers, hommes, femmes et enfants. Les viols seraient courants dans ce centre, y compris sur des enfants de 14 ans.

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Table des matières
INTRODUCTION
I) Les violences sexuelles en conflit, une stratégie pensée et planifiée : étude des situations dans le monde arabe
A) Le viol, comme instrument de répression politique et de terreur en Syrie et en Libye
1. Répression de l’opposition et assise du pouvoir : le viol en Syrie
2. Outil de vengeance et d’effacement de l’opposition à Mouammar Kadhafi : le viol en Libye
3. Un outil de répression et de terreur très répandu : autres cas d’utilisation de la violence sexuelle dans le monde arabe
B) Le viol en Irak : outil du jihad et instrumentalisation de l’islam
C) L’arme de tous contre tous : violences sexuelles et détention au Yémen
II) Conséquences des violences sexuelles dans les sociétés musulmanes et réponses juridiques
1. Sexualité, viol et islam : les conséquences des violences sexuelles dans les sociétés musulmanes
2. Violences sexuelles et droit international : les réponses juridiques au viol de guerre
CONCLUSION
ANNEXES
Sources et bibliographie
Liste des sigles, abréviations et acronymes

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