Compression de poudre organique en presse à rouleaux, alimentée par une vis sans fin

La poudre

   Nous l’avons vu, la simplicité et les coûts opérationnels faibles de la compaction des poudres en presse à rouleaux font que ce procédé est très « populaire », et utilisé aussi bien pour les matériaux miniers, minéraux, métallurgiques, chimiques, alimentaires, cosmétiques que pharmaceutiques. Les propriétés d’écoulement de la poudre vont avoir une influence sur l’alimentation. Les propriétés de compaction vont, elles, jouer un rôle important à la fois sur l’alimentation et la compression entre les rouleaux. Les propriétés d’élasticité et de résistance à la rupture des grains vont conditionner la compression, la relaxation et l’état final des plaquettes produites. Il y a plusieurs moyens de mesurer ces différents paramètres, que nous énoncerons un peu plus loin (deuxième partie). Un autre paramètre prépondérant est le caractère hydrophile du produit. En effet, Inghelberg & Remon (1998) ont montré que sur certaines poudres pharmaceutiques, le fait d’humidifier la poudre réduisait considérablement la production de fines et améliorait la cohésion des compacts. Il a donc fallu au cours de nos essais contrôler le taux d’humidité dans l’air afin de s’assurer que nos essais soient bien reproductibles.

Alimentation par gravité

   Si la poudre possède de bonnes qualités d’écoulement, une masse volumique assez conséquente et une bonne aptitude à la compaction elle pourra être introduite entre les rouleaux simplement par gravité. Mais quel que soit la poudre, on rencontrera avec ce type d’alimentation un certain nombre de problèmes : l’écoulement par gravité crée des fluctuations de l’alimentation (la poudre a tendance à s’écouler par ’paquets’) ; le niveau du produit dans la trémie a une influence sur le débit de vidange et sur la pression à l’entrée des rouleaux ; l’air emprisonné dans le lit de poudre induit une vitesse limite de compaction pour laquelle le flux d’air remontant dans le lit de poudre crée de fortes hétérogénéités dans les plaquettes produites ; le débit de poudre n’est pas contrôlé, et induit aussi une vitesse limite de rotation des rouleaux pour laquelle la poudre ne s’écoule pas assez vite par rapport à l’entraînement des rouleaux. Pietsch (1976) nous donne des pistes pour pallier ces problèmes. Dans l’idée d’avoir une distribution homogène de la poudre entre les rouleaux dans le sens transversal comme dans le sens d’ejection des compacts, la trémie peut être équipée de détecteurs de niveau ; on peut aussi installer une plaque de régulation de débit et des lames d’uniformisation en sortie de trémie (Figure 1.2).  On peut aussi alimenter la trémie par un distributeur mécanique, afin d’assurer une pression constante sur les rouleaux. Pour éviter la formation d’arches solides de poudre qui viendraient empêcher l’écoulement, et ainsi permettre une alimentation plus régulière, Dec (1987) a imaginé et utilisé une trémie équipée d’un vibreur. Vinogradov (2002) (Figure 1.3)

Géométrie des rouleaux

   Le choix des rouleaux se fait avant tout en fonction du type de compacts que nous voulons obtenir. Dans ce travail de thèse, nous utilisons la compaction en presse à rouleaux dans le cadre d’un processus de compaction/granulation. Dans ce cas, les contraintes géométriques sur les plaquettes produites sont quasiment nulles. Ce qui importe est surtout que les plaquettes qui donneront des granulés soient cohésives et se dissolvent toutes à la même vitesse. En effet les produits élaborés par Rhodia sont souvent des produits semi-finis, destinés à être dissous avec d’autres produits par la suite. Mais la compaction peut être utilisée à d’autres fins. Par exemple pour la production de boulets de charbon, des poches seront évidées à la surface des rouleaux et donneront aux compacts leur forme définitive. On peut appliquer le même principe à la production de comprimés pharmaceutiques ou de doses de produits ménagers ou alimentaires, comme un palliatif à la compression en pastilleuses (compression entre deux poinçons). Nous parlerons alors de briquetage (de l’anglais briquetting). La Figure 1.12 présente ces deux types d’utilisation de la compression en presse à rouleaux. Les rouleaux utilisés pour la compaction/granulation sont souvent corrugués, voire cannelés afin de mieux entraîner la poudre vers l’entrefer. Nous verrons par la suite que le coefficient de frottement poudre/paroi a une influence non négligeable sur l’état de compaction des plaquettes produites. Le diamètre des rouleaux intervient sur la taille de la zone de pincement(cf. Théorie de Johanson Chapitre 2, Section 1) et sur la pression maximale admissible (plus les rouleaux sont grands, plus la pression applicable est grande). La largeur des rouleaux, elle, a une certaine influence sur l’homogénéité des compacts produits : en effet, même en utilisant des plaques de confinement sur les cotés des rouleaux, il peut exister des effets de bord : la densité des compacts est moins grande sur les bords que sur les cotés. Donc si les rouleaux sont trop minces, les effets de bord peuvent intervenir jusqu’en leur plan médian. A l’opposé, si les rouleaux sont trop larges, les plaquettes peuvent avoir tendance à être détériorés au centre à cause de l’air qui est comprimé à l’entrefer. Les presses de laboratoires sont souvent équipées de rouleaux lisses afin de simplifier les mesures et les calculs pour la modélisation. Ce sera le cas pour notre montage expérimental. Nous avons de plus choisi des rouleaux assez grands (240 mm de diamètre et 50 mm de large) afin de pouvoir exercer des pressions relativement élevées (jusqu’à 700 MPa). Évidemment, pour pouvoir supporter de telles pressions sans se déformer de manière trop significative, les rouleaux sont toujours traités en surface.

Moyens de caractérisation des plaquettes

   On l’a dit, les compacts peuvent être caractérisés selon leur géométrie, leur densité et leur résistance mécanique mais aussi parfois simplement de manière qualitative. L’épaisseur de la plaque est en général légèrement supérieure à la valeur de l’entrefer mesuré (hs > ho). Pietsch (1991) impute cet écart à trois causes différentes :
– a. L’élasticité du montage (déformation locale de la surface des rouleaux, jeu dans les axes des rouleaux) qui induit une erreur de mesure (il faut rappelé que la mesure de l’entrefer se fait en général de manière indirecte). Cette élasticité sera d’autant plus grande que le produit compacté est rigide : Shima & Yamada (1984), pour des poudres métalliques, attribuent cet écart de hauteur uniquement à la déformation du montage. Un moyen de visualiser la déformation des rouleaux et l’entrefer réel serait d’utiliser une caméra (et encore, cette mesure serait réalisée au bord des rouleaux seulement). Simon (2000), qui a utilisé une caméra, ne fait pas de remarques à ce sujet. Il faut aussi noter que certains auteurs ne mesurent l’entrefer qu’avant la compaction (ils l’appellent entrefer nominal). Il est donc évident que le rattrapage de jeu du montage joue dans ce cas un rôle très important. Ce ne sera pas notre cas puisque nous mesurerons l’entrefer durant tout le temps des essais.
– b. La relaxation de l’air emprisonné dans la plaquette lors de la compaction.
– c. L’élasticité du compact, qui se relaxe plus ou moins.
A priori, l’épaisseur des plaquettes de poudres organiques et pharmaceutiques, qui ont une porosité relaxée assez conséquente, augmente fortement en sortie de rouleaux : nous considérerons donc dans nos travaux que la différence de hauteur est essentiellement due à l’élasticité du produit et de l’air qui y est confiné.
Mesure de la densité : des tests de mesure de la distribution de masse volumique dans la largeur et l’épaisseur du compact ont été réalisés à l’aide d’un microscope QTM (Quantitative Television Microscope) par Tundermann & Singer (1969). Ils ont étudié de la poudre de fer et ont montré que les effets de bord étaient limités à une zone restreinte le long des rouleaux. Ils ont aussi montré l’existence d’une vitesse limite des rouleaux, pour laquelle la densité au centre est plus faible, du fait des mouvements de l’air. Enfin, ils ont observé qu’un entrefer réduit et une contrainte élevée amélioraient l’homogénéité dans l’épaisseur. Un moyen plus simple d’accéder à la masse volumique sur un endroit donné des rouleaux serait de prélever un échantillon dont on connaît parfaitement la géométrie et de peser cet échantillon. Nous avons effectué ce genre de prélèvements en poinçonnant la plaquette produite. On peut aussi affiner ces mesures en utilisant la porosimétrie mercure ou/et la pycnométrie hélium sur des fragments prélevés sur la plaque. Simon (2000), nous l’avons vu, a procédé de manière plus qualitative, en mesurant la quantité de lumière traversant le compact. Il a ainsi pu conforter ses intuitions quant à l’influence de l’alimentation sur l’homogénéité des plaquettes formées.
Mesures de résistances mécaniques : Lorsque cela a été possible, c’est-à-dire que la cohésion de la plaquette l’a permis, certains auteurs ont taillé des éprouvettes dans les compacts produits pour effectuer des tests de rupture par traction uniaxiale. Tundermann & Singer (1969) ont ainsi pu montrer que la résistance à la rupture de plaques de fer électrolytique produites par compaction en presse à rouleaux était supérieure à celle de plaques produites par compression en presse uniaxiale. Ils ont aussi montré par les mêmes essais que la vitesse des rouleaux n’avait pas d’influence sur cette valeur de résistance. L’inconvénient de ce genre de test est qu’il est impossible de mesurer de résistance locale à la rupture. Pour mesurer l’élasticité locale des compacts, Simon (2000) a utilisé des tests d’indentation, qui s’apparentent aux tests de dureté Rockwell. Il parvient par ces tests sur une plaque de sel formée par compaction à mettre en évidence l’hétérogénéité du comportement élastique de la plaque (Figure 1.24). largeur de la plaquette Nous pourrions penser, si les compacts que nous produisons nous le permettent, prélever des petits échantillons et acceder à la contrainte de rupture en traction par des essais de flexion trois points, ou encore des essais de compression diamétrale comme cela se fait sur le comprimés produits en presse uniaxiale. Mais effectuer ce genre d’essais sur des poudres pharmaceutiques ou organiques paraît douteux. Nous avons donc imaginé utiliser le test de poinçonnage évoqué pour la mesure de la densité afin de mesurer la contrainte à la rupture par cisaillement du compact. (cf. Partie 3)

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Table des matières

Introduction générale
Partie I Etudes et modélisations de la compaction des poudres en presse à rouleaux
Chapitre 1 Aspects expérimentaux et types d’essais : De la poudre au granulé
1.1 Présentation
1.2 La poudre
1.3 L’Alimentation en poudre
1.3.1 Alimentation par gravité
1.3.2 Influence de l’air lors de l’alimentation par gravité
1.3.3 Alimentation forcée
1.3.4 Interactions Alimentation/Vitesse des rouleaux
1.3.5 Aspects géométriques
1.3.6 En résumé : comment choisir l’alimentation pour obtenir de bonnes propriétés sur les compacts ?
1.4 Les rouleaux et la compaction
1.4.1 Géométrie des rouleaux
1.4.2 Disposition des rouleaux
1.4.3 Entraînement des rouleaux et Presse
1.4.4 Mesure du couple d’entraînement
1.4.5 Plaques de confinement
1.4.6 Comportement du lit de poudre entre les rouleaux
1.4.7 Mesures de pression normale et de contrainte tangentielle à l’interface poudre/rouleaux
1.4.8 Influence du coefficient de travail et de l’entrefer sur les profils de pression
1.4.9 Influence des propriétés plastiques de la poudre et du coefficient de frottement poudre/paroi sur le profil de contrainte
1.4.10 Mesure de la densité de la poudre dans la zone inter-rouleaux
1.4.11 Mesures de l’entrefer et introduction du coefficient de prédensification
1.5 Observations sur les Plaquettes
1.5.1 Aspect qualitatif
1.5.2 Efficacité du procédé
1.5.3 Moyens de caractérisation des plaquettes
1.6 Les granulés
1.7 Conclusion
Chapitre 2 Aspects théoriques : modélisation analytique de la compaction à rouleaux
2.1 Introduction
2.2 Théorie de Johanson (1965b)
2.2.1 Dans la zone d’alimentation
2.2.2 Critère d’écoulement de Jenike
2.2.3 Dans la zone de compaction
2.2.4 Détermination de l’angle α
2.2.5 Choix et dimensionnement d’une presse
2.2.6 Conclusion
2.3 Théorie de Katashinskii & Shtern (1983a)
2.3.1 Introduction
2.3.2 Établissement du système d’équations à résoudre
2.3.3 Résolution du système d’équations
2.3.4 Hypothèses
2.3.5 Conclusion
2.4 Conclusions sur les modèles existants
Chapitre 3 De l’expérimentation vers la modélisation
3.1 Introduction
3.2 Comparaison entre modèles analytiques et numériques (Dec et al. 2001)
Conclusion
Partie II Caractérisation du comportement et des propriétés de la poudre utilisée
Introduction
Chapitre 4 Comportement élastoplastique de la poudre et mesure du frottement poudre/paroi
4.1 Généralités sur la poudre étudiée
4.2 Les approches théoriques de modélisations du comportement des matériaux pulvérulents
4.3 Un outil pour la modélisation de la compression des poudres : le CAP Model
4.3.1 Surface de charge
4.3.2 Détermination des paramètres du modèle pour une poudre donnée
4.4 Démarche expérimentale et cadre théorique de la détermination des paramètres du Cap
4.4.1 Droite de rupture
4.4.2 Cap et coefficient de frottement
4.5 Détermination des paramètres Élastiques
4.5.1 Conditions aux limites
4.5.2 Recherche d’un champ de contrainte admissible
4.5.3 Recherche d’une solution : introduction des fonctions de Bessel
4.5.4 Composantes du tenseur des contraintes
4.5.5 Démarche expérimentale de recherche des paramètres élastiques
4.5.6 Validation de la démarche
4.6 Essais de compression uniaxiale en matrice instrumentée
4.6.1 Description du dispositif expérimental et principe de mesure
4.6.2 Étalonnage du montage (Capteur de déplacement et Jauges)
4.6.3 Le comportement de la poudre ne présente pas de viscosité
4.6.4 Comportement plastique de la poudre
4.6.5 Comportement élastique de la poudre
4.6.6 Frottement de la poudre à la paroi
4.7 Comportement à la compression de la poudre avec montée en température (Goubier 2003)
4.7.1 Dispositif et protocole expérimental
Synthèse et conclusions sur le comportement de la poudre étudiée
Partie III Etude expérimentale de la compaction des poudres en presse à rouleaux
Chapitre 5 Influence des paramètres opératoires sur les paramètres spécifiques de la presse
5.1 Introduction
5.2 Présentation du montage expérimental
5.2.1 Description de la presse
5.2.2 Alimentation
5.2.3 Pièce intermédiaire vis/rouleaux
5.2.4 Technologie et commande de la presse
5.2.5 Les rouleaux
5.2.6 Entraînement des rouleaux
5.2.7 En résumé
5.2.8 Description de l’instrumentation de la presse
5.2.9 Acquisition des données
5.2.10 Dimensionnement et étalonnage des capteurs
5.3 Les paramètres instrumentaux et opératoires du procédé
5.3.1 Du choix des paramètres pertinents
5.3.2 Capacité de la vis sans fin
5.3.3 Stabilité de l’effort exercé par la presse
5.3.4 Défauts sur les rouleaux
5.3.5 Stabilité de l’entraînement des rouleaux
5.4 Détermination de la zone de bon fonctionnement de la presse
5.4.1 État de cohésion apparent des plaquettes
5.4.2 Stabilité du couple et de l’entrefer dans les différentes zones
5.5 Résultats obtenus sur le couple spécifique et l’entrefer
5.6 Pressions mesurées dans la zone inter-rouleaux
5.6.1 Justification de l’utilisation du coefficient de prédensification R
5.6.2 Profils de pression en fonction des paramètres opératoires
Chapitre 6 Influence des paramètres opératoires sur les compacts produits
6.1 Aspect des plaquettes produites
6.2 Épaisseur des plaquettes
6.3 Densité apparente des plaquettes
6.3.1 Glissement à la paroi
6.4 Etude de la cohésion des plaquettes produites : essais de poinçonnage
6.4.1 Présentation du montage
6.4.2 Résultats obtenus
6.4.3 Homogénéité de la résistance sur la largeur des plaquettes
6.5 Porosité des plaquettes
Conclusion
Partie IV Simulation numérique de la compression de la poudre Introduction
Chapitre 7 Modélisation des données expérimentales et démarche d’implémentation
7.1 Introduction
7.2 Mise en équation des données expérimentales
7.3 Création d’une subroutine
7.3.1 Equation caractéristiques du modèle
7.3.2 Intégration numérique
Chapitre 8 Compression de la poudre
8.1 Compression de la poudre en matrice
8.1.1 Remarque
8.1.2 géométrie et cinématique
8.1.3 résultats obtenus
8.2 Compression de la poudre en presse à rouleaux
8.2.1 cinématique et géométrie du lit de poudre
8.2.2 Conditions aux limites
8.2.3 Modélisation « 3D en conditions 2D »
8.2.4 Pression variable sur la largeur
8.3 Conclusions sur la démarche
Conclusion générale

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