comment remédier aux conséquences d’une gestion de classe initialement défaillante ?

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

En pratique (a) : un processus de dégradation du cadre de travail en début de carrière (description et analyse)

À quelques jours de la rentrée 2015, j’apprenais que j’effectuerai mon stage en responsabilité au sein d’une classe de grande section, dans une école maternelle à Montmartre, Paris – un environnement indéniablement privilégié. Cette classe dont je m’occupe toujours, à mi-temps, compte actuellement vingt-deux enfants (vingt-quatre en début d’année), issus d’un milieu socio-économique plutôt élevé pour la plupart d’entre eux, avec une répartition garçons-filles très équilibrée. Les conditions semblaient réunies pour que le démarrage dans le métier soit assez « doux », et il le fut au tout début, malgré la peur viscérale de mal faire et les difficultés liées à tout nouveau départ et à la quantité d’informations à intégrer. L’équipe se montra accueillante et chaleureuse, globalement disponible à venir en aide en cas de besoin. Une unique complication de taille au moment de la rentrée : la personne qui avait été récemment nommée titulaire de la classe (qui devait donc compléter la semaine par la suite) demeura introuvable dans un premier temps. Toutefois, une remplaçante fut nommée assez rapidement pour le restant de l’année. Nous laisserons de côté les éventuelles difficultés liées au « partage » de la classe (on songe au partage de l’autorité, notamment). Cette enseignante, bien que relativement débutante elle aussi (il s’agissait de sa première année d’exercice après la titularisation), se montra extrêmement compétente et prête à participer à une mise en commun régulière, ce qui nous a permis et nous permet encore d’assurer une continuité dans nos séquences d’apprentissage respectives et de garder une certaine cohérence face aux élèves.

Les modalités de travail adoptées

Le fonctionnement d’une classe ne va pas de soi. Malgré les doutes insolubles en début d’année, il a fallu imaginer et mettre rapidement en place une organisation qui n’a fait qu’emprunter les modèles le plus courants, rencontrés et observés pendant la formation universitaire lors des divers stages. A savoir, la distribution des enfants en quatre groupes hétérogènes, et un fonctionnement qui suppose une alternance « traditionnelle » entre regroupements (moments collectifs) et travail en groupes (ateliers).

Le constat : émergence et développement d’une problématique

Petit à petit le climat de la classe se dégrada et la gestion du groupe devint assez difficile. Une détérioration progressive du comportement des élèves (ou plutôt, de certains élèves) sembla s’installer fatalement. La classe était de plus en plus bruyante, le climat global tendu. Dans ces conditions il devenait très difficile de rendre possible les apprentissages.
Dans un premier temps je restai persuadée que cette dégradation était la conséquence directe du manque d’attrait de mes propositions et autres ateliers : les enfants s’ennuyaient, donc. Je m’acharnai encore sur mes préparations avec les limites de celui ou celle qui fait quelque chose pour la première fois, parfois jusqu’à l’épuisement. Comme il me l’a été maintes fois signalé, je multipliais les objectifs et les pistes de travail dans un perpétuel foisonnement qui s’avéra contre-productif : les élèves se virent perdus dans une profusion de propositions, sans repères. Rajoutons que sous prétexte d’écarter toute possibilité d’ennui, j’évitais toute forme de répétition, oubliant à quel point elle fait partie des processus d’apprentissage, d’autant plus en maternelle ! Heureusement les enfants eux-mêmes finirent par me rappeler leur besoin de s’approprier des propositions et d’anticipation : ils se mirent à réclamer certaines activités qui avaient eu lieu auparavant.
J’ai cru ensuite que ma propre personnalité était en jeu, et que je ne possédais (ni ne posséderai jamais) les attributs nécessaires à l’enseignement – je m’étais déjà entendue remarquer mon manque de fermeté, par exemple. Certes, je n’avais pas su poser un cadre contenant pour la classe. Par ailleurs, l’agitation de la classe semblait faire écho à ma propre agitation, comme un miroir.
Enfin, j’ai songé au fait d’avoir privilégié les rapports individualisés et que cela avait eu pour conséquence d’empiéter sur la construction du groupe. Autrement dit, à force d’individualiser et de prétendre écouter tous et chacun en permanence, ce qui est humainement impossible, j’avais rendu les élèves totalement dépendants de l’enseignante et constamment en demande. Ironie du sort : c’est dans la volonté d’éviter un rapport dirigiste que je me retrouvais face à des rapports plus dirigistes que jamais ! Cela semblait se confirmer lors des regroupements, sans aucun doute les moments où la gestion du groupe semblait le plus problématique. Pour des raisons qui m’échappaient alors, certains enfants commencèrent à se positionner de plus en plus souvent franchement en opposition (peu importait la nature des propositions adressées au groupe ou la bonne disposition de l’enseignante) dès lors que nous nous retrouvions en situation de travail collectif, comme si leur propre existence en tant qu’individu se heurtait à un danger potentiel (le danger de disparaître ?). Ou, plus précisément, comme si l’enseignante, qui se trouvait soudain démunie, n’avait pas encore développé les compétences qui lui auraient permis d’articuler harmonieusement le rapport aux individus et le rapport à un groupe… et encore moins, à stimuler les échanges entre pairs. J’apprends aujourd’hui que cette difficulté d’articulation individu-groupe et surtout, ce manque d’habilité à gérer les interactions entre élèves est une constante chez les enseignants qui débutent (Chouinard, 1999, op. cit., p.502).
De la même manière, « les débutants ont de la difficulté à donner du sens à la multitude de stimuli qu’ils reçoivent en classe » (ibid.). En effet, certains termes reviennent souvent lors des échanges entre enseignants novices : nous avons largement évoqué le sentiment d’être débordés, en particulier lors des regroupements. Il me semble qu’on peut rapprocher aisément cette expérience de ce que Chouinard (entre autres auteurs) identifie comme étant la conséquence d’un manque de patrons d’action chez les débutants : « Au cours des années, les experts ont développé des structures complexes de connaissances qui les aident à identifier les comportements typiques et atypiques de leurs élèves et à gérer leur groupe. Ces structures, ou modèles d’action, leur permettent de prédire plus facilement que les débutants la tournure possible des événements et de donner plus de sens à l’information disponible (Johnson, 1994). Chez les experts, ces modèles d’action sont utilisés de façon hautement automatisée (…) » (ibid., c’est nous qui soulignons).
Ce texte nous rappelle par ailleurs la justesse du propos d’une formatrice universitaire, qui avait suscité quelques rires sceptiques lorsqu’elle compara l’entrée dans le métier à la conduite automobile chez quelqu’un qui vient d’obtenir son permis : l’automatisation des gestes ne s’obtient que très progressivement, ce qui génère énormément de fatigue chez le conducteur débutant puisqu’il est obligé de porter une attention intense à une multitude de signaux simultanés, sans parler de la haute responsabilité, voire, du danger potentiel de son action. Mais cette comparaison amena aussi la promesse d’un apprentissage qui devenait possible en tant que tel (comme il est à priori toujours possible d’apprendre à conduire, en dehors d’un cas de handicap important).
Mais revenons à la sphère de l’école, où, malgré, ou à partir des difficultés grandissantes dans la gestion de la classe, j’ai fini par penser, ou plutôt par éprouver l’intuition que l’autorité ne consiste pas en un don, pas plus qu’elle n’est déterminée par un trait de caractère, mais qu’elle dépend d’un état particulier, engageant tout notre être, un état que seul un travail soutenu, le questionnement et l’expérience peuvent nous permettre d’atteindre. D’autant plus que lorsque l’on débute, une grande partie de notre attention est prise par nos propres préparations et préoccupations diverses, et qu’il nous reste peu d’énergie disponible à une certaine réactivité face à la situation, aux enfants, au contexte – face à l’imprévisible. Dans ce sens, il m’a aussi semblé, parfois, que les enfants perturbateurs, en s’agitant, nous poussent en quelque sorte à revenir à la réalité, au présent – ils sollicitent une attention concrète de notre part, une attention, hélas, encore trop défaillante – bien entendu, cela n’explique qu’une partie infime de ce qu’il nous est donné à confronter parfois. Je crois retrouver une partie de ma modeste expérience dans un article de Florence Castincaud, qui, à propos de la construction progressive de l’autorité face à la classe, soutient qu’elle tient en partie à « la façon d’être présent physiquement, d’habiter son corps et son rôle d’enseignant devant le groupe » (Castincaud, 2013)8.
Je disais plus haut, la mise en place de véritables situations d’apprentissage devenait de plus en plus improbable. Les défaillances dans la gestion de classe entraînent inexorablement une perte d’autonomie manifeste chez les élèves. Entre autre, parce qu’à cause d’une passation de consignes longue et fastidieuse, suivie en toute logique d’une compréhension partielle du sens et de la nature des activités à venir, je me suis vue obligée de passer le temps à naviguer entre les groupes, une fois les activités lancées. Impossible dans ces conditions de mettre en place de véritables ateliers dirigés.

comment remédier aux conséquences d’une gestion de classe initialement défaillante ?

Le dispositif de formation actuel des enseignants stagiaires dans leur première année d’exercice, prévoit l’accompagnement par un double tutorat, accompagnement qui se traduit par des séances d’analyse de pratiques et surtout, par des visites au sein de la classe d’un tuteur de terrain (maître formateur) et d’un tuteur ESPE (formateur universitaire), suivies d’un entretien et d’échanges divers. De mon humble point de vue, ces visites ont rendu possible une prise de distance vitale et ouvrirent des perspectives pour palier au processus de dégradation que la classe et moi-même semblions subir inexorablement. Cette remédiation aurait semblé utopique sans l’intervention de ces formateurs – j’avais fini par être persuadée que la situation n’était plus rattrapable, mon interprétation des choses était teintée sans doute d’une grande subjectivité et surtout, d’un fatalisme excessif centré sur ma propre personne. Ces tuteurs, à travers leur soutien externe et expert, ont rendu possible ce que Chouinard désigne comme un processus de réattribution – l’un des moyens pour faciliter et accélérer la transformation de la façon dont les débutants se représentent les élèves et l’enseignement : « Cette approche s’appuie sur le modèle attributionnel selon lequel le fait qu’un individu qui explique les événements négatifs qui lui arrivent par des causes internes, stables et incontrôlables est porté à entretenir des attentes négatives quant à ses chances de pouvoir agir afin de modifier sa situation (Archambault et Chouinard, 1996). Scherer et Kimmel (1993) ont démontré que les débutants sont sujets à ce type d’inférence quant à leurs actions en classe, ce qui les pousse à entretenir des attentes négatives de succès à l’endroit de leurs élèves, à leur communiquer ces attentes et à développer un sentiment personnel d’incompétence. Ils ont expérimenté avec succès un programme de réattribution au cours duquel ils ont réussi à modifier la façon dont les débutants se représentent les causes de leurs difficultés. » (Chouinard, op.cit., p. 509).
L’observation par des agents externes et experts, et leurs analyses des situations, apportèrent en effet un changement de positionnement et une nouvelle interprétation des faits.
En particulier, ma tutrice de terrain (PEMF) proposa systématiquement des outils méthodologiques pertinents qui rendirent possible l’identification des problèmes réels, des objectifs à poursuivre progressivement (et dans un ordre précis) et, surtout, des pistes concrètes pour atteindre ces objectifs.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION Glissement de terrain, glissement de sujet : de la motivation à la gestion de classe
Penser et repenser la gestion de classe en maternelle : comment favoriser l’autonomie et générer un cadre propice aux apprentissages ?
I. La gestion de classe : quelques éclairages théoriques
II. En pratique (a) : un processus de dégradation du cadre de travail en début de carrière (description et analyse)
2.1 Le contexte
2.2 Les modalités de travail adoptée
2.3 Le constat : émergence et développement d’une problématique
III. En pratique (b) : comment remédier aux conséquences d’une gestion de classe initialement défaillante ?
3.1 Le double tutorat : un accompagnement externe essentiel
3.2 Quelques objectifs → et quelques moyens
3.3 Un premier bilan
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *