Comparaisons et mise en perspective du chantier de Saint-Bertrand-deComminges

La cathédrale après saint Bertrand

La profonde modification de la cathédrale au début du XIVe siècle est une des conséquences de l’important pèlerinage dont la tombe de saint Bertrand faisait l’objet.
Cette campagne de reconstruction fut décidée par Bertrand de Got, qui fut évêque de Comminges entre 1295 et 1299, avant de devenir pape sous le nom de Clément V en 1305.
Malgré son court épiscopat, il a suivi le chantier avec attention, et il est revenu à Saint Bertrand-de-Comminges en 1309 pour effectuer la translation des reliques de saint Bertrand : l’information est fournie par une bulle datée du 16 janvier 1309. Le projet, débuté en 1304, est de reconstruire le chœur de la cathédrale afin de mettre en valeur les reliques de saint Bertrand. La première travée et les parties basses des trois travées suivantes de la nef romane sont conservées ; il en avait probablement été décidé ainsi dès le début, afin de préserver le clocher et le portail et de l’intégrer à la nouvelle construction.
La nouvelle nef est constituée d’un seul et unique vaisseau, dont les limites prolongent les murs des bas-côtés de la précédente nef. Jusqu’à la troisième travée, les nouveaux murs s’appuient sur les murs romans (fig.04).
Le chevet est constitué d’une grande abside semi-circulaire précédée par une travée de chœur, et sur laquelle s’ouvrent cinq chapelles rayonnantes (fig. 05). Deux chapelles sont ajoutées de chaque côté de la nef et de la travée de chœur. La voûte est surélevée jusqu’à atteindre 28 mètres de haut, et elle repose sur des colonnettes multiples engagées qui partent du fond et scandent chaque travée. Le chantier ne se finira que quatre épiscopats plus tard, avec la chapelle d’Hugues de Castillon au nord, en 1352, et l’ajout légèrement postérieur de la chapelle haute de Bertrand de Cosnac (1352-1374) ; lapremière entraîne la destruction de la partie romane de la quatrième travée, tandis que la seconde s’appuie sur ce même mur roman, au sud. Les contreforts de la nef romane sont renforcés et allongés à l’exception des trois les plus à l’ouest qui conservent leur aspect d’origine ; d’autres sont ajoutés tout autour du chœur, ainsi que deux arcs-boutants au nord.
L’ensemble est parachevé sous l’épiscopat de Jean de Mauléon (1523-1551), qui commande le buffet de l’orgue, ainsi que le chœur des chanoines qui occupe une large part de la grande nef et offre un cadre grandiose à la liturgie (fig. 06). Le buffet de l’orgue, placé de manière très originale dans l’angle nord-ouest de la nef, masque une partie des murs romans, ainsi que la partie nord du mur du clocher. Avant ces ajouts, une tribune en bois avait été installée dans la nef, comme en témoignent les six corbeaux conservés, insérés a posteriori dans les parties basses des maçonneries des trois premières travées, à environ quatre mètres du sol.

Historiographie

La cathédrale d’un seul homme, saint Bertrand

La cathédrale Notre-Dame de Saint-Bertrand-de-Comminges a tout d’abord été vue à travers le prisme religieux, car elle est indissociable de son premier constructeur, l’évêque Bertrand de L’Isle-Jourdain. La mention connue la plus ancienne des parties romanes est celle faite par l’évêque Barthélémy de Donadieu de Griet, en 1627, dans le Procès-verbal de la visite de l’église cathédrale : « y a (sic) une tour comme posée et portée sur des piliers de pierre en façon et forme de dôme » . Ce n’est qu’au XIXe siècle que nous trouvons la première étude méthodique de la cathédrale, en commençant par l’histoire de la ville et en décrivant toutes ses parties les unes après les autres, par le baron Louis de Fiancette d’Agos. Ce dessinateur et antiquaire, natif de Saint-Bertrand- deComminges, publie un ouvrage en 1854, Vie et miracles de Saint Bertrand, et ajoute au récit de la vie du saint et de ses miracles une notice descriptive de l’église. Il la reprendra en 1876, dans Notre-Dame de Comminges , qui porte spécialement sur la cathédrale. Cette deuxième publication est plus précise que la première, car elle bénéficie de la recherche de Jules de Laurière, qui a proposé au Congrès Archéologique de France en 1874 une visite de Saint-Bertrand-de-Comminges et de ses alentours . Fiancette d’Agos identifie les parties romanes comme étant « la porte, la tour avec les deux piliers qui la soutiennent de l’intérieur, et, jusqu’à la hauteur de la chapelle Notre Dame et Sainte Marguerite, les murs percés de petites fenêtres et ornés d’une arcature cintrée, reposant sur des figures en formes de consoles » , mais il parle davantage de la partie gothique, dont il détaille chaque chapelle, ainsi que le mobilier. Jules de Laurière est cité par beaucoup d’auteurs pour sa démonstration sur le sens de l’inscription du tympan qui désigne les Rois Mages(fig.07).
Durant sa visite, il tente de « normaliser » le plan de la cathédrale : il voit dans la chapelle Notre-Dame, ou de Hugues de Castillon, au nord, la trace d’un ancien transept, et il restitue une tour qui symboliserait le pouvoir spirituel au-dessus de ce transept, ce que, à son avis, ne pouvait pas représenter le donjon-clocher, car son aspect défensif le raccroche au pouvoir temporel.
À Fiancette d’Agos et à Laurière s’ajoute Pierre Bedin en 1907 . Leurs ouvrages décrivaient la cathédrale après l’histoire de la cité depuis la fondation de Lugdunum Convenarum vers 72 avant J.-C. La vie de l’évêque Bertrand de L’Isle-Jourdain y est racontée avec beaucoup d’éloges, et ils montraient tous que la renaissance de la cité à la fin du XIe siècle n’est due qu’à la présence de ce saint homme. Pierre Bedin le décrit « la croix d’une main, la truelle de l’autre », et raconte que « toute une ville sortit de terre par ses soins, à ses frais  . La cathédrale romane n’attire pas beaucoup l’attention, ce qui est paradoxal, car elle est l’œuvre de cet évêque : ce n’est peut-être qu’à ce titre qu’elle est mentionnée. Toutefois, le clocher appelé donjon et le tympan sont davantage décrits et expliqués, notamment grâce aux explications de Jules de Laurière. Pierre Bedin, à l’image de Fiancette d’Agos, ne fait pour l’étude de l’intérieur des premières travées de la nef qu’un inventaire en une phrase de ses caractéristiques romanes , avant de passer à la description de la cathédrale gothique. Il en oublie presque la travée du clocher, sauf pour parler des piliers puissants qui soutiennent le « donjon ». Un autre point commun de ces auteurs est de rassembler sous une même campagne de construction, initiée par Bertrand, tous les éléments romans de la cathédrale ; nous verrons que par la suite, les chercheurs restituent deux phases de constructions romanes. Ils attribuent à Saturnin, premier évêque de Toulouse, l’évangélisation de la région, ainsi que la création du premier oratoire dédié à la Vierge sur cet oppidum. En réalité, il s’agit d’une reprise du discours de l’Église de Toulouse qui, depuis le Moyen-âge, affirmait que Saturnin avait été envoyé par saint Pierre lui-même , et qu’il vivait encore à la mort de la Vierge (d’après le Baron d’Agos, c’est en apprenant cette mort, à Lugdunum Convenarum, qu’il aurait fait construire l’oratoire). En fait, Saturnin est mort en 250 de notre ère, ce qui rend impossible ces deux hypothèses. De ce fait, ils identifient l’évêque représenté sur le tympan du portail, derrière la Vierge, comme étant saint Saturnin ; en 1928, Émile Mâle est revenu sur cette interprétation, et préfère l’identifier comme étant saint Bertrand . Une statue de la Vierge, ou une pietà, devait se trouver dans la niche au-dessus du portail, selon le baron d’Agos et Pierre Bedin, mais elle aurait été détruite par les révolutionnaires, tout comme les couronnes des Rois Mages. Nous ne conservons de cette statue aucune autre trace que ces deux essais, ni aucune représentation.
En 1914, l’ouvrage d’Adeline et Pierre Lespinasse, Les églises romanes et gothiques du Comminges,mentionne très succinctement un élément inédit : il s’agit d’une tribune en bois qui se trouvait dans les trois premières travées romanes, « à laquelle les chanoines accédaient directement des bâtiments conventuels, par des portes pratiquées dans le mur » . Le rapport de Robert Vassas de 1948 ainsi que l’article de Robert Gavelle en 1985, que nous détaillerons ci-après, en donnent une vue plus précise, avec la description des corbeaux, ajoutés dans un second temps, la signalant. D’autre part, les deux auteurs contestent la restitution par Jules de Laurière du transept à la place de la chapelle de Castillon, en invoquant la raison que se trouvent, du côté sud à ce niveau, la galerie nord du cloître, et du côté nord, un mur « de bâtiment et non de transept » à angle droit avec les murs romans et « parfaitement raccordé » à ces mêmes murs. Pour finir, ils confirment la présence supposée d’une tour au-dessus de la travée précédant les absides, car la tour occidentale leur semble un organe de défense et non pas un clocher, qu’ils datent sans explication de 1085. Par leur méthode de comparaison des différentes églises commingeoises partie par partie, ils établissent des parallèles entre le clocher de SaintBertrand-de-Comminges et celui de la collégiale de Saint-Gaudens, deux clochers carrés et massifs qui auraient alors servi d’exemple pour tous les autres clochers de ce type de la région, à la différence que peu d’entre eux possèdent un portail, ou même une porte, à cet endroit. De la même manière que ce clocher est considéré par les auteurs comme le clocher roman type du Comminges, le plan de la cathédrale romane est mis en parallèle avec celui d’autres églises, qui sont plus complètes : trois vaisseaux dont la nef centrale est plus haute, terminés à l’est par un chevet avec une grande abside centrale, seule ou entourée de deux absides plus petites, à l’exemple de Saint-Aventin-de-Larboust à Saint Aventin, ou de Saint-Just de Valcabrère. L’avantage de leur méthode est qu’elle met en avant chaque élément particulier de la cathédrale, tout en cherchant des références dans le reste de la région. Toutefois, leur but semble être l’établissement d’une typologie de l’église romane puis gothique en Comminges, en éclatant les édifices en autant de parties définies (chevet, clocher, portail…), ce qui les empêche d’en tirer des conclusions sur les édifices eux mêmes.
Ces premières études sur la cathédrale Sainte-Marie sont encore imprégnées de considérations hagiographiques et générales sur son histoire et sur l’histoire de l’architecture à la période romane. Le récit de Vital n’est pas remis en question quant à la présence du cloître, ou à la première sépulture de l’évêque, qui est vu unanimement comme le fondateur et le rénovateur de la cité. La reconstitution de la cathédrale romane comprenant un transept et un clocher « liturgique » au-dessus de la nef n’est justifiée que par des arguments généraux. Malgré ses défauts, l’étude de Pierre et Adeline Lespinasse sur les églises de Comminges ouvre la voie de la comparaison pour la compréhension de l’édifice.

L’apport de l’archéologie sur l’étude monographique au début du XX e siècle

À partir de 1920, Pierre Lavedan, Raymond Lizop et Bertrand Sapène entreprennent les fouilles de la ville antique de Saint-Bertrand-de-Comminges. Ce coup de projecteur sur les richesses antiques de la ville est ce qui a probablement incité le Congrès Archéologique de France à se pencher de nouveau sur la cathédrale : c’est François Deshoulières qui en fera la visite, suivie de la présentation de la basilique de Saint-Just de Valcabrère, en 1929 . L’auteur reprend de ses prédécesseurs la théorie de l’évangélisation par Saturnin, mais ne cite pas l’historique de la ville : il s’agit ici de se concentrer sur l’église, et son mobilier (un article complet est dédié aux stalles du XVIe siècle).
Deshoulières est le premier à questionner le bâtiment partie par partie pour en comprendre l’évolution, du portail jusqu’au chœur sans faire l’impasse sur la première travée. Cette méthode organisée et rationnelle est héritée des enseignements nouveaux du début du XXe siècle, délivrés entre autres par Eugène Lefèvre-Pontalis à l’École des Chartres, et qui permet une analyse plus précise de la cathédrale par l’étude de l’édifice en tant que tel.
Ainsi, l’auteur met en avant deux phases de construction bien distinctes pour la période romane : de la fin du XIe jusqu’au début du XIIe siècle, c’est-à-dire pendant l’épiscopat de Bertrand (1083-1123), puis durant le XIIe , alors que le pèlerinage sur la tombe du saint prend beaucoup d’importance. Pour cela, il note le « rhabillage » du clocher, visible selon lui dans la différence d’appareil entre le fond de la niche au-dessus du portail et le reste de la façade du clocher. Il s’attarde sur le portail : dans la forme des bases des colonnes géminées de ce portail, dont les tores sont « déprimés et étagés », et dénués de scotie, ilidentifie une caractéristique de l’art roman du XIIe siècle de la région. Les bases de colonnes, et de manière plus générale les moulures dans l’architecture, étaient utilisées depuis Eugène Lefèvre-Pontalis, dont François Deshoulières était proche, comme un élément essentiel de datation, car l’évolution de leur profil se fait indépendamment des changements de goûts ou des choix de solutions techniques. Comme références pour les bases de colonnes de Saint-Bertrand-de-Comminges, François Deshoulières cite le cloîtrede Saint-Lizier à la fin du XIIe siècle, ainsi que celui de l’abbaye de Bonnefont pourtant
daté du XIIIe siècle, qui se trouve aujourd’hui à Saint-Gaudens . Les bases des colonnes engagées des piliers à ressauts de la première travée, formées de deux tores autour d’une profonde scotie, sont également, d’après l’auteur, caractéristiques du XIIe siècle, mais son argumentation reste très succincte : il dit simplement que « tout ici nous indique le XIIe siècle » . Un autre élément du XIIe siècle est la voûte en arc-de-cloître de la première travée, placée entre les arcades qui soutiennent le clocher. Cette voûte est composée « d’un oculus central vers lequel convergent huit nervures de section rectangulaire ». Sur le tympan, le fait que saint Bertrand ne soit pas nimbé lui fait avancer une possible datation entre l’année de la mort de l’évêque, en 1123, et l’année de sa canonisation, en 1175. Cette dernière date, citée aussi par Émile Mâle, n’est expliquée ni par l’un ni par l’autre, et elle est certainement erronée : dès 1982, Jean Rocacher signale que le pape Honorius III avait demandé une nouvelle enquête pour cette canonisation en 1218, et que la ville avait changé de nom, passant de Convenae à Saint-Bertrand-de-Comminges en 1222.

La quatrième travée

Nous avons préalablement décrit le vestige de la banquette du mur sud de la quatrième travée, préservé entre le support gothique oriental et l’escalier d’accès à la chapelle de Cosnac. Le morceau de mur qui surmonte cette banquette est de même nature que les autres murs gouttereaux romans, c’est-à-dire constitué d’un mélange de hauteurs d’assises, dont une dalle antique de remploi de très grande taille. Le reste du mur roman est perdu du fait de l’ajout de la chapelle haute de Cosnac. L’escalier montant à cette chapelle permet d’accéder à un escalier en vis ménagé dans l’épaisseur de la maçonnerie qui sépare la chapelle de la suivante à l’est (fig.78). Les parts de maçonnerie qui entourent la porte de l’escalier ont été reprises à plusieurs endroits, mais nous pouvons repérer un décrochement d’assise entre le parement du mur et les premières assises qui composent le faisceau de colonnes à l’est de l’escalier et ce jusqu’à la moulure supérieure ( fig.79). Cette partie du mur pourrait être un vestige de la maçonnerie romane. Cette même porte a été partiellement bouchée sur la droite par le mur de soubassement de la chapelle haute, comme le montrent le remaniement grossier du piédroit droit de la porte par du mortier et des pierres tout venant, ainsi que l’insertion maladroite d’un bloc faisant office de linteau disposée en biais entre l’axe de la porte et le mur.
L’escalier en vis auquel accède la porte est l’actuel accès pour les terrasses nord des chapelles gothiques. Il est de même nature que l’escalier du clocher, à la différence que ses marches sont moins larges (52 cm contre 70 cm pour le clocher), avec un noyau de même dimension. Selon Robert Vassas, la présence d’un jour rectangulaire – dont l’ébrasement intérieur est bien visible à l’intérieur de la cage d’escalier, qui s’ouvre aujourd’hui sur la chapelle suivante et qui devait à l’origine donner sur l’extérieur, indique qu’il s’agissait de l’extrémité est de la nef de Bertrand de L’Isle-Jourdain . Il n’y a toutefois pas de contreindication à ce qu’une cinquième travée se trouve au-delà de cet escalier, le jour étant toujours dirigé vers l’extérieur une fois le mur roman reconstitué. Par ailleurs, la collégiale de Saint-Gaudens possède deux escaliers similaires entre ses troisième et quatrième travées. L’escalier ne possède pas d’autre ouverture dans sa partie romane. Il s’élève jusqu’au niveau du sol des terrasses, soit un peu au-dessus du bandeau qui délimite le sommet des murs gouttereaux romans. Au delà de ce point, il a été prolongé pour atteindre la terrasse de la chapelle de Cosnac, les marches scellées et le noyau à tambours sont alors remplacés par des marches portant noyau, les traces d’outils et la mise en œuvre confirmant cette reprise postérieure (fig. 80). À mi-hauteur, un arc de la voûte de la chapelle de Cosnac pénètre la cage d’escalier, réduisant ponctuellement la largeur de quelques marches.

Les trous de boulin

Les trous de boulin sont un autre signe d’organisation du chantier. Ils restent toujours visibles, bien que tous bouchés durant les différentes restaurations par du mortier, ou des pierres taillées spécialement.
Sur le mur ouest, ils sont façonnés au bord inférieur des assises et s’organisent en lignes verticales et horizontales régulièrement alignées, malgré la présence des colonnes, des ressauts, et du portail central. Dans les extrémités inférieures que nous avons décrites plus haut, les trous de boulin sont façonnés dans la partie supérieure des assises, en léger décalage avec les alignements du reste du mur ouest.
Pour les murs gouttereaux, ils sont soit façonnés dans la partie inférieure des blocs, à la manière du mur ouest, soit maçonnés dans une ligne d’assises de faible hauteur. Ils forment deux lignes verticales sous chaque arcature, éloignées autant que possible l’une de l’autre, et deux lignes horizontales : que la portion de mur contienne une baie ou non, ces écartements permettent d’entourer la surface de la baie de manière régulière. Dans la partie supérieure des murs gouttereaux, entre deux et quatre trous de boulins sont repérables selon les travées, alignés verticalement avec ceux de la partie inférieure.

Les corbeaux de la tribune en bois disparue

Les vestiges de la tribune en bois, repérés par Adeline et Pierre Lespinasse en 1914 , sont toujours visibles aujourd’hui. Cette tribune, dont nous ne connaissons ni la date d’installation ni l’aspect précis, était portée par des poutres en bois qui reposaient sur des corbeaux en pierre tout en s’enfonçant dans la maçonnerie des murs gouttereaux.
Dans la première travée, les corbeaux ont été retirés, mais nous observons, un peu en-dessous du niveau des chapiteaux, sous les arcades ouest, deux bouchages d’une trentaine de centimètres de côté, l’un face à l’autre. Dans la seconde travée, les corbeaux sont encore en place, un au sud et deux au nord qui servent de supports pour l’orgue. Les deux corbeaux sous les arcades occidentales se font bien face de part et d’autre de la travée, et au sud, le bouchage du trou de la solive est bien visible. Toutefois, l’autel paroissial dressé contre le mur nous empêche de savoir si le second corbeau du mur nord a lui aussi un pendant. Il pourrait tout aussi bien être un remploi d’un des corbeaux de la première travée, inséré dans la maçonnerie au moment de l’installation de l’orgue. Par ailleurs, les pierres ajoutées sur le corbeau pour caler la base de l’orgue empêchent de voir si ce deuxième corbeau est surmonté ou non d’un trou pour une solive, et donc s’il a servi de support pour la tribune. Les deux derniers corbeaux se trouvent dans la troisième travée, à la même hauteur que les autres, mais tout contre le chapiteau central, sous l’arcade la plus à l’est. Leur emplacement indique que la tribune débordait sur la façade du jubé : cette tribune a donc été détruite au plus tard au moment de l’installation des stalles, comme Robert Gavelle l’avait déjà spécifié.
L’aspect des corbeaux ne permet pas de les dater avec précision. Pour leur forme, il s’agit de corbeaux en quart-de-rond soulignés d’un bandeau. Les traces d’outils en layures obliques sont à rapprocher des traces du reste de la construction romane, mais les arêtes encore très vives des corbeaux révèlent leur postériorité. De plus, ils ne sont pas parfaitement intégrés à la maçonnerie romane ni bien alignés avec les assises environnantes. Leur retrait et le bouchage de leur emplacement rend difficile leur analyse, mais nous pouvons affirmer qu’ils ont été ajoutés a posteriori dans les murs romans, puis retirés au moment de la construction du jubé et des stalles. Il est intéressant dès lors de rappeler que Jean Rocacher y voyait un coro alto, qui aurait été aménagé au moment de la destruction du chœur roman afin que le culte puisse continuer malgré les travaux .

L’intégration des piliers dans le plan

L’élaboration d’un plan au théodolite des trois premières travées de la nefs et des piliers à ressauts (fig. 85) a permis de mieux saisir les relations qu’entretiennent les piliers avec le reste de l’édifice, ce que ne permettait pas le plan de Robert Vassas (fig. 05). Les piliers du clocher, dont la forme complexe est presque parfaitement orthogonale dans ce plan s’avèrent dévier vers les murs gouttereaux pour leurs parties occidentales, tout en étant symétriques entre eux. La voûte en arc-de-cloître qui couvre la partie centrale de la première travée apparaît donc plus large à l’ouest qu’à l’est, les bas-côtés compensant cette déviation en se rétrécissant vers la façade. Ainsi, les colonnes engagées sur dosserets au revers de la façade occidentale sont plus écartées que leurs équivalents des piliers à ressauts, tout en restant chacune à égale distance des murs gouttereaux, soit environ 3,4 m (mesure prise de la colonne jusqu’au mur). De même les colonnes engagées des piliers à ressauts sont placées symétriquement, et se trouvent toutes les deux à environ 3,8 m des murs gouttereaux. Cette déviation d’une partie des piliers à ressauts, parfaitement identique de chaque côté, semble être davantage une solution technique pour compenser certaines irrégularités de la construction qu’une erreur de conception. La partie ouest des piliers est dirigée vers les colonnes engagées du revers de la façade pour recevoir les arcs latéraux de la voûte en arc de cloître, tandis que la partie orientale est alignée avec les murs de la nef et servait de point de départ pour les grandes arcades du vaisseau central, aujourd’hui disparues.
Les piliers du clocher apparaissent comme un organe de liaison entre la première travée et le reste de la nef et s’adaptent ainsi successivement à l’un puis à l’autre. Malgré la différence de voûtement de part et d’autre des piliers, l’organisation de la nef est pensée comme un ensemble cohérent et continu, puisqu’on y retrouve la séparation en trois vaisseaux, rappelée par les pilastres orientaux bûchés. Ces piliers à ressauts sont vraisemblablement une étape à part entière du chantier, et leur conception répond à la nécessité de puissants soutiens pour le clocher, mais aussi au besoin de relier deux parties de l’édifice pour la réalisation du voûtement et pour la bonne circulation dans l’église.
Leur construction est ainsi postérieure à la construction du mur périmétrique, ce qui a permis de les adapter à l’emplacement précis des colonnes engagées de la façade et des ressauts des murs gouttereaux.

Le passage dans la façade

Au-dessus de la niche du second niveau de la façade principale, une petite baie en plein cintre s’ouvre sur un passage aménagé dans l’épaisseur du mur (fig. 86). Le passage, couvert d’une voûte en plein cintre perpendiculaire à l’axe de la nef, est bas de plafond. Le seuil de la porte d’accès se trouve presque 1 m au-dessus des marches de l’escalier, obligeant l’usager à l’escalader plutôt qu’à le franchir (fig. 90). La porte est surmontée d’un tympan semi-circulaire vierge. Le désordre de la maçonnerie autour de l’encadrement, et le manque de raccord avec la voûte indique des remaniements de l’accès ou de la voûte. Le passage communique avec la nef par le biais d’une petite baie jumelée fermée par un vitrail ; son appui est au niveau du sol du passage, comme celui de la baie qui ouvre vers l’extérieur. Ce passage continue vers le sud après une porte par une petite pièce carré, puis par un escalier droit qui permet d’accéder à une baie ou une porte, fermée d’un volet (fig. 91). Elle est visible de l’extérieur, car elle s’ouvre juste au-dessus du solin de la toiture du collatéral sud. Une ouverture identique est visible sur la face nord, son accès se fait depuis l’escalier en vis à l’opposé de l’entrée du passage. La petite porte qui sépare le passage éclairé et la petite pièce au sud est en réalité formée par la construction d’un mur qui diminue l’ouverture primitive. De chaque côté, un pilastre et un chapiteau lisse sont pris dans le bouchage de moyen appareil ; l’arc qu’ils devaient supporter, probablement un arc doubleau de la voûte du passage, n’a pas été conservé (fig. 92). Le dessin de la façade antérieur à l’effondrement de 1878 réalisé par le Baron d’Agos (fig. 12), ainsi que la photographie après restauration de la façade ouest faite par Médéric Mieusement (fig. 11), nous indiquent que les toitures des collatéraux ont eu des inclinaisons et des hauteurs variables ; parallèlement, il ne subsiste aucune trace d’un possible second niveau de collatéraux, ou de combles, à la manière de la tour-porche de l’abbatiale de Sarlat-laCanéda . La fonction exacte de ce passage et des ouvertures nord et sud reste donc inconnue. L’ensemble semble être conçue comme un dispositif de communication de service : sa petite taille et son accès incommode excluent un usage liturgique, par exemple. L’existence, comme dans le cas de Sarlat-la-Canéda, d’un second niveau au-dessus des collatéraux, pour des usages domestiques, ou des logements, est possible, mais cette hypothèse se confronte à l’absence de vestiges correspondant au-dessus des-dits collatéraux. Les portes latérales pourraient n’être que les accès à la première charpente des collatéraux.
Au niveau du sol de la salle haute, nous observons une rupture dans l’intégration de la cage d’escalier, et une modification de son parement intérieur comme extérieur. En effet, elle devient saillante à l’intérieur de la salle, car la façade s’affine à partir de cet étage. Le mur de cage est dès lors constitué de moellons pris dans une quantité importante de mortier, tandis que le parement intérieur change d’un moyen appareil régulier à un parement irrégulier à joints très larges (fig. 93 et 94).

 

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Table des matières
Remerciements
Avant-Propos
Abbréviations
Introduction
1ère Partie : Présentation de l’objet d’étude
Chapitre 1 – Historique
1.La cité des Convènes avant 1083
2.Le « renouveau » de la cité avec l’évêque de Comminges Bertrand de L’Isle-Jourdain (1083 1123)
3.La cathédrale après saint Bertrand
Chapitre 2 – Historiographie
1.La cathédrale d’un seul homme, saint Bertrand
2.L’apport de l’archéologie sur l’étude monographique au début du XXe siècle
3.La thèse de Robert Vassas et sa postérité
4.Les synthèses de Dagmar Kroebel et de Jean Rocacher
Chapitre 3 – Historique des restaurations
Chapitre 4 – Présentation du site et de l’aire d’étude
2e Partie : Étude du bâti
Méthodologie
Chapitre 1 : Description archéologique
1 Analyse des élévations extérieures
1.1 .Les faces extérieures du clocher
1.2 .Les murs pignons des collatéraux de la première travée
1.3 .La façade nord
1.4 .La façade sud
2 Analyse des élévations intérieures et de l’organisation de la nef
2.1 .Le parement
2.2 .Le mur ouest, ou revers de la façade
2.3 .Le système de pilastres superposés des murs gouttereaux
2.4 .La séparation en travées
2.5 .La quatrième travée
2.6 .Les trous de boulin (fig. 56)
2.7 .Les corbeaux de la tribune en bois disparue
2.8 .Les piliers à ressauts
2.8.1 La séparation longitudinale de la nef
2.8.2 L’intégration des piliers dans le plan
3 L’équilibre du clocher dans la première travée
4 Le clocher : l’escalier en vis et la salle haute
4.1 .Le passage dans la façade
4.2 .La salle haute : morphologie générale
4.3 .Le mur est
4.4 .Les murs nord et sud
4.5 .Le mur occidental
4.6 .La voûte en arc-de-cloître
4.7 .Le bandeau d’appui du plancher disparu
4.8 .Évolution de la salle haute depuis son état roman
Chapitre 2 – Conclusion de l’étude de cas et restitution partielle de la cathédrale romane
3e partie : Comparaisons et mise en perspective du chantier de Saint-Bertrand-deComminges
Chapitre 1 : Comparaison de la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges avec la collégiale de Saint-Gaudens
Chapitre 2 : La tour occidentale et la première travée de la cathédrale romane de Saint-Bertrand-de-Comminges, et les autres solutions d’accueil dans les églises du sud-ouest de la France
1.Une avant-nef à Saint-Bertrand-de-Comminges ?
2.Les rapports avec les tours-porches du Limousin
3.Un aspect massif et un décor rare
4.Vers une datation et une cartographie du projet de la cathédrale romane
Chapitre 3 : Le système des arcatures intérieures dans la nef : comparaison avec des solutions similaires dans le sud-ouest de la France et le nord de l’Espagne
1. Arcatures contemporaines de la nef
1.1. Les églises à vaisseau central épaulé par des collatéraux moins élevés
1.2. Les églises à nefs uniques
1.3. Les églises à nefs uniques : les églises voûtées d’une file de coupoles
2. Arcatures ajoutée à posteriori après changement de voûtement
3. La question du décor
4. La fonction des arcatures de Saint-Bertrand-de-Comminges
Conclusion
Sources
Sources inédites
Sources publiées
Archives
Bibliographie
Table des illustrations
Table des matières

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