Composition chimique du genre Abies

Composition chimique du genre Abies

La forêt est un important vecteur économique pour le Québec ainsi que pour le Saguenay-Lac-St-Jean. Cette région compte pour 17% de toute la superficie forestière de la province et en 2008-2009 c’est à cet endroit qu’on coupait le plus grand volume de résineux dans les forêts publiques (Parent 2010). La grande majorité de toutes ces récoltes est destinée à l’industrie du bois d’œuvre ainsi qu’à celle des pâtes et papier. Les questionnements vis-à-vis la gestion et l’avenir de ce bien essentiel à l’économie du Québec ont entraîné la parution du Bilan d’aménagement forestier durable au Québec 2000-2008. Ce document vise à informer la population québécoise sur les questions relatives à la forêt ainsi qu’à la durabilité de l’aménagement forestier (Gassama et al. 2010). Plusieurs défis à relever pour les années futures y sont énoncés, plus particulièrement celui de déterminer le potentiel économique et biologique des produits forestiers non ligneux (PFNL) afin de pouvoir améliorer l’état des connaissances actuelles.

Les PFNL sont, par définition, des biens d’origine biologique, autre que le bois, qui proviennent des forêts ou d’autres terrains boisés (Turgeon 2003). Ces produits peuvent se classer dans quatre grandes catégories soit les produits d’alimentation (érable, bleuets, champignons), les produits ornementaux (arbres de Noël), les produits pharmaceutiques/cosméceutiques (if, ginseng) et les produits manufacturiers et les matériaux (huiles essentielles, résines). Même si la récolte des PFNL s’intensifie depuis quelques années, peu de données précises sur la contribution de cette industrie à l’économie canadienne sont disponibles. Quelques petites et moyennes entreprises du Saguenay-Lac-St-Jean font déjà des incursions dans ce domaine dans le but de diversifier leurs exploitations et leurs revenus et y voient une voie d’avenir prometteuse.

Parmi les quatre grandes classes de PFNL, celle qui attire le plus l’attention ces dernières années est sans contredit la voie des produits pharmaceutiques/cosméceutiques. Cet intérêt particulier repose sur plusieurs facteurs tels que l’importance des marchés et le bien-fondé de l’utilisation des produits naturels pour le développement de médicaments. En effet, il est estimé que 25% à 50% des médicaments présentement sur le marché mondial proviennent de sources naturelles (Kingston 2011). Par exemple, le paclitaxel (taxol®), une molécule anticancéreuse isolée de l’écorce de l’if de l’Ouest (Taxus brevifolia) et de l’if du Canada {Taxus canadensis, figure 1 (a)) est très bien connue et déjà commercialisée mondialement. De plus, le Canada est un important producteur de ginseng (Panax quinquefolius figure 1 (b)). Cette plante qui se retrouvait jadis à l’état sauvage est aujourd’hui menacée en raison de son exploitation intensive; c’est pourquoi il doit maintenant être cultivé.

Le ginseng canadien, grâce à sa teneur en saponines de type ginsenosides, est reconnu pour posséder plusieurs effets médicinaux, en particulier des effets stimulants et adaptogènes. C’est Tune des plantes médicinales les plus consommées dans le monde. À ce titre, n’est-il pas étonnant de constater que le Canada en a exporté 2890 tonnes en 2007, et ce en grande partie vers les pays asiatiques (AAC 2007).

Le Taxus canadensis et le Panax quinquefolius sont des exemples intéressants qui permettent de démontrer le grand potentiel de l’exploitation des PFNL du Québec et du Canada. Dans l’immensité de la forêt québécoise, on retrouve quelques 1875 plantes vasculaires propres à cette région et de celles-là, une infime partie ont déjà été étudiées chimiquement (Gagnon 2004). L’objectif du projet de recherche proposé est d’approfondir les connaissances sur l’exsudat d’une espèce très connue de la forêt boréale : le sapin baumier {Abies balsamed). Les précédentes recherches du laboratoire LASEVE ont démontré l’énorme potentiel de ce PFNL qu’est la résine de sapin baumier en tant que source de nouvelles structures de molécules ainsi que par les propriétés cytotoxiques et antibiotiques de certains de ses extraits. Le laboratoire est aussi bien au fait des usages du sapin en médecine traditionnelle amérindienne. Ces informations indiquent que la résine de conifères du genre Abies possède plusieurs activités biologiques, mais en particulier une activité antibactérienne (Moerman 1998; Termentzi et al 2011). À titre d’exemples, la tribu des Iroquois l’utilisait comme cataplasme anticancéreux tandis que la tribu des Micmacs l’utilisait pour le traitement du rhume et pour le soulagement des brûlures (Moerman 1998).

L’exploration de la composition chimique et du potentiel biologique de la résine de sapin baumier se fonde en partie sur les recherches préalablement effectuées par le laboratoire LASEVE. Ces travaux avaient déjà permis de détecter certaines activités biologiques d’intérêt et avaient menés à l’isolation de quelques composés des fractions les plus polaires de la résine. C’est donc sur ces bases préliminaires qu’a débuté mon projet de recherche.

Les nouvelles découvertes sur cette résine s’inscrivent dans l’optique de la valorisation de la recherche sur les PFNL, objectif énoncé dans le Bilan d’aménagement forestier durable au Québec 2000-2008.

Objectif général

• Isoler et caractériser les composés bioactifs de la résine de sapin baumier.

Objectifs spécifiques

Dans le but de réaliser l’objectif général du projet, plusieurs étapes doivent être effectuées. En voici le descriptif :
• Fractionner grossièrement la résine de sapin baumier à l’aide de la chromatographie sur colonne de gel de silice;
• Évaluer les activités antibactériennes et cytotoxiques des fractions obtenues;
• Isoler et caractériser les composés responsables de l’activité des fractions bioactives en utilisant des techniques chromatographiques et spectroscopiques modernes.

Description physique

Le sapin baumier est un conifère pouvant atteindre 10 à 15 m de hauteur. Ses aiguilles mesurent de 13 à 20 mm et ses cônes sont longs de 6 à 10 cm. violacés et très résineux (figure 2). Ils arrivent à maturité dès l’automne de la première saison et la floraison de l’arbre est printanière. Il peut aussi se multiplier par marcottage naturel. En effet, lorsque les branches basses de l’arbre touchent le sol, elles peuvent s’enraciner pour donner naissance à d’autres individus. L’écorce du sapin baumier est quant à elle recouverte de vésicules résinifères qui contiennent une substance nommée « Baume du Canada » qui est en fait une oléorésine très odorante (Marie-Victorin 2002). Ce conifère peut vivre jusqu’à 150 ans, mais vit en moyenne 80 ans (Gagnon 2004).

Distribution

Le sapin baumier peut pousser partout mais il affectionne surtout les lieux froids et humides. C’est l’un des résineux les plus vigoureux comme le démontre bien son aire de répartition qui s’étend jusqu’au 58e parallèle, rivalisant ainsi avec l’épinette noire et le mélèze laricin pour ce qui est de la dispersion septentrionale (figure 3). On le retrouve exclusivement en Amérique du Nord.

Utilisations

La première utilisation du sapin baumier qui est probablement aussi la plus évidente est son usage en tant qu’arbre de Noël. Le Québec est un grand producteur de sapins de Noël et c’est le plus grand exportateur d’arbres au Canada avec 779 223 arbres exportés en 2009, soit 46% de la part des exportations canadiennes. La somme des recettes de l’industrie des sapins de Noël au Canada s’élève à 59,4 millions de dollars en 2009 (StatCan2010).

Le bois de sapin baumier est léger, mou et assez blanc; c’est pourquoi il est seulement utilisé pour des usages secondaires (instruments de musique par exemple). Par contre, le sapin compte à lui seul pour un quart de la production de bois destiné à la fabrication de pulpe pour l’industrie papetière (Marie-Victorin 2002). Une autre utilisation, un peu moins connue cependant, est l’obtention du « Baume du Canada » qui est en fait constitué de Poléorésine contenue dans les vésicules résinifères qui recouvrent le tronc de l’arbre (au Québec cette résine porte souvent l’appellation de « gomme de sapin »). Ce baume est  utilisé dans le domaine de l’optique pour l’assemblage des lentilles et pour la préparation des lames de microscope en raison de son indice de réfraction très près de celui du verre (Marie-Victorin 2002).

Du côté ethnobotanique, la médecine traditionnelle canadienne française avait pour habitude d’utiliser la « gomme de sapin » en guise de médicament antiscorbutique, antiseptique pour les plaies et pour apaiser les brûlures (Marie-Victorin 2002). Dans son livre « Native american medicinal plants : an ethnobotanical dictionary », Daniel Moerman relate de très nombreux usages ethnobotaniques du sapin baumier. La tribu des Algonquin utilisait la gomme de sapin en cataplasme sur les blessures et morsures d’insectes, les aiguilles comme laxatif sous forme de thé et les racines pour soigner les problèmes cardiaques. Les Iroquois quant à eux utilisaient autant la vapeur d’une décoction des branches contre les rhumatismes, la résine comme cataplasme anticancéreux et comme traitement pour le rhume ou bien certaines parties de l’arbre non spécifiées pour traiter la tuberculose et la gonorrhée. Dans la tribu Micmac, la gomme était utilisée contre le rhume et pour soulager les brûlures ainsi que pour traiter les plaies et les contusions. Plusieurs autres tribus amérindiennes employaient aussi le sapin baumier pour des usages similaires à ceux mentionnés ci-haut (Moerman 1998).

Composition chimique du genre Abies

Le genre Abies compte 46 espèces différentes réparties à travers le monde dont seulement 9 se retrouvent en Amérique (Marie-Victorin 2002; Mabberley 2008). De ces 46 espèces, 19 ont été investiguées à ce jour concernant leur composition chimique. En date de 2008, il était possible de dénombrer selon la revue de littérature effectuée par Yang, X.W. et al, quelques 277 composés différents isolés du genre Abies. Il s’agit principalement de terpènes, mais aussi de flavonoïdes, lignanes, acides gras et stéroïdes. Le tableau 1 présente un résumé de ces composés en explicitant le nombre de composés isolés par type de squelette carboné.

Activités biologiques du genre Abies

Parmi tous les composés recensés dans la section 2.4, certains possèdent des activités biologiques très intéressantes. Plusieurs extraits bruts ont également démontré des activités significatives sans pour autant faire l’objet de travaux visant à identifier les composés responsables des dites activités. L’acide 24-méthylidène-3,4-secocycloart 4(28)- en-3-oïque (48), un triterpène isolé d’A. sibirica et d’A koreana, possède une forte toxicité envers les lignées de cellules cancéreuses A-549, SK-OV-3, SK-MEL-2 et HCT-15 avec des valeurs de ED50 de respectivement 2,93; 3,01; 3,18 et 2,96 |ig/ml (Yang et al 2008). L’acide abiesolidique (49) isolé de A. sibirica et de A. sachalinensis ainsi que le méthyl (23R?25R)-3,4-seco-9p-lanosta-4(28),7-dien-26,23-olid-3-oate (50) isolé d’A sachalinensis sont capable d’inhiber complètement la topoisomérase II à une concentration de 200 |iM (Wada et al 2002). Les acides mariesiique A (51), B (52) et C (53), des lanostanes provenant des graines de A. mariesii, ont démontré une certaine activité antibactérienne sur Bacillus subtilis et Micrococcus luteus, mais l’absence de standards positifs dans ces tests ne permet pas de juger de l’importance de cet effet (Hasegawa et al. 1985; Connolly and R.A.Hill 1991-b).

Choix du solvant pour la trituration de la résine

La résine a été d’abord précipitée dans un solvant afin de recueillir les composés les plus polaires sous forme de poudre. Cette technique se nomme trituration et elle est employée dans plusieurs domaines, particulièrement en chimie de synthèse (Cotarca and Eckert 2006; Hughes 2011). La trituration consiste donc à mélanger une substance, soit liquide et visqueuse soit solide, avec un solvant dans lequel les molécules d’intérêt ne sont pas solubles et dans lequel les impuretés sont solubilisées, ou vice-versa. Il s’en suit donc une précipitation qui permet, après filtration et evaporation du solvant, de séparer le produit brut en deux fractions distinctes. Trois solvants ont été testés pour la trituration de la résine (figure 13), soit l’hexane, l’eau et un mélange méthanol/eau 1:100 (le méthanol 100% n’a pas été testé car la résine y était trop soluble). L’hexane a été choisi en raison de son efficacité évaluée par chromatographie sur couche mince (CCM). les deux autres solvants n’ayant pas permis d’observer une séparation intéressante. À la suite de la trituration, le précipité a été obtenu dans un rendement de 3%.

Isolation de Pacide 3a-hvdroxv-23-oxolanosta-7,24E-dièn-26-oïque (87) et de Pacide firmanoïque :

Tel que montré à la figure 17, la fraction BC.2 (578 mg) a été fractionnée par HPLC préparatif en utilisant un gradient 90% -> 100% méthanol dans Peau (+ 0.1% HCOOH) et cette étape a mené à quatre fractions (BC.2.1 à BC.2.4). La fraction BC.2.3 (149 mg) a été purifiée par HPLC préparatif avec un gradient 88% —> 93% méthanol dans Peau (+ 0.1% HCOOH) permettant d’obtenir l’acide 3a-hydroxy-23-oxolanosta-7,24E-dièn-26 oïque (87, 7,0 mg) et Pacide firmanoïque (88, 15,8 mg) tous deux sous « forme de poudre amorphe blanche. Les données RMN de la molécule 87 se trouvent dans le tableau 3 et les spectres RMN *H et 13C sont présentés en annexes 1 et 2. La détermination de la structure de Pacide firmanoïque a été effectuée en comparant les données RMN du produit isolé avec des résultats préalablement obtenus au laboratoire et également en comparant avec des données rapportées dans la littérature (Roshchin et al. 1986) .

CONCLUSION

Les travaux rapportés dans ce mémoire ainsi que la revue de littérature effectuée ont permis de mettre en lumière la grande diversité chimique de la résine de sapin baumier. En effet, les travaux effectués sur cette matrice végétale ont mené à l’identification de nouvelles molécules appartenant à des squelettes connus (labdanes, triterpènes de type lanostane et cycloartane, etc.), mais également à de nouveaux composés de la famille peu connue des tétraterpènes. L’ensemble des résultats obtenus suggère que la résine contient probablement d’autres composés originaux qui pourraient être étudiés à la suite de ce travail. La trituration de la résine dans l’hexane est la méthode de choix pour débuter le fractionnement car elle permet de concentrer les composés de poids moléculaires plus élevés dans une fraction sous forme de poudre, beaucoup plus facile à travailler.

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Table des matières

Chapitre 1 – Introduction 
1.1 Problématique
1.2 Objectifs
1.2.1 Objectif général
1.2.2 Objectifs spécifiques
Chapitre 2 -Revue de littérature 
2.1 Description physique
2.2 Distribution
2.3 Utilisations
2.4 Composition chimique du genre Abies
2.5 Activités biologiques du genre Abies
2.6 Composition chimique et activités biologiques d’Abies balsamea
2.7 Utilisations actuelles de la résine et état des connaissances
Chapitre 3 -Article scientifique 
Lanostane- and cycloartane-type triterpenoids from Abies balsamea oleoresin
Chapitre 4 – Avancement des travaux 
4.1 Choix du solvant pour la trituration de la résine
4.2 Schéma d’isolation général
4.3 Isolation de l’acide abiesonique
4.4 Isolation de l’acide 3a-hydroxy-23-oxolanosta-7?24E-dièn-26-oïque et de
l’acide firmanoïque
4.5 Isolation du 3(3-hydroxy-abiénol
4.6 Activités biologiques des molécules isolées
Chapitre 5- Conclusion

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