Comparaison des performances par rapport aux données techniques

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Les missions des ADAV

En s’affranchissant d’une piste de décollage ou d’atterrissage, les appareils à voilure tournante ont accès à une très grande variété de missions irréalisables pour des avions. Leur utilisation n’a cessé de se développer depuis la seconde guerre mondiale. Les premiers appareils de série tels que les Sikorsky R-4 et R-5 américains ou les Flettner FI 282 Kolibri et Focke Achgelis Fa 233 Drachen allemands furent utilisés à des fins militaires surtout durant la guerre du Vietnam. Malgré leur conception rustique, ils pouvaient transporter des charges de plusieurs centaines de kilogrammes, assurer des missions de renseignement en milieu maritime ou servir dans la lutte anti-sous marine. Aujourd’hui les missions des voilures tournantes se sont diversifiées. Sans exhaustivité, nous pourrions les classer dans plusieurs catégories : transport, surveillance, renseignement et combat, travaux aériens, recherche et sauvetage.
Les ADAV sont utilisés notamment pour des missions de transports civils ou militaires. Il s’agit de transporter une charge utile d’un point A vers un point B, avec le plus souvent un objectif de rapidité. Ces charges peuvent être des hommes (troupes, VIP, etc.) ou toute autre sorte de masse comme illustré par la figure 1.1a. Généralement les points de provenance et de destination ne disposent pas de terrains d’atterrissage et nécessitent l’utilisation d’appareils à vol vertical. Un exemple concret est la mission de type « Offshore », les aéronefs doivent transporter des hommes ou du matériel sur des plateformes pétrolières. Un autre exemple est l’utilisation des hélicoptères en théâtre de guerre pour le transport de troupes en terrain difficile ou au-delà des lignes ennemies. Les missions de transport touchent aussi bien le marché civil que militaire. Il est à noter cependant l’échec du transport de masse de passagers au travers de lignes régulières. Les principales raisons sont le coût des hélicoptères et l’implémentation difficile des héliports en zones urbaines. En revanche le transport à la demande à l’aide d’appareils légers est en plein essor notamment au Brésil.
Les missions de type surveillance, renseignement, infiltration et combat font appel aux capacités de vol à basse vitesse et basse altitude des appareils à voilure tournante pour observer et s’infiltrer. Un exemple concret est l’exploitation des hélicoptères dans la police, la gendarmerie ou les douanes pour le suivi du trafic routier, la lutte anti-drogue, … La reconnaissance tactique dans des missions militaires est un domaine de prédilection pour l’hélicoptère comme l’illustre la Gazelle présentée sur la figure 1.1b. L’infiltration et l’exfiltration de soldats combinent à la fois une mission d’infiltration et de transport de troupe. D’autres opérations délicates comme la lutte anti-incendie nécessitent des capacités de vol basse altitude, basse vitesse. Les hélicoptères peuvent se mouvoir sur les 6 degrés de libertés, c’est-à-dire translation et rotation sur tous les axes. Les missions de type combat rapproché sol-air requierent cette importante manœuvrabilité.
Un autre champ d’utilisation primordial est le « secours et sauvetage ». Le terme SAR en an-glais pour « Search and Rescue » est couramment utilisé. Aujourd’hui l’hélicoptère est le seul moyen pour porter assistance en milieu d’accès difficile : haute mer, haute montagne, milieu urbain, zones dévastées, … Chaque année, les voilures tournantes sauvent des milliers de vies grâce à leurs facultés de vol vertical. Ces missions requièrent des appareils stables puisque dans de nombreux cas, un vol stationnaire au dessus d’une cible est nécessaire pour treuiller un secouriste et récupérer les victimes. La figure 1.1c montre une illustration d’un appareil équipé pour des missions SAR.
La mixité des missions des ADAV est donc importante. La liste établie dans ces lignes n’a pas l’ambition d’être exhaustive. Bien souvent les appareils sont capables d’effectuer plusieurs types de missions. Par exemple, le Dauphin d’Eurocopter [10] est proposé sur différents secteurs de missions tels que le SAR, l’Offshore ou le renseignement militaire. La polyvalence des appareils est un aspect primordial de conception. Il s’agit aussi d’un argument de vente pour les constructeurs et d’un cri-tère de choix pour les clients ou les institutions. A ce titre, citons l’important programme en cours JMR/FVL aux Etats-Unis (Joint Multi−Role / Future Verical Lift) initiant le remplacement de nom-breux appareils vieillissant dans l’armée américaine à l’horizon 2020 − 2025. L’armée américaine souhaite acquérir des appareils à vol vertical plus performants, capables de voler plus haut, plus vite donc étendre le domaine de vol et sur une gamme plus importante de missions. Malgré la diversité des champs applicatifs, les ADAV n’ont pas accès à toutes les missions. Le transport de plusieurs dizaines de tonnes de chargement n’est pas impossible, mais réalisable par seulement de très rares appareils comme l’hélicoptère russe Mil Mi 26. Actuellement, il n’existe au-cune ligne commerciale utilisant des hélicoptères pour le transport de plusieurs dizaines de passagers. Les vitesses maximales des hélicoptères (environ 350 km/h) sont limitées par des phénomènes phy-siques propres à leur voilure tournante. Les rayons d’actions restent faibles en comparaison de ce que proposent les voilures fixes. Les nuisances sonores freinent aussi l’implantation des hélicoptères en zone urbaine. Des programmes tels que JMR/FVL poussent à la recherche et au développement de solutions innovantes permettant de s’affranchir de ces limitations. Une problématique moderne de conception est l’évaluation des performances des appareils par rapport à des missions. La caractérisa-tion de ces dernières, leur traduction en termes de performances et de spécifications sur les appareils est l’un des enjeux du projet CREATION encadrant la thèse présentée.
L’hélicoptère est la solution privilégiée à ce jour pour répondre aux besoins des opérationnels. Elle s’est imposée par sa simplicité. Pourtant la variété des missions des voilures tournantes trouve un écho dans la diversité des formulations possibles. Après avoir passé en revue les missions des ADAV, la partie suivante détaille différents concepts d’aéronefs à voilure tournante ainsi que leurs performances opérationnelles.

La sustentation, la propulsion et le couple

Un hélicoptère est un objet massif dont le poids propre P = Wmtog· doit être compensé pour voler en état stationnaire. Le rotor principal a entre autres ce rôle. Il est formé d’un certain nombre de pales reliées à un moyeu. La section d’une pale est un élément profilé. Selon les principes de l’aérodynamique, un fluide circulant autour d’un profil crée des zones de surpression et de dépression respectivement au-dessous et au-dessus de l’élément profilé qu’il contourne comme le montre la figure 1.3 à gauche. Une force capable de s’opposer au poids est alors générée : Fr . Elle possède deux composantes : une verticale, Fz , nommée force de portance, perpendiculaire au vecteur vitesse local et une horizontale, Fx, opposée au mouvement et nommée force de traînée des pales. La figure 1.3 schématise cette construction.
L’équation donnant la force de portance Fz générée par un profil est : F (z) = 1 · ρair · V 2 · S · Cz (1.1). ρair est la densité de l’air, V est la vitesse de l’air et S est la surface du profil. Cz est le coefficient de portance dépendant de la forme du profil, de l’angle d’incidence et du nombre de Mach (M = Vh/Cson) dans les conditions de pression et température du point de vol considéré. L’expression est quasi identique pour la composante x associée à la force de traînée. L’intensité de la force générée par le profil est donc dépendante de deux facteurs : l’angle d’incidence de l’air sur le profil et la vitesse de l’air. Lorsque l’incidence et la vitesse de l’air augmentent la force générée croît aussi. Cela reste vrai dans une certaine gamme de variation des angles et des vitesses. En effet lorsque l’incidence est trop élevée, l’écoulement subit des décollements puis un décrochage par rapport aux surfaces du profil. Le contournement devient alors turbulent et la force générée faiblit drastiquement. De même lorsque la vitesse est trop importante, typiquement à des valeurs proches de la vitesse du son pour une pale d’hélicoptère, les ondes de choc font augmenter brutalement la traînée et décroître la portance. La polaire de profil d’un élément de pale est la relation entre les formulations du coefficient de portance (C z) et de traînée (Cx) ou leur évolution en fonction de l’angle et de la vitesse de l’air incident.
Le modèle physique donnant les efforts aérodynamiques générés par l’air sur un profil de pale peut se généraliser pour l’ensemble de la voilure. Cette intégration le long de l’envergure de la pale et sur l’ensemble du disque rotor qu’elle balaye conduit à la formulation d’une polaire rotorique donnant le coefficient de traînée moyen d’un profil de pale en fonction du coefficient de portance moyen (Czm) et du paramètre d’avancement µ = Vh/(Ω · Rmr ) : Cxp = f (Czm, µ). La force de traction du rotor est la sommation de l’ensemble des forces de portance. L’appareil décolle lorsque la traction s’oppose totalement au poids de l’appareil.
La propulsion de l’hélicoptère est obtenue en inclinant la traction produite par le rotor. Cela consiste à modifier le pas de chaque pale au cours de sa rotation en azimut 1 de manière à créer un différentiel de traction adéquat. La répartition dissymétrique des forces de portance crée une incli-naison de la traction, direction dans laquelle se dirige l’appareil. La propulsion permet à l’hélicoptère de se mouvoir sur les axes de translation mais pour cela il faut vaincre les forces de traînée aérody-namique générées par le fuselage et le rotor. La traction doit donc compenser le poids mais aussi la force de traînée de l’appareil.

L’azimut est l’angle qui repère la pale au cours de sa rotation autour du rotor

Outre leur rotation autour du mât rotor, les pales ont également des mouvements de battement et de traînée permis par des articulations ou souplesses entre le moyeu et les pales. Il en résulte notamment un comportement gyroscopique du rotor. Les mécanismes qui permettent l’orientation de la traction sont donc complexes. Nous n’aborderons pas le sujet de la dynamique du rotor dans cette thèse. Les références [11] et [12] donnent un excellent aperçu des phénomènes mis en jeu. Finalement un seul rotor permet d’assurer à la fois la sustentation et la propulsion. Bien qu’élé-gante, cette solution n’est simple qu’en apparence. En effet, ce rotor est la source de nombreux dés-équilibres que différents mécanismes doivent corriger. Le principal est le couple généré par le rotor sur le fuselage. Selon les principes de la mécanique newtonienne, toute force prend appui sur un support pour se manifester. Dans le cas où le support est libre de se mouvoir, il se déplace dans le sens contraire du mouvement précédemment créé : il s’agit du principe de l’action − réaction. Pour un hélicoptère, le mât du rotor est entraîné par un couple moteur prenant appui sur le fuselage. En l’absence de fixa-tion, la rotation du rotor entraîne la rotation du fuselage en sens inverse et l’appareil n’est pas stable. Une solution à ce problème est l’utilisation d’un rotor de queue anti-couple. Son plan de rotation est orthogonal à celui du rotor principal. Son rôle est de générer une force s’opposant au mouvement créé par le couple rotor sur le fuselage. Ce rotor excentré est aussi un moyen de contrôle sur l’axe en lacet. Telle est la formulation classique de l’hélicoptère : un rotor principal assurant portance, propulsion et contrôle en tangage et roulis ainsi qu’un rotor anti-couple permettant le contrôle du lacet. La fi-gure 1.4 schématise le phénomène de création du couple de réaction C r sur le fuselage. Il faut alors appliquer une force Ttr = C r/Lmr/tr pour le contrer, Lmr/tr étant un bras de levier, distance entre le centre de gravité et le rotor arrière. Notons que sur un hélicoptère le rotor arrière classique n’est pas l’unique solution permettant de contrer le couple. L’hélicoptériste McDonnel Douglas a développé le système NOTAR (No TAil Rotor) permettant de générer une force latérale suffisante grâce à l’effet « Coanda ». D’autres solutions existent pour contrer le couple : un second rotor coaxial tournant en sens inverse, un second rotor en tandem, des hélices latérales… Les possibilités sont nombreuses. Dans le cadre de cette thèse, ces autres formulations ne seront pas désignées par le terme hélicoptère.

La chaîne de commandes et le pilotage

La modification du pas des pales par le pilote s’effectue à l’aide d’une chaîne mécanique ou électronique liant le rotor aux commandes du pilote. L’élément le plus important est un système de deux plateaux présenté sur la figure 1.5a. Le premier plateau est non tournant. Il est lié aux commandes du pilote. Il est donc libre de monter, de descendre ou de s’incliner dans toutes les directions. Le second, le plateau tournant, est attaché au rotor principal ainsi qu’aux pales par des biellettes de pas. Ses mouvements sont asservis par ceux du rotor. Lorsque le plateau fixe est incliné, le plateau tournant effectue une rotation selon un plan incliné parallèle au premier comme le schématise la figure 1.5a. Le plateau tournant transmet ses mouvements au rotor permettant la modification de l’angle de pas des pales en conséquence. Le système de plateaux est intégré au plus près du mât rotor et du moyeu formant un système complexe comme l’illustre la photographie du rotor de l’EC 115 sur la figure 1.5b.
Le pilote dispose de trois commandes pour modifier la position de l’hélicoptère représentés sché-matiquement sur la figure 1.6. Le manche à balais ou cyclique modifie l’orientation du plateau fixe et du plateau tournant et en conséquence le pas des pales. Il permet donc d’orienter la traction du rotor dans une direction et induit une translation horizontale. Le levier de collectif élève ou fait descendre uniformément le plateau fixe, le plateau tournant et donc baisse ou augmente le pas de toutes les pales, d’où le nom de collectif. Cela modifie l’intensité de la traction ou norme du vecteur force de traction. Le levier collectif permet donc une translation verticale. Le rotor principal génère un couple qui varie avec à la traction. Si la traction change, la force produite par le rotor arrière doit être adaptée. Cela se fait à l’aide du palonnier modifiant collectivement le pas des pales du rotor arrière donc la traction produite par ce dernier. Le palonnier permet aussi de contrôler l’appareil sur l’axe de lacet.

L’importance des éléments fixes

Sur le fuselage sont disposés deux voilures fixes : la dérive ou empennage vertical et l’empennage horizontal. Bien qu’elle ne soit pas présente sur tous les hélicoptères, la dérive a un rôle important : à haute vitesse, elle agit comme une aile verticale en générant une force latérale dirigée dans la même direction que la traction du rotor anti-couple. Cette force permet donc de soulager le rotor arrière d’une partie de la force anti-couple qu’il doit produire et donc de réduire la puissance requise. La dérive peut être décomposée en plusieurs éléments. Ainsi sur certains appareils comme le Dauphin on trouve des plans verticaux au bout des plans horizontaux. A noter que contrairement à un avion, la dérive ne sert pas à contrôler l’appareil sur l’axe de lacet : ce rôle est réservé au rotor arrière, en général la dérive n’est pas orientable sur un hélicoptère.
L’empennage horizontal est présent sur tous les appareils. Son rôle est primordial : il doit stabiliser l’assiette longitudinale de l’appareil. En effet pour accélérer l’hélicoptère doit incliner vers l’avant la traction générée par le rotor. Cela a pour effet de faire basculer la fuselage vers l’avant en inclinant l’appareil comme sur la figure 1.7 à gauche, donnant ainsi une forte assiette à piquer, pouvant non seulement être inconfortable aux passagers mais surtout engendrant une augmentation de la traînée de l’appareil. L’empennage horizontal génère une force déportante vers le bas créant un couple à cabrer redressant l’appareil pour éviter les fortes inclinaisons. L’inconvénient de ce système est qu’il offre aux basses vitesses une surface en interaction avec l’air soufflé vers le bas et vers l’arrière par le rotor. Un couple cabrant le fuselage comme sur la figure 1.7 à droite est alors créé. C’est le phénomène de bosse d’assiette rencontré aux basses vitesses qui peut perturber les tâches de pilotage aux basses vitesses.

La génération et transmission de la puissance

Sur l’ensemble des hélicoptères dépassant la masse d’une tonne, le système de génération de puissance est une turbine. C’est actuellement le système le plus efficace en terme de poids par rapport à la puissance produite. Une turbine est composée de différents étages formés par des hélices à aubes. Les premiers étages dits « de compression » effectuent une compression adiabatique de l’air qui s’engouffre dans la turbine. Il est ensuite expulsé par une centrifugeuse dans une chambre de combustion où il va servir de comburant pour le kérosène brûlé. Une part de l’importante énergie des gaz est alors prélevée par les étages dits de « haute pression » pour créer une énergie mécanique capable de mettre en rotation les étages de compression et la centrifugeuse. La part restante est envoyée sur une roue libre. C’est elle qui communique son mouvement au rotor. La roue libre tourne à des vitesses de l’ordre de plusieurs milliers de tours par minute. Une boite de transmission disposée entre les rotors et la roue libre réduit le régime de rotation à quelques centaines de tours par minute pour le rotor principal. Il est remarquable de souligner que dans le cas des hélicoptères, ces boites de transmission sont essentielles et complexes. En effet, l’arbre du moteur tourne selon un axe horizontal longitudinal alors que le rotor principal tourne autour d’un axe vertical et le rotor arrière autour d’un axe latéral.

La limitation de vitesse

La sustentation d’un hélicoptère repose sur son rotor principal composé de pales. Ces pales génèrent la force de portance grâce à la vitesse de l’air incident. En vol stationnaire et dans des conditions d’atmosphère standard, les pales sont soumises globalement à la même vitesse d’air incident. Cette vitesse varie en fonction du rayon du rotor. Elle est notée U (r), où r est simplement le rayon considéré et Ω la vitesse angulaire de rotation en rad −1 : U (r) = r · Ω (1.2).
En stationnaire, les vitesses d’air incident sur les pales sont donc les mêmes quel que soit l’angle d’azimut considéré sur le rotor. En vol d’avancement, une vitesse Vh s’ajoute à la vitesse U (r) observée par les pales en vol stationnaire. Ainsi dans le repère du rotor, la pale qui avance (pale avançante) dans le sens du mouvement de l’hélicoptère voit une vitesse U (r) + Vh, tandis que la pale qui recule (pale reculante) voit une vitesse d’air incident U (r) − Vh. On peut introduire le paramètre d’avancement µ défini comme le rapport entre la vitesse d’avancement et la vitesse en bout de pale Ω · R où R est le rayon du rotor. µ = Vh (1.3).
Les vitesses résultantes sur le disque rotor ne sont plus axi-symétriques comme le souligne la figure 1.8 à gauche. A µ = 0, du côté de la pale reculante on observe une zone où la vitesse locale U (r) − Vh qui peut conduire à un résultat négatif. C’est la zone de « flux inversé » indiquée par un cercle en bleu sur la figure 1.8 à droite. Concrètement, l’air contourne la pale par le bord de fuite, ce qui engendre de la déportance et l’augmentation de la traînée. Cette zone est minimale lorsque µ tend vers 0 et maximale lorsque µ tend vers 1. A µ = 1, la pale reculante est entièrement affectée par ce phénomène de flux inverse des vitesses et ne génère aucune portance. En pratique, µ dépasse rarement 0,45 [13].

Un appareil plus respectueux de son environnement

Deux types d’impacts principaux de l’hélicoptère sur son environnement peuvent être distingués : le  premier est sonore, le second concerne la pollution atmosphérique. Les sources de bruits sur un hélicoptère sont multiples : le compresseur de la turbine, la boite de vitesses et surtout les voilures tournantes sont les plus significatives. Le bruit du rotor principal peut être de différentes natures :
– bruit d’épaisseur lié à la géométrie de la pale.
– bruit de charge causé par les variations de portance au cours de la rotation de la pale.
– bruit d’interaction pale/tourbillon dû aux chocs (saut de pression), d’une pale passant dans les tourbillons générés par les pales précédentes.
– bruit à grande vitesse.
– bruit émis par le rotor arrière.
L’intensité de ces sources de bruit varie en fonction de la position et de la vitesse de l’appareil par rapport à l’observateur. Par exemple en phase d’approche, le bruit d’interaction pale/tourbillon est le plus important. Il s’agit d’un bruit impulsif de niveau très élevé pouvant atteindre des valeurs de plus de 100 dBA. En phase de survol les bruits de hautes vitesses, d’épaisseur et de fenestron (rotor anticouple caréné) sont prédominants. Ces nuisances sonores importantes peuvent freiner le dévelop-pement de l’hélicoptère dans les zones urbaines. Les exigences de certification et de réglementation tendent par ailleurs à se durcir. Un exemple notoire est l’interdiction du survol de la ville de Paris hormis pour des missions de service de l’état. Le développement de l’hélicoptère civil en zone urbaine est donc tributaire de la réduction du niveau sonore. Plusieurs solutions permettent de rendre les rotors moins bruyants : les moyens passifs jouent sur la diminution de la vitesse de rotation ou la géométrie des pales, les moyens actifs optimisent le contrôle des pales en introduisant des systèmes de variation de pas individuel pour chaque pale, de gouvernes actives ou de profils actifs. Ces der-niers moyens modifient notamment la trajectoire des tourbillons pour réduire les interactions entre les pales et leur sillage. Le second impact cité concerne la pollution atmosphérique. Il concerne plus généralement tous les appareils brûlant du carburant. L’objectif est bien évidement de minimiser toute production de gaz polluant. La prise en compte des impacts environnementaux tels que le bruit ou l’émission de gaz est un nouvel axe de développement. L’activité « Green Rotorcraft » dans le projet de recherche européen « Clean sky » [15] a cette ambition de rendre les appareils à voilure tournante plus respectueux de leur environnement. Une collaboration est également en cours entre l’ONERA et la NASA sur ce sujet.
Après avoir décrit le fonctionnement d’un hélicoptère, les différentes formulations d’appareils à voilure tournante autres que l’hélicoptère peuvent être abordées.

La diversité des appareils à voilure tournante

L’hélicoptère avec sa formule constituée d’un rotor principal plus un rotor anticouple est apparu dans les années 1940 sous l’impulsion d’Igor Sikorsky aux États-Unis. Bien avant l’hélicoptère, d’autres concepts ont tenté de résoudre le problème de la sustentation d’un appareil plus lourd que l’air. L’enjeu recherché était de trouver une formulation apte à être maîtrisée et contrôlée tout en assurant la stabilité de l’engin. Ainsi des appareils à rotors coaxiaux, des tandems, ou autres formules à multiples rotors ont pu s’élever et participer à cette course de la maîtrise du vol vertical. La diversité des voilures tournantes est encore présente aujourd’hui. Le but des concepts alterna-tifs à l’hélicoptère est de dépasser les limites conceptuelles de ce dernier pour atteindre des vitesses et des altitudes de vol plus importantes, des distances franchissables élevées ou des masses maximales d’emport augmentées. Les formulations alternatives aux hélicoptères présentés dans la suite se dis-tinguent principalement par le moyen d’assurer la portance en modifiant le nombre et la disposition des rotors. Les concepts présentés dans la suite n’ont pas tous dépassé le stade du prototype que se soit pour des raisons techniques ou économiques. Néanmoins il est intéressant d’observer la diversité des formulations pour souligner l’intérêt de méthodes d’évaluation et de comparaison des giravions.

Les autogires

Bien que les autogires possèdent une voilure tournante, ceux-ci ne sont pas des ADAV. En effet, le rotor présent sur l’autogire n’est pas mis en rotation mécaniquement : c’est la vitesse incidente de l’air qui l’actionne et permet de générer de la portance pour le vol. Pour s’élever, les autogires nécessitent donc l’utilisation d’un moyen de propulsion, par exemple une hélice propulsive. Cependant, le rotor peut être mis en rotation dès le décollage afin de raccourcir les distances d’envol, voire de décoller en stationnaire. La mise en rotation du rotor par l’air qui le traverse implique que ce système ne génère pas de couple sur le fuselage. Les autogires ne nécessitent donc pas de système anticouple comme le montre le Cierva C30A sur la figure 1.9. Ces appareils sont apparus avant les hélicoptères, dans les années 1930 sous l’impulsion de Juan De la Cierva, un pionnier des voilures tournantes. Aujourd’hui les autogires sont quasi-exclusivement utilisés dans les aéroclubs, mais quelques concepts sont envisagés pour des applications militaires.

Les girodynes

Les girodynes différent des hélicoptères par le contrôle du rotor. Le rotor d’un girodyne est entraîné en rotation par un système (moteur ou compresseur) lui permettant de générer de la portance. En revanche, il ne peut créer de propulsion, le rotor n’est pas orientable. En conséquence, les girodynes doivent avoir un système de propulsion additionnel. Un exemple célèbre de girodyne est le Fairey Rotodyne. Cette machine conçue dans les années 1950 était dédiée au transport civil. Le rotor principal fonctionnait sur le principe du girodyne, il était mis en rotation par l’éjection d’air en bout de pale. Deux hélices assuraient la propulsion. Des ailes étaient présentes pour soulager le rotor et créer de la portance en vol d’avancement. Aujourd’hui les girodynes ne sont plus présents sur le marché, pourtant des concepts futuristes, dédiés au transport civil notamment, sont toujours à l’étude. Les hélicoptères sont des girodynes particulier, dans le sens où la propulsion est assurée par le rotor principal.

La formulation tandem

Les tandems sont des appareils à voilure tournante présentant deux rotors de taille équivalente et placés sur l’axe longitudinal de l’appareil. Les rotors tournent à la même vitesse en sens opposé ce qui permet globalement au centre de gravité de l’appareil d’obtenir un couple de rotation nul. Les premiers tandems opérationnels ont été conçus dans les années 1940, aujourd’hui le plus connu d’entre eux est le CH-47 Chinook de Boeing illustré sur la figure 1.10. Avec l’hélicoptère et les appareils à rotors coaxiaux, il s’agit de la formulation la plus répandue.
Les tandems sont généralement utilisés comme des appareils de transport lourd. Les rotors de grandes tailles (18 m de diamètre pour le CH47) génèrent une surface portante à même de supporter de grandes charges. De plus l’espacement entre les deux centres rotors impose un fuselage long et volumineux. Outre leurs performances statiques, les tandems sont reconnus pour leur stabilité dyna-mique accrue. En revanche la multiplication des rotors a une incidence sur la masse de l’appareil, les rotors, moyeux et boites de transmission étant des éléments lourds. Du point de vue aérodynamique, deux ou plusieurs rotors dépensent moins de puissance qu’un seul pour générer la même portance. Cependant les têtes des rotors sont des éléments ayant une forte traînée, jusqu’à 40 % de la traînée totale d’un hélicoptère.
Le tandem est donc une machine efficace pour le transport de lourdes charges. En revanche son efficacité est plus discutable pour les hautes vitesses et les grandes distances.

La formulation à rotors coaxiaux contrarotatifs

Les appareils à rotors coaxiaux utilisent deux rotors situés sur un même axe, de tailles identiques mais leur sens de rotation est opposé, parvenant ainsi à annuler le couple global généré par chacun des rotors sur le fuselage. Cette formulation est une caractéristique des appareils du constructeur russe Kamov, actuellement reprise par Sikorsky sur des concepts avancés tels que le X2 que nous évoquerons dans la partie 1.1.4.7.
De manière similaire aux tandems, la masse d’un coaxial est soulevée par la portance générée par deux rotors. La charge sur chaque rotor est donc divisée par deux. A surface de disque ro-tor équivalente, les coaxiaux sont plus compacts que les tandems et les hélicoptères. Du point de vue aérodynamique les rotors coaxiaux compensent le phénomène de dissymétrie de portance en vol d’avancement. Cela permet théoriquement d’atteindre des vitesses maximales plus importantes par rapport à l’hélicoptère, à condition que les deux rotors soient non articulés et hyper-rigides en batte-ment comme c’est le cas du X2 de Sikorsky. Toutefois le système de transmission des commandes doit être dupliqué. Les boites de vitesses doivent inverser la rotation du second rotor et le mât des rotors doit être dimensionné de manière à ce que les pales ne se coupent pas du fait de leurs battements. De plus la présence de deux rotors augmente le niveau de vibration généré. L’ensemble de ces facteurs fait que les systèmes de rotors coaxiaux sont complexes et de plus grande dimension verticale. Cela génère une traînée importante et pénalisante à haute vitesse. Les coaxiaux classiques ne sont donc pas généralement utilisés pour des vols nécessitant une vitesse importante.
L’utilisation des appareils coaxiaux contrarotatifs est diversifiée. On retrouve parmi la gamme Kamov, des appareils de transport de charges lourdes comme le KA-32 sur la figure 1.11a, et des appareils de combat très agiles et capables de transporter un armement important tel que le KA-50 sur figure 1.11b. Il peuvent faire preuve d’excellente manœuvrabilité grâce à leur symétrie (alors que l’hélicoptère n’est pas symétrique) et à la possibilité d’utiliser six commandes pour contrôler les six degrés de liberté de la dynamique du vol, alors que l’hélicoptère ne dispose que de quatre commandes.

Les convertibles

Les convertibles désignent les appareils munis d’un mécanisme de basculement des rotors. Ces derniers sont placés sur des ailes qui sur certains concepts, sont également libres (tout ou partie) de basculer. En stationnaire ainsi qu’à basse vitesse les rotors sont orientés de manière à contrer le poids de l’appareil. A haute vitesse, le poids est compensé par la portance des ailes et les rotors génèrent une force opposée à la traînée. Un exemple célèbre de convertible est le Bell-Boeing V22 Ospray de l’armée américaine illustré sur la figure 1.12. Il s’agit du seul appareil de ce type produit en série actuellement.
Ces aéronefs cumulent les avantages des hélicoptères et des avions. En effet ils sont capables de décoller, atterrir, voler verticalement et peuvent atteindre des vitesses comparables à celles des avions à hélice, soit près de deux fois celle d’un hélicoptère. Ils peuvent emporter une charge plus importante sur une plus grande distance car les ailes prennent en charge une part de la portance. En mode « avion » les convertibles peuvent aussi atteindre des altitudes de croisière plus élevées, jusqu’à 8000 m pour le V22. La figure 1.13 schématise une comparaison des domaines de vol typiques d’un convertible par rapport aux hélicoptères et avions turbopropulsés. Le convertible est un appareil de compromis, il cumule donc aussi certains inconvénients des hélicoptères et des avions. L’optimisation des pales de ces appareils doit convenir à la fois pour le vol en mode avion et en mode hélicoptère. Un compromis nécessaire impliquant de mauvaises performances en stationnaire en comparaison des hélicoptères. De même les pales des convertibles ne sont pas dimensionnées pour les hautes vitesses, supérieures à 600 km/h. L’optimisation des pales n’est pas la seule difficulté conceptuelle. Les rotors sont fixés sur des nacelles positionnées en bout d’aile. Le mécanisme de basculement ou de conversion est lourd et complexe. De même un arbre de transmission épais doit relier les deux nacelles augmentant le poids des ailes par rapport à celui d’un avion. En cas de panne, l’un des deux moteurs doit pouvoir assurer toute la puissance. L’interaction aérodynamique entre les rotors et l’aile peut aussi poser problème. Ces problématiques techniques très complexes expliquent en partie les coûts de conception élevés des convertibles. Par exemple, les coûts de développement du V22 Osprey s’établissaient à 27 milliards de dollars en 2007 [16] limitant leur développement sur les marchés publics. Malgré cela, son rôle dans l’armée américaine est essentiel : il permet le transport de troupe sur des distances presque deux fois plus importantes qu’un hélicoptère de masse équivalente. Enfin Agusta Westland tente de proposer un convertible, le AW 609 sur le marché civil.

La méthode de prédimensionnement de Prouty

Raymond Prouty est un ingénieur américain travaillant dans le domaine des voilures tournantes depuis les années 1950 (chez Hughes, Sikorsky, Bell, Lockheed, McDonnel Douglas). A la fin des années 1980, il publie un livre nommé « Helicopter Performances, Stability, and Control » [13], dans lequel il développe notamment une méthode de prédimensionnement des hélicoptères. Prouty précise que le prédimensionnement d’un appareil nécessite l’interaction de nombreux métiers. Les ingénieurs aérodynamiciens, spécialistes de la mécanique du vol ou des structures doivent coordonner leurs efforts au sein d’un processus itératif. Il en découle après convergence un design homogène mais basé sur des compromis entre les résultats des différents corps de métiers.
Prouty, indique que le design d’un hélicoptère commence par le renseignement de spécifications de mission. Charge utile, rayon d’action, endurance, vitesse ascensionnelle, vitesse maximale ou per-formances spécifiques en vol stationnaire sont des critères que l’on peut définir pour orienter le prédi-mensionnement. En parallèle, des contraintes permettent de cadrer le large choix de solutions laissé par les spécifications. Ces contraintes concernent le respect de normes de certification, de la charge soutenue par le rotor (Disk Loading), le niveau de bruit, etc.
Prouty propose une méthode de design basée sur 16 d’étapes :
1. Etablir une masse maximale (Wmto) et une puissance de décollage (Pinst) par identification avec des hélicoptères existants équivalents, i.e. avec des performances et spécifications similaires à celles visées.
2. Estimer la quantité de fuel embarquée en se basant sur une consommation spécifique (sf c) moyenne, indiquée par Prouty à 0.24 kg/kW pour une turbine avec Tmiss, la durée de la mission. La masse de carburant vaut : Wf uel = sf c · Pinst · Tmiss (1.4).
3. Calculer la masse utilisable totale, définie comme la somme des masses de l’équipage, de charge utile et de carburant : Wusef ul = Wcrew + Wpay + Wf uel (1.5).
4. Prédire le ratio de la masse utilisable divisée par la masse totale par rapport à une courbe d’évolution temporelle, des années 1950 jusqu’à nos jours, donnée par Prouty. Ce dernier indique qu’en 1990 le rapport vaut 0.65 contre 0.4 en 1960.
5. Ré-estimer la masse maximale à partir du résultat obtenu à l’étape 4. Si les valeurs diffèrent, réajuster la puissance installée et la quantité de carburant.
6. Etablir la charge au disque maximale permise et estimer par conséquent le rayon rotor.
7. Faire les premiers choix de design du rotor : vitesse en bout de pale, solidité (i.e. surface des pales rapportée à celle du disque rotor) et vrillage des pales à partir des spécifications et notamment de la vitesse maximale.
8. Estimer la traînée du rotor et de l’appareil en vol d’avancement en palier, en montée et au stationnaire.
9. Calculer plus précisément la puissance installée.
10. Sélectionner le moteur par rapport aux spécifications et contraintes.
11. Recalculer la quantité de carburant.
12. Calculer les masses des sous-systèmes à partir de méthodes statistiques jusqu’à convergence.
13. Effectuer des études paramétriques sur la charge disque, la vitesse en bout de pale, la solidité, le vrillage, le type et nombre des moteurs afin d’établir la configuration la plus légère.
14. Raffiner la description structurelle et la masse des sous-systèmes.
15. Calculer de manière plus précise les traînées.
16. Maintenir une coordination entre chaque membre de l’équipe pour assurer que les compromis sur le design et les décisions soient bien pris en compte.
Selon Prouty, les 13 premières étapes peuvent s’inscrire dans un processus autonome informatisé. Ce cheminement logique possède plusieurs avantages. Il est premièrement pragmatique et permet de démarrer le problème depuis une situation réaliste : un client propose un ensemble de besoins et de spécifications pour effectuer une mission. Il permet donc sur les 6 premières étapes d’établir un premier portrait grossier d’un appareil. Les étapes 7 à 13 permettent quant à elles de raffiner le dimensionnement en introduisant de nouvelles disciplines comme l’aérodynamique. Enfin à partir de l’étape 14, les modélisations se précisent. C’est un schéma de montée en niveaux de précision que l’on retrouve dans les études effectuées durant cette thèse. Prouty indique dans la suite de son chapitre dédié au prédimensionnement de nombreuses considérations pouvant aider et orienter le design. Elles ne sont pas décrites dans cet état de l’art.

Objectifs et intérêts de la plateforme C.R.E.A.T.I.O.N.

C.R.E.A.T.I.O.N. a pour objectif de proposer une démarche méthodologique intégrée dans un environnement de calcul destinée à évaluer, optimiser et définir des concepts de giravions et de leurs principaux sous-systèmes : rotors, motorisation, … L’évaluation porte sur l’étude des performances de vol des appareils et de leurs impacts sur l’environnement. Ceci doit être possible quel que soit le niveau d’information disponible sur l’aéronef. C.R.E.A.T.I.O.N. doit être utilisable pour un appareil totalement déterminé donc existant ou au contraire non existant, donc défini par seulement quelques spécifications de mission.
Une telle plateforme possède de nombreux intérêts pour l’ONERA. Au stade de développement actuel, la capacité d’expertise qu’apporte C.R.E.A.T.I.O.N. est probablement la plus significative. En effet, l’ONERA en tant qu’expert français du domaine aéronautique est régulièrement sollicité pour apporter des réponses sur des problématiques d’ingénierie ou de recherche. Les clients peuvent être des petites et moyennes entreprises, de grands groupes industriels ou l’état. C.R.E.A.T.I.O.N. est un outil adapté aux demandes d’expertises en matière de giravions avec ou sans pilote à bord. Par exemple cet outil a d’ores et déjà été appliqué à l’évaluation comparative de différents hélicoptères en remplacement de la flotte d’appareils moyens et légers des trois armées françaises.
Au-delà, le projet porte de multiples intérêts scientifiques. Les giravions sont des systèmes com-plexes et fortement multidisciplinaires. Généralement chaque sous-système d’un appareil à voilure tournante est optimisé isolément. Cette optimisation séparée ne mène pas à l’optimum optimorum ou optimum global que l’on pourrait atteindre en optimisant l’aéronef dans son intégralité. Un tra-vail d’assemblage des différentes disciplines participant à la conception d’un appareil permet donc à terme d’optimiser globalement les giravions. En 2010, ce travail d’optimisation global des giravions n’existait pas à l’ONERA et commençait à se développer ailleurs dans le monde comme présenté dans la partie 1.2. Il est donc stratégique de s’impliquer dans ce domaine de recherche dont les principales composantes sont présentes à l’office. En outre une telle démarche permet de créer des synergies entre les départements de l’ONERA.
Une démarche outillée nécessite la construction de librairies de modèles liés entre eux et de dif-férents niveaux de complexité : depuis des modèles statistiques jusqu’aux codes experts de chaque métier (HOST, CFD, etc.). La mise en place de méthodes d’évaluation et d’optimisation des concepts de giravions implique un travail de recherche. L’utilisation de méthodes de dimensionnement multidis-ciplinaire ou MDO (Multidisciplinary Design Optimization) dans le domaine des voilures tournantes reste rare. L’état de l’art recense seulement le cas de la thèse de Khalid [2]. Le développement du pro-jet C.R.E.A.T.I.O.N. soulève donc un ensemble de problématiques scientifiques de pointe en ingénierie en particulier, l’optimisation multi-disciplinaire, multi-objectifs, multi-variables et multi-niveaux de modélisation.
Pour conclure, une telle plateforme présente un intérêt évident pour l’innovation. Il existe de nom-breux concepts de giravions. Nous avons tenté de les présenter de manière relativement exhaustive dans la partie 1.1.4. Toutefois les formulations possibles pour les appareils à voilure tournante sont indénombrables. Il est tout à fait envisageable d’imaginer une nouvelle architecture combinant rotors et ailes de façon originale et plus efficace qu’un hélicoptère pour un groupe d’applications donné. C.R.E.A.T.I.O.N. a pour but de permettre le prédimensionnement et l’évaluation des performances d’un concept novateur. Sans pousser jusqu’au développement total d’un démonstrateur volant, pro-poser un concept innovant est aussi un vecteur de démonstration du savoir faire de l’ONERA dans le domaine de l’aéronautique.
Outre des architectures innonvantes, cette plateforme de calcul devrait à terme permettre aussi d’étudier de manière intégrée l’intérêt de concepts innovants pour les sous-systèmes qui composent le giravion comme par exemple, un giravion à régime de rotation variable, une motorisation hybride….

La construction de bases de données

Nous avons développé cette base de données en majeure partie durant cette thèse. Sous la forme d’un classeur Excel, elle représente une gamme d’environ 200 hélicoptères mais aussi des conver-tibles, des tandems, des appareils à rotor engrenant, des combinés et des drones de différentes types. Outre cette base de données relatives aux appareils à voilure tournante, d’autres bases de données représentent différents sous-systèmes et/ou performances des giravions tels que les moteurs (turboma-chines, moteurs à pistons etc.), les profils de pales, les niveaux de bruit des hélicoptères (à partirs de documents de certifications), … La figure 2.1 résume en quelques chiffres clefs les caractéristiques de cette base de données. Les informations proviennent de différentes sources : Jane’s all the world’s air-craft [32], sites constructeurs, wikipedia et sites de passionnés tels que Flugzeug info [33], Aviastar [34], BlueSkyRotor [35] ou institutionnels : administration fédérale de l’aviation américaine FAA [36] , et l’agence européenne de sécurité aéronautique EASA [37]. Dans le cadre d’une collaboration avec le DLR et le projet RIDE, les bases de données hélicoptères ont été échangées afin de les comparer et de les compléter. La création d’une base de données est un travail long et fastidieux mais fructueux par l’exploitation qu’il est possible d’effectuer.
Plusieurs difficultés accompagnent la création d’une base de données. La première est la confiance accordée envers les informations recueillies. Ces dernières peuvent provenir de sources non officielles et sont donc sujettes à discussion. Toutefois le principal problème concerne les performances de vol. Elles sont généralement données sans information sur les conditions de mesure. Par exemple la masse a une grande influence sur la vitesse maximale d’un hélicoptère. Pour le Dauphin une différence de 800 kg modifie la vitesse maximale d’environ 13 km/h (292 km/h à 4 000 kg, contre 305 à 3 200 kg). Cela pose des problèmes d’homogénéité des données et la comparaison de différents appareils peut être faussée. Seules les données techniques détaillées fournies par les constructeurs sont considérées comme fiables. Malheureusement elles sont rarement disponibles publiquement. Il est donc nécessaire de recouper les informations entre différentes sources. Afin de pouvoir construire la base de données, nous avons fait l’hypothèse que les performances étaient données à la masse maximale.
Une autre difficulté est la sélection des hélicoptères. Il en existe plus de 500 en comptant toutes les déclinaisons de série. Les différences entre deux appareils d’une même série peuvent être minimes : nouveaux instruments de vol, modernisation du rotor, adaptation de la motorisation pour un client,
… Par exemple l’Ecureuil AS 350 d’Eurocopter existe sous une trentaine de déclinaisons [38]. Dans un souci d’efficacité et de contraintes temporelles, il faut donc effectuer une sélection. Seuls les appareils les plus modernes de chaque série sont gardés, hormis dans les cas d’évolutions importantes comme le changement pour une motorisation significativement plus performante. Ce travail de sélection est essentiel pour la construction de lois statistiques. En effet il est nécessaire d’éviter les doublons afin de ne pas orienter les régressions vers des cas particuliers. La dimension temporelle de l’évolution des appareils est tout de même préservée car tous les modèles ne bénéficient pas de mise à jour.
Le but de la base de données est de permettre l’observation de tendances dans les choix de design en fonction de différents paramètres. La partie hélicoptère comporte ainsi plusieurs catégories de paramètres définissant un appareil conventionnel. Toutes les données ne sont pas disponibles pour tous les appareils. Sa complétion et son homogénéisation est un travail important à poursuivre à l’issue de cette thèse. Différentes parties principales composent la base de donnée :
– Les masses : à vide, maximale, de charge utile, masse maximale embarquée (correspondant à la masse maximale moins la masse à vide).
– Les rotors (principal et anticouple) : nombre de pales, rayon, corde moyenne des pales, vitesse de rotation, masse des pales, matériaux, type de tête rotor.
– La motorisation installée : type de moteurs, modèle, nombre, puissance de décollage, puis-sance maximale continue, puissance d’urgence, quantité de carburant maximale.
– Les performances : vitesses maximale, de croisière, économique, plafond opérationnel, altitude maximale de décollage, vitesse de montée maximale, rayon d’action et endurance.
– Les dimensions de l’appareil : longueur, hauteur, largeur, surfaces des éléments portants fixes.
– Autres informations : usage, capacité en passagers et pilotes, premier vol, statut de produc-tion, lien vers un fichier de certification.

La construction de lois statistiques

Dans cette partie nous présentons la construction statistique au niveau 0. Après avoir décrit les problématiques de l’élaboration de modèles statistiques, nous chercherons à partir d’un ensemble de spécifications à établir des modèles de tendance entre la masse maximale de l’appareil et les principales dimensions du rotor principal et du fuselage.

Problématique et cadre théorique

Les lois statistiques du niveau 0 que nous établissons permettent, à partir de quelques spécifica-tions, de définir les paramètres principaux de la modélisation de niveau 1. Trois paramètres peuvent être choisis comme spécification par exemple :
– Wpay : la masse de charge utile.
– RA : le rayon d’action maximal.
– Vmax : la vitesse maximale d’évolution ou la vitesse économique de croisière (Veco).
Ces trois paramètres sont typiques d’une mission de transport. Nous pourrions en choisir d’autres comme la masse maximale au décollage, la puissance requise au stationnaire ou le plafond opérationnel. L’intérêt de cette partie est d’illustrer une méthode et non de présenter tous les modèles de niveau 0. Dans la base de données, les informations sur la masse de charge utile, le rayon d’action et la vitesse maximale sont soumises à une incertitude non quantifiable : la validité des informations. Comme nous l’avons expliqué plus en amont, les valeurs de la base de données sont indiquées sans information sur la quantité de carburant prise en compte ou la masse de charge utile. Or les spécifications choisies sont dépendantes de ces paramètres. Il faut donc prendre du recul sur les lois établies dans la suite. Les motivations du niveau 0 sont de donner des tendances. Le tableau 2.1 présente quelques statistiques sur la base de données au regard des spécifications choisies.

Calcul des performances du moteur

La puissance maximale au décollage Pto est calculée pour contrer le poids de l’appareil. Il est donc évident de considérer cette performance en fonction de la masse maximale au décollage. La base de données met en évidence une relation linéaire entre la puissance de décollage et la masse maximale : Pto (kW ) = 0 282 · Wmto (kg) − 48 740 (2.18).
Cette régression illustrée par la figure 2.11 possède un coefficient de détermination de 0,97. Des lois statistiques estiment la masse du moteur en fonction des puissances de décollage sont possibles à partir de la base de données. La figure 2.12 présente l’une d’entre elles en considérant les moteurs les plus performants actuellement parmi l’ensemble des moteurs à turbine disponibles dans la base de données. Dans ce cas précis, on souhaite avoir un moteur dont la masse est la plus légère possible par rapport à la puissance demandée. On fait donc une hypothèse d’ordre technologique pour le dimensionnement d’un nouvel appareil. Dans le cas où la masse moteur est inconnue pour un appareil plus classique, on choisira une régression plus représentative de l’ensemble des individus de la base de données.

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Table des matières

Introduction
1 Mise en place de la problématique 
1.1 Contexte et problématique
1.1.1 Les ADAV : Aéronefs à Décollage et Atterrissage Vertical
1.1.2 Les missions des ADAV
1.1.3 L’hélicoptère
1.1.3.1 La sustentation, la propulsion et le couple
1.1.3.2 La chaîne de commandes et le pilotage
1.1.3.3 L’importance des éléments fixes
1.1.3.4 La génération et transmission de la puissance
1.1.3.5 La limitation de vitesse
1.1.3.6 La contrainte de masse
1.1.3.7 Un appareil plus respectueux de son environnement
1.1.4 La diversité des appareils à voilure tournante
1.1.4.1 Les autogires
1.1.4.2 Les girodynes
1.1.4.3 La formulation tandem
1.1.4.4 La formulation à rotors coaxiaux contrarotatifs
1.1.4.5 Les convertibles
1.1.4.6 Les appareils à rotor engrenant
1.1.4.7 Les combinés
1.1.4.8 Les autres concepts
1.1.5 Concepts versus missions
1.2 État de l’art de méthodes d’évaluation et de conception des giravions
1.2.1 Le NDARC
1.2.2 Les travaux du Georgia Institute of Technologie (GIT)
1.2.3 La méthode de prédimensionnement de Prouty
1.2.4 RAPID/RaTE
1.2.5 RIDE
1.2.6 À l’ONERA
1.2.6.1 Les compétences multidisciplinaires
1.2.6.2 Le projet DOOM et l’optimisation multidisciplinaire
1.2.6.3 Ce qu’il faut retenir
1.3 Les objectifs de C.R.E.A.T.I.O.N. et l’organisation du projet
1.3.1 Le PRF C.R.E.A.T.I.O.N
1.3.2 Objectifs et intérêts de la plateforme C.R.E.A.T.I.O.N
1.3.3 La chaîne de calcul
1.3.3.1 L’aspect multi-niveaux
1.3.3.2 L’aspect multidisciplinaire
1.3.4 Les jalons
2 Développement de modèles de calcul des performances de vol pour l’évaluation d’hélicoptères 
2.1 Modélisation de niveau 0
2.1.1 Description générale du niveau 0
2.1.2 La construction de bases de données
2.1.3 La construction de lois statistiques
2.1.3.1 Problématique et cadre théorique
2.1.3.2 Modélisation de la masse maximale au décollage à partir des spécifications
2.1.3.3 Modélisation des paramètres du rotor
2.1.3.4 Calcul des dimensions du fuselage : Lfus et Hfus
2.1.4 Calcul des performances du moteur
2.1.5 Applications
2.1.6 Conclusions et transition vers le niveau 1
2.2 Modélisation de niveau 1
2.2.1 Module de performances de vol : les équations du bilan de puissance
2.2.1.1 Calcul de la puissance induite : la théorie du disque sustentateur
2.2.1.2 Calcul de la puissance de traînée de profil des pales
2.2.1.3 Calcul de la puissance de traînée de l’appareil
2.2.1.4 Calcul de la puissance du rotor anti-couple
2.2.1.5 Calcul des pertes
2.2.1.6 Bilan de puissance et performances principales hors moteur
2.2.1.7 Implémentation et codage du bilan de puissance
2.2.2 Modèle aérodynamique
2.2.2.1 Le coefficient de traînée de profil de pale
2.2.2.2 Le coefficient d’efficacité induite
2.2.2.3 Le coefficient de traînée du fuselage
2.2.3 Modèle de génération de puissance
2.2.4 Modèle acoustique
2.2.5 Modèle architecture et géométrie
2.2.6 Modèle de masse et structure
2.2.7 Modèle de missions et spécifications
2.2.8 Intégration des modules
2.3 Validation des modèles de niveau 1
2.3.1 Le dauphin SA 365N
2.3.2 Le code HOST et l’étude RESPECT
2.3.3 Comparaisons du niveau 1 par rapport aux essais en vol
2.3.3.1 Vol en palier
2.3.3.2 Vol en montée / descente
2.3.4 Comparaisons du niveau 1 par rapport au niveau 3 pour les performances de vol
2.3.5 Comparaison des performances par rapport aux données techniques
2.4 Application sur différents appareils
2.5 Conclusions sur la modélisation de niveau 1
2.6 Conclusions et perspectives sur la mise en place de modèles d’évaluation des performances de vol
3 Optimisation et conception préliminaire des hélicoptères 
3.1 Un hélicoptère de transport lourd de passagers civils
3.1.1 Missions et spécifications
3.1.2 Le concept H90 de la NASA avec NDARC
3.2 Prédimensionnement au niveau 0
3.2.1 Calcul de la masse maximale au décollage
3.2.2 Calcul des dimensions du rotor
3.2.3 Calcul des dimensions du fuselage
3.2.4 Puissance requise au stationnaire
3.2.5 Conclusions
3.3 Prédimensionnement et optimisation au niveau 1
3.3.1 Le problème d’optimisation
3.3.1.1 Le choix des objectifs
3.3.1.2 Le choix des variables d’optimisation
3.3.1.3 Les contraintes
3.3.1.4 Récapitulatif du problème d’optimisation
3.3.2 L’optimisation multi-objectifs
3.3.2.1 La notion d’optimalité au sens de Pareto
3.3.2.2 L’équilibre de Nash
3.3.2.3 La classification des méthodes d’optimisation multi-objectifs
3.3.2.4 Le champ d’étude de cette thèse
3.3.3 Les méthodes a priori
3.3.3.1 Les méthodes agrégatives
3.3.3.2 Les méthodes de transformation des objectifs en contraintes
3.3.3.3 Les autres méthodes
3.3.3.4 Conclusions sur les méthodes a priori
3.3.4 Les méthodes a posteriori et les algorithmes évolutionnaires
3.3.4.1 Principe
3.3.4.2 Principales problématiques
3.3.4.3 NSGA-II et l’élitisme
3.3.5 La visualisation du front de Pareto
3.3.5.1 Les cartes auto-adaptatives
3.3.5.2 Les diagrammes de niveaux
3.4 Le processus de conception et son applications au HO-90
3.4.1 Le processus de dimensionnement
3.4.2 Le processus d’évaluation
3.4.3 L’intégration sous ModelCenter
3.4.4 La construction d’un modèle de substitution
3.4.4.1 La formulation polynomiale
3.4.4.2 Le Krigeage
3.4.4.3 Création du plan d’expérience
3.4.5 La chaîne d’optimisation
3.4.5.1 Construction
3.4.5.2 Paramétrage de l’algorithme génétique
3.5 Analyse des résultats d’optimisation
3.5.1 Premières tendances
3.5.2 Visualisation du front de Pareto à l’aide de cartes auto-adaptatrices
3.5.3 Choix d’une solution par la méthode des diagrammes de niveaux
3.5.4 Choix d’une solution à l’aide de méthodes de décision « a priori »
3.5.4.1 Sélection d’une solution à l’aide du critère global par somme pondérée
3.5.4.2 Sélection d’une solution à l’aide de l’optimisation hiérarchique
3.5.5 Vers un résultat final
3.5.6 le raffinement de la solution
3.5.7 La solution sans approximation
3.5.8 Comparaison avec les résultats NDARC et du niveau 0
3.6 Conclusions
4 Vers la généralisation des méthodes et outils aux autres aéronefs à voilure tournante
4.1 Introduction
4.2 Bilan de puissance généralisé
4.2.1 Le convertible
4.2.1.1 Les spécificités du convertible
4.2.1.2 Le bilan de puissance du convertible
4.2.1.3 Les autres modèles de niveau 1 pour le convertible
4.2.1.4 Conclusions sur le convertible
4.3 Code de génération automatique d’architecture
4.3.1 Le processus et les règles de construction d’un giravion
4.3.2 Les prochaines étapes
Conclusion et perspectives

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