Consanguinite et malformations congenitales

Les malformations congénitales sont dues à des anomalies de l’embryogenèse au cours de laquelle se développent les ébauches des différents organes. Elle est induite et coordonnée par l’expression de gènes responsables de l’organisation spatiale et de la différenciation des tissus. Tout facteur endogène ou exogène, responsable d’anomalie génétique susceptible d’altérer l’embryogenèse normale peut être à l’origine d’une malformation congénitale [5]. L’étiologie de ces malformations est multifactorielle, déterminée par un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux. Par définition, la consanguinité est le résultat d’une reproduction sexuée entre deux personnes ayant au moins un ancêtre commun. L’histoire de l’endogamie et des unions consanguines se confond avec celle de l’Humanité. Les unions consanguines demeurent encore largement répandues dans nos sociétés [14] [17]. La consanguinité parentale qui en résulte constitue un puissant facteur de risque génétique de survenue de malformation à la naissance. [2] La consanguinité augmente le degré d’homozygotie et favorise l’expression de gènes récessifs délétères dans la population [21]. Ses effets s’expriment par le billet d’un phénomène appelé la dépression de consanguinité qui inclue une large variété d’anomalies morphologiques et de pathologies :
– Incidence accrue des maladies autosomiques récessives
– Apparition accrue d’anomalie congénitale [21]
– un risque accru de mortalité infantile [7] [8]
– Dysmorphies faciales variables
– Réduction de la fertilité [8]
– Réduction du poids de naissance et de la taille adulte [10] [26]
– Diminution des capacités cognitives [26] .

Dans le monde, les malformations congénitales représentent une cause non négligeable de morbidité et de mortalité néonatale.

Selon l’OMS, il n’existe pas actuellement d’estimations fiables sur la morbidité des malformations congénitales mais elles sont responsables de 7% des décès néonatals dans le monde et 25% dans la région européenne (Rapport OMS 2016) [25]. En France, elles touchent 3,3% des naissances et 2,4% des naissances vivantes [4]. Dans nos pays en développement, elles occupent la même place dans la pathologie infantile, surtout au niveau des structures pédiatriques de référence, malgré la priorité des pathologies infectieuses et nutritionnelles carentielles. Au Sénégal, il existe peu d’étude qui évalue la place de la consanguinité dans les malformations congénitales. C’est dans ce cadre que cette étude a été initiée. Elle a pour objectif général d’analyser les effets de la consanguinité sur les malformations congénitales dans notre contexte au niveau épidémioclinique et évolutif.

Commentaires 

Sur le plan épidémiologique
L’incidence et la prévalence des malformations congénitales varient en fonction du niveau des soins et par conséquent des moyens techniques et humains utilisés pour la détection anténatale et le diagnostic post natal. En effet, De Vigan [3], dans sa série française a étudié l’impact de l’utilisation croissante du dépistage de la trisomie 21 sur la prévalence des cas diagnostiqués chez les naissances vivantes de 2001 à 2005. Il a remarqué que la proportion de cas détectés en anténatal a augmenté d’un facteur de 9 passant de 9.5 à 85%. Pendant cette période, la prévalence des interruptions médicales de grossesse (IMG) a augmenté et celle des naissances vivantes a diminué de 3% par an. Aussi, la prévalence dans un hôpital pédiatrique de niveau III ne sera pas comparable à celle d’un hôpital de niveau inférieur qui s’appuie sur un diagnostic clinique. Une bonne partie des malformations internes non retentissantes ne sera pas comptabilisée. Au niveau global, cette prévalence est évaluée par l’OMS à 6% des enfants nés vivants [25]. Notre étude a montré un taux d’incidence hospitalière des malformations congénitale de 16%, avec un sixième des lits d’hospitalisations occupés par des enfants présentant cette pathologie. Cette incidence est faible comparée à celle des USA en 2003 où les enfants atteints de malformations congénitales occupent un quart des lits d’hospitalisation [6]. En Europe, notamment en France, dans la région parisienne, une étude menée par De Vigan en 2005 avait montré un taux de diagnostic prénatal des malformations de 16,2% et qui, à nos jours est resté stationnaire traduisant une atteinte de la limite de sensibilité des techniques actuelles de dépistage [4].

Ce taux est comparable à notre incidence hospitalière post natale. Chez nous, dans la série de Diop et al en 2003, au niveau du même hôpital, seul, 1% des patients hospitalisés étaient porteurs d’anomalie congénitale [6]. Ce chiffre reflétait plus les malformations détectables par l’examen clinique et sa population d’étude concernait tous les services hospitaliers et la consultation externe. Cette augmentation de l’incidence hospitalière peut s’expliquer en partie par la nette amélioration, en qualité comme en quantité, des ressources matérielles et humaines du service de Néonatologie. En RDC, au CHU de Lubumbashi en 2012, les anomalies congénitales ne constituent que 5,1% des enfants admis en Néonatologie [12]. Une autre étude menée dans le même pays en 2016 dans l’Unité de Néonatologie de l’Hôpital Provincial du Nord-Kivu a révélé une incidence encore moindre de 3,4% [13]. La forte incidence des malformations que nous avons trouvées, comparée à ces études congolaises, peut s’expliquer par notre proximité immédiate avec de grands services chirurgicaux (neurochirurgie, ORL, chirurgie pédiatrique, thoracique) qui nous transfèrent systématiquement leurs cas retentissants. Dans notre étude, la consanguinité a été constatée dans 55% des cas soit plus de la moitié. Ce fut le même constat de Diop et al. dans ses travaux en 2003. Dans une étude marocaine faite par Sabiri N, et al, ce taux était de 47.8% [19]. La consanguinité a été décrite comme un puissant facteur de risque de survenue des malformations congénitales. Des taux élevés d’anomalies congénitales sont notés dans les populations où les mariages consanguins sont fréquents [21]. En effet, En Côte d’Ivoire, des études réalisées sur trois groupes de population : africaine, européenne et orientale montre une prévalence plus élevée dans le dernier groupe où les unions consanguines sont plus fréquentes. [6]

En Egypte, dans une enquête faite par Temtamy et al. [24], sur 3000 naissances consécutives recherchant une consanguinité parentale et des malformations congénitales, la consanguinité des parents a été décelée dans 31,8% de tous les cas étudiés et dans 55% des cas de malformations. Ce qui démontre les effets délétères de la consanguinité. En effet, l’existence d’une consanguinité est reconnue depuis longtemps comme un facteur jouant un rôle important dans la survenue d’anomalies congénitales surtout en ce qui concerne les maladies autosomiques récessives. Ce risque augmente avec le degré de la consanguinité [17]. Lorsqu’une consanguinité était retrouvée dans notre série, elle était du premier degré dans 54% des cas et du deuxième dans 32% des cas, résultats presque similaires à ceux de Diop et al. [6] qui, dans le même contexte avait trouvé respectivement 51 et 34%. Ce qui nous laisse suggérer que dans notre contexte, la consanguinité est fortement liée aux malformations congénitales mais agirait conjointement avec d’autres cofacteurs.

Sur le plan anamnestique
Dans notre étude, l’âge moyen des mères de nouveau-nés malformés était de 28 ans ±6.5 et l’âge médian de 29 ans avec des extrêmes allant de 15 à 42 ans. Un pic de malformation congénital a été constaté à la tranche d’âge jeune comprise entre [26-35] ans avec 60% de mères consanguines, seule tranche d’âge dans notre étude où l’association âge maternel et consanguinité était concordante. Lassegue Epogo [11] et Sabiri [19] dans leur série marocaine avaient observé le même pic en ce qui concerne cette tranche d’âge dans leur série marocaine mais n’avaient pas croisé ces 2 facteurs de risque. Par ailleurs il est reconnu qu’un âge maternel avancé (supérieur à 35 ans) accroît le risque d’anomalies chromosomiques, surtout le syndrome de Down [25]. Ce qui laisse suggérer que dans notre population d’étude le facteur consanguinité a été plus déterminant que le facteur âge maternel. La jeunesse de notre population avec 80% de jeunes de moins de 20ans (Enquête EDS 2018) et la précocité de l’âge du mariage pourraient aussi expliquer ce pic. Dans notre série, 36% des mères avaient déjà fait un épisode d’avortement spontané et 10% en ont fait de multiples ou avaient perdu un enfant mortné ou décédé à l’âge néonatal. Dans une étude égyptienne de Shawky et al en 2011, ce taux d’avortement était de 32% [20]. Dans la série sénégalaise de Diop [6], elle était de 20%. Ceci pourrait probablement être dû à des anomalies sévères de développement incompatibles avec la vie. En effet, la naissance d’un enfant porteur d’une malformation congénitale chez une mère ayant de tels antécédents obstétricaux est un argument important en faveur d’une anomalie chromosomique, surtout lorsque le nombre de décès périnataux est élevé.

Nous avions aussi notées que ces antécédents obstétricaux chargés étaient deux fois plus présentes chez les mères qui nouaient des unions consanguines. La consanguinité aurait donc un impact sur ces antécédents. Dans notre étude, il y avait une légère prédominance masculine avec un sexe ratio égal à 1.37 chez les nouveau-nés malformés.

Sur le plan clinique
Sur le plan clinique, l’anomalie la plus fréquente était le syndrome polymalformatif avec 35% des cas. Ces polymalformations rentraient dans le cadre d’un syndrome génétique dans le tiers des cas. Elles étaient suivies des cardiopathies congénitales, des malformations digestives et du système nerveux central avec respectivement 26%, 19% et 8%. Les malformations isolées des membres étaient rares et ne représentaient que 2% des cas. Cette prédominance du syndrome polymalformatif et des cardiopathies congénitales s’explique. D’une part, une consultation génétique hebdomadaire est organisée de façon hebdomadaire dans le service de Néonatologie. Les nouveau-nés présentant de telles anomalies y sont donc préférentiellement référés. Diop et al [6] avait déjà fait ce constat. D’autre part, la disponibilité de l’échographie Doppler cardiaque au niveau du service et sa proximité avec le service cardiopédiatrique de l’HEAR et le centre cardiopédiatrique CUOMO du CHNF qui nous transfèrent les nouveau-nés cardiopathes retentissants. La proximité avec le service de chirurgie cardiaque qui les prend en charge justifie la faible proportion des anomalies isolées des membres. Dans l’étude de Lassegue Epogo [11] faite dans une maternité au Maroc et qui se basaient sur les malformations visibles à la naissance, les cas de polymalformations étaient les plus fréquents 25.7%, suivies des anomalies du SNC et de l’appareil locomoteur. Les anomalies cardiaques y étaient statistiquement absentes.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. MATERIELS ET METHODE
1.1. Type et durée d’étude
1.2. Cadre d’étude
1.3. Population d’étude
1.3.1. Critères d’inclusion
1.3.2. Critères de non inclusion
1.4. Collecte des données
1.5. Analyse statistique des données
2. RESULTATS
2.1. Taille de l’échantillon
2.2. Incidence des malformations congénitales
2.3. Incidence de la consanguinité
2.4. Incidence des degrés de consanguinité
2.5. Les cofacteurs de risque de malformation
2.5.1. Age de la mère
2.5.2. Les antécédents obstétricaux maternels
2.5.3. Antécédents obstétricaux et consanguinité
2.6. Le sexe
2.7. Les données cliniques
2.7.1. Les types de malformations
2.7.2. Types de malformations rencontrées et consanguinité
2.8. Les données évolutives
2.8.1. Le mode de sortie
2.8.2. Répartition des patients décédés en fonction de la consanguinité
2.8.3. Répartition des décès néonatals en fonction de la consanguinité
2.8.4. Répartition des patients décès en fonction du degré de consanguinité
3. Commentaires
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
REFERENCES

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