Comparaison FAST avec la GFP et la mCherry en contexte de biofilm croissant

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Initiation d’un biofilm

La première étape de la formation d’un biofilm est qu’au moins une cellule adhère à une surface (Berne, Ellison, Ducret, & Brun, 2018). Pour ce faire, les bactéries doivent passer d’un état planctonique, motile ou non, à un état sédentaire. Il a été démontré qu’il existe plusieurs stratégies chez les bactéries pour effectuer cette transition de mode de vie. La principale retrouvée dans de nombreux phylums bactériens est l’utilisation de méchano-senseurs qui, lorsqu’ils rencontrent une surface solide inerte (ou biologique), enclenchent une cascade de réactions moléculaires ayant pour but l’arrêt de la motilité et la fixation à la surface rencontrée (Belas, 2014). Deux familles de méchano-senseurs existent. La première est principalement liée aux flagelles dont se servent certaines bactéries pour se mouvoir. Lorsqu’une bactérie se rapproche d’une surface, les flagelles (dépendant de l’espèce, il peut y en avoir plusieurs) éprouvent les différences dans l’hydrodynamique du milieu dans lequel elles se meuvent (Utada et al., 2014). De plus, en se rapprochant de la surface, les flagelles peuvent la heurter, et la résistance qui lui est opposée réprime l’activité du ou des flagelles (Belas, 2014). La seconde famille de méchano-senseurs est représentée par les différents pili se trouvant à la surface des bactéries. En faible nombre lors de la phase motile d’une bactérie (O’Toole & Kolter, 1998), ils se multiplient sur la membrane ou la paroi cellulaire en cas de contact avec une surface et répriment l’activité flagellaire. Ces pili, dont le plus étudié est appelé TFP (pour « Type IV pilus »), accrochent la cellule à la surface (O’Toole & Wong, 2016). Il a été montré que ces pili particuliers permettent à la cellule de se déplacer tout en restant attachée à la surface (Maier & Wong, 2015) et tout en réprimant les flagelles et la motilité cellulaire attenante (Burrows, 2012). Il existe différents types de déplacement de surface utilisant les TFP. Le premier dit de « twitching » permet un déplacement sur de longues distances tandis que la cellule est orientée parallèlement à la surface. Ils peuvent également induire une « marche » cellulaire, dans laquelle le microbe se tient verticalement par rapport à la surface et semble explorer la surface locale (Gibiansky et al., 2010). Ce dernier type de déplacement est propice à un détachement des bactéries pour un retour à la motilité (Conrad et al., 2011). Ces deux déplacements permettent probablement à la cellule de « choisir » le meilleur endroit où se fixer à plus long terme, comme par exemple : (i) plus proche d’autres bactéries pour profiter de leur présence, (ii) en fonction de l’exposition à des facteurs du milieu contraignants (comme l’hydrodynamique ou le pH), ou (iii) favorables (comme une concentration locale importante de nutriments ou la présence d’adhésine), choisissant de s’éloigner des zones de milieux contraignants et de se rapprocher des zones favorables (Zhao et al., 2013). Tout le long de ces processus de contact avec la surface et d’exploration de cette surface, la cellule peut cependant retourner à un état motile. Une fois ces déplacements terminés, et la cellule sédentarisée, elle continue de faire proliférer ces pili ce qui active la synthèse de molécules intracellulaires comme l’AMPc (A Persat, Inclan, Engel, Stone, & Gitai, 2015) et le cyclic-di-GMP (Almblad et al., 2015b, 2015a; Kuchma et al., 2010). Ces deux molécules finissant de réprimer l’activité flagellaire et promeuvent la production des composés de la matrice extracellulaire, finissant ainsi l’installation de la bactérie à la surface et commençant son développement en biofilm. Cependant, ces molécules ne sont pas les seules impliquées, et toute une cascade de régulation entre en jeu rendant très complexe, encore aujourd’hui, la compréhension de l’engagement d’un biofilm par une cellule unique. De plus, chaque espèce de bactéries possède des variantes plus ou moins marquées de ces systèmes développés durant son évolution. Tout cela rend la phase d’initiation difficilement généralisable.

La matrice extracellulaire

Dans la plupart des biofilms matures, les micro-organismes en tant que tels représentent entre 10% et 50% de la masse, tandis que la matrice en représenterait entre 50% et 90% (H C Flemming & Wingender, 2010; Frolund, Palmgren, Keiding, & Nielsen, 1996). Cette matrice, sécrétée par les micro-organismes, consiste en une agglomération de différents types de biopolymères (homo- et hétéro-polysaccharides, protéines, ADN) – connus sous le nom de substances polymériques extracellulaires (EPS, pour « extracellular polymeric substances » en anglais) – qui forment le support de l’architecture tridimensionnelle du biofilm. La formation d’un biofilm permet un mode de vie totalement différent de l’état planctonique, et plusieurs fonctions de l’EPS, qui ont été mises en évidence, démontrent de nombreux avantages pour ce mode de développement pour les cellules (Donlan, 2002; H C Flemming & Wingender, 2010).
Ainsi les EPS de la matrice extracellulaire des biofilms sont responsables du maintien de leur adhérence aux surfaces et de leur cohésion. Les EPS immobilisent les cellules du biofilm dans la matrice extracellulaire et les maintiennent à proximité les unes des autres (Sutherland, 2001). Cela permet aux cellules de faciliter de possibles interactions entre elles (Lee et al., 2014), telles que la communication cellule à cellule et la formation de micro-consortia synergiques (Karatan & Watnick, 2009). En raison de la rétention des enzymes extracellulaires, un système « digestif » externe polyvalent est généré, permettant une plus grande captation des nutriments d’intérêt contenus dans la phase aqueuse (Wingender & Jaeger, 2003). La matrice sert également de centre de recyclage en gardant tous les composants des cellules précédemment lysées. Les EPS peuvent aussi servir de source de nutriments, en cas de pénurie de sources de carbone et d’azote. Cependant, certains de leurs composants ne sont que lentement métabolisables en raison de leur complexité et donc de la grande quantité d’enzymes nécessaire pour y parvenir. De plus, la matrice extracellulaire protège les micro-organismes s’y logeant contre la déshydratation, contre les biocides et antibiotiques (Anderson & O’Toole, 2008; Stewart & Costerton, 2001), mais aussi contre les rayonnements ultraviolets, ou encore contre la prédation de certains protozoaires dans la nature (Raghupathi et al., 2018) ou bien contre les défenses immunitaires d’un hôte que la population infecte (Ciofu, Tolker-Nielsen, Jensen, Wang, & Høiby, 2015; Luanne Hall-Stoodley, 2004). Sur le plan écologique, la concurrence et la coopération dans l’espace confiné de la matrice d’EPS conduisent à une adaptation constante des propriétés physiques et chimiques de la communauté (Decho & Gutierrez, 2017; Xavier & Foster, 2007).
Les substances composant la matrice peuvent varier considérablement entre les biofilms, en fonction des micro-organismes qui les composent et de l’environnement où le biofilm se forme changeant en fonction du flux, de la température et de la disponibilité des nutriments (Kumar Singha, 2013). Les EPS initialement dénommées « polysaccharides extracellulaires », ont été renommées car il est devenu évident que la matrice contient également des protéines, des acides nucléiques, des lipides et d’autres biopolymères tels que des substances humiques (Costa, Raaijmakers, & Kuramae, 2018; Decho & Gutierrez, 2017; Frolund et al., 1996; Sutherland, 2001). Globalement, les EPS représentent une fraction dominante du réservoir de carbone réduit dans les sols et les sédiments, ainsi que des agrégats en suspension dans les océans et les eaux douces. Dans ces zones, ils servent de nutriments pour les micro-organismes et jouent donc un rôle important dans l’écologie microbienne (Decho, 1990; Decho, Visscher, & Reid, 2005).

Les interactions inter-espèces

Dans la nature, les biofilms sont composés de levures, de micro-algues, d’archées, et/ou d’espèces très différentes de bactéries. Cette hétérogénéité génétique des cellules composant un biofilm est très grande aussi bien en nombre d’espèces différentes, qu’en effets possibles que cette diversité d’espèce peut avoir sur la population. On peut ainsi observer de multiples interactions inter-espèces, dont la complexité augmente grandement avec le nombre d’espèces présentes dans la communauté (Ren, Madsen, Sorensen, & Burmolle, 2015; Tan, Lee, Burmølle, Kjelleberg, & Rice, 2017).
Une partie des interactions est liée aux propriétés adhésives des cellules elles-mêmes et de leur matrice extracellulaire. Ainsi, des bactéries ne synthétisant pas de matrice extracellulaire, ou des bactéries en produisant une faiblement adhésive ou peu coercitive, peuvent se fixer à une communauté microbienne déjà en place et bénéficier des avantages de ce mode de vie tout en contribuant à sa diversification et à son adaptabilité (Alexander H. Rickard et al., 2003).
Cette co-agrégation permet l’émergence d’un deuxième groupe d’interactions liées à l’assimilation des nutriments du milieu. Des complémentarités métaboliques bénéfiques peuvent apparaitre entre différentes espèces, rendant plus efficace l’assimilation de composés présents dans l’environnement du biofilm (Burmølle, Ren, Bjarnsholt, & Sørensen, 2014). Deux principales interactions nutritives ont été mises à jour. La première est la mise en commun d’enzymes de digestion dans la matrice extracellulaire du biofilm de manière altruiste, permettant à tous les membres de la communauté d’en profiter. La seconde se rapproche plus du recyclage : une cellule relargue un composé qu’elle ne peut métaboliser dans la matrice, et une seconde cellule le récupère car pouvant le digérer (Absalon, Ymele-Leki, & Watnick, 2012). Ce deuxième type d’interaction peut concerner plusieurs espèces en même temps et créer une chaîne de coopération. De plus, elle peut aussi concerner plusieurs voies métaboliques bénéficiant, dans différents sens, aux cellules impliquées. D’autre part, il a été démontré que certaines bactéries pouvaient produire des molécules agissant comme des inducteurs de croissance stimulant le développement d’autres espèces microbiennes, comme la relation de la bactérie Phaeobacter inhibens qui produit de l’indole-3-acetic acid qui accélère la croissance de la micro-algue Emiliania huxleyi qui elle-même sécrète du tryptophan qui attire les bactéries sus-mentionnées (Segev et al., 2016). Cependant, des molécules à l’effet inhibiteur ont aussi été mises en évidence, montrant qu’il pouvait exister une compétition entre les espèces d’un biofilm.

Hydrodynamique

La majorité des biofilms se forme dans des milieux aquatiques où l’hydrodynamique peut grandement varier, que ça soit au cours du temps (crue) ou entre les différents milieux (par exemple, entre un lac et un ruisseau). L’absence d’écoulement est rare et se retrouve principalement dans les points d’eau stagnante éphémères. Nous nous intéresserons ici seulement aux cas d’hydrodynamique continue ou intermittente. L’hydrodynamique d’un milieu peut en premier lieu influencer le site de première adhérence des cellules, qui vont avoir tendance à se fixer aux endroits les moins exposés aux forces de cisaillement (Merritt, Danhorn, & Fuqua, 2007; Thomen et al., 2017). Les bactéries ont toutes un seuil de cisaillement en dessous duquel elles peuvent s’installer sur une surface, dépendant de leur motilité, de leur morphologie, et de leur adhérence (Junghyun Kim et al., 2013). Il a ainsi été montré sur les biofilms formés par Escherichia coli en canaux milli-fluidiques de différentes géométries (section des canaux variables) mais à flux constant, donc avec des forces de cisaillement différentes mais un débit constant, qu’il existe un seuil de cisaillement au-dessus duquel aucune initiation de biofilm ne peut commencer (Thomen et al., 2017).
Une fois qu’un biofilm a commencé à se développer, le flux du milieu, en plus d’imposer une contrainte mécanique à la communauté, impacte la composition chimique du milieu où il pousse. Ainsi, il lave en permanence les sécrétions que les cellules émettent, comme les enzymes, les EPS et les autres molécules de la matrice extracellulaire (Kirisits et al., 2007), mais en parallèle ce flux renouvelle en permanence les nutriments qu’elles utilisent pour croître (Besemer, Singer, Hödl, & Battin, 2009; Mašić, Bengtsson, & Christensson, 2010; Rochex, Godon, Bernet, & Escudie, 2008). De plus, le flux du milieu de développement d’un biofilm impacte son écologie, par l’apport de nouvelles cellules à la communauté et l’essaimage de cellules issues de cette dernière (Alexandre Persat et al., 2015; Stewart, 2012). Ainsi, le flux a une forte influence sur l’adhésion initiale de bactéries sur une surface. Il apparaît que, plus le flux est fort, plus les contraintes de cisaillement qu’il exerce sur les surfaces l’est aussi, limitant mécaniquement l’adhésion initiale des cellules (Bakker, Postmus, Busscher, & Van Der Mei, 2004; De La Fuente et al., 2007). Cependant, il a aussi été démontré qu’une plus forte contrainte de cisaillement pouvait améliorer l’attachement aux surfaces des cellules, dans une certaine gamme de valeurs. En effet, chez Escherichia Coli s’est développé un système de fimbriae optimisant son adhésion une fois à la surface en condition de fort flux. Ainsi, en comparant deux valeurs de cisaillement de 0.26 pN.µm-2 et de 2.2 pN.µm-2, il a été observé 12 fois plus d’attachement de cellules aux surfaces à faible cisaillement, mais une durée de contact supérieure à 30 sec dans 2% des cas à faible cisaillement contre plus de 80% des cas à fort cisaillement (Thomas, Nilsson, Forero, Sokurenko, & Vogel, 2004; Thomas, Vogel, & Sokurenko, 2008; Whitfield, Luo, & Thomas, 2014). D’autre part, il a été démontré qu’une fraction de Pseudomonas aeruginosa d’une communauté mono-espèce présente sur une surface pouvait utiliser leur TFP pour remonter le flux et coloniser de nouvelles surfaces, augmentant de même leur propagation, en utilisant le twitching précédemment mentionné (cf. I.2.A). Il semblerait aussi que cela soit vrai pour toutes les bactéries ayant des TFP polaires (Meng et al., 2011; Shen, Siryaporn, Lecuyer, Gitai, & Stone, 2012). Enfin, il a aussi été observé que la structure et la morphologie d’un biofilm dépendait des forces de cisaillement du flux avec lequel il se formait, et qu’un biofilm formé à de plus forts cisaillements était plus dense, comme observé sur des biofilms de Pseudomonas fluorescens où à flux fort (0.8 m/s) la hauteur des biofilms formés est plus petite (-17%) qu’à flux faible (0.1 m/s), bien que la biomasse générée soit égale (Araujo et al., 2016). Une augmentation des forces de cisaillement, en plus de modifier la morphologie du biofilm, peut le faire se détacher partiellement, favorisant la dissémination de la communauté aussi bien pour les biofilms de P. aeruginosa (gram négatif, motile) que de S. aureus (gram positif, non motile) (Rupp, Fux, & Stoodley, 2005).

Approches méthodologiques de l’étude des biofilms

Types de communauté étudiés

Les biofilms naturels présents dans le sol, les océans et les eaux douces, ou encore chez les eucaryotes, sont traditionnellement étudiés en terme de biomasse générée au cours du temps ainsi qu’en utilisant des outils génomiques permettant de déterminer les pourcentages de phylum bactériens présents ainsi que les espèces de ces phylums. Des études génétiques de ces communautés sont aussi menées et permettent de caractériser des métabolismes particuliers de ces écosystèmes microbiens, tels que les métabolismes du souffre, du méthanes, de nitrification, etc (Orcutt, Sylvan, Knab, & Edwards, 2011). Pour cela, les biofilms sont extraits et fixés, puis est effectué sur ces échantillons une analyse génomique pour essayer de savoir quels gènes sont présents dans les bactéries (ce protocole permettant aussi de déterminer quelles espèces sont présentes par l’analyse de l’ADN ribosomal 16S (Mohit, Culley, Lovejoy, Bouchard, & Vincent, 2017)). Une analyse transcriptomique des ARNs présents peut aussi être réalisée, et la quantité des différents ARNs permet de connaître les utilisations faites par les bactéries de leurs gènes, et de comparer ces utilisations entre différents biofilms (compositions d’espèces, adaptation aux milieux) (Vogel & Marcotte, 2013). Enfin, une analyse protéomique, et moléculaire, peut aussi être faite pour déterminer les constituants de ces biofilms (Planchon et al., 2009).
Cependant, l’étude des biofilms naturels, et a fortiori celle des interactions entre les différentes espèces les formant, est compliquée pour deux principales raisons. La première cause de difficulté est la très grande variabilité des espèces composant ces biofilms naturels et de la méconnaissance des espèces précises les composant. En effet, il est estimé au mieux qu’à peine 1/10000 des espèces de bactéries dans le monde étaient connues (Little, Robinson, Peterson, Raffa, & Handelsman, 2008)(Little et al., 2008), et seule une fraction est très bien caractérisée. Les études de ces biofilms naturels sont donc forcément globales et non spécifiques. La seconde cause de difficulté est la grande diversité de ces biofilms, principalement due au grand nombre de variables impliquées dans leurs développements (composition de la surface de développement, composition en terme d’espèces, abondance des espèces). Des études de biofilms naturels au nombre d’espèce plus restreint ont cependant été menées pour déterminer des interactions inter-espèces. Ainsi, par exemple, des échantillons de biofilm bucco-dentaire d’humain ont été étudiés à l’aide de microscopie optique afin de déterminer des interactions de co-localisation entre les espèces (Valm et al., 2011). Ce genre d’étude demande un développement constant de technique d’analyse d’image et de marquage, mais reste dépendant au nombre d’espèces présentes dans la communauté, où une plus grande diversité implique une plus grande difficulté d’analyse.
Pour pallier ces difficultés, dues aux grands nombres d’espèces, tout en restant proche de ces systèmes naturels, il a été fait des isolations de souches présentes dans des biofilms de différents milieux pouvant croître en laboratoire en communauté restreinte, par sélection de ces souches, et en bonne représentativité de phylum dominant. Ces biofilms issus de la nature permettent l’étude plus détaillée des processus de formation des biofilms, de leur développement et des interactions qui s’y établissent, le tout dans un environnement contrôlé physico-chimiquement. Ainsi, il devient plus aisé d’étudier les interactions entre les espèces selon un schéma plus simple (figure intéractions « rond jaune ») et de caractériser plus précisément la nature des interactions observées (Faust & Raes, 2012; Segev et al., 2016).

Microscopie optique et rapporteurs fluorescents

Une des méthodes répandues pour étudier les biofilms est la microscopie. De nombreuses études concernent des biofilms immergés mono-taxoniques, et l’emploi de la microscopie se fait à des temps fixes de développement après fixation des échantillons en utilisant des colorants fluorogènes ou des protéines fluorescentes qu’on leur fait produire (Amine Ben Mlouka, Cousseau, & Di Martino, 2016; Haagensen et al., 2007; Thomas R. Neu et al., 2010; Sanchez-Vizuete, Le Coq, et al., 2015). Cependant, dans le cas des biofilms multi-espèces un problème se pose quant à la séparation des différentes espèces. Pour y remédier, plusieurs colorants ou protéines visant différentes cibles plus ou moins spécifiques (membrane cellulaire, paroi cellulaire, protéines spécifiques, etc..), et avec des caractéristiques d’excitation et/ou d’émission distinctes, sont utilisés (T R Neu & Lawrence, 2015; T R Neu et al., 2010). Ces méthodes permettent d’étudier la formation de biomasse à des stades précis et la structure spatiale des bactéries dans les biofilms. Ces techniques permettent d’avoir un aperçu global de la cinétique de développement des communautés, néanmoins plusieurs d’entre elles ne permettent qu’une acquisition ponctuelle (FISH, SEM, TEM) (Alhede et al., 2012; Bleck et al., 2010; Chatterjee, Biswas, Datta, Dey, & Maiti, 2014; Hannig, Follo, Hellwig, & Al-Ahmad, 2010). De plus, beaucoup des colorants exogènes utilisés sont toxiques, et les techniques de microscopies utilisées peuvent être souvent délétères pour les cellules (FISH, SEM, etc..) (Azeredo et al., 2017).
Pour l’étude de formation des biofilms sous flux en temps réel, permise par le développement de la micro- et milli-fluidique (J Kim, Park, & Chung, 2012), il est impossible d’utiliser ces techniques classiques demandant une préparation des échantillons, souvent délétère, ou utilisant des colorants toxiques au long terme. Cependant, il est possible d’utiliser la microscopie optique classique à épi-fluorescence en se basant sur les protéines fluorescentes produites par les cellules des biofilms (T R Neu et al., 2010). Néanmoins, ces protéines fluorescentes présentent des limitations. La première est liée à la faisabilité de transformation génétique des micro-organismes des biofilms étudiés, surtout pour les souches naturelles, difficulté non présente avec des colorants exogènes. La seconde est liée à la maturation de ces protéines, dépendant de la concentration en dioxygène du milieu, qui est fortement consommé par les cellules pour se développer, qui plus est dans l’environnement particulier que sont les biofilms où règne de multiples gradients chimiques. Cela demande donc de mettre en place des méthodes innovantes pour ce genre de système. Pour cela, depuis une quinzaine d’années, l’usage de protéines fluorogènes exotiques s’est développé, comme les protéines fluorescentes inductibles UNAG (avec de la bilirubine) (Kumagai et al., 2013) ou LOV (avec de la flavine) (Buckley, Petersen, Roe, Douce, & Christie, 2015). Cependant, ces complexes protéiques fluorescents présentent des limitations dues à leurs propriétés physico-chimiques. Nous présenterons dans cette thèse une stratégie alternative plus efficace que celles susmentionnées appelé FAST.

Cytométrie en flux

Une autre méthode utilisée pour étudier les communautés de cellules formant des biofilms est la cytométrie en flux. Cette technique est principalement utilisée pour quantifier les populations des biofilms, a fortiori elle permet de déduire aussi la biomasse, ainsi que pour mesurer la viabilité des cellules dans ces communautés (Cerca et al., 2011; Oliveira, Lima, Brás, França, & Cerca, 2015). Cependant, comme pour les principales méthodes de microscopie (SEM, FISH, etc…), la cytométrie est une mesure ponctuelle nécessitant de collecter le biofilm, et pouvant utiliser des colorants exogènes fluorescents. Néanmoins, elle reste d’une grande aide, car elle permet de séparer les cellules et de déterminer un nombre donné pour une biomasse. Cela est d’autant plus intéressant dans les études de biofilm multi-espèces, où le rapport du nombre de cellules avec la biomasse peut être très différent entre une population de petites cellules et pour une de grandes cellules. Durant cette thèse, nous avons utilisé cette technique pour quantifier les populations de nos biofilms à différents temps de développement.

Les techniques -omiques

Les deux précédentes méthodes présentées décrivent soit l’observation de base, soit l’analyse de biofilms. Cependant, en raison de la complexité du biofilm, il est nécessaire d’adopter une perspective plus large et d’utiliser une approche holistique pour décrire les biofilms. Pour cette raison, l’approche des études -omiques pour analyser et décrire les biofilms en tant que structures complexes ont fortement été utilisées pour étudier les changements qui se passent au niveau des gènes (gènomique), des ARNs (transcriptomique), des protéines (protéomique) et métabolique (métabolomique) (Azevedo, Lopes, Keevil, Pereira, & Vieira, 2009). Les analyses – omiques ont révélé des différences physiologiques survenant au cours du développement des biofilms en réponse à des interactions avec son environnement, comme le passage de la motilité à l’adhérence à une surface, ou la réponse au stress lié au manque d’O2 dans le milieu (An & Parsek, 2007), mais aussi de manière symbiotique entre espèces (Lenahan et al., 2014; Sheridan et al., 2013). Tous ces niveaux d’étude –omiques transmettent différentes informations, toutes complémentaires entre elles à un moment donné (Vogel & Marcotte, 2013). Ainsi, l’étude génomique d’une population évoluant en biofilm montre la capacité de ces cellules à muter pour s’adapter, mais ce processus est très lent, et n’est pas le plus adéquat pour ce genre de système à des échelles de temps comme celles des études en laboratoire. L’étude transcriptomique quant à elle fournit des informations sur l’ensemble des transcriptions présentes dans la population, mettant en exergue la réponse des cellules à leur environnement. Ainsi, il a été démontré en usant de cette technique (et de la protéomique) les différences de transcriptome (et de protéome) de populations bactériennes mono-taxoniques issues de culture planctonique et celles de culture en biofilm (De Angelis, Siragusa, Campanella, Di Cagno, & Gobbetti, 2015; Planchon et al., 2009). Les différentes techniques -omiques se complètent entre-elles pour étudier la physiologie cellulaire au cours de la formation du biofilm (Lenahan et al., 2014; Liu et al., 2016; Sheridan et al., 2013).
Cependant, ces techniques sont compliquées à m’être en place dans des populations multi-espèces. En collaboration avec une équipe de chercheurs de l’Institut Micalis, nous avons entamé l’étude transcriptomique de nos biofilms, en développant un protocole permettant de différencier les différentes espèces simultanément et dans le but de mettre en avant des différences de transcriptomes entre les conditions de nos biofilms et pour chaque espèces les constituant. Cependant, l’étude étant en cours, elle ne sera pas discutée dans ce manuscrit.

Bacillus thuringiensis

Nous avons utilisé une souche de Bacillus thuringiensis 407 cry- (Sheppard, Poehlein, Rosenstiel, Liesegang, & Schulenburg, 2013), et produit plusieurs souches dérivées de celle-ci (Tab. II.2.). La première souche dérivée exprime le gène de la GFP sous promoteur PaphA3, inséré sur le chromosome via le plasmide pRN5101-PaphA3-gfp. La deuxième souche exprime le plasmide pRN5101-Psar-Yfast. La troisième souche exprime la protéine FAST sous promoteur PsarA, inséré sur le chromosome via le plasmide pRN5101-Psar-Yfast. Les plasmides pRN5101-PaphA3-gfp et pRN5101-Psar-Yfast sont issus d’un plasmide pRN5101, plasmide naturel thermosensible issu de Bacillus sphaericus (Ge et al., 2014; Poncet et al., 1997), contenant respectivement le gène codant pour la protéine GFP sous promoteur PaphA3 et le gène codant pour la protéine FAST sous le promoteur Psar ainsi qu’un gène de résistance à l’érythromycine.

Kocuria salsicia

Nous avons utilisé une souche sauvage de la famille des Micrococcaceae, que les analyses taxonomiques basées sur 16S et « Average nucleotide identity » (ANI) ont pu déterminer comme étant Kocuria salsicia (Yun et al., 2011) (Tab. II.2.).

Rhodocyclus sp.

Nous avons utilisé une souche sauvage de la famille des Rhodocyclaceae. Les analyses sont encore en cours pour déterminer plus clairement l’espèce. Nous appellerons ici cette souche Rhodocyclus sp. (Tab. II.2.).

Protéines fluorescentes

GFP : Cette protéine fluorescente verte (GFP, pour « green fluorescent protein ») a une longueur d’onde d’excitation optimale à 488nm et une longueur d’onde d’émission optimale à 522nm. mCherry : Cette protéine fluorescente rouge, dérivée de la protéine fluorescente DsRed, a une longueur d’onde d’excitation optimale à 568nm et une longueur d’onde d’émission optimale à 585nm.
FAST : La protéine FAST a été développée dans le groupe du Dr. Arnaud Gautier. Lorsque cette protéine est en présence d’un analogue synthétique fluorogène de l’hydroxybenzylène rhodanine (HBR), développé aussi par la même équipe, elle forme un complexe fluorescent (Li et al., 2017; M.-A. Plamont et al., 2015). Nous avons ici utilisé l’HBR-2,5-DM (4-hydorxy-2,5-dimethylbenzylidene rhodanine) qui, une fois lié à la protéine FAST, fluoresce en vert (em. 552nm) sous une excitation bleue (494nm), ainsi que l’HBR-3,5-DOM (4-hydroxy-3,5-dimethoxybenzylidene rhodanine) qui fluoresce en rouge (em. 600nm) sous une excitation verte (518nm).

Milieux de culture

Pré-cultures d’Escherichia coli

Toutes les cultures de cette souche ont été faites à 37°C. Une première étape de culture sur boîte de Pétri composée de LB agar (Annexe A) supplémenté avec 7.5 μg/ml de tétracycline est réalisée à partir d’un stock de bactéries conservé à -80°C. Puis on dilue une colonie unique prélevée de la boîte de Pétri dans un Erlenmeyer contenant du LB supplémenté avec 7.5 μg/mL de tétracycline, avant incubation sous agitation durant toute une nuit. Le lendemain matin, cette culture est diluée dans du milieu minimum M63B1 (Annexe A) supplémenté avec 0.4% de glucose pour obtenir une culture en phase de croissance exponentielle d’une densité optique à 600nm (OD600) égale à 0.2 après quelques heures d’incubation sous agitation. Enfin, on initie les biofilms en inoculant cette culture (OD600 0.2) dans des canaux milli-fluidiques, à une concentration approximative de 106 cellules par mL. On laisse au repos durant 90 minutes avant de lancer le flux de milieu M63B1 supplémenté avec 0.4% de glucose à 1mL/h. La totalité des expériences en canaux milli-fluidiques est menée à une température controllée de 37°C.

Pré-cultures des membres de la communauté 4S

Toutes les cultures des souches Bacillus thuringiensis, Pseudomonas fluorescens, Kocuria salsicia et Rhodocyclus sp. sont réalisées à 30°C. Les milieux utilisés pour ces souches sont le M1 et le Mb (Annexe A). Les souches Bacillus thuringiensis 407 cry- (« blanc »), GFP et chromosome FAST n’ont pas de résistance à un antibiotique. Les souches de Bacillus thuringiensis plasmide FAST, Pseudomonas fluorescens « blanc », Pseudomonas fluorescens mCherry, Kocuria salsicia et Rhodocyclus sp., ont une résistance antibiotique (Tab. II.3).
Une première étape de cultures sur boîtes de Pétri en M1 agar et supplémentées avec antibiotique, correspondant à la souche inoculée, a été faite à partir de stock de bactéries issues de stock conservé à -80°C. Ensuite, une deuxième étape de cultures a été faite en M1, ou en Mb, avec antibiotique. Ces cultures ont été inoculées avec des colonies uniques, issues de cultures sur boîtes, pour une nuit (OVN) à la température voulue et avec agitation. Le lendemain matin, une troisième étape de cultures a été réalisée à partir des cultures OVN en appliquant des dilutions spécifiques à chaque espèce dans 5ml de M1, ou Mb, afin d’obtenir une culture en phase de croissance exponentielle 8h plus tard.

Préparations spécifiques des différentes expériences

Expérience biofilm

Après une mesure de l’OD600 des cultures en phase exponentielle, les cultures sont diluées pour former un inoculum composé de 1 à 4 espèce(s) ayant chacune une concentration de 106 cellules par mL. Puis cet inoculum est injecté dans un canal milli-fluidique et laissé au repos durant 1h avant de lancer le flux de Mb à 1mL/h.

Expérience cytométrie

Après une mesure de l’OD600 des cultures en phase de saturation, exponentielle, ou issues des biofilms, les échantillons sont dilués dans le tampon de cytométrie (FACS flow BD ou Buffer MACSQuant, dépendant du cytomètre utilisé) à des concentrations permettant une analyse quantitative des échantillons (105-107 cellules par mL). Eventuellement, on ajoute différents colorants fluorogènes : HBR 2.5 DM, HBR 3.5 DOM, FM4-64 (Thermofisher).

Expérience tecan

Après une mesure de l’OD600 des cultures en phase de saturation, exponentielle, ou issues des biofilms, les cultures ont été diluées, ou non, dans du milieu M1 ou Mb, à des concentrations dépendantes des expériences, menées avec l’ajout ou non d’un des fluorogènes HBR.

Dispositif milli-fluidique

Nous avons développé la micro-fabrication de canaux milli-fluidiques d’une longueur de 30mm, d’une largeur de 1mm et d’une hauteur de 1mm. Un mélange de polydimethylsiloxane (PDMS, RTV615 A + B, de Momentive) a été versé à température ambiante dans différents moules micro-usinés en polyvinyl chloride, et laissé à réticuler dans un four à 65°C pour au moins 3h après dégazage avec une pompe à vide. Les gabarits en PDMS ainsi obtenus sont percés afin de pouvoir brancher plus tard des raccords et des tuyaux adaptés. Ces gabarits et des lamelles de verre sont ensuite nettoyés dans une enceinte à plasma d’oxygène (Harrick) et immédiatement scellés les uns aux autres, afin de former des canaux fermés à l’exception des trous précédemment percés. Ces canaux sont ensuite remplis avec de l’eau milliQ, et laissés à reposer pour au moins 2h. Enfin, après inoculation des bactéries dans les canaux, ils sont branchés en utilisant de fins connecteurs métalliques (0.013″ ID and 0.025″ OD) aux entrées et des tubes microbores Tygon (0.020″ ID and 0.06″ OD) approvisionnés par Phymep (France) aux sorties. Les connecteurs métalliques sont aussi reliés à des tuyaux microbores Tygon (0.020″ ID and 0.06″ OD) puis connectés à des seringues montées sur pousse-seringues. On peut ainsi appliquer un flux de milieu contrôlé dans les canaux. Les fins connecteurs métalliques forment des goulets qui limitent la colonisation en amont par les bactéries présentes dans les canaux. L’éffluant des canaux est collecté au cours du temps afin d’analyser les bactéries relachées par le biofilm (Fig. II.3).

Principe de la cytométrie en flux

La cytométrie en flux est une technique permettant de compter et de caractériser des cellules individuellement en les faisant défiler une à une à grande vitesse devant un jeu de lasers (Fig. II.6).
La séparation des cellules est basée sur les propriétés dynamiques d’écoulement laminaire coaxiales décrites par Reynolds (Reynolds, 1894). L’échantillon contenant les cellules est pressurisé puis injecté dans un écoulement gaine, stable, à l’aide d’une buse. La vitesse de suspension cellulaire dépend de la pression du fluide de gaine qui est fixée par construction de façon à optimiser la précision de la focalisation hydrodynamique et à assurer une bonne qualité de l’analyse de l’échantillon.
Les cellules isolées passent ensuite devant un ou plusieurs laser(s) cohérent(s) et monochromatique(s). C’est durant cette étape que les mesures sont effectuées. Lorsque la cellule passe dans le faisceau d’excitation, la lumière est réfractée dans toutes les directions. La diffusion de la lumière aux petits angles (lumière diffusée vers l’avant entre 1° et 9°, FSC pour « Forward Scattering ») est collectée près de l’axe du faisceau laser par une photodiode ou un tube photomultiplicateur. Le signal FSC est corrélé à la taille (volume) des cellules. La diffusion de la lumière aux grands angles (lumière diffusée à 90°, SSC pour « Side Scattering ») est collectée de manière orthogonale à l’axe du laser du faisceau laser par une photodiode ou un tube photomultiplicateur. Le signal SSC est une combinaison de diffusion, et de réfraction provoquée par la complexité structurelle dans la cellule. C’est aussi aux grands angles que sont mesurées les intensités de fluorescence des cellules. Les différentes longueurs d’onde sont filtrées par des miroirs dichroïques et des filtres d’émission adéquats (passe-bande haut, passe-bande bas ou passe-bande mixte).

Appareillage et acquisition

Nous avons utilisé durant cette recherche deux cytomètres différents. Le premier cytomètre utilisé est un FACS Calibur de BD Biosciences. Il est composé d’un laser principal à ion-argon, refroidi par circuit d’air, émettant un faisceau d’une longueur d’onde de 488nm avec des filtres d’émission à 530/30 nm (acquisition FL1), 585/42 nm (acquisition FL2) et >670nm (acquisition FL3) (cf. Annexe C). C’est avec ce laser principal qu’ont été mesurés les FSC et SSC. Ce cytomètre possède aussi un laser annexe — une diode rouge émettant à 633 nm avec un filtre d’émission à 661/16 nm (acquisition FL4). Les paramètres d’acquisition sont résumés Tab. II.5.
Nous avons utilisé pour les mesures de nos échantillons un débit d’injection de l’échantillon de 35µl/min et un temps d’acquisition généralement de 20sec. Les échantillons ont tous été mesurés en présence de billes fluorescentes F13081 (de diamètre 1µm, avec une excitation à 495nm et une émission à 505nm) à concentration fixe pour agir en tant que calibre permettant de corriger les diverses fluctuations expérimentales. De plus, nous avons effectué nos mesures avec ou sans HBR-2.5-DM (à 2µM), ainsi qu’avec ou sans un colorant membranaire, le FM4-64 ([N-(3-Triethylammoniumpropyl)-4-(6-(4-(Diethylamino) Phenyl) Hexatrienyl) Pyridinium Dibromide], avec une excitation à 488 nm et une émission à 640 nm, concentré à 50 µg/ml). Entre chaque mesure, le dispositif a été brièvement et manuellement nettoyé pour prévenir les contaminations entre les différentes mesures.

Analyses de cytométrie en flux

Mise au point de l’analyse MACSQuant VYB

Les données obtenues par MACSQuant VYB ont été analysées en utilisant le logiciel FlowJo. Nous avons analysé les données produites sous une représentation point par point sur un graphique 2D (dotplot), avec en abscisse le SSC. La détection de Pseudomonas fluorescens est effectuée par une détermination directe dans un canal d’acquisition de la fluorescence de la mCherry (Y2), dans une zone ne considérant que les bactéries fluorescentes en comparaison avec les acquisitions effectuées sur le tampon (Fig II.6-1). Le seuil de détermination de cette zone est fixé à 400 a.u.. De la même manière, nous avons fixé la zone de détermination de Bacillus thuringiensis, dans le canal d’acquisition des fluorescences de la GFP et du complexe FAST : HBR- 2.5-DM (B1), avec pour seuil 600 a.u.. De plus, en utilisant le colorant exogène (FM4-64), nous avons pu déterminer l’ensemble de la population de bactéries de nos échantillons, via un autre canal d’acquisition des fluorescences rouge (Y3). La zone de détermination a été mis en place avec des échantillons de Rhodocyclus sp., car cette bactérie est la plus difficile à caractériser en cytométrie, avec un seuil changeant avec la valeur de SSC en abscisse (Fig II.6-2), et fonctionne pour toutes les bactéries de la communauté 4S. Nous avons ensuite confirmé ces zones en regardant leur efficacité à exclure les cellules non fluorescentes : Bacillus thuringiensis, Kocuria salsicia et Rhodocyclus sp. en Y2 pour la détermination de Pseudomonas fluorescens .
Pseudomonas fluorescens, Kocuria salsicia et Rhodocyclus sp. en B1 pour la détermination de Bacillus thuringiensis ; et en l’absence de colorant en Y3.
Enfin, dans le contexte de mélange d’espèces, nous avons mis en place une méthode pour différencier les souches. Les fluorescences ressortent dans les canaux d’acquisition B1 et Y2, respectivement pour Bacillus thuringiensis et Pseudomonas fluorescens. Une zone spécifique de Rhodocyclus sp. en Y3 est contenue entre 600 et 4000 a.u. en canal SSC et entre 150 et 800 a.u. en canal Y3. Enfin, la détermination de Kocuria salsicia en cas de mélange d’espèces se fait en prenant la population globale fluorescente en Y3 avec FM4-64, et en soustrayant les autres espèces (Fig. II.7).

Mise au point de l’analyse FACS Calibur

Les données obtenues par FACS Calibur ont été analysées en utilisant le logiciel dédié CellQuest Pro. Nous avons analysé les données produites sous la même représentation qu’avec le MACSQuant VYB, en dotplot, avec le signal FSC en abscisse et les canaux de fluorescence ou de SSC en ordonnée. Un seul canal de données pouvait clairement différencier une des souches fluorescentes, Bacillus thuringiensis en GFP aussi bien qu’en FAST : HBR-2.5-DM : le canal FL1, au-dessus d’une valeur de 9 a.u. d’intensité et en-dessous de 3000 a.u.. De plus, en utilisant le canal FL3, une zone spécifique aux Pseudomonas fluorescens a pu être déterminée entre 7 et 100 a.u. d’intensité de FL3 et entre 1 et 50 a.u. de FSC. En combinant le canal FL3 au FM4-64, nous avons pu déterminer le nombre de bactéries totales (Bacillus thuringiensis, Pseudomonas fluorescens, Kocuria salsicia et Rhodocyclus sp. seul ou dans différents mélanges) dans mes échantillons entre 7 a.u. et 3000 a.u. d’intensité de FL3 (Fig. II.8).
Cependant, ces zones spécifiques, déterminées via l’étude de cultures liquides et d’échantillon de biofilm en condition mono-espèces, se superposent avec les autres souches, à l’exception du cas de Bacillus thuringiensis en FL1, en fonction de leur phase de croissance, des conditions de culture et des cellules non-fluorescentes qui auraient dû l’être (cf. annexe C). Cela a limité l’interprétation des données en condition de mélanges artificiels issus de cultures planctoniques ou expérimentaux issus de biofilm. Une méthode a néanmoins été développée en prenant la population de Bacillus thuringiensis seulement via le canal FL1, les Kocuria salsicia en considérant les grands objets non fluorescents dans le canal FL1 (FSC supérieur à 35 a.u.), les Pseudomonas fluorescens via leur présence en FL3 sans colorants exogènes, et R en prenant la population globale, moins les autres espèces.

Rapporteurs génétiques fluorescents en biofilm bactérien

Pour mieux comprendre les mécanismes de formation des biofilms bactériens, nous cherchons à développer un suivi cinétique en temps réel de paramètres caractéristiques tels que la quantité de biomasse formée et sa distribution spatiale. Le premier enjeu de ces travaux est un enjeu technique qui demande de mettre en œuvre des marqueurs fiables des bactéries en biofilm. Les progrès récents vis-à-vis des protéines fluorescentes codées génétiquement ont conduit au développement d’approches de microscopie à fluorescence pour l’imagerie des biofilms. Prodiguant en principe spécificité moléculaire et résolution temporelle et spatiale dans les cellules vivantes, les protéines fluorescentes de la famille GFP sont largement utilisées depuis deux décennies pour suivre l’expression des gènes, marquer des souches spécifiques ou mesurer des fonctions spécifiques dans les biofilms vivants. Cependant, les analyses quantitatives et les études sur les biofilms peuvent être gênées par la sensibilité de la fluorescence des protéines fluorescentes au niveau d’oxygène du milieu. En effet, l’étape finale de la maturation des chromophores, qui confère la capacité de fluorescence à la protéine, implique une étape de déshydrogénation, dépendante de l’oxygène, nécessitant un niveau minimal d’oxygène moléculaire. Cependant, dans les biofilms, la distribution spatio-temporelle de l’O2 résultant de l’équilibre des processus de consommation et de diffusion entremêlées est hétérogène, mal caractérisée et très dépendante des conditions environnementales et du stade du biofilm.
Pour éclaircir ce point, nous nous sommes intéressés au suivi des signaux des protéines fluorescentes de la famille GFP, en biofilm bactérien, en particulier à l’utilisation de la GFP et la mCherry d’un biofilm en croissance. Nous avons montré les limites de ces marqueurs fluorescents et comment les surmonter par la mise en place d’une nouvelle protéine à fluorescence inductible : FAST, qui fluoresce à 552nm en complexe avec l’HBR-2.5-DM avec une excitation à 494nm, et en rouge (600nm) en complexe avec l’HBR-3.5-DOM avec une excitation à 518nm (M. A. Plamont et al., 2016). Nous avons caractérisé et comparé cette protéine FAST aux deux protéines fluorescentes précédemment utilisées.
Nous avons choisi de mener cette étude sur des biofilms d’Escherichia coli bien connus et bien caractérisés au laboratoire (Thomen et al., 2017). Ce travail a fait l’objet d’une publication dans la revue « Scientific Reports » (Monmeyran et al., 2018), et ce chapitre résume le travail présenté dans cette publication.

Linéarité et distribution spatio-temporelle de la fluorescence de la GFP et représentativité avec la µOD

Nous avons utilisé différentes souches génétiquement modifiées pour produire les différentes protéines fluorescentes (cf. II.1.A). Les bactéries ont suivi un protocole de pré-culture (cf. II.1.C) puis elles ont été inoculées dans des canaux milli-fluidiques de dimension 1x1x30mm en PDMS (cf. II.2) utilisés pour la vidéo microscopie, sous un flux à 1mL/h de milieu nutritif.
Nous avons tout d’abord étudié la distribution spatiale de la fluorescence de la GFP produite par Escherichia coli. Pour ce faire, nous avons recueilli les intensités de fluorescence et de µOD au cours du temps sur plusieurs zones du champs d’acquisition de vidéo-microscopie acquis en bord du canal (Fig. III.1.1-A) : une zone contenant le champ global d’acquisition Rfull, une zone resserrée contre le bord du canal Redge et une dernière zone au centre du canal Rcentre (Fig. III.1.1-B). Nous avons comparé les cinétiques de fluorescence et de µOD de ces zones (Fig. III.1.1-C). Notre première observation a été que la µOD et la fluorescence se superposent pour la zone Rfull durant les 5 premières heures de croissance du biofilm, divergent ensuite pour le reste des expériences où la µOD continue de croître et la fluorescence sature. De plus, en comparant les cinétiques des différentes zones Rfull, Redge et Rcentre, nous avons remarqué que la cinétique de l’intensité de fluorescence varie d’une zone à l’autre, en intensité et en forme de cinétique, et que la fin de la période de superposabilité de la µOD et de la fluorescence prend fin au bout de 5h pour Rcentre et après 7h30 pour Redge. Nous en avons conclu qu’à partir d’un certain développement du biofilm, la quantité de GFP synthétisée par les cellules ne varie plus linéairement avec le nombre de cellules estimé via la µOD, contrairement à ce qui est attendu pour un gène exprimé de manière constitutive. D’autre part, cette divergence est plus forte et rapide à apparaître au centre du canal qu’au bord, dans nos conditions hydrodynamiques, alors que la biomasse générée est similaire sur toute la surface du canal observée. Cela suggère qu’un facteur environnemental distribué de manière asymétrique affecte le marqueur fluorescent.

Impact de la concentration hétérogène en O2 sur la fluorescence de la GFP en biofilm

Il est connu depuis le début de l’emploi des protéines fluorescentes de la famille GFP, que ces protéines ont besoin d’une étape d’oxydation pour se conformer correctement, et pouvoir fluorescer, nécessitant une certaine concentration en O2 dans le milieu (Heim, Prasher, & Tsien, 1994; Tsien, 1998). Dans cette partie, nous avons trouvé que la fluorescence de la GFP est contrôlée par la concentration en O2 du milieu, et qu’il existe un seuil en-dessous duquel la conformation correcte de la GFP n’a plus lieu. Dans un biofilm en croissance, la consommation d’O2 augmente avec le nombre des cellules qui le composent — le taux d’O2 chutant potentiellement en dessous du seuil de concentration requise pour une conformation correcte des protéines de type GFP.
Nous avons montré cela en mesurant la distribution de l’oxygène dans des biofilms âgés d’environ 20h, en utilisant des micelles fonctionnalisées avec des complexes de Ruthénium fluorescent présentant un temps de vie de fluorescence dépendant de l’oxygène. Ces micelles ont été injectées dans les biofilms puis on a mesuré le temps de vie de fluorescence du complexe en microscopie (Fig. III.1.2-A) afin d’obtenir la distribution spatiale de l’oxygène (Fig. III.1.2-B) dans le canal. Nous avons ensuite comparé cette distribution spatiale à celle des intensités de fluorescence et de µOD mesurées dans les mêmes conditions (Fig. III/1/2-C,D). Nous avons alors remarqué que les profils de distribution spatiale de l’intensité de fluorescence et de l’O2 sont corrélés, avec un fort niveau au bord du canal et un faible niveau au centre (Fig. III.1.3-B,E), alors que la distribution spatiale de la µOD ne montre pas de différence importante entre le bord et le centre (Fig. III.1.2-D,E). L’établissement de ce gradient d’oxygène est cohérent avec la perméabilité attendue du PDMS à l’oxygène.
Ces résultats montrent les limites de l’utilisation la GFP pour l’étude des biofilms. Le même comportement a aussi été obtenu avec la protéine mCherry, ce qui tend à généraliser nos conclusions à toute la famille des protéines de type GFP.

Comparaison FAST avec la GFP et la mCherry en contexte de biofilm croissant

Nous cherchions donc une alternative lorsque nous avons pris connaissance des travaux d’Arnaud  Gautier dédiés à un nouveau système de marquage des cellules vivantes engageant une protéine fluorogène, FAST (M.-A. Plamont et al., 2015). Initialement, cette protéine a été développée pour pouvoir marquer de manière réversible, rapide et non toxique des cellules, et pour développer une nouvelle méthode pour effectuer une imagerie de multiplexage séquentiel.
FAST est une protéine de 14 kDa évoluée à partir de la protéine photo-activable (PYP) issue de Halorhodospira halophila (M. A. Plamont et al., 2016). La protéine FAST peut se lier un analogue fluorogène synthétique de l’hydroxybenzyliden rhodanine (HBR) pour former un complexe fluorescent (Li et al., 2016). Cette fluorescence due à la fixation d’une molécule HBR n’est donc pas liée à la concentration en O2 du milieu. Plusieurs fluorogènes différents ont été mis au point, formant des complexes de propriétés de fluorescence distinctes (Tab. III.1.1).
Dans nos expériences, nous avons utilisé deux HBR : l’HBR-3.5-DOM (en complexe avec FAST, fluoresce en rouge) que l’on peut utiliser en combinaison avec la GFP ; et l’HBR-2.5-DM (en complexe avec FAST, fluoresce en vert) utilisable avec des cellules exprimant la mCherry (cf. II.1.B).
En étudiant les cinétiques des courbes de fluorescence du complexe FAST : HBR-2.5-DM et de la mCherry (Fig. III.1.3-A), nous avons remarqué une divergence de ces cinétiques au cours de la formation du biofilm après 2h de croissance, comme attendu. Ces résultats ont aussi été obtenus avec la comparaison de la GFP et du complexe FAST : HBR-3.5-DOM après 5h de croissance du biofilm (plus de détails dans le papier, ci-après). Nous avons pu aussi observer le passage de la dominance de la fluorescence de la mCherry au complexe FAST, via l’observation de la vidéo-microscopie en superposition des deux fluorescences (Fig. II.1.3-B).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I. Introduction 
I.1. Généralités
I.1.A. Une brève histoire de la microbiologie
I.1.B Les bactéries
I.1.B.1. Les bactéries, pilier de la biosphère
I.1.B.2. Quelques exemples de biofilms
I.1.B.2.a. Biofilms naturels
I.1.B.2.b. Biofilms et activité humaine
I.2. La formation d’un biofilm
I.2.A. Initiation d’un biofilm
I.2.B. La matrice extracellulaire
I.2.C. Les interactions inter-espèces
I.2.D. Hydrodynamique
I.3. Approches méthodologiques de l’étude des biofilms
I.3.A. Types de communauté étudiés
I.3.B. Microscopie optique et rapporteurs fluorescents
I.3.C. Cytométrie en flux
I.3.D. Les techniques -omiques
II. Matériels et méthodes 
II.1. Microbiologie
II.1.A. Souches
II.1.A.1. Escherichia coli
II.1.A.2. Espèces de la communauté bactérienne
II.1.A.2.a. Pseudomonas fluorescens
II.1.A.2.b. Bacillus thuringiensis
II.1.A.2.c. Kocuria salsicia
II.1.A.2.d. Rhodocyclus sp.
II.1.A.2.e. Communauté 4-espèces en biofilm
II.1.B. Protéines fluorescentes
II.1.C. Milieux de culture
II.1.C.1. Pré-cultures d’Escherichia coli
II.1.C.2. Pré-cultures des membres de la communauté 4S
III.1.C.3. Préparations spécifiques des différentes expériences
II.1.C.3.a. Expérience biofilm
II.1.C.3.b. Expérience cytométrie
II.1.C.3.c. Expérience tecan
II.2. Dispositif milli-fluidique
II.3. Microscopie optique
II.3.A. Montage expérimental
II.3.A.1. Microscope
II.3.A.2. Imagerie
II.3.B. Analyse d’image
II.4. Lecteur de plaque
II.4.A. Appareillage
II.4.B. Analyse
II.5. Cytométrie
II.5.A. Principe de la cytométrie en flux
II.5.B. Appareillage et acquisition
II.5.C. Analyses de cytométrie en flux
II.5.C.1. Mise au point de l’analyse MACSQuant VYB
II.5.C.2. Mise au point de l’analyse FACS Calibur
III. Résultats et interprétations
III.1. Rapporteurs génétiques fluorescents en biofilm bactérien. Introduction d’un nouveau rapporteur à fluorescence inductible : FAST.
III.1.A. Linéarité et distribution spatio-temporelle de la fluorescence de la GFP et représentativité avec la μOD
III.1.B. Impact de la concentration hétérogène en O2 sur la fluorescence de la GFP en biofilm
III.1.C. Comparaison FAST avec la GFP et la mCherry en contexte de biofilm croissant
III.2. Etude cinétique du développement d’un biofilm quatre espèces sous flux
III.2.A. L’origine du biofilm 4 espèces
III.2.B. Formation et développement d’un biofilm 4 espèces en flux
III.2.C. Etude des marqueurs quantitatifs du biofilm 4S
III.2.C.1 Protéines fluorescentes : Limitations en biofilm 4S
III.2.C.2 Quantification des signaux de fluorescence
III.2.C.3 Le coefficient de corrélation et la dynamique spatiale au sein du biofilm
III.2.D Structure et dynamique de la formation du biofilm 4S.
III.2.D.1 Comportements individuels en contexte 4S
a) Cinétique de croissance
b) Distribution spatiale
c) Dynamique spatiale
a) Cinétique de croissance
b) Distribution spatiale
c) Dynamique spatiale
III.2.D.2 Composition de l’état stationnaire
III.2.D.3 Phases individuelles versus phases collectives
III.2.E Conclusion
III.3. Les différents mélanges de biofilm : analyse combinatoire
III.3.A. Les associations de Pseudomonas fluorescens
III.3.B. Les cas complémentaires contenant Bacillus thuringiensis
III.3.C. Les cas particuliers de Kocuria salsicia et/ou Rhodocyclus sp
III.3.C.1. Kocuria salsicia
III.3.C.2. Rhodocyclus sp
III.3.C.3. Biofilm 2S Kocuria salsicia et Rhodocyclus sp
III.3.D. Conclusion
IV. Conclusions et perspectives
IV.1. Conclusions
IV.2. Perspectives
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *