Communication virale dans la publicité au sein des espaces numériques

Bien qu’elle se nourrisse de différents champs disciplinaires (sciences de gestion, psychologie, sociologie, etc.), notre recherche s’inscrit résolument dans les sciences de l’information et de la communication. À la manière de Courbet (2000, 2001, 2003, 2006) qui a considérablement contribué à l’étude de la publicité en sciences de l’information et de la communication en s’inspirant de divers champs de recherche, nous nous inscrivons dans cette logique d’interdisciplinarité ; la difficulté étant effectivement d’articuler ces différents enrichissements scientifiques, tout en évitant les débordements, afin de créer et garder une logique info-communicationnelle. L’argument majeur qui va dans le sens de cette affirmation est que nous n’étudions pas la publicité virale – cœur de notre sujet – comme objet d’intérêt économique, bien que nous y fassions inévitablement référence brièvement, mais bien en tant que communication dans des espaces numériques découlant de relations interpersonnelles particulières. Effectivement, les raisons qui motivent le partage ou la recommandation d’une vidéo publicitaire virale par un individu vers un autre, via des dispositifs très majoritairement numériques, sont différentes des intentions du créateur du contenu ; si l’annonceur a créé la publicité dans un but purement économique et mercantile, le récepteur, lui, partagera ou recommandera la publicité pour des raisons qui restent encore à déterminer (ce qui constitue le but de ce travail). Il n’est toutefois pas exclu que l’annonceur puisse exploiter voire susciter (marketing viral, etc.) cette mécanique de partages et de recommandations dans l’atteinte de son objectif premier : vendre. D’autre part, concernant la viralité, nous nous apuyons en grande partie sur Beauvisage et al. (2001) dont les travaux ont contribué à la définition de la notion de viralité. En dernier lieu, des travaux tels que ceux de Bernard et al. (2005) et de Courbet (2013) nous ont inspiré pour employer la méthode expériementale dans cette thèse. Ce qui fait donc la particularité de cette thèse, comme en atteste son encadrement, c’est qu’elle évolue dans un environnement scientifique pluriel. En effet, si ce travail s’ancre dans les sciences de l’information et de la communication, il s’enrichi également d’autres domaines de recherche, notamment la psychologie et les sciences du sport. La raison de cet héritage scientifique multiple réside dans le fait que notre thèse est dirigée par deux chercheurs issus de ces domaines de recherche : Éric Boutin (I3M) et Jacques Crémieux (LAMHESS). Les apports de cette pluridisciplinarité se traduisent notamment par des outils nous ayant permis de développer notre approche de terrain empruntant aux méthodes expérimentales. D’autre part, certaines des parties de ce travail paraissant trop détaillées sont expressément destinées à ce public qui n’appartient pas au domaine des sciences de l’information et de la communication .

Les apports scientifiques à la pratique publicitaire 

« Depuis le développement de la communication externe et de la publicité, les organisations (annonceurs, agences de publicité et instituts d’études) ont toujours mené une soigneuse veille scientifique dans le but d’appliquer les modèles et les méthodes des sciences humaines et sociales pour valider ou améliorer leurs pratiques et rendre leurs outils communicationnels toujours plus efficaces. Les grandes évolutions théoriques et méthodologiques de ces sciences ont ainsi régulièrement modifié les pratiques, les stratégies et les techniques mais également l’organisation même de la profession. » (Courbet, 2001).

La partie qui suit ne présente pas tant la publicité que les courants scientifiques qui ont aidé à sa compréhension et développé sa pratique au court du 20e siècle. Si nous mettons l’emphase sur les apports scientifiques à la publicité, c’est parce que nous nous inscrivons dans une logique de continuité dans ces apports.

La publicité n’a pas toujours eu la place qu’elle tient aujourd’hui. Brochand, qui écrivait la préface de l’ouvrage de Cathelat (2001), dit de la publicité qu’elle fait partie d’un « domaine autrefois considéré comme marginal, banal ou simplement économiquement utilitaire. » (Cathelat, 1992, 2001, p. 7). Aujourd’hui elle fait l’objet d’une attention toute particulière de nombreux acteurs. La publicité a également vu sa fonction changée par le consommateur. Si à l’origine elle était une source d’information qui participe à la prise de décision de l’acte d’achat, aujourd’hui elle est un outil qui sert aux communications interpersonnelles. Ces communications alimentent la conversation quotidienne et aident à développer l’estime personnelle (Stambouli et al., 2002). De même, le partage d’informations qui en découle aide à maintenir des connexions avec d’autres individus afin de bâtir un « capital social » (Erickson, 2011). Ce type de comportements s’explique donc par la recherche d’un bénéfice pour l’individu qui partage un contenu (Bock et al., 2005 ; Constant et al., 1994 ; Kankanhalli et al., 2005 ; Wasko et al., 2000). L’individu qui procède au partage estimera le bénéfice obtenu, intrinsèque ou extrinsèque (Vallerand, 1997), par rapport aux efforts qui devront être fournis et aux ressources employées (Molm, 2007) avant de partager le contenu (Blau, 1964 ; Emerson, 1962 ; Homans, 1958) selon la logique du principe économique de l’analyse coût/avantage (Boardman et al., 2006). Le partage de contenus engendre une réciprocité de la part des autres individus qui partageront à leur tour des contenus (Kankanhalli et al., 2005 ; Kollock, 1999 ; Wasko al., 2000). L’heure est donc au partage, un adulte sur sept aurait déjà uploadé une vidéo sur Internet (Purcell, 2010) et 59 % des individus affirment partager fréquemment des contenus en ligne avec leurs amis, collègues, membres de leur famille, etc. (Allsop et al., 2007). Le partage de contenus constitue d’ailleurs l’activité qui croît le plus rapidement sur Facebook avec près de 7 milliards de partages de contenus chaque semaine. Ce comportement altruiste est effectivement lié à « l’explosion » des médias sociaux ces dernières années et à l’émergence de la « génération connectée » extrêmement active dans ces espaces numériques (Nelson-Field et al., 2013 ; Pintado, 2009). Le partage online fait donc partie intégrante de la vie moderne (Berger et al., 2011). Des chercheurs en psychologie comportementale ont d’ailleurs démontré que les individus ont une tendance innée à partager de l’information (Fehr et al., 2008 ; Warneken et al., 2006 ; Warneken et al., 2009). De plus, les individus sont naturellement coopératifs malgré un comportement qui peut se révéler être parfois irrationnel (Olson et al., 2008).

L’apport et l’application des sciences humaines à la publicité 

« Récemment, deux évolutions majeures ont modifié les pratiques classiques de la veille scientifique des entreprises. Tout d’abord, l’apparition au sein des sciences humaines du paradigme de la cognition et de la cognition implicite a considérablement complexifié le champ. Il a rendu la compréhension plus difficile pour les professionnels et donc les applications plus rares. Les décalages entre les connaissances et méthodes académiques, d’une part, et les connaissances qui soustendent les pratiques publicitaires et les méthodes professionnelles, d’autre part, sont devenus manifestes. Ensuite, à la suite du développement rapide du multimédia et de l’internet, les praticiens se sont mis à la recherche de modèles et méthodes scientifiques visant à valider ou améliorer leurs pratiques utilisant ces nouvelles technologies. » (Courbet, 2001).

Dans cette partie nous chercherons à présenter, sous la forme d’un historique, les différentes approches épistémologiques et théoriques qui ont entouré la publicité. Cette présentation se révèle être nécessaire pour mieux appréhender la notion de publicité virale.

1930-1940 : L’idée d’une publicité manipulatrice et d’un individu inconscient et perméable

La publicité a d’abord été ignorée par les penseurs sociaux et ne devient un véritable sujet de questionnement qu’à partir des années 1930 et 1940 (Sacriste, 2001). Sacriste (2001) décrit que cet intérêt croissant est lié à un contexte historique. En effet, il est lié à l’extension de la réclame, au développement des médias, et en Europe, au développement des propagandes totalitaires. Dans ce contexte, les effets de la publicité font l’objet de nombreuses recherches. L’idée du moment étant qu’il était évident pour tous que les techniques de la communication publicitaire permettaient d’obtenir un effet sur les masses et qu’il était par conséquence possible de les manipuler à volonté. Le socialiste allemand Tchakhotine (1939 ; 1992) illustre bien cette conception dans son fameux ouvrage Le viol des foules par la propagande politique. Selon lui, il est possible d’affaiblir la faculté de résistance des mécanismes nerveux supérieurs par certaines pratiques, et que l’on peut en faire autant chez les masses. Considérant les foules comme étant passives et ignorantes et attribuant à certaines pratiques un pouvoir persuasif puissant, Tchakhotine voit dans la publicité un outil omnipotent de manipulation des masses par « la répétition incessante et massive des slogans […] leurs sonorités rythmées obsédantes […] elles créent un état de fatigue mentale propice à l’assujettissement à la volonté de celui qui exerce cette publicité tapageuse » (Tchakhotine, 1939, p. 131 ; 1992). Notons que ces méthodes et l’idée d’un récepteur à l’intellect faible et manipulable ont semble-t-il persisté jusque dans les années 1960 puisque dans sa préface de l’ouvrage de Cathelat (1992, 2001), Brochand disait des messages publicitaires qu’ils « devaient être assénés clairement et d’une façon répétitive à nos « cibles » ménagères, auxquelles nos maîtres américains attribuaient un Q.I. parmi les plus faibles du monde occidental. » (Cathelat, 1992, 2001, p. 8). Il convient de dire que Tchakhotine s’inspirait de la psychologie du conditionnement et qu’il ne prenait pas en compte le contexte sociopolitique de l’Allemagne nazi hitlérienne (Sacriste, 2001). Cette vision de la publicité est un mythe entretenu par les publicitaires pour légitimer leur profession, mais l’opinion croit à cette omnipotence (Sacriste, 2001). Bohler (2008), bien qu’il soit l’un de nos contemporains, semble partager cette idée d’une publicité manipulatrice qui passerait outre le libre arbitre du spectateur. Il fait référence à un certain nombre de méthodes qui permettraient de contrôler le comportement du consommateur. Selon lui « tout est dans le non-dit, dans des sourires, des formes suggestives, des ambiances et des couleurs, des musiques en sourdine, des émotions et des excitations qui nous sont délivrés sur mesure. Parfois, le produit est à peine cité, voire pas du tout. Le message n’agit plus par le biais de l’analyse, mais par celui de la persuasion inconsciente. Le libre arbitre du téléspectateur est progressivement mis au repos par la mise en œuvre de tels formats audiovisuels. » (Bohler, 2008, p. 114).

Entre-temps et depuis, la publicité a fait l’objet de nombreuses autres théories. Le psychologue Watson y a appliqué une vision inspirée du conditionnement cher à Pavlov (Kapferer, 1990). Elle fut ensuite sous la domination de la psychanalyse et conçut son action en termes de motivations, de freins, de pulsions (Dichter, 1990 ; Joannis, 1965). En France, la sémiotique guidera la pensée publicitaire (Péninou, 1972), et aux États-Unis ce sera une vision cognitiviste exclusive (Petty et al., 1983).

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Table des matières

Remerciements
Sommaire
Introduction générale
Partie 1 – Ancrage théorique
1. La publicité
1.1. Évolution de la pratique communicationnelle publicitaire
1.2. Les apports scientifiques à la pratique publicitaire
2. La viralité
2.1. Origine de l’emprunt de la métaphore de la viralité : création de la notion de « marketing viral »
2.2. Métaphore de la viralité : un emprunt à l’épidémiologie et la virologie
2.3. Critique de la métaphore virale
2.4. Proposition d’une terminologie alternative
2.5. Notions apparentées
2.6. Contexte numérique de la viralité
2.7. La viralité : un phénomène de propagation dans les espaces numériques
2.8. Les contraintes cognitives comme limites de la viralité
2.9. Perspectives : peut-on prédire la viralité ?
2.10. Évaluation et mesure de la viralité
3. Conclusion partie 1
Partie 2 – Expériences
4. Intérêt de la méthode expérimentale dans les Sciences de l’Information et de la Communication
4.1. Expérience : haute définition et définition standard
4.2. Méthodologie expérimentale : Méthodologie de l’expérience 1 et 2
5. Conclusion partie 2
6. Discussion générale
Conclusion générale
Table des matières
Index des figures
Index des tableaux
Bibliographie
Webographie
Annexes

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