Comportement sous irradiation des verres d’aluminosilicate

LES DÉCHETS RADIOACTIFS EN FRANCE

L’industrie nucléaire française génère près de 78% de la production électrique du pays. L’utilisation de l’énergie nucléaire contribue à la réduction de l’effet de serre mais produit aussi des déchets radioactifs. En 2015, d’après l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra, 2015), le secteur électronucléaire a produit 58 % du volume de l’ensemble des déchets radioactifs français, le reste de la production correspondant aux secteurs de la recherche (29 %), de la défense (9 %), des industries non nucléaires (3 %) et du médical (1 %).

LA VITRIFICATION DES DÉCHETS DE HAUTE ACTIVITÉ 

Les combustibles UOx sont composés d’oxydes d’uranium (95 %), de plutonium (1%), de produits de fissions issus des réactions de fission (4 %) et d’actinides mineurs (0,1 %) créés par captures neutroniques. En France, ce type de combustible usé est retraité afin de séparer les produits de fission et les actinides mineurs, de l’uranium et du plutonium qui sont réutilisés pour fabriquer les combustibles MOx . Les produits de fissions et actinides mineurs constituent les déchets dits de haute activité (HA), les déchets MA-VL étant principalement des déchets secondaires contaminés par ces derniers. En France, la gestion de ces déchets MA-VL et HA repose sur le confinement des radioéléments. Ces derniers sont destinés à un stockage en couche géologique afin de limiter la dissémination des radionucléides dans l’environnement. Pour les déchets HA, ces radionucléides sont confinés au sein de la structure d’une matrice vitreuse choisie pour son taux d’incorporation et sa résistance face à l’irradiation et à la lixiviation à long terme. Ce verre, appelé R7T7 du nom des ateliers de vitrification de l’usine de La Hague dans lesquels il est produit, est un verre de borosilicates complexe composé d’une trentaine d’oxydes.

CONTEXTE DE LA THÈSE 

Le but de cette thèse est d’étudier le comportement sous irradiation de nouvelles matrices de confinement développées pour des déchets mixtes de moyenne activité à vie longue (MA-VL). Ces déchets sont notamment constitués de métaux et d’organiques contaminés par des actinides (uranium et plutonium). La matrice destinée à confiner ces déchets sera élaborée à une température comprise entre 1250 et 1450°C dans un creuset à base carbone. Le procédé utilisé impose ces températures d’élaboration afin d’obtenir une bonne viscosité de la fonte et d’éviter la volatilisation de certaines espèces. Le milieu est fortement réducteur avec la présence de métal et du carbone du creuset. Le matériau final devrait être principalement constitué de deux phases : une phase métallique et une phase vitreuse d’aluminosilicates qui incorporera les actinides (Figure 1). De nombreuses interrogations se posent sur les phénomènes qui peuvent apparaitre lors de cette élaboration complexe, notamment sur l’homogénéité du matériau, la cristallisation au refroidissement et la répartition des actinides. L’adjuvant de vitrification utilisé lors de ce procédé est une fritte de verre de type sodocalcique.

La variabilité des teneurs des différents éléments (Al, Na, Ca, …) introduits avec le déchet est prise en compte dans les études liées à ce projet. La présence de bore doit être limitée dans le produit final et être uniquement due à l’apport du déchet. Le bore est un élément neutrophage et gène donc le comptage neutronique utilisé pour le suivi du plutonium. Pour les valeurs maximales en actinides attendues, le cumul de désintégrations alpha devrait atteindre une dose de quelques 10¹⁸ α/g à 10000 ans et est susceptible d’engendrer des évolutions structurales de la matrice vitreuse. En effet, ce niveau de dose provoque des modifications dans les verres de borosilicates développés pour le confinement des déchets de haute activité à vie longue (HA-VL) (Peuget et al., 2014). Ce projet est en cours de développement au CEA, que ce soit au niveau du procédé ou des matériaux, en intégrant notamment l’étude du comportement à long terme des matériaux. À ce titre deux axes sont menés en parallèle, l’un portant sur le comportement à l’altération en milieu aqueux, l’autre sur son comportement sous auto-irradiation. Cette thèse s’inscrit dans cette dernière considération et plus précisément se concentre sur l’étude de la matrice vitreuse du produit final.

ORDRE DU RÉSEAU VITREUX À COURTE DISTANCE

Cations étudiés 

Il convient de déterminer le rôle des ions, notamment des cations, dans l’organisation du réseau vitreux. Les cations qui nous intéressent plus particulièrement dans les verres d’aluminosilicates sont les éléments formateurs Al3+ et Si4+ et les alcalins (Na+, K + ) et alcalino-terreux (Ca2+, Mg2+) qui jouent le rôle de modificateurs de réseaux. Il existe différentes classifications permettant d’attribuer une fonction à chaque cation présent dans le réseau vitreux. La première est celle proposée par Dietzel (Dietzel, 1983), qui les range suivant leur champ de force (Tableau 2). Le champ de force est une notion qui permet d’estimer le pouvoir polarisant des cations, soit, dans ce cas, leur capacité à déformer le nuage électronique de l’oxygène. Elle est estimé par la formule F = Z/a² avec « Z » la valence du cation et « a » la distance moyenne entre le cation et l’oxygène (a dépend de la coordinence en oxygène du cation). Ainsi les ions modificateurs possèdent un faible champ de force, compris entre 0.1 et 0.4 Å -2 . Les ions formateurs ont, quant à eux, un grand champ de force, compris entre 1.5 et 2 Å -2 et les ions intermédiaires entre 0.5 et 1 Å -2 .

Seuls les cations formateurs permettent d’obtenir un réseau vitreux à eux seuls, c’est-à-dire qu’un verre ne peut pas être formé d’éléments intermédiaires et de modificateurs uniquement. Les cations modificateurs dépolymérisent le réseau par opposition aux cations formateurs, c’est-à-dire qu’ils coupent des liaisons pontantes entre deux formateurs de réseaux. Les cations dits « intermédiaires » sont ceux dont le rôle diffère suivant les conditions expérimentales (composition, température, pression…) et suivant leur coordinence en oxygène.

Stebbins et al. (Stebbins et al., 2013) définissent plus précisément les formateurs de réseau comme étant de petits cations à haut champ de force avec des valences égales à 3 (B, Al), 4 (Si, Ge) ou 5 (P) et une coordinence de 3 ou de 4. De plus, ces derniers forment des liaisons partiellement covalentes et fortes avec l’oxygène permettant la formation d’un réseau vitreux. À noter que l’ion Al3+ en coordinence 4 est considéré ici avec les ions formateurs (Figure 3a), ce qui n’est pas le cas dans la classification de Dietzel (Dietzel, 1983). Lorsque ce dernier est en coordinence 6, il a un rôle de modificateur de réseau. Varshneya (Varshneya, 1994) propose une représentation de l’environnement local de ce cation pour un verre d’aluminosilicates d’alcalins dont le domaine de composition se situe dans la région peralumineuse, c’est-à-dire lorsque le rapport molaire M2O/Al2O3 (avec M = alcalin) est inférieur à 1. Dans ce cas, le cation Al3+ est lié à trois atomes d’oxygène pontants et à trois atomes d’oxygène non pontants .

Environnement local autour des cations

Le type de liaison avec l’oxygène (covalente ou ionique), la coordinence des cations (ou première sphère de coordination), et la configuration que ces derniers ont dans le réseau vitreux caractérisent leur environnement local. Afin de décrire le réseau des verres d’aluminosilicates, il est nécessaire de rappeler comment s’organisent des systèmes plus simples tels que le verre de silice (a-SiO2) et les verres de silicates d’alcalins.

Verres de silice et verres de silicates d’alcalins

Le verre de silice (a-SiO2) est un des verres les plus réfractaires et durables chimiquement. Sa structure correspond à celle énoncée par les quatre règles de Zachariasen (Zachariasen, 1932), à savoir que le verre ne présente aucun oxygène lié à plus de deux cations (1), le nombre d’oxygène qui entoure un cation est de trois ou de quatre (2), les tétraèdres constitutifs de SiO4 n’ont que des sommets en commun (3) et enfin, au minimum trois sommets de chaque tétraèdre sont mis en commun (4). Le verre de silice est un réseau tridimensionnel continu et désordonné de tétraèdres de SiO4 dans lesquels tous les atomes d’oxygène sont liés à deux atomes de silicium par des liaisons ionocovalentes (liaisons fortes Si-O-Si). Ces tétraèdres de SiO4 sont bien définis et les distances de liaison sont identiques à celles observées dans la silice cristallisée, seuls les angles de liaison Si-O-Si ont une distribution importante. Cette configuration entraîne une très grande rigidité du système, d’où la température d’élaboration très élevée du verre de silice (environ 2000°C). D’autres oxydes (modificateurs de réseau) sont ajoutés à la silice (formateur de réseau), afin de diminuer cette température. Les ions alcalins (M + ) et les ions alcalino-terreux (M2+) ont un rôle bien défini dans la structure. Ainsi, ils agissent soit en tant que modificateurs de réseau, soit en compensateurs de charge autour d’unités chargées présentant un déficit de charges positives. Les cations modificateurs introduits dans le réseau permettent de rompre les liaisons Si-O-Si créant ainsi des atomes d’oxygène non pontants (Figure 4). Les ions modificateurs dépolymérisent donc le réseau silicaté, c’est-à-dire qu’ils créent des discontinuités en introduisant des liaisons ioniques. Le réseau devient plus flexible à mesure que le taux de modificateurs augmente. Ceci a pour conséquence de diminuer fortement la température d’élaboration de ces verres mais au détriment de leur durabilité chimique.

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Table des matières

Introduction générale
A) Les déchets radioactifs en France
B) La vitrification des déchets de haute activité
C) Contexte de la thèse
D) Objectifs et démarche de l’étude
1. Étude Bibliographique
1.1 Structure des verres
1.1.1. Ordre du réseau vitreux à courte distance
1.1.2. Organisation du réseau vitreux à moyenne distance
1.2. Interaction rayonnement/matière
1.2.1. Sources d’auto-irradiation dans les verres nucléaires
1.2.2. Interactions élastique et inélastique
1.2.3. Étude des effets d’irradiation
1.3. Comportement des verres sous irradiation : état de l’art
1.3.1. Évolution structurale des verres sous irradiation
1.3.2. Évolution macroscopique sous irradiation
1.4. Rôle respectif des dépôt d’énergie d’origine électronique et nucléaire et effet de la dose
intégrée
Conclusion du chapitre 1
2. Matériaux, conditions d’irradiation et méthodes
2.1. Verres étudiés
2.1.1. Séries de verre et compositions chimiques théoriques
2.1.2. Élaborations
2.1.3. Homogénéité et compositions chimiques réelles
2.2. Irradiations externes
2.2.1. Irradiations aux électrons
2.2.2. Irradiations aux ions Hélium
2.2.3. Irradiations aux ions Or
2.3. Techniques de caractérisation utilisées
2.3.1. … pour sonder la structure des verres
2.3.2. … afin de déterminer les propriétés macroscopiques des verres
2.3.3. … afin d’étudier la tenue des verres en lixiviation : Test Soxhlet
Conclusion du chapitre 2
3. Structure et propriétés des verres sains
3.1. Structure atomique des verres
3.1.1. Structure à courte distance : résultats de spectroscopie RMN MAS et MQMAS
3.1.2. Structure à moyenne distance : spectroscopie micro-Raman
3.1.3. Discussion sur la structure des verres sains
3.2. Propriétés macroscopiques des verres
3.2.1. Densité des verres sains : mesure hydrostatique
3.2.2. Dureté des verres sains : micro-indentation Vickers
3.3. Tenue des verres sains à la lixiviation : Soxhlet
3.3.1. Verre ISG (International Standard Glass)
3.3.2. Verre d’aluminosilicates CNA 58.22.6 (référence)
3.3.3. Verre d’aluminosilicates CNA 58.10.6
3.3.4. Verre d’aluminosilicates CNA 58.36.6 (pôle sodium)
3.3.5. Analyse de la composition élémentaire des verres sains avant et après lixiviation :
Spectroscopie ToF-SIMS
3.3.6. Discussion sur les résultats de lixiviation
Conclusion du chapitre 3
4. Irradiations : Effet des dépôts d’énergie d’origine électronique
4.1. Évolution de la structure atomique des verres après dépôts d’énergie d’origine
électronique
4.1.1. Structure à courte distance des verres irradiés aux électrons : résultats de spectroscopie RPE
4.1.2. Structure à courte distance des verres irradiés aux électrons : résultats de spectroscopie RMN MAS
4.1.3. Structure à moyenne distance des verres irradiés aux électrons et aux ions hélium : spectroscopie micro-Raman
4.1.4. Analyse de la composition élémentaire des verres irradiés aux électrons et aux ions hélium : spectroscopie ToF-SIMS
4.1.5. Discussion sur les évolutions de la structure des verres après dépôts d’énergie d’origine électronique
4.2. Propriétés macroscopiques des verres après irradiations électroniques
4.2.1. Évolution de la densité des verres irradiés aux ions He2+ : interférométrie optique
4.2.2. Évolution de la dureté des verres irradiés aux électrons : micro-indentation Vickers
Conclusion du chapitre 4
Conclusion générale

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