Conditions organisationnelles influençant l’innovation

Conditions organisationnelles influençant l’innovation

Méthodologie

Ce chapitre va traiter de la méthodologie employée lors cette recherche. La démarche méthodologique va être formalisée et transparente (Mukamurera, Lacourse et Couturier, 2006) afin de favoriser la transférabilité et le développement de recherches ultérieures sur un sujet similaire. Tout d’abord, la stratégie, le contexte et les objectifs seront spécifiés. Ensuite, les considérations éthiques seront précisées. De plus, le type d’étude sera présenté et la démarche méthodologique sera caractérisée et détaillée selon les trois grandes étapes qui la composent, illustrées dans tableau 8. Le but de la description de la méthodologie est de démontrer comment, à partir des données, il a été possible « de donner sens, de comprendre des phénomènes sociaux et humains complexes » (Mukamurera et al., 2006, p.111).

Stratégie et contexte

Cette recherche s’appuie sur un devis de type qualitatif et exploratoire et consiste plus particulièrement en une étude de cas (Yin, 2014). Cette section présentera le contexte à l’étude, l’échantillon étudié ainsi que les questions et les objectifs de recherche.
Cette recherche s’intéresse essentiellement au vécu et à l’apport d’innovations des cadres intermédiaires en contexte de changement organisationnel. En effet, une vaste réforme a été adoptée en avril 20156 par le Ministre de la Santé du Québec et a occasionné un changement de grande envergure : plusieurs postes ont été abolis, de nouveaux postes ont vu le jour et certains ont été conservés. Dès lors, en raison de ce vaste changement organisationnel, il est apparu opportun de cibler la population des cadres intermédiaires œuvrant dans les organisations du réseau de la santé et des services sociaux. L’échantillon de cette recherche s’inscrit dans une perspective de représentation théorique, relève du cas typique et est de type homogène (Miles, Huberman et Saldana, 2013). Au sein du CIUSSS ciblé, les cadres et le directeur d’un directorat en particulier a accepté de participer à la recherche. Ainsi, tous les cadres intermédiaires de ce directorat (au total 12 postes) ainsi que le directeur ont été rencontrés. À noter que toutes ces personnes ont été concrètement confirmées dans leurs fonctions de cadre le 16 février 2016.
Suivant la typologie de Yin (2014), l’étude porte sur un cas unique avec divers cas imbriqués de manière à dégager des profils individuels d’innovation chez les cadres. Selon Yin (2014) et Flyvbjerg (2006), contrairement au préjugé courant, le choix d’un cas unique a l’avantage d’aller en profondeur au regard d’un contexte/phénomène précis (Yin, 2014). Dès lors, elle est représentative des objectifs de recherche. Yin (2009) présente plus spécifiquement trois caractéristiques d’une étude de cas qui s’appliquent à cette recherche : « (a) « comment » et « pourquoi » sont généralement les questions qui sont posées, (b) les chercheurs ont peu de contrôle sur les événements, et (c) l’accent est mis sur un phénomène contemporain dans un contexte de vie réelle. » (Yin, 2009, p.2). En effet, cette recherche a comme objectif de comprendre, d’explorer et de découvrir le capital d’innovation qui est susceptible d’être apporté par les cadres intermédiaires en contexte de changement organisationnel. Plus particulièrement, cette recherche a été menée afin de découvrir si les cadres intermédiaires innovent au quotidien en contexte de changement, comment ils innovent et permettent d’apporter une contribution originale au déploiement d’un changement sur le terrain.

Considérations éthiques

Le devis de recherche de ce mémoire a été soumis et approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval (CÉRUL) – numéro d’approbation : 2016-293 / 22-11-2016. Le Comité juge qu’il respecte les principes d’éthique de la recherche avec des êtres humains. De plus, plusieurs documents ont été transmis au CÉRUL et plusieurs précautions ont été prises afin de s’assurer de la confidentialité des renseignements fournis par les participants. Des pseudonymes7 seront utilisés dans ce mémoire. De plus, afin de préserver la confidentialité des participants et de l’établissement, toutes les données ont été dénominalisées et un alias (nom fictif) a été attribué au CIUSSS retenu dans le cadre de cette recherche sous le nom du CIUSSS du Suret.

Démarche méthodologique

Cette recherche s’inscrit dans une approche inductive d’analyse modérément structurée et vise à dégager le sens et les significations centrales des données en fonction des objectifs de recherche (Blais et Martineau, 2006). En effet, un travail préalable de théorisation a été réalisé et a permis de définir des concepts initiaux (Mukamurera et al., 2006) et a intégré par la suite des catégories ayant émergées au cours de l’analyse.Le tableau 8 illustre la démarche méthodologique de cette recherche qui peut être subdivisée en trois grandes étapes : (1) la collecte de données, (2) l’analyse et le codage des données et (3) la vérification et l’élaboration finale. Il est important de noter que cette recherche, 43 tout en respectant les étapes classiques de la recherche qualitative, a été réalisée selon un processus itératif, récursif et systématique (Miles et Huberman, 2013 ; Blais et Martineau, 2006). Des précisions sur les trois étapes illustrées dans le tableau 8 et sur les caractères itératif et récursif de la méthodologie sont présentées à l’annexe 1.

Résultats

Innovation en lien avec la position organisationnelle des cadres intermédiaires

Suite aux entrevues, il s’avère qu’en contexte de changement, les cadres intermédiaires coopèrent avec plusieurs acteurs organisationnels. Les cadres partagent également plusieurs caractéristiques et motivations personnelles liées à l’innovation. Tout d’abord, trois catégories de caractéristiques personnelles liées à l’innovation seront présentées en lien avec les relations du cadre avec certains acteurs : (1) caractéristiques en lien avec le centre opérationnel, (2) caractéristiques en lien avec le sommet stratégique et (3) autres caractéristiques personnelles. Ensuite, une section traitera des motivations qui poussent et incitent les cadres intermédiaires à instaurer des innovations ou à imaginer de nouvelles idées dans le cadre de leur travail. Enfin, une dernière section présentera cinq profils types des cadres intermédiaires, dressés suite aux entrevues.

Innovation en lien avec le centre opérationnel

Un premier constat ressort des entrevues : les cadres intermédiaires collaborent avec une multitude d’acteurs (leurs employés, leurs supérieurs, des organismes externes, etc.) pour innover et instaurer des innovations pour la clientèle du réseau de la santé et des services sociaux.
Plusieurs caractéristiques personnelles présentées dans le tableau 9 découlent de ce premier grand constat.
D’une part, les entrevues révèlent que les cadres intermédiaires innovent au quotidien dans ce contexte de changement pour mobiliser leurs employés. Par exemple, un cadre affirme qu’un gestionnaire innovateur doit « repérer les talents [des employés] puis les solliciter aux bons endroits aux bons moments » (G9). Un cadre innovateur va également allier leurs forces complémentaires, gérer leurs résistances au changement, etc. : « Je pense aussi probablement à une personne qui s’allie aux gens qui ont des forces complémentaires ou qui reconnaît facilement les forces de ses collègues et employés pour percevoir le potentiel qu’ils ont de faire autrement. J’imagine aussi quelqu’un qui est capable de bien gérer les changements puis la résistance au changement parce qu’il faut être capable de mobiliser les gens pour être créatif et faire autrement. » (G2) Le cadre va également déployer un style de leadership particulier, mobilisateur pour qu’il innove avec son équipe tel qu’en témoigne G10 :
« [Le] leadership mobilisateur pour moi ça, c’est … ça fait partie de ça, c’est comment tu rends des intervenants [employés du cadre] participatifs. Pour moi, ça, c’est la base de mon travail en innovation, on développe avec eux autres. Je ne développe pas toute seule dans mon bureau (…) ton style de gestion dans qui tu es comme gestionnaire et quel type de leadership tu as puis quel type de place tu laisses à l’équipe, dans la perspective de mobilisation. Tu sais, ce n’est pas juste de mobiliser les équipes, mais d’utiliser les bonnes personnes aux bonnes places. »
Ces différents extraits mettent en lumière la dynamique de collaboration qui se met en place entre le cadre et son équipe. L’innovation semble donc être collaborative.
D’autre part, les entrevues illustrent également d’autres caractéristiques d’ordre relationnel du cadre intermédiaire (voir tableau 9): le cadre est proche des membres de son équipe, il est à leur écoute, les encourage, leur apporte un soutien/suivi personnel, etc. Ces caractéristiques peuvent notamment faire partie de leur personnalité comme pour G2. En effet, le changement a poussé ce cadre à se questionner et à revoir certaines pratiques afin de (re)créer des liens avec ses employés : « Comme c’est dans ma personnalité d’être très près des équipes, j’ai trouvé ça dur dans la transition de « ok je veux créer un lien, mais je ne veux pas défaire leur structure, je ne veux pas les mêler non plus (…) ». Ça a été de trouver l’équilibre là-dedans, mais je pense que ça s’est bien fait quand même » (G2). Un autre cadre explique que son rôle est de soutenir et d’encourager ses employés : « mon rôle, c’est d’essayer le plus possible d’être un moteur pour eux autres, de travailler sur le positif, de les accompagner, de valoriser leur intelligence, leur autonomie pour faire en sorte qu’on est capable en équipe de s’auto-améliorer sans que ça coûte » (G3). D’ailleurs, Huy (2001) souligne que les cadres intermédiaires travaillent en étroite collaboration et encouragent leurs membres pour les aider et apprendre à changer. Certains cadres intermédiaires expliquent également qu’ils donnent quelques pistes d’idées à leurs employés, ils les poussent à s’améliorer et à se dépasser. G1 affirme effectivement qu’il met fréquemment ses employés au défi: « (…) des fois, j’amène un élément de plus en leur disant « mais il y a ça, on ne pourra pas… ou il va falloir qu’on tisse des ponts avec quelqu’un d’autre ». Je les amène juste un peu plus loin (…) je les challenge (…), je n’ai pas le même regard qu’eux ». Le cadre intermédiaire est donc un guide, un mentor, un « moteur » (G3) et un « instrument qui les aide [les employés] à fournir un service à l’usager » (G5). Le cadre intermédiaire soutient ses employés, il les aide également à se dépasser et les valorise : « Je leur répète souvent, c’est vous autres les experts, les professionnels de ce secteur-là. N’attendez pas que les autres vous dites quoi faire, c’est vous autres les pro. De cultiver ça, ça amène aussi qu’ils cultivent leur professionnalisme et qu’ils cultivent l’excellence, tu veux encore plus te dépasser » (G8). Par conséquent, le cadre intermédiaire instaure un climat de travail plus propice à la collaboration et à l’innovation.
Le contexte de changement est probablement une raison qui demande aux cadres intermédiaires d’être encore plus présents pour leur équipe à différents niveaux. En effet, les cadres interrogés innovent au quotidien pour s’adapter au changement, pour améliorer la fluidité et le fonctionnement de leur équipe et pour répondre aux exigences et directives des niveaux hiérarchiques plus élevés. Par exemple, certains cadres intermédiaires instaurent des innovations et/ou imaginent de nouvelles idées pour recréer des liens avec leurs (nouveaux) employés tel que G2 qui gère la fusion de deux équipes qui travaillaient auparavant dans deux unités différentes. Ce cadre a constaté que ses employés notaient les différences de fonctionnement entre les équipes depuis le changement. Dès lors, G2 souhaiterait faire vivre aux employés d’une équipe la réalité de l’autre équipe pour qu’ils saisissent notamment les changements qu’il souhaite mettre en place et la réalité de chacun:
« Dans le changement que j’ai à faire (…), si je pouvais, je pense que je mêlerai des intervenants (…) Je pense que dans le contexte dans lequel je suis et de ce que j’entends de part et d’autre, si je pouvais faire ça, je pense que je le ferai : leur faire vivre l’expérience concrète puis qu’après ça, que ça soit plus significatif ce que ça veut dire les guides de pratiques, vers où on s’en va…. puis qu’ils soient conscients de la réalité de l’autre quand on va arriver à prendre la décision : on va prendre ce chemin-là plutôt que celui-là pour desservir notre clientèle. »
Ce cadre souhaiterait également utiliser des personnes externes à l’organisation afin de gagner en crédibilité auprès de ses employés. Tel que Huy (2001) le souligne, cette aide extérieure est bénéfique pour faciliter la communication lorsque le cadre intermédiaire éprouve de la difficulté à aider ses employés. De plus, G2 a mis en place trois innovations afin de gérer le changement vécu par ses employés : (1) il a pris l’initiative de rencontrer individuellement chacun de ses nouveaux employés, de se présenter, de comprendre leurs préoccupations, leurs attentes et a tenté de les rassurer. Certains d’entre eux étaient particulièrement résistants au changement, car ils ne connaissaient pas G2 qui est désormais leur nouveau supérieur immédiat ; (2) Le cadre a aussi innové avec la collaboration d’un chargé de projet dans l’affichage de son horaire de travail sur la porte de son bureau – en utilisant un système de couleurs pour préserver la confidentialité de l’horaire du cadre (notamment pour ne pas afficher le nom des personnes qu’il rencontre). Les périodes de disponibilité du cadre sont indiquées et ses employés peuvent s’y inscrire s’ils souhaitent le rencontrer ; (3) G2 a organisé des « tournées flash » où il se déplace sur le lieu de travail de ses employés pour leur poser des questions sur leurs tâches quotidiennes et les problèmes qu’ils rencontrent : « Ce n’est pas eux qui me questionnent, c’est moi qui les questionne. Par exemple, « est-ce qu’il y a des enjeux cette semaine ? Est-ce qu’il y a quelque chose de particulier dans tes dossiers ?  » (…) C’est moi qui ai ce leadership de cette tournée-là ». Depuis la mise en place de ces tournées, certains employés se questionnent lorsque leur cadre ne vient pas, ce qui a surpris G2. Il s’avère que ce cadre a instauré cette innovation afin de renforcer la collaboration avec son équipe dans ce contexte de changement.
Un autre cadre intermédiaire, G5, est également très proche de ses employés et innove dans la proximité auprès de son équipe – proximité qui ne se traduit pas uniquement par la présence physique : « je tente d’être proche d’eux également en allant une fois par semaine là-bas. La proximité a été nommée. C’était une obligation par la couleur de mon poste. Innover? C’est différent de ce que c’était. Pour moi, la disponibilité, c’est la présence à l’aide de courriels par exemple. J’ai aussi rendu mon cellulaire disponible. » (G5).

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Table des matières

Introduction
Présentation du contexte de la recherche
CHAPITRE I : Synthèse de la littérature et cadre conceptuel
1.1. L’organisation face au changement
1.1.1. Définition(s) du changement organisationnel
1.1.2. Trois éléments constitutifs du changement organisationnel
1.2. L’innovation organisationnelle
1.2.1. Définition(s)
1.2.2. Caractéristiques de l’innovation organisationnelle
1.3. Les cadres intermédiaires
1.3.1. Gestion du changement
1.3.2. Cadres intermédiaires, acteurs de l’innovation organisationnelle
1.3.3. Motivations des cadres intermédiaires liées à l’innovation
1.4. L’organisation
1.4.1. Conditions organisationnelles influençant l’innovation
1.4.2. Spécificités découlant du secteur public et du contexte pluraliste
1.4.3. Innovation organisationnelle dans le secteur public
1.5. Cadre conceptuel
CHAPITRE II : Méthodologie
2.1. Stratégie et contexte
2.2. Considérations éthiques
2.3. Démarche méthodologique
CHAPITRE III : Résultats
3.1. Innovation en lien avec la position organisationnelle des cadres intermédiaires
3.1.1. Innovation en lien avec le centre opérationnel
3.1.2. Innovation en lien avec le sommet stratégique
3.1.3. Profils des cadres intermédiaires
3.1.4. Autres caractéristiques personnelles liées à l’innovation
3.1.5. Motivations des cadres intermédiaires à innover
3.2. Facteurs organisationnels et contextuels influençant l’innovation
3.2.1. Facteurs favorables
3.2.2. Facteurs défavorables
3.2.3. Facteurs qui faciliteraient l’innovation des cadres intermédiaires
3.3. Spécificités découlant du secteur public et du contexte pluraliste
3.1.1. Leadership collectif
3.1.2. Zones d’ambiguïté stratégique
3.1.3. Marge discrétionnaire
CHAPITRE IV : Discussion et conclusion
4.1. Synthèse des résultats
4.2. Principales contributions
4.3. Limites et avenues de recherche
RÉFÉRENCES
ANNEXES

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