Comparaison du vidéo-laryngoscope et de la laryngoscopie classique

Modifications hémodynamiques en impesanteur

   L’architecture du système cardiovasculaire humain est dépendante de la gravité terrestre. L’impesanteur entraine une redistribution du volume sanguin circulant du système capacitif veineux vers le territoire cave supérieur. [2] Ce mécanisme est interprété par les baroréflexes comme une situation d’hypervolémie et entraine l’activation secondaire de mécanismes compensateurs (augmentation de la diurèse par exemple) dans les premièressemaines de vol. Cette adaptation est responsable d’une hypovolémie relative secondaire à la diminution de 10 à 20 % du volume sanguin circulant [3]. En vol spatial, le profil rythmique semble être celui d’une hyperexcitabilité cardiaque puisque sont documentés :
– une augmentation du niveau basal des catécholamines circulantes. [4]
– une sensibilisation accrue des récepteurs -adrénergiques. [5]
– un allongement de l’intervalle QT. [6]
Ce profil peut être problématique en cas de prise de médicaments allongeant le QT (antiémétiques, somnifères), et pourrait théoriquement représenter un risque lors d’une induction anesthésique Plusieurs épisodes d’accès de fibrillation auriculaire ou de tachycardie ventriculaire ont été décrit. [7] Les résistances vasculaires systémiques chutent rapidement après passage en impesanteur, sans retentissement sur les chiffres de pression artérielle. Lors de simulations en vol parabolique sur Terre [8] les chiffres de pressions artérielles sont inchangés ou discrètement abaissés, principalement sur la composante diastolique. La redistribution volémique entre les deux territoires cave décrite précédemment amène à une modification des mécanismes de contrôle à long terme de la pression artérielle. Nous pouvons citer, entre autres, une augmentation des taux plasmatiques en rénine et en angiotensine dans l’espace, amenant à une rétention hydro-sodée et une diminution de l’excrétion rénale en sodium. Ces adaptations sont responsables à long terme d’une diminution de la diurèse [9], contrastant avec l’augmentation transitoire de diurèse dans les premiers jours de vol.

Contraintes liées aux rayonnements cosmiques

    Un autre danger guette l’être humain à sa sortie de l’atmosphère, et représente le principal frein à l’exploration spatiale selon de nombreux experts. L’espace est un milieu ionisant, où de puissants rayonnements cosmiques dégradent l’ADN et les capacités de réparation cellulaire. Dans l’espace les astronautes sont soumis à deux types de rayonnements :
– Le rayonnement cosmique de fond, constant.
– Des éruptions solaires, inconstantes.
Quelques notions de dosimétrie peuvent replacer un séjour spatial dans ce contexte radiatif.
– Une personne vivant dans une région au niveau de la mer reçoit 1,6 milliSievert (mSv) par an (rayonnement naturel terrestre).[12]
– Une tomodensitométrie abdominale délivre entre 5 et 10 mSv.
– Dans l’ISS, un astronaute sur une durée de mission standard (environ 200 jours) reçoit à peu près 130 mSv [13] Le Soleil émet en permanence dans l’espace un dangereux flux de particules (le vent solaire) qui parfois déclenche des phosphènes chez les astronautes en traversant leurs globes oculaires (par effet Tcherenkov). Mais ce sont les éruptions solaires qui constituent le principal danger pour les équipages. Ces phénomènes sont très brefs qui ne durent en général que quelques heures et libèrent une quantité de particules très énergétiques (de 40 à 500 mégaélectron volts (MeV)). Ces « tempêtes ionisantes » peuvent tuer un équipage non protégé. Une éruption solaire peut en effet délivrer plusieurs centaines de Sievert dans un intervalle de quelques heures.

Effets cognitifs, comportementaux et sociaux de l’isolement

   L’isolement prolongé en milieu clos met en danger l’intégrité psychologique d’un équipage, cette contrainte étant connue des participants aux missions polaires ou en sousmarin. Ce « syndrome mental d’hivernage » peut comprendre : [14]
– Une diminution des capacités intellectuelles.
– Une baisse de la productivité et des compétences techniques.
– Une augmentation de l’hostilité envers les autres membres d’équipage.
– Des comportements impulsifs.
A ce jour la composition de l’équipage idéal n’est pas connue. Certaines missions (Mars 500 :520 jours d’isolement) ont pour objet l’étude des comportements humains dans ces milieux confinés afin de répondre à ces problématiques. Certains astronautes décrivent également un « choc cognitif » lors de l’observation de la Terre depuis l’espace. Baptisé « overview effect », il résulte de la prise de conscience de la petitesse et de la fragilité de nos conditions d’habitabilité à l’échelle cosmologique. L’absence de visualisation de la planète Terre lors d’une mission martienne peut théoriquement créer une perte d’équilibre psychique chez l’astronaute.

Compétences soignantes à bord

  Tous les astronautes de la NASA et de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) reçoivent une formation médicale de base. Certains astronautes ont été recrutés parmi le corps médical mais le référent médical à bord (Crew Medical Officer : CMO) n’est pas nécessairement un médecin. Son expérience professionnelle et sa pratique clinique de la médecine peuvent être limitées (par exemple, absence de pratique de médecine d’urgence intra ou extra hospitalière).[21] Le profil idéal recherché pour les missions interplanétaires serait un spécialiste en médecine spatiale et réanimation ou médecine d’urgence, avec des compétences optionnelles en chirurgie, médecine d’expédition, médecine interne, psychiatrie, gynécologie et chirurgie dentaire. Le référent médical devra également maîtriser l’échographe présent à bord.

Homéostasie respiratoire et mission habitée : un équilibre fragile

   Comme nous l’avons décrit précédemment, de nombreux facteurs de risque environnementaux peuvent dégrader la fonction respiratoire des astronautes. Lors d’une mission spatiale, un astronaute reste vivant grâce à un système clos et artificiel recréant les conditions atmosphériques (pression partielle en oxygène, pressurisation). La survie est également dépendante de filtres et de la présence de systèmes éliminant le CO2. (ECLSS Life Support System). Alors que l’impesanteur ne semble pas constituer une agression pulmonaire en soi, d’autres contraintes pourraient amener à court ou moyen terme à une nécessité de soutien respiratoire. Parmi les facteurs d’atteintes pulmonaires directes nous retrouvons :
– les radiations cosmiques, avec le risque de pneumopathie radique lors des voyages prolongés pour des missions interplanétaires.
-la présence d’irritants respiratoires (fuites de carburant, liquide de refroidissement, poussières martiennes chargées en manganèse).
-l’inhalation de fumées en cas d’incendie
– L’inhalation de petites particules en suspension : l’apesanteur augmente la présence de particules flottantes dans la navette (57).
-Une augmentation du risque infectieux à bord en lien avec le confinement des équipages, une immunodépression acquise et une majoration de la virulence bactérienne. [35-40]
– une dénutrition et une atrophie musculaire pouvant diminuer la mécanique musculaire diaphragmatique et des muscles accessoires.
La nécessité d’une assistance respiratoire pourrait également être nécessaire en cas de perte de la commande ventilatoire centrale.

Protocole d’intubation en microgravité

   Deux opérateurs (un expert et un novice) ont effectué cinq tentatives (non randomisées) consécutives avec un même dispositif (alternativement soit un laryngoscope direct soit un vidéo laryngoscope) avant de changer de position. Un troisième opérateur était chargé de la gestion du matériel et du contrôle du succès ou de l’échec de l’intubation. Figure 13 : Configuration expérimentale : position d’attente avant l’entrée en période de micropesanteur (l’opérateur chargé de l’intubation est à la tête du mannequin et l’opérateur aidant à sa gauche) : la position allongée est recommandée pour mieux supporter les variations de pesanteur chez les primo-volants (Crédit : CNES -Novespace) La configuration expérimentale est illustrée sur la figure 13.
– Le mannequin était sanglé au sol de la cabine.
– L’opérateur devant réaliser l’intubation était en position assise à la tête du mannequin. Chaque parabole a offert 25 secondes d’apesanteur au cours desquelles une tentative d’intubation était effectuée. L’opérateur d’intubation tenant le laryngoscope (vidéo laryngoscope ou laryngoscope direct) dans sa main gauche à l’entrée en micropesanteur. Chaque tentative était terminée à la fin de l’insertion de la sonde d’intubation ou à la fin de période de microgravité. (Figure 14) Le temps entre chaque parabole (environ 90 secondes) a été utilisé pour vérifier le succès ou l’échec de l’intubation. L’opérateur ayant réalisé la tentative d’intubation donnait à haute voix son score de certitude concernant le succès ou l’échec de l’intubation. Le ballonnet était ensuite gonflé et le patient ausculté en ventilation manuelle. Une intubation sélective était considérée comme un échec d’intubation.

Laryngoscopie directe

   Le taux de réussite en laryngoscopie directe était plus élevé chez les experts que chez les novices, quelle que soit la condition de gravité (p<0,001) (figure15)
– En normogravité, le taux de succès des experts était de 84% (21/25) versus 40% (8/20) pour les novices.
– En microgravité, le taux de succès des experts était de 96% (24/25) versus 40% (8/20) pour les novices. Les experts ont également été plus rapides que les novices en intubation quelle que soit la condition de gravité. (Figure 6).
– En normogravité, les experts ont intubé en 11,0 secondes en moyenne (+/-4,0 secondes ; IC 95% [9,0 ; 12,0]) et les novices en 14,8 secondes (+/-3,9 secondes ; IC95% [13,0 ; 16,6]) pour les novices (p=0,01)
– En microgravité, les experts ont intubé en 12,5 secondes (+/- 5,4 secondes ; IC95% [10,3;14,8]) et les novices en 17,4 secondes ( +/-3,7 secondes ; IC 95% [15,6 ;19,2]) pour les novices (p=0,006)

Seconde étude en vol parabolique de Rabitsch et al.

 En 2006, ce travail a comparé l’intubation orotrachéale par laryngoscopie directe et le Combitube ©. Le Combitube © est un dispositif d’insertion dans les voies aériennes supérieures, à double ouverture dont le tube distal pénètre dans l’œsophage et dont la ventilation est assurée par le tube proximal qui s’ouvre au niveau du larynx[39]. Les auteurs ont évalué le temps d’insertion et le taux de succès de l’intubation orotrachéale par laryngoscopie directe à celui du Combitube © au cours de vols en normogravité et de vols paraboliques, sur un mannequin sanglé. (Figure 19) Dans cette étude, quatre paramédicaux ont réalisé 58 intubations orotrachéales et 62 applications du Combitube®, la moitié d’entre elles en conditions de gravité normale et l’autre moitié lors de vols paraboliques en condition de microgravité. Les deux dispositifs ont eu des taux de succès élevés à 90% en microgravité et en normogravité. Il y avait un léger avantage en temps d’insertion en faveur du Combitube ©[39]. Le taux de succès élevé des intubations avec un laryngoscope direct au cours de cette étude peut être expliqué par l’installation des opérateurs à genoux à la tête du mannequin, cette position pouvant néanmoins être peu réaliste en cas d’urgence à bord de l’ISS. Avant notre étude, la littérature mettait en lumière l’absence de dispositif « parfait » pour l’intubation en micropesanteur. Si le taux de succès d’intubation orotrachéale était élevé lorsqu’effectué sur mannequin sanglé par des anesthésistes experts[47], la performance était catastrophique avec des opérateurs novices[38] [39]. Il existait toujours un compromis entre positionnement des opérateurs, expertise et protection des voies aériennes puisqu’aucun dispositif ne permettait d’outrepasser les difficultés techniques du geste. Une récente revue de la littérature [42] recommandait ainsi, en cas de nécessité de ventilation en urgence d’un patient lors d’une mission spatiale, d’utiliser en première intention un dispositif supra-glottique tel qu’un masque laryngé [45]. L’avantage du masque laryngé réside aussi dans une courbe d’apprentissage plus rapide que l’intubation par laryngoscopie directe pour des non-spécialistes [48]. Cependant, bien que pouvant convenir à des prises en charge initiales de pathologies graves ou de situation de sauvetage, les masques laryngés présentent des limites. La présence de nombreux facteurs de risque de régurgitation comme liés au « mal de l’espace » avec épisodes de nausées [49], de reflux gastro-œsophagien associés à une diminution de la motilité́ gastrique [50]sont à prendre en considération lors de son utilisation en milieu d’impesanteur. Il existe de plus certaines situations pour lesquelles une sonde d’intubation orotrachéale sera indispensable, comme par exemple la prise en charge d’un acte chirurgical abdominal ou dentaire, ou le contrôle des volumes et pressions pulmonaires lors d’une détresse respiratoire. La maîtrise de l’intubation reste donc un enjeu majeur de la formation des prochains équipages pour les missions d’exploration spatiale. Concernant la vidéolaryngoscopie, ce dispositif présente des avantages en condition terrestre. Nous avons confirmé ces bénéfices en environnement unique d’impesanteur. La présence de l’écran permet de créer un invariant visuel perceptif, permettant à l’opérateur de garder un repère visuel fixe malgré une instabilité de la tête, des épaules et du tronc ainsi que des perturbations visuo-spatiales et vestibulaires. La présence d’un invariant visuel se retrouve également dans d’autres domaines de travail, comme par exemple pour le contrôle d’une cible pour les pilotes de chasse (« visual locking »)

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Table des matières

Introduction
1. Répercussions de l’impesanteur et de la sortie hors de l’atmosphère terrestre sur la physiologie humaine
1.1 Contraintes physiologiques liées à l’impesanteur
1.1.1 Modifications hémodynamiques en impesanteur
1.1.2 Physiologie pulmonaire en micropesanteur
1.1.3 Contraintes liées aux rayonnements cosmiques
1.1.4 Risque de dépressurisation.
1.1.5 Effets cognitifs, comportementaux et sociaux de l’isolement.
1.1.6 Chronobiologie
1.1.7 Phase de transition gravitationnelle (retour sur Terre)
2. Possibilités de soin en milieu spatial
2.1 Compétences soignantes à bord
2.2 Réserves médicales matérielles
2.3 Communications radio et expertise terrestre
2.4 Possibilités d’évacuation sanitaire
2.4.1 A bord de l’ISS
2.4.2 Cas d’une évacuation lors d’une mission lunaire ou martienne
3. Epidémiologie et analogie avec certains milieux terrestres
3.1 Epidémiologie
3.2 Analogie avec certains milieux terrestres
3.2.1 Analogie en milieu polaire
3.2.2 Analogie milieu militaire sous-marin
4. La gestion des urgences respiratoires et l’abord des voies aériennes en milieu spatial
4.1 Homéostasie respiratoire et mission habitée : un équilibre fragile
4.2 Facteurs de risque d’intubation difficile en milieu spatial
4.2.1 Facteurs de risque liés au patient
4.2.2 Facteurs liés aux contraintes techniques et humaines
4.3 Etudes précédentes en micro-pesanteur
Matériel et Méthode
1. Population
2. Simulation d’impesanteur
3. Mannequin et Équipement
4 Méthodologie de l’expérience en vol
5. Protocole expérimental
5.1 Protocole d’intubation en microgravité
5.2 Protocole d’intubation en normogravité
6. Critères de jugements et hypothèses
7. Analyses statistiques
Résultats
1. Analyse interindividuelle entre experts et novices
1.2 Laryngoscopie directe
1.3 Vidéo-laryngoscopie
2. Analyse intra-individuelle : comparaison de l’effet du dispositif et de la gravité sur les performances de l’opérateur
Discussion
Listes des figures et tableaux
Bibliographie
Annexes
Serment d’Hippocrate

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