Comorbidité de la dépression et de l’anxiété chez les personnes âgées

Planification du but

La planification réfère à l’organisation du « chemin à parcourir », plus précisément aux actions spécifiques à entreprendre pour atteindre le but (Austin & Vancouver, 1996).
Une bonne planification implique une anticipation des étapes à venir ainsi que l’identification des moyens, des habiletés et des ressources nécessaires pour atteindre le but. Elle comporte aussi la détermination des circonstances (moment et lieu) au cours desquelles l’action sera entreprise, l’anticipation des obstacles possibles, la prévision des stratégies pour les contourner et l’identification des sources d’aide en cas de besoin (Watson & Tharp, 2007).
Les travaux de Gollwitzer (1996, 2009) présentent des stratégies qui placeront l’individu dans un état cognitif, affectif et comportemental qui l’incitera à passer à l’action et à persévérer malgré les difficultés. L’auteur insiste sur l’ importance de différencier les intentions vagues, se présentant sous forme de moult désirs que l’ individu ne pourra entièrement satisfaire faute de ressources (temps-énergie), des « intentions de mise en oeuvre» (implementation intention) qui, elles, découlent de la volonté de réaliser le projet sélectionné. Les intentions de mise en oeuvre se caractérisent par une planification consciente et spécifique (Gollwitzer, 2009) qui permettra d’atteindre le but en déterminant où, quand et comment progresser vers celui-ci. Ce faisant, l’individu prévoit la réaction à adopter dans une situation particulière, afin d’ initier consciemment un comportement automatique. C’ est ce que Gollwitzer (2009) appelle la « procédure si – alors », qui se traduit comme suit: « si je rencontre la situation X, alors j ‘adopterai le comportement Y ».
Par exemple, la personne âgée qui désire améliorer son alimentation pourrait traduire sa volonté par la mise en oeuvre suivante: « si je vais au restaurant, alors je commanderai un choix santé, sans regarder le menu (pour ne pas me laisser tenter par des plats caloriques et moins nutritifs) ».
Selon la méta-analyse de Gollwitzer et Sheeran (2006), les intentions de mise en oeuvre auraient des effets positifs sur l’atteinte du but et seraient donc un élément d’une bonne planification. Elles feraient notamment en sorte de rendre l’ individu mentalement prêt à détecter la situation envisagée et à s’engager à exécuter les actions prévues lors de la planification. Ainsi, grâce aux intentions d’ exécution, il y a une augmentation de la probabilité que la personne pose l’acte prévu, malgré les distractions et les tentations associées à des contextes indésirables, voire incompatibles avec l’ atteinte de son but. De plus, une planification spécifique détaillée protègerait, jusqu’à un certain point, l’ individu de « déraillements » possibles causés par des états intérieurs nuisibles à l’ atteinte du but (ex. : manque de motivation, découragement, manque de discipline; Gollwitzer, 2009).
Ainsi, une planification efficace induit chez l’ individu un état d’ esprit centré sur l’exécution et le rend prêt à passer à l’ action, tant sur le plan cognitif que comportemental (Gollwitzer, 1996, 2009). Il se perçoit positivement, se sent moins vulnérable et s’attribue plus de contrôle (Watson & Tharp, 2007). En ce sens, la planification place l’ individu dans un état d’ esprit qui favorise le bien-être psychologique et crée de bonnes conditions pour l’ action (Gollwitzer & Sheeran, 2006; Watson & Tharp, 2007).

Poursuite du but

L’étape de la poursuite du but est évidemment cruciale dans le processus. Tout comme l’ élaboration et la planification, la poursuite du but présente elle aussi plusieurs aspects qui influenceront le bien-être psychologique, et ce, principalement lorsque l’individu est confronté à des obstacles (contraintes personnelles ou environnementales).
C’ est pourquoi plusieurs chercheurs s’ intéressent aux éléments favorisant l’atteinte des objectifs fixés et le bien-être psychologique durant cette étape.
L’ un des premiers éléments à prendre en considération est l’ état dans lequel l’ individu se trouve durant la réalisation de l’ activité (ex. : plaisir, satisfaction). Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple de l’ expérience optimale ou « tlow » (Csikszentmihalyi, 1997, 2004). Cette dernière est vécue par l’ individu lorsqu ‘ il est complètement immergé dans l’ activité qu’ il exerce. Selon les résultats des travaux de Csikszentmihalyi (1997, 2004), l’expérience optimale comporte certaines caractéristiques majeures, dont l’engagement vers un objectif précis qui constitue un défi pour l’ individu, mais qu’ il peut relever grâce à ses habiletés. L’ activité entraîne une concentration intense ne laissant aucune place aux distractions, ni aux préoccupations à propos de soi, et qui s’accompagne (généralement) d’une perception altérée du temps (la personne qui vit une expérience optimale ne voit pasle temps passer lorsqu ‘elle exerce l’ activité). L’engagement dans la tâche fournit une rétroaction immédiate qui permet à la personne de savoir comment progresse sa performance. L’ expérience optimale est donc liée au bien-être psychologique et favorise la poursuite du but (Csikszentmihalyi, 1997, 2004).
Taylor et Pham (1996) indiquent que certaines stratégies génèrent des effets bénéfiques sur la motivation, la poursuite et l’ atteinte du but désiré. Par exemple, l’ anticipation des conséquences positives de l’ atteinte de l’ objectif (outcome simulation) et la visualisation mentale des étapes et gestes à poser pour y parvenir (pro cess simulation) seraient associées à une poursuite plus assidue du but et à un niveau de bien-être psychologique plus élevé. Les meilleurs résultats proviendraient de la combinaison de simulation du processus et de la finalité (process-outcome simulation; Taylor & Pham, 1996).
Parallèlement, l’ étude longitudinale de Brunstein (1993), réalisée auprès d’étudiants, a montré que l’avancement vers la réalisation du but améliore le bien-être psychologique.
L’écart entre la progression et l’atteinte du but est également relié au bien-être psychologique (Johnson, Carver, & Fulford, 2010; Little & Gee, 2007). Par exemple, lorsque l’ objectif est perçu comme rapproché, certains individus diminueraient leurs efforts envers ce but, ce qui leur permettrait d’ investir de l’énergie dans d’autres buts et ainsi de poursuivre plusieurs buts à la fois (Louro et al., 2007). Lorsque le rythme de progression est plus lent que prévu, cela pourra générer des émotions négatives qui pourront dans certains cas pousser l’ individu à déployer plus d’ efforts s’ il considère que l’objectif est encore atteignable (Louro et al., 2007). Toujours selon Louro et al. (2007), lorsque l’ objectif est perçu comme trop difficile à atteindre, il est aussi possible que l’ individu diminue ses efforts ou abandonne le but en question. Par contre, selon Cantor et Blanton (1996), devant un objectif perçu comme étant inaccessible ou incertain, certains individus peuvent ressentir un sentiment d’ incompétence et des affects négatifs susceptibles dans certains cas de les motiver à redoubler d’efforts pour atteindre leur objectif. Cette solution, positive en soi, pourrait toutefois être exigeante sur le plan physique et émotionnel, exposant l’individu à des risques d’épuisement (Cantor & Blanton, 1996). Ainsi, devant la difficulté d’ atteindre un but, le maintien du bien-être psychologique dépend des capacités de l’individu à s’ adapter aux contraintes rencontrées.
À cet effet, un modèle incontournable est celui de Brandtstadter et Renner (1990).
Ces derniers présentent deux stratégies distinctes et complémentaires dont dispose l’individu devant les obstacles rencontrés dans la poursuite des buts. Il s’agit de l’ assimilation et de l’accommodation. L’assimilation se caractérise par une tentative de modifier la situation, notamment par la résolution de problèmes et la persistance dans ses efforts pour atteindre l’objectif désiré, malgré les obstacles. Il est donc question de ténacité dans la poursuite du but. Quant à l’accommodation, elle se traduit par la modification ou l’abandon du but devant des contraintes trop grandes et un réengagement dans des projets différents. L’ individu doit donc être en mesure d’ ajuster son comportement en fonction des exigences de la situation. Cette stratégie est donc reliée à une poursuite flexible du but. 1 Selon les auteurs, ces deux stratégies sont liées au bien-être psychologique selon les contextes dans lesquels elles sont utilisées. Généralement, les individus utilisent d’abord l’ assimilation pour réaliser leurs projets; si les difficultés deviennent trop importantes, certains opteront ensuite pour l’accommodation (Brandtstadter, 2009; Brandtstadter & Renner, 1990; Brandtst!:idter & Rothermund, 2002).

Évaluation du résultat

Trop souvent occultée, la dernière étape de la réalisation du but, qui se rapporte à l’ évaluation globale de la démarche permet à la personne d’ évaluer ses apprentissages et ses progrès vers l’atteinte du but. Bien qu’elle soit tributaire des attentes de la personne au départ, il n’ en demeure pas moins que l’ impression d’avoir progressé ou atteint l’objectif est l’ une des dimensions de cette étape du processus qui est associée au bienêtre psychologique (Brunstein, 1993; Lecci, Karoly, et al., 1994; Sheldon & HouserMarko, 2001). Les gens qui atteignent leurs buts s’évaluent plus positivement et ont un sentiment plus élevé d’ efficacité personnelle; ils s’ impliquent davantage dans des buts subséquents et atteignent leurs objectifs, ce qui contribue à leur identité (Sheldon & Houser-Marko, 2001). L’inverse a aussi été démontré chez ceux qui n’ atteignent pas leurs objectifs (Nurmi, 1998). Les échecs entraîneraient une hésitation à entreprendre la poursuite de nouveaux projets; ils seraient liés au doute quant aux aptitudes et capacités à atteindre des objectifs chez un individu et susciteraient, du coup, des émotions négatives.
De fait, les individus déprimés ressentiraient ces doutes et auraient tendance à regretter les efforts investis dans des buts non atteints ainsi qu’à juger leur investissement dans ces projets comme du temps et de l’ énergie « gaspillés », plutôt que de tenter de comprendre ce qui a mené à l’échec afin d’ ajuster subséquemment leurs pensées et leurs comportements et ainsi utiliser la situation comme un apprentissage pour la réalisation de nouveaux projets (Lecci, Okun, & Karoly, 1994). Du coup, ces comportements d’évitement limiteraient l’ exposition à des expériences positives, pouvant ainsi contribuer à l’émergence et au maintien de symptômes dépressifs (Trew, 2011). Comme mentionné précédemment, ces individus développeraient un biais de perception, c’ est-à-dire qu’ ils poseraient davantage leur attention sur l’ information négative (ex. : obstacles, difficultés, échecs) et conforteraient ainsi leurs croyances à propos de la nécessité d’éviter de poursuivre des buts afin de ne pas s’exposer à des émotions négatives (Trew, 2011).
Une autre variable à prendre en considération est celle de l’attribution causale du succès, c’ est-à-dire ce à quoi l’individu associe sa réussite. Par exemple, un individu qui attribue l’ atteinte de son objectif à la chance (cause externe) ne retirera pas les mêmes bienfaits psychologiques de sa démarche que celui qui attribue son succès à ses efforts ou à ses habiletés, donc à une cause interne (Snead, Magal, Christensen, & Ndede-Amadi, 2015).

Discussion

La section qui suit présente la discussion des résultats concernant les hypothèses de recherche, les interprétations des analyses exploratoires, les suggestions pour des études ultérieures et les limites de l’étude.
Les analyses statistiques effectuées pour tester les hypothèses n’ont pas révélé de différences significatives entre les groupes intervention et contrôle aux trois temps de mesure. On ne peut donc conclure à un effet statistiquement significatif du programme « En route vers une vie plus heureuse» sur la perception de la capacité à réaliser des buts, ainsi que les symptômes dépressifs et anxieux des participants du groupe intervention. Les hypothèses de recherche ne sont donc pas soutenues. Cependant, l’effet principal « temps» est significatif pour les variables dépendantes (processus de réalisation des buts, dépression, anxiété) et l’effet principal « groupe» est significatif pour l’ÉDG et l’anxiété.
Des analyses exploratoires ont indiqué par ailleurs que les hommes qui ont bénéficié du programme présentent moins de symptômes dépressifs au post-test selon le BOl-Il comparativement aux femmes et aux hommes du groupe contrôle. Enfin, il est apparu que la différence entre les hommes du groupe intervention et du groupe contrôle se maintient à la relance.
En ce qui concerne plus spécifiquement l’ effet principal « temps» sur la variable processus de réalisation des buts, l’ensemble des participants des groupes intervention et contrôle a présenté une meilleure perception de la capacité à élaborer, planifier et poursuivre des buts entre le prétest et le post-test et entre le prétest et la relance. Aucune différence significative n’ est ressortie entre le post-test et la relance, ce qui indique que les scores se maintiennent six mois plus tard.
Toujours pour l’ effet<< temps », les résultats de l’ensemble des participants suivent la même tendance que celle pour les buts en ce qui concerne les variables dépression et anxiété. Une diminution significative des symptômes dépressifs au BDI-II et à l’ÉDG a ainsi été notée entre le prétest et le post-test et entre le prétest et la relance. En outre, une diminution significative du niveau d’anxiété, selon les scores à l’ Échelle d ‘anxiété gériatrique, a aussi été observée entre le prétest et le post-test, ainsi qu’entre le prétest et la relance. Aucune différence significative n’est toutefois ressortie sur ces trois variables entre le post-test et la relance, indiquant que l’ amélioration des scores, par rapport au prétest, s’ est maintenue six mois plus tard.
Situer le programme dans une perspective de santé mentale globale.
Les résultats de la présente étude divergent de ceux des études antérieures effectuées sur le même programme (Bouffard et al., 1996, 2001; Dubé, Bouffard, Lapierre, & Alain 2005; Dubé et al., 2000, 2002, 2007; Lapierre et al., 2007; Navratil & Lapierre, 2009; Rivest et al., 2009). L’un des éléments à considérer est la clientèle à qui il était adressé.
Dans plusieurs études antérieures, les effets de ce dernier étaient évalués auprès de clientèle vivant une transition de vie comme la retraite (Dubé, Bouffard, Lapierre, & Alain 2005; Dubé et al., 2000, 2002, 2007; Lapierre et al., 2007), des études universitaires (Bouffard et al., 2001), un divorce (Navratil & Lapierre, 2009) et donc à des participants confrontés à une situation de stress ou de remise en question, qui ne présentaient pas spécifiquement une problématique de santé mentale. Il se pourrait donc que la démarche de réalisation des buts personnels génère plus de bénéfices lorsque les participants traversent une période de transition qui bouleverse leurs repères et met à l’épreuve leurs capacités d’adaptation, plutôt que lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes de santé mentale.
Un autre élément à considérer concerne les variables retenues pour évaluer le programme. Dans cette étude, les éléments de santé mentale étaient opérationnalisés avec des symptômes psychopathologiques (dépression et anxiété), alors que les études antérieures portant sur le programme mettaient davantage l’accent sur le bien-être psychologique, faisant ainsi ressortir son effet sur des variables positives de la santé mentale (Bouffard et al., 2001; Dubé, Bouffard, Lapierre, & Alain, 2005; Dubé et al., 2007, Lapierre et al., 2007). Lors de l’expérimentation de la présente étude, les animateurs ont d’ailleurs relevé à plusieurs reprises des rétroactions positives de la part des participants du groupe intervention, notamment lors des rencontres portant sur la poursuite du but (ex. : plusieurs participants exprimaient de la satisfaction, de la fierté, une meilleure confiance en soi, ainsi qu’une motivation et un sens de J’initiative améliorés).

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Table des matières

Introduction 
Contexte théorique
Processus de réalisation des buts personnels et bien-être psychologique
Élaboration du but
Planification du but
Poursuite du but
Évaluation du résultat
Interventions orientées vers la réalisation de buts personnels
Programme « Goal-setting and Planning»
Programme« En route vers une vie plus heureuse»
Approche cognitivo-comportementale et programme « En route vers une vie plus heureuse »
Dépression et anxiété chez les personnes âgées
Diagnostic et caractéristiques de la dépression chez les personnes âgées
Prévalence et description du trouble dépressif à l’âge avancé
Étiologie et facteurs de risque de la dépression à l’âge avancé
Conséquences de la dépression sur la personne âgée
Conséquences de la dépression sur le système de santé
Comorbidité de la dépression et de l’anxiété chez les personnes âgées
Objectif de l’étude
Hypothèses
Méthode
Description du programme « En route vers une vie plus heureuse»
Étapes préliminaires
Rencontres 1,2 et 3
Étape de l’élaboration du but
Rencontres 4 et 5
Rencontre 6
Rencontre 7
Étape de la planification du but
Rencontres 8 et 9
Étape de la poursuite du but
Rencontres 10, Il, 12 et 13
Étape de l’évaluation de la démarche et des apprentissages
Rencontre 14
Déroulement
Recrutement et critères de sélection
Passation des questionnaires
Instruments de mesure
Participants
Résultats 
Présentation des analyses statistiques
Analyses descriptives et préliminaires
Dépression (BDI-II)
Dépression (ÉDG)
Anxiété
Corrélations entre dépression et anxiété
Évolution de l’état de santé
Présentation des résultats
Analyses exploratoires pour tester les différences hommes-femmes
Discussion 
Situer le programme dans une perspective de santé globaleFacteurs ayant potentiellement influencé l’évolution des participants
Particularités de la comorbidité dépression-anxiété
Pertinence du programme « En route vers une vie plus heureuse» chez les
hommes âgés dépressifsÉtudes ultérieures
Limites de l’étude
Conclusion
Références 
Appendice A. Questionnaire du processus de réalisation des buts
Appendice B. Inventaire de dépression de Beck-II
Appendice C. Échelle de dépression gériatrique
Appendice D. Échelle d’anxiété gériatrique
Appendice E. Robustesse des résultats répliqués à l’aide d’analyses multiniveaux

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