Connaissances préalables en conservation-restauration des collections en fluide

Matériaux de scellement

Nous entendons par « matériau de scellement » un joint d’étanchéité qu’il soit appliqué à l’interface couvercle-contenant ou lié à un système mécanique (vis, rodage, bouchon…). La nature (verre/plastique) et la forme du contenant (couvercle plat, à bouchon ou avec un système mécanique) influencent le matériau de scellement. Initialement, les matériaux de scellement étaient destinés au maintien de l’étanchéité nécessaire à la bonne préservation du spécimen. Par la suite, les problèmes liés à l’évaporation des fluides ont conduit les naturalistes à donner un nouveau rôle au matériau de scellement, à savoir la facilité d’ouverture et de fermeture du bocal dans le but d’accéder au spécimen dans un premier temps et de maintenir un niveau du liquide acceptable par re-remplissage dans un second temps6. Un grand nombre de matériaux ont été essayés au fil du temps avec plus ou moins de succès. L’un des plus anciens systèmes mis en place consistait à rôder bouchons et bocaux de verre pour obtenir une accroche mécanique (XVIIème siècle). Des matériaux étaient parfois ajoutés pour renforcer le rodage : la cire et le plomb (XVIIIème siècle), la vaseline, la paraffine et la gélatine (milieu XIXème siècle), impliquant de nouveaux problèmes7.

Non seulement ces matériaux ne sont performants que sur le moyen terme en raison de leur mauvais vieillissement mais de surcroît, ces ajouts successifs provoquent une accumulation de matériaux différents qui rendent plus difficile leur retrait si nécessaire. Dans les anciens scellements, le bitume (1900) et la gutta percha (gomme issue du latex, milieu XIXème siècle) ont été utilisés8 (cf. fig. 5 et 6). Egalement à partir du XVIIIème siècle, le couvercle pouvait être recouvert avec une vessie de porc, qui pouvait être elle-même recouverte d’une feuille d’étain ou de plomb pour renforcer l’étanchéité. Ce type de peau se retrouve le plus souvent sur des fermetures avec bouchons de type liège, bois, cire et verre. D’autres bocaux pouvaient être recouverts par une pièce de parchemin9 voire de peau simplement salée ou mégie*. Ce système pensé comme optimal à l’époque a depuis démontré des faiblesses du point de vue de l’étanchéité10. Il nécessite en tout cas un suivi important. A partir du XIXème siècle, le caoutchouc a été utilisé plutôt sous forme de joints/rondelles pressés par un système à bascule dans des bocaux de type « Le Parfait » (1930)11. Néanmoins, le caoutchouc se dégrade au cours du temps : rétractation, assèchement puis cassure (cf. fig. 7 et 8 p. 15). Selon la nature du liquide employé et les interactions qui s’opèrent, il peut également « fondre », couler sur le verre, comme nous pouvons le voir sur les images ci-dessous.

Fluide préservatif

Le fluide préservatif est la solution de conservation définitive prévue pour un stockage à long terme. Il doit posséder certaines propriétés comme être germicide/fongicide, protéger de la putréfaction, avoir les propriétés physiques suffisantes pour maintenir les volumes du spécimen, être transparent, avoir un pH neutre, être stable chimiquement dans le temps et peu toxique pour les humains34. La diversité des collections en fluide étant très importante, les fluides préservatifs le sont également. Leur composition varie en fonction des expérimentations, des recettes établies et modifiées par les naturalistes au fil du temps. L’approche est souvent plus artisanale que scientifique, chacun ayant sa vérité sur les épices ou alcools permettant une meilleure conservation. Pour illustrer cela, le premier terme utilisé pour définir ces solutions était le mot « liqueur », terme utilisé depuis le Moyen-Age pour désigner tout liquide puis tout distillat d’alcool35. Les fluides préservatifs peuvent contenir différents produits selon les buts recherchés comme la préservation de la couleur ou la mise en évidence d’une partie du spécimen. En dehors des objectifs scientifiques, la composition des fluides de préservation a également évoluée en fonction des lieux et des ressources locales. Ainsi, les premiers liquides préservatifs ont été le vinaigre, le sel et « l’esprit de vin »36, qui correspond à de l’éthanol.

Les premiers travaux à proprement scientifiques sur la conservation en « esprit de vin » sont faits par Robert Boyle vers 1660-166237. Puis vers le début du XVIIIème siècle, Frederik Ruysch proposa une « recette » de solution de conservation, qu’il utilisa au sein de son cabinet de curiosités (cf. fig. 9 et 10 p. 21) et dont il garda le secret sur la composition exacte38. Généralement, le fluide préservatif est composé d’alcool ou de formol. D’après Stoddart, les plantes ont le plus souvent été traitées avec des pseudo-fixatifs tels l’éthanol, plutôt que du formol39. En ce qui concerne les alcools, plusieurs types sont employés pour la conservation des fluides : primaires, secondaires ou tertiaires. Un alcool est constitué chimiquement de base par la séquence R-OH où R est un radical organique variable. La différence de type entre les alcools est le nombre d’atomes de carbone auquel sont rattachés les radicaux. Cela influence leur volatilité : un alcool primaire sera plus volatile qu’un alcool tertiaire40. Pour la mise en fluide, on rencontre plusieurs alcools : éthanol, méthanol (depuis 1884) et isopropanol (depuis 1928)41. L’éthanol est l’alcool le plus largement employé depuis le début de la conservation des spécimens et le seul que nous avons rencontré dans notre échantillonnage. Il s’agit d’un alcool primaire inflammable dont la concentration la plus utilisée actuellement pour la mise en fluide est de 70%42. La solution préservative actuellement la plus couramment employée est la Copenhagen mixture qui se compose de 53% d’éthanol, 5% de glycérol et 37% d’eau déminéralisée43. Le glycérol est souvent ajouté dans le but de prévenir la déshydratation en cas d’évaporation du fluide44. Son efficacité dans

Connaissances préalables en conservation-restauration des collections en fluide Les collections en fluide et leur technologie ne sont que peu documentées. La documentation concerne essentiellement la composition de fluides préservatifs et reste propre à chaque préparateur. Peu d’études ont été faites sur les différents composants des collections en fluide et encore moins en conservation-restauration. Van Dam, conservateur au Musée anatomique de l’Université de Leyde, de 2000 à 2013, s’attache à trouver un fluide fixatif pouvant être préservatif sans être toxique. En comparant différents produits sur le marché alliant l’effet bactéricide et fixatif, il trouve un produit nommé DMDM-Hydantoin qui présente des avantages indéniables comme conserver la morphologie des tissus et l’ARN et comporter un pourcentage très faible de formaldéhyde53. Notton, conservateur au musée d’histoire naturelle de Londres, en 2010, publie un article sur une nouvelle méthode de remplissage pour maintenir les concentrations dans les bocaux. La nouveauté réside dans le fait de tenir compte de la concentration de l’alcool restant dans le bocal et de rajouter une autre concentration d’alcool pour avoir la concentration voulue pour la préservation à long terme. Il crée pour cela une table à laquelle se référer selon les concentrations d’alcools. Ce système aide grandement le suivi des collections54.

Cette méthode est un palliatif à l’évaporation des fluides. Des recherches en conservation-restauration faites par Moore, conservateur-restaurateur dans le domaine histoire naturelle à Londres, ont permis d’établir certaines systématiques quant au montage des spécimens et sur les adhésifs à utiliser pour un stockage en fluide sur le long terme, essentiellement basées sur l’expérience55. Il propose l’utilisation de plaques de verres et de fil de Nylon pour le montage ainsi que des aiguilles de verre pour la restauration de spécimen et de deux adhésifs à savoir la gélatine et le collodion pour une conservation durable. Moore fait une revue en 2008 des recherches sur les encres d’imprimantes permettant un étiquetage interne à long terme ainsi que sur l’usage d’imprimantes. Ces recherches ont été menées depuis Carter en 1996 jusqu’à Bentley en 2004 et se sont attachées à tester différentes encres, papiers et imprimantes permettant l’étiquetage à long terme dans des solutions de préservation. Pour l’écriture manuscrite, il montre que l’Indian Ink ne présente aucune décoloration dans le temps. Les trois papiers testés dont le Resistall® ne montrent qu’un faible changement de visibilité des écritures. Les recherches récentes de Linard, chercheur issu du domaine de la bio-informatique, qui ont démontré que la conservation en éthanol permettait de garder l’ADN du spécimen, soulignent que la solution préservative de base ne devrait pas être jetée lors du changement ou «topping-up »56 de fluide57. En 1997, Van Dam a observé les capacités d’étanchéité du silicone sur la collection dont il était responsable. Il a constaté des problèmes d’étanchéité avec le silicone et la préservation en alcool au bout de cinq années, ce qui n’était pas le cas pour des solutions formolées58 Nous constatons que toutes ces études se sont concentrées sur des problèmes autres que l’étanchéité, qui pourtant est l’une des premières altérations visibles de ces collections et le point clé de leur conservation. Nous cherchons à travers notre étude un produit et un protocole d’application adapté permettant l’étanchéité des collections en fluide. Nous souhaitons donc tester des matériaux connus pour savoir ce qu’il en est et des nouveaux qui semblent tout aussi adéquats à l’étanchéité.

Historique de la collection de l’institut Chaque institut, l’institut de botanique systématique et l’institut de biologie végétale et de microbiologie, avait sa propre collection d’objets en lien avec la botanique. Celles-ci ont été réunies en 1976, dans les bâtiments actuels au sein du nouveau jardin botanique. De ces faits, on notera qu’entre la fusion des collections et les changements de personnel, le Musée Botanique de l’Université de Zurich a déménagé six fois en 35 ans65. Depuis 1976, les collections sont tombées peu à peu dans l’oubli. En 2015, les collections ont été attribuées à l’institut de biologie végétale et de microbiologie. Hans Schinz, collectionneur passionné, vivant de la devise « il faut tout collecter», agrandissait la collection en permanence grâce à ses activités de collecte mais également avec le partage des connaissances (véritable plateforme européenne de partage de connaissances et de matériel). De ce fait, la collection du Musée Botanique regroupe différentes typologies d’objets : des fossiles de plantes du Tertiaire, des guirlandes de fleurs égyptiennes, des préparations sèches et liquides, des modèles pour l’enseignement dits « Modèles Brendel » démontables, des vitrines thématiques, des diapositives, des préparations microscopiques, des photographies, une collection d’affiches d’enseignement, une collection carpologique*, une collection de microscopes et d’appareils scientifiques.

Ces collections, qui pourraient sembler disparates au premier abord, couvrent pourtant tous les thèmes de la botanique : systématique, anatomie, biologie végétale, ethnobotanique, paléobotanique et phytogéographie. Les collections comprennent actuellement 20 000 à 25 000 objets avec une grande variété de matériaux. La collection en fluide concernée par notre projet est une collection universitaire constituée depuis la fin du XIXème siècle (1891 pour le premier spécimen) jusqu’à la fin du XXème siècle (1992 pour le dernier spécimen inventorié). Les plantes conservées proviennent du monde entier (40 pays) et représentent toutes les catégories de végétaux existantes (algues, lichens, champignons, plantes supérieures). Les préparations en fluide totalisent 617 bocaux avec une grande variété de forme (cf. annexes 3 typologie 1 et 2 p. 122-127). Les spécimens en fluide sont généralement complétés par des échantillons d’herbier, des objets complémentaires et des prises de vues (diapositives en verre, photographies) concernant les mêmes espèces66.

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Table des matières

Résumé
Abstract
Zusammenfassung
Introduction générale
Partie 1: Qu’est-ce qu’une collection en fluide ?
1.1Composition d’un spécimen en fluide
1.1.1Contenant
1.1.2Matériaux de scellement
1.1.3Spécimen
1.1.4Fluide
1.1.5Les matériaux de montage
1.1.6Les étiquettes
1.2Problématiques de conservation des collections en fluide
1.3Connaissances préalables en conservation-restauration des collections en fluide
Partie 2: Les préparations en fluide du Musée Botanique de l’Université de Zurich
2.1Historique du Musée Botanique de l’Université de Zurich
2.2Historique de la collection de l’institut
2.3Valeurs culturelles actuelles associées
2.4Evaluation globale de l’état de conservation de la collection de fluides
2.4.1Des réserves défaillantes
2.4.2L’état de conservation des collections en fluide
Partie 3: Les 6spécimens de la collection en fluide de l’université de Zurich
3.1Méthodologie
3.2Description et constat d’état des spécimens choisis
3.2.1Spécimen 1: Hippophae rhamnoides L
3.2.2Spécimen 2: Anacardium occidentale L
3.2.3Spécimen 3: Capsicum longum L
3.2.4Spécimen 4:Trapa natans L
3.2.5Spécimen 5: Brugmansia zippelii Bl
3.2.6Spécimen 6: Rhizobium sp./Agrobacterium sp
3.3Diagnostic
3.4Problématique des matériaux de scellement
3.4.1Etanchéité
3.4.2Matériaux choisis pour les tests d’étanchéité
3.4.3Mise en oeuvre des tests
3.4.4Solubilité
3.5Objectifs et propositions de traitement
3.5.1Rappel du mandat
3.5.2Enjeux de la conservation-restauration
3.5.3Nature des interventions proposées
3.5.4Impact des choix de conservation-restauration sur les valeurs culturelles actuelles associées
Partie 4: Rapport d’intervention de conservation-restauration de l’échantillonnage de spécimens
4.1Traitements de conservation-restauration
4.1.1Ouverture des bocaux
4.1.2Nettoyage des bocaux et couvercles
4.1.3Remplacement des fluides
4.1.4Interventions de restauration sur les spécimens (collages, consolidations)
4.1.5Interventions sur le support
4.1.6Scellement
4.1.7Etiquettes
4.2Suivi de la collection et recommandations de conservation préventive
4.3Note sur la future conservation-restauration de la collection
Synthèse et discussion
Conclusion générale
Références bibliographiques
Liste des ouvrages
Sites internet
Liste des communications personnelles orales et écrites
Lexique/glossaire
Liste des abréviations et des sigles
Liste des figures
Liste des tableaux, graphiques et schémas
Annexes
Annexes 1: Photographies
Annexes 2: Tableaux
Annexes 3: Typologies
Annexes 4: Protocoles
Annexes 5: Graphiques
Annexes 6: Fiches techniques et fiches de données de sécurité des produits utilisés

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