Comparaison des situations avec et sans la présence de l’enseignant dans la régulation des échanges

L’oral en classe : contexte et enjeux

L’oral dans les programmes : une évolution dans sa considération

Durant la III république la culture de l’écrit est l’objectif principal à atteindre des programmes. Il faut attendre la crise des années 1960 et la rénovation de l’enseignement du français dans tous les pays francophones, pour que l’oral arrive en force dans les instructions officielles, les manuels scolaires, les plans d’étude. Dans le même temps, la didactique de l’oral était liée aux problèmes des registres de langue : « on ne mesurait pas encore à quel point les relations interpersonnelles sont primordiales à l’oral, alors qu’à l’écrit le contenu à transmettre passe d’abord » (Pinthon M., 2003, p.7).
Aujourd’hui, nombreux sont les psychologues et les psycholinguistes à confirmer que les verbalisations et les échanges langagiers participent grandement à la dynamique des apprentissages chez les élèves.
Dès lors, la parole doit trouver sa place à l’école primaire, aussi bien en tant que vecteur des apprentissages que comme un enseignement spécifique.

L’oral comme vecteur d’apprentissage des contenus disciplinaires

L’oral de l’école participe à l’apprentissage des usages seconds de la langue et c’est en cela qu’il est un outil d’accès aux savoirs disciplinaires et plus encore la condition même de l’élaboration de ces savoirs sur le monde (MENESR, 2015, p.100).
Ainsi, l’enseignement de l’oral va conduire à la maîtrise de cet outil d’accès aux savoirs et deconstruction de la pensée symbolique. « Les IO attestent une volonté de légitimer des pratiques longtemps laissées pour compte, et d’assurer l’éducation de l’esprit citoyen par l’apprentissage de la parole et de l’écoute » (Pinthon M., 2003, p.8).
Pour l’institution, le souci de la maîtrise de l’oral correspond davantage à une demande faite à l’école dans le champ social et culturel. Elle cristallise l’inquiétude devant le risque de «fracture sociale». Pour Sylvie Plane, professeure à l’ESPÉ de Paris, vice-présidente du Conseil supérieur des programmes, “l’oral est un marqueur social, un marqueur de la personne” (Site eduscol, 2017), l’école doit alors garantir à l’élève son appartenance à plusieurs communautés.

L’oral comme marqueur identitaire

Selon Elisabeth Nonnon, certains élèves n’ont pas accès à « certains types de discours oraux et rencontrent des obstacles dans une prise de parole acceptable selon les critères scolaires : la pratique orale doit donc faire l’objet d’un apprentissage pris en charge par l’école » (1999, p.90).
Il s’agit alors d’une didactique explicite faisant de l’oral un objet d’enseignement à côté de la lecture, de l’écriture et de la grammaire, visant à exercer des compétences linguistiques ou la pratique de certains types de discours (expliquer, débattre, justifier) ; elle se pose en termes de progression, de compétences à définir et évaluer, d’exercices et de supports.
D’autre part, derrière la demande relative à l’oral apparaît le besoin de mieux réguler la communication scolaire, les échanges entre personnes, entre groupes, pour que l’école puisse fonctionner sans trop de conflits et d’exclusions et assurer les apprentissages. Pour Elisabeth Nonnon «l’oral » signifie alors « communication et interactions », et cela suppose de « s’attacher au fonctionnement réel des classes ordinaires, aux rituels et aux événements qui fondent l’activité effective des enseignants et des élèves » (1999, p.90).
Selon Sylvie Plane, cette sociabilité de la classe, fondée sur des règles éthiques et sociales, esttrès longue à atteindre et son apprentissage commence dès la maternelle.

La place du genre dans l’oral en classe

Les recherches montrent que les enseignants ont en moyenne 56 % de leurs interactions avec les garçons et 44% avec les filles (Mosconi N., 2004). Les professeurs n’ont en général « pas conscience de devoir gérer cette dominance des garçons », explique Nicole Mosconi, ajoutant que :
Si les enseignants essaient de rétablir des interactions plus équilibrées, les garçons se plaignent d’être négligés et les enseignants aussi ont l’impression qu’ils les négligent. Ce qui prouve bien que la norme explicite de traitement égal de toutes et de tous dissimule, en réalité, une norme qui commande de “favoriser” les garçons. (Mosconi N., 2001). Isabelle Collet, souligne que les filles entendent moins leur prénom que les garçons, elles sont davantage interrompues lors des présentations qu’elles réalisent devant la classe, et que les exposés des garçons sont plus longs (Mosconi N., 2009). L’espace sonore est dominé par les garçons qui peuvent créer des perturbations, cela illustre des valeurs de la société qui sont représentées au sein même du fonctionnement oral de la classe.

De l’oral à la prise de parole

Contrairement à l’impression première que nous avons, la conversation n’est pas une activité à laquelle on se livre spontanément ou inconsciemment. Il s’agit d’une activité structurée qui a besoin d’être gérée par ses participants. La classe et l’école sont des lieux sociaux où la circulation de la parole est inséparable des représentations réciproques, des relations de pouvoir, des habitus et des appartenances culturelles. La prise de parole d’un élève est donc liée à des enjeux de respect des règles, de responsabilisation, d’intégration, d’affirmation de soi, d’accès au débat démocratique.
François Flahault (1978) a élaboré un concept de “rapport de places” dans l’interaction orale qu’il explique par le fait qu’on ne peut parler sans occuper une ou plusieurs places déterminées, ce faisant on convoque son partenaire à une ou plusieurs places corrélatives :« On ne saurait communiquer sans passer par la construction d’une relation sociale, et cette relation s’exprime précisément à partir d’un rapport de place, impliquant un positionnement respectif des images identitaires » (Vion R., 1992).
Parler ici d’oral et de prise de parole oblige donc à considérer les modalités de gestion de la classe, la distribution des rôles et le statut de la parole des élèves, le fonctionnement des groupes et les valeurs véhiculées par les échanges.
Notre étude portera alors sur la prise de parole des filles et garçons en classe et sur les variables qui peuvent la stimuler. Est-ce que les élèves prennent la parole en classe, telles que les recherches le démontrent, dans quelles situations les prises de parole sont différentes?

Les hypothèses

Ces questionnements nous ont amenées à formuler différentes hypothèses que nous allons tenter de vérifier lors d’expérimentations en classe. La variable que nous avons choisie d’expérimenter est celle de la mixité. La mixité est : […] le caractère de ce qui est mélangé, composé d’éléments de nature différente, comprend des personnes des deux sexes. La mixité scolaire s’applique à tous les aspects de l’institution (élèves, personnel, locaux, contenus enseignés …). La philosophe Geneviève Fraisse considère qu’un groupe peut être dit mixte si la représentativité d’une des deux groupes a au moins atteint le seuil de 30%. (Guilpain G., 2010).
La mixité est considérée comme une condition nécessaire à l’égalité d’instruction entre les sexes. Mais qu’en est-il aujourd’hui au sein des échanges entre les élèves? A-t-elle un impact sur les interventions des élèves dans la classe?
A la lumière de ce que l’on a pu lire et observer en classe il nous semble que :
Les garçons prennent davantage la parole que les filles dans la classe et coupent plus la parole. En effet, d’après le document Outils pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école sur le site Canopé, « comme pour l’espace physique, les garçons ont davantage tendance à occuper l’espace sonore, à intervenir sans y avoir été invités, ou à couper la parole pour exprimer leur point de vue. »
Les filles participent moins quand elles sont en groupe mixte. Comme le cite M. Duru-Bellat, “la mixité exposerait les filles à une dynamique relationnelle dominée par les garçons” (1995, p.85), elle ajoute que “les filles ont tendance à se sous-estimer lorsqu’elles sont en présence de garçons” (1995, p84). Pour notre part, on ira jusqu’à émettre l’hypothèse que les filles sont plus actives lorsqu’elles sont entre elles. Plusieurs chercheurs tendent vers cette idée, M. Duru-Bellat énonce que « l’on observe une moindre estime de soi en général chez les filles des écoles mixtes par rapport à celles des écoles non-mixtes » (1995, p.85). De plus, Nicole Mosconi (1999) a observé que « pour limiter les prises de parole des filles, les garçons usent de moquerie et de dérision ».
La présence de l’enseignant a un impact sur la participation orale des élèves. Des études montrent que le sexe de l’enseignant et le modèle qu’il représente peut également avoir un impact sur la prise de parole des élèves. Les élèves conforteraient les représentations de genre des enseignants. C’est ce que l’on appelle “l’effet Pygmalion”: « les filles adhèrent au modèle de sérieux, de docilité, de soin, les garçons aux modèles du perturbateur ou de l’élève brillant mais paresseux » (Guilpain G, 2010, p.5).

La séquence mise en place : deux situations distinctes

Nous mettrons en place deux situations différentes afin de répondre à nos hypothèses et notre problématique. Nous avons choisi la variable de la mixité, en organisant deux séances où les élèves seront en groupe mixte et en groupe non mixte. Cela nous permettra d’observer et d’analyser les interventions des élèves selon cette variable, voir la nature des interventions et s’il existe des différences selon les situations.
Toutes les séances ne se prêtent pas aux mêmes échanges avec les élèves. Ainsi les observations seront effectuées lors de séances d’EMC, où d’une part, l’enseignant pose des questions ouvertes aux élèves et d’autre part, les élèves participent à un débat philosophique ou un dilemme moral. Cela nous permettra d’analyser des échanges enseignant/élèves etélève/ élèves.
Chacune des séances sera introduite par une œuvre littéraire jeunesse. Ces albums interviennent comme des supports sur lesquels les élèves peuvent s’appuyer pour s’exprimer.
La littérature de jeunesse leur permet un accès facilité à l’expression puisqu’elle leur donne la possibilité de s’impliquer à travers un personnage fictif.
Après une brève analyse littéraire, l’enseignant sortira du groupe-classe afin de les laisser gérer leurs interventions dans des cadres réglés, ceux instaurés par la discussion à visée philosophique et du dilemme moral. Chacun aura la possibilité de prendre la parole en demandant le “bâton” qui régule les échanges. Ces séances en EMC ne demandent pas de “savoirs” proprement dits, il nous semble qu’elles favorisent alors la participation de tous.
La séance 1permettra l’observation des élèves dans une situation mixte et en grand groupe.
Elle se déroulera lors d’une discussion autour d’un album, suivie d’une discussion à visée philosophique (fiche de préparation en annexe).
La discussion autour d’une œuvre littéraire (“Ami ami” de Rascal) nous permettra d’observer les interventions des élèves lorsque l’enseignant régule les échanges et posent des questions ouvertes. La lecture de cet album et les échanges permettront également de nourrir la discussion qui suivra ce temps d’explicitation de l’œuvre.
Ainsi dans un second temps les élèves réalisent une DVP ou oral réflexif, ayant pour objet de réfléchir au sens des choses en dehors de toute prise de décision et sans viser l’action : “elle a pour moyen ce qui nous est commun et nous relie à tous les autres : l’universel de la raison” (eduscol). Lors de cette séance les élèves s’expriment sur un sujet proche d’eux (l’amitié) qui semble peu imprégné des stéréotypes de genre, afin que le maximum d’entre eux, puissent intervenir s’ils le souhaitent.
Les élèves font circuler un bâton de parole, ceux qui veulent s’exprimer lèvent la main et attendent leur tour pour parler. Les règles de ce format de discussion ont été explicitées avec l’enseignante. Afin de faciliter les échanges, les élèves sont positionnés en cercle. Le rôle de l’enseignante est de guider, d’étayer le langage des élèves tout en laissant la discussion se réaliser. Elle n’amène pas un groupe à un point donné, mais l’accompagne jusqu’où il est capable d’aller.
Notre objectif pour cette séance est de travailler sur les interventions des élèves au sein même du groupe-classe mixte, lorsqu’ils sont face à l’enseignante puis entre pairs. Comment s’expriment-ils lorsqu’ils sont en groupe mixte? En grand groupe? Des différences existent elles lorsque l’enseignante pose des questions et quand les élèves régulent la parole? L’espace sonore est-il occupé de manière distincte entre les filles et les garçons? Dans quelles mesures?
La séance 2 permettra l’observation des interventions des élèves dans une situation de non mixité. Les élèves seront alors réunis entre deux groupes distincts : celui des filles et celui des garçons. La séance se déroulera lors d’une discussion autour d’un album faisant apparaître un dilemme moral (fiche de préparation en annexe).
Le dilemme moral est une pratique d’EMC qui vise à faire croître l’autonomie morale des élèves et développer leur capacité à juger par eux même, par la présentation d’un dilemme sous forme d’un scénario (eduscol). Ce court scénario engage un protagoniste qui est confronté à un choix. Ce scénario s’achève sur une question normative : que devrait-il faire?
L’élève doit choisir entre les deux issues et justifier son choix. Aucune des deux issues n’est bonne ou mauvaise. Cette pratique s’inscrit dans le cadre d’une discussion fondée sur l’empathie et l’écoute mutuelle, qui développe des capacités langagières et morales.
A l’instar de la DVP, le dilemme moral permet une prise de parole des élèves plus libre, car le thème mobilise des conceptions forgées sur des expériences personnelles, leur vécu. Ici le thème choisi est celui du courage.
Dans un premier temps l’enseignant présentera l’ouvrage (“Yakouba”, de T. Dedieu), puis s’arrêtera avant la fin de l’histoire, au moment du dilemme imposé au personnage principal.
Après une brève explicitation de l’histoire, afin que chaque élève ait compris ce qu’est un dilemme et celui du protagoniste, les élèves sont amenés à discuter en groupe de ce dilemme.
Deux groupes seront formés : un groupe de filles et un groupe de garçons.
La prise de parole est régulée par un bâton de parole, qui a déjà été utilisé lors de la séance précédente. Les élèves connaissent également les règles de ce type de format de discussion.
Ils sont également installés en cercle afin de favoriser les échanges en étant visibles de tous.
Le rôle de l’enseignante est de réguler des échanges si besoin, il aide à penser et ne pense pas à la place de l’élève, il fait expliciter les raisons du choix d’un élève ou d’un groupe d’élèves.
Notre objectif pour cette séance est de travailler sur l’impact de situations non mixtes et la taille des groupes sur la prise de parole des élèves. Comment les élèves gèrent leurs interventions dans un groupe d’élèves du même sexe? De quelles natures sont cesinterventions? La prise de parole est-elle plus fréquente qu’en groupe-classe pour l’un dessexes? Est-ce qu’il y a plus ou moins d’élèves silencieux?

Les objets observés

Lors de ces séances nous nous concentrerons sur les interventions de chacun des élèves selon leur contexte d’étude. Plus précisément, nous observerons les réponses spontanées, les interruptions ainsi que la somme des interactions verbales des élèves entre eux et avec l’enseignant. Nous différencierons les demandes de parole des prises de parole, avec et sans autorisation de l’enseignant ou du cadre imposé par l’exercice.
Il nous semble également pertinent d’observer les élèves qui interrompent, perturbent le cours de la séance avec des propos hors sujet, des moqueries, remarques etc. Ces interruptions font partie intégrante de l’oral dans la classe et nécessitent une vigilance particulière. Elles peuvent en effet agir comme un frein pour l’expression de certains élèves, les recherches de West et Zimmerman (1975) montrent par exemple que les femmes ont tendance à tomber dans le silence après avoir été interrompues.
De plus, il paraît important de mettre en évidence les élèves ayant fait le choix de ne pas intervenir durant la séance ou une partie de la séance, afin de remarquer s’il existe une différence notable entre les deux sexes. Nous observerons également le temps de parole total des filles et des garçons lors des échanges, afin de mesurer leur espace de parole respectif.
Pour finir, il peut être intéressant de noter en remarques des faits apparus au cours de la séance qui pourraient venir en complément d’une analyse quantitative.

La technique de recueil des données 

Nous allons associer simultanément pour une même situation, plusieurs techniques afin de croiser les informations recueillies.
D’une part, des observations directes et immédiates à l’aide d’une grille critériée (voir en annexes). Elle nous permettra d’obtenir des tendances des types d’intervention dans la classe.
Nous pourrons également y noter des remarques pertinentes sur l’instant.
Cette grille rassemble l’ensemble de nos objets observés en les croisant avec le sexe des élèves. Les différentes situations y sont représentées, notamment avec et sans la présence de l’enseignante dans la régulation des échanges.
De plus, le cycle des élèves y figure pour les observations dans la classe munie de trois niveaux. Ceci nous permettra de croiser plusieurs variables comme le sexe ou l’âge.
D’autre part, des enregistrements vidéo seront effectués afin d’observer toutes les actions qui n’ont pas été mises en évidence au cours de la séance. Ils devront être minutieusement analysés pour relever les interventions de tout type, pas ou peu comptabilisées lors de l’observation directe (les élèves silencieux, les interruptions…) et chronométrer le temps de parole de chacun des sexes. Ils nous permettront ainsi de compléter, avec davantage de précision, la grille établie au préalable. Des caméras seront donc disposées de manière à filmer la classe sous différents angles afin de voir les élèves dans leur totalité.

L’analyse et le traitement des données

Durant les séances, nous veillerons à remplir la grille critériée ou à déléguer cette tâche à un élève qui sera nommé “secrétaire” lors de situations en groupe. Elle permettra de relever des informations quantitatives qui seront davantage précisées par l’observation à posteriori.
Par la suite, l’usage de techniques audiovisuelles fournit des données brutes (images, paroles, comportements, etc.) pour un traitement plus qualitatif.
Ainsi, grâce aux données recueillies, nous pourrons calculer les pourcentages d’intervention de chacun des sexes. Chaque donnée sera calculée indépendamment en fonction du type d’intervention. Ces données statistiques seront ensuite analysées puis exploitées à l’aide de références théoriques.
Nous établirons des tableaux croisés afin de cibler les points centraux de nos hypothèses.
Les axes étudiés sont les suivants. Le nombre d’interventions des filles comparé à celui des garçons en situation de mixité et en situation de non mixité. Nous relèverons tous les types d’interventions orales des élèves (demandes et prises de parole et interruptions). Nous chronométrons les temps de parole de chaque sexe et nous pointerons les élèves silencieux, afin d’analyser l’occupation de l’espace sonore de la classe.
Il est également important de prendre en compte les variables liées à la structure de la séance, c’est à dire la présence ou non de l’enseignante. Ainsi nous comparerons les interventions des élèves en dispositif frontal et en groupes autonomes.

Partie analytique

Les interventions en classe dans des situations de mixité et non-mixité

Lors de nos séances la variable “mixité/non-mixité” est au cœur de notre dispositif. Nous rappelons que la séance 1 renvoie à une situation de mixité tandis que la séance 2 une situation de non-mixité. Il semble nécessaire de préciser qu’en séparant les sexes nous engendrons une diminution du groupe classe par deux lors des discussions argumentées. Nous sommes conscientes que cette baisse d’effectif peut provoquer chez l’élève un comportement différencié, ce n’est cependant pas l’objectif de notre analyse.
Nous allons donc analyser nos différents résultats en fonction du type d’intervention des élèves.

La place et rôle de l’enseignant :

Comparaison des situations avec et sans la présence de l’enseignant dans la régulation des échanges

Les demandes de parole

Concernant la répartition des demandes de parole des élèves au sein des deux classes, selon la présence de l’enseignante (étayage, régulation de la parole, approfondissement des échanges…) ou sans la présence de l’enseignante (autorégulation des échanges par les élèves selon les règles des débats réglés), les résultats concordent sur un point et diffèrent sur unautre.
Dans nos hypothèses a priori, les élèves conforteraient les représentations de genre des enseignants, il s’agit de “l’effet Pygmalion”: « Les filles adhèrent au modèle de sérieux, de docilité, de soin, les garçons aux modèles du perturbateur ou de l’élève brillant mais paresseux » (Guilpain G., 2010, p. 5).
Nos résultats exposent que pour les deux classes, lorsque l’enseignante n’est pas présente dans la régulation des échanges, les filles demandent davantage la parole (53,4% des demandes de parole sont faites par des filles contre 46,6% par des garçons).
Cependant lorsque l’enseignante est présente, dans la classe A les garçons demandent plus la parole alors que ce sont toujours les filles pour la classe B.
Ainsi l’hypothèse de départ est confortée dans la classe A. Les filles se conformeraient au modèle stéréotypé de la docilité et de la passivité face aux garçons quand l’enseignante est présente. Pour la classe B, le phénomène est inverse. Peut-être est-ce dû au binôme homme de la classe A, les élèves établiraient davantage de comportements différenciés. Dans la classe B il semble que le modèle de l’enseignante en tant que femme encouragerait davantage les filles à intervenir. En effet lors des visionnages vidéo, nous avons pu analyser des participations des filles lorsque l’enseignante est proche d’eux. Notamment les élèves les plus jeunes (cycle 2). La présence de l’enseignante jouerait un rôle rassurant pour la participation de ces élèves.
Cependant nous n’avons pas pu comparer ces hypothèses en réalisant des expérimentations avec un enseignant homme. Cela pourrait venir compléter l’analyse sur ces points qui diffèrent au sein de nos échantillons.

Les interruptions

Dans une partie précédente nous avons pu remarquer que les interruptions lors des séances de débat étaient uniquement masculines. Qu’en est-il avec la présence de l’enseignante, régulant les échanges de la classe? Les garçons agissent-ils différemment ?
Selon nos lectures, les enseignants s’attendraient plus à de l’indiscipline de la part des garçons “comme si elle était naturelle ou inévitable”, ils réprimeraient alors plus l’indiscipline ou l’agressivité des filles, “comme si elle était contre-nature” (Duru-Bellat M., 1995 p.77). Ils mettent donc en œuvre des standards de comportements différents pour les unes et pour les autres.
Nos résultats ne coïncident pas avec ces hypothèses, et montrent qu’au sein des deux échantillons, 100% des interruptions sont réalisées par les garçons, avec et sans la présence de l’enseignante. Il y a le même nombre d’interruptions pour les deux situations. La présence de l’enseignante ne semble donc pas influencer ce comportement qui apparaît comme systématique chez les élèves peu importe le cadre dans lequel ils évoluent.
Cependant cette agitation des garçons est peut être due au fait que nous soyons sensibles à la participation équitable des deux sexes. En effet M. Duru Bellat explique que lors d’études dans des classes, des garçons réagissaient à cette pédagogie « compensatoire », par plus d’agitation et des tentatives d’accaparement de l’attention de la maîtresse (1995, p.79). Sur les vidéos, il est possible de noter que les filles bavardent, mais elles n’interrompent pas le fil de la séance, elles sont plus discrètes, conformément à “leur rôle attendu”. Pour d’autres chercheurs les comportements des filles relèvent de véritables stratégies, « elles apprennent que « pour avoir la paix» et s’adapter au mieux aux exigences de l’école, il convient qu’elles se tiennent tranquilles (Stanley, 1986) » (Duru-Bellat M., 1995, p.80). Nicole Mosconi va plus loin en mentionnant que certains garçons, « usent de moquerie et de dérision pour limiter les tentatives de prise de parole ou de pouvoir des filles dans la classe »(Mosconi N., 2004, p.167).

Le sexe de l’enseignant : une variable à prendre en compte dans la recherche

Il nous semble important de prendre en considération le fait que nous soyons des enseignantes et non des enseignants, pour cette recherche. En effet il est possible que notre sexe ait un impact sur les interventions des élèves. Nous avons déjà évoqué l’effet pygmalion ou le rôle de “modèle” des enseignants, qui peuvent avoir un impact sur les réactions des élèves. De plus pour certains chercheurs le fait que le professeur soit un homme ou une femme influe de manière notable sur les agissements des élèves. Georges Felouzis énonce que « l’enseignant définit en partie la situation d’interaction par ses caractéristiques dont l’une des plus évidentes pour les élèves est bien son sexe » (Felouzis G., 1993, p.213).
Les comportements des élèves seraient donc plus “chahuteurs” face à une professeure femme, et plus attentifs avec un professeur homme, censé représenter davantage “l’autorité”dans les valeurs communément admises de la société. Ainsi selon l’auteur :
Les professeurs de sexe masculin, de par leur manière de gérer la relation pédagogique autant que par les conceptions que peuvent en avoir les élèves, génèrent des comportements de concentration en classe, ceci autant chez les filles que les garçons. (Felouzis G., 1993, p.214).
Il ajoute que “la présence d’un professeur femme tend à susciter des comportements plus souvent chahuteurs et ceci dans leurs formes les plus extrêmes” (Felouzis G., 1993, p.215). En 1989 Nicole Mosconi arrive à des conclusions similaires et montre qu’affirmer son autorité pour une enseignante revient à “faire oublier sa féminité” (Felouzis G., 1993, p.257), ce qui renvoie à la légitimité accordée aux femmes dans la relation pédagogique.
Nous venons de voir l’impact du sexe de l’enseignant du point de vue des élèves, mais il est opportun de préciser qu’être un homme ou une femme peut également engendrer des comportements différenciés envers les élèves. Les enseignants sont également empreints des valeurs et stéréotypes de genres présents au sein de notre société. Ainsi, M. Duru Bellat explique que de rares travaux montrent en sciences, une tendance plus marquée à un traitement privilégié des garçons, de la part des enseignantes (Crossman, 1987), tandis que d’autres montrent que les filles sont encore plus “invisibles” aux yeux des enseignants hommes (Kelly, 1988) (Duru-Bellat M., 1995, p.79).
D’autres chercheurs montrent que d’une manière générale, l’ensemble des agissements des enseignants sont liées aux attentes des enseignants et cela semble façonner des comportements différents chez les élèves filles et garçons (Duru-Bellat, 1995, Dweck et al., 1978, Callaghan & Manstead, 1983). Cela favoriserait chez les garçons une meilleure confiance en eux alors même qu’ils reçoivent plus de critiques. À l’inverse, les enseignants inviteraient les filles à expliquer leurs échecs par des facteurs stables et incontrôlables (le manque d’aptitudes) et nonpar des facteurs comme l’effort par exemple.

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Table des matières
INTRODUCTION 
I – La partie théorique
A – L’égalité filles-garçons : les fondements théoriques
1 – Un combat pour une éducation égalitaire
2 – Filles et garçons dans le système scolaire d’aujourd’hui
3 – L’école : le reflet d’une société
B – L’oral en classe : contexte et enjeux
1 – L’oral dans les programmes : une évolution dans sa considération
2 – L’oral comme vecteur d’apprentissage des contenus disciplinaires
3 – L’oral comme marqueur identitaire
4 – La place du genre dans l’oral en classe
5 – De l’oral à la prise de parole
II – Les hypothèses
III – Partie méthodologique 
A – Les terrains d’observation et l’échantillonnage
B – La séquence mise en place : deux situations distinctes
C – Les objets observés
D – La technique de recueil des données
E – L’analyse et le traitement des données
IV – Partie analytique
A – Les interventions en classe dans des situations de mixité et non-mixité
1 -Les demandes et prises de parole (sans la régulation de l’enseignante)
a – Les demandes de prises de parole
b – Les prises de parole
c – La comparaison entre demandes et prises de parole
2 – Les interruptions
3 – Les silences et temps de parole
a – Les silences
b – Les temps de parole et interventions
B – La place et rôle de l’enseignant
1 – Comparaison des situations avec et sans la présence de l’enseignant dans la régulation des échanges
a – Les demandes de parole
b – Les prises de parole
c – Les interruptions
d – Les élèves silencieux
2 – Le sexe de l’enseignant : une variable à prendre en compte dans la recherche
V – Le bilan 
A – Vers le contexte social
B – Les limites de notre recherche
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES 

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