Comment les réseaux peuvent-ils contribuer à développer les compétences de lecture littéraire des élèves ?

La démarche de la lecture littéraire au cycle 2

La lecture littéraire a une place doublement importante au Cycle 2. D’une part, elle s’inscrit dans la continuité du travail fait à la maternelle et, d’autre part, elle assoit les bases nécessaires à la lecture littéraire au Cycle 3. D’après les programmes de l’école primaire de 2002, puis de 2008, « Comme à l’école maternelle les textes littéraires (albums d’abord, nouvelles ou courts romans ensuite) doivent être au cœur des activités de l’école élémentaire.
Le plus souvent, ils sont rencontrés par la médiation des lectures à haute voix de l’enseignant.
Les élèves tentent ensuite de reformuler dans leurs propres mots le texte entendu ». Dans un premier temps, le travail se fait à l’oral, dans la continuité de ce qui a été fait en maternelle, d’où l’importance de la lecture magistrale régulière de textes littéraires, à partir desquels s’engagent les échanges oraux. L’élève doit pouvoir reformuler, avec ses propres mots, un texte entendu. La verbalisation et le travail du langage oral prépare l’élève à une meilleure compréhension des textes. Tant qu’il ne maîtrise pas suffisamment l’identification des mots, le travail sur la compréhension devra se faire essentiellement à l’oral puis progressivement sur des textes courts adaptés à l’âge et à la culture des enfants (qui ne se réfèrent pas à des domaines ou des connaissances ignorés de la plupart des élèves). Il est nécessaire de rappeler que « la compréhension d’un texte n’est pas une procédure innée : on peut oraliser un texte très tôt correctement et ne pas en avoir compris le sens. Il existe un certain nombre d’activités que l’enseignant doit mener, avant même que l’enfant sache lire de manière fluide, afin de développer la compréhension » (Lire au CP, programme d’école primaire_ juin 2008). Ainsi, l’enseignant, dans sa lecture, peut organiser des découpages qui permettent aux élèves d’appréhender les étapes du récit, de construire des synthèses successives, d’anticiper sur une suite possible. Ce travail de construction de synthèse est essentiel et doit se faire avec des petits groupes d’élèves pour ceux qui sont en difficulté : il s’agit essentiellement de pouvoir dire de qui ou de quoi parle ce texte (le thème) et ce qu’il dit (le propos), de le formuler en quelques phrases simples. On est là sur l’explicite du texte. Cependant, à l’oral, on ne doit pas se limiter à une compréhension littérale des textes. Effectivement, « il est important de ne pas en rester à une compréhension littérale mais de favoriser l’expression d’inférences voire d’interprétations ». (Lire au CP, programme d’école primaire_ juin 2008). L’enseignant doit engager ses élèves à retrouver les informations implicites qui sont à leur portée : cela implique un questionnement précis sur l’implicite (même sur ce qui peut paraître le plus évident).

Le choix des lectures littéraires

Le choix des lectures littéraires doit être réalisé de façon attentive. On peut se référer à ce que précise Catherine TAUVERON à propos du choix des livres : « Il convient de leur présenter [aux élèves], à côté de textes faciles qu’il ne faudrait en aucune manière évincer, des textes qui posent des problèmes de compréhension et d’interprétation, en d’autres termes des textes « résistants » (qu’on opposera à leurs contraires, les textes « collaborationnistes » qui devancent les difficultés de leurs lecteurs), étant entendu aussi que la lecture ne devient un plaisir que si la créativité entre en jeu et que si le texte offre une chance de mettre nos aptitudes à l’épreuve » (Tauveron 2002). Les enseignants doivent mettre en avant des lectures dont l’incompréhension est délibérément programmée. Ainsi, les élèves sont invités à
mobiliser leurs ressources intellectuelles et culturelles pour franchir les obstacles à l’intelligibilité du texte. Ils mettent en œuvre toutes leurs aptitudes pour parvenir à construire du sens. En effet, la littérature jeunesse met en scène des récits qui détournent volontairement la compréhension immédiate. Ce type de textes invite l’élève à une relecture, il doit judicieusement relever des indices, parfois ambigus, pour être sur la piste de la compréhension « juste ». Nous pouvons illustrer ce propos avec le choix de nos différents albums qui mettent en scène la frontière entre le rêve et la réalité. Ces récits créent un monde dont la nature et les frontières ne sont pas clairement identifiables, la sphère du rêve engendre une confusion et semble créer plusieurs réalités. Ainsi, les élèves doivent parvenir à dépasser une lecture naïve, à prendre de la distance par rapport au récit pour parvenir à une lecture littéraire et non plus uniquement référentielle. En ce sens, l’élève s’empare de la représentation que lui propose le livre et y cherche des indices, il élabore une stratégie pour atteindre une interprétation critique et non pas seulement sémantique. L’élève est invité à dépasser la compétence linguistique pour atteindre une compétence littéraire.

Le dispositif de mise en réseaux

La mise en réseaux littéraire

Le dispositif de mise en réseaux correspond à un ensemble de textes qui se renvoient les uns aux autres, se parlent, se répondent sans cesse. La lecture en réseaux requiert donc la participation active du lecteur. Il s’agit de faire prendre conscience aux élèves des dialogues et des liens existant entre les livres et les diverses œuvres lues en classe grâce au dispositif de la lecture en réseaux. Un « réseau » est un ensemble formé de lignes ou d’éléments qui communiquent ou s’entrecroisent (Larousse). Un « réseau littéraire »est alors un ensemble de textes entre lesquels des liens sont tissés par les lecteurs. Selon Christian Poslaniec(La lecture en réseau, IA84), écrivain français spécialiste de la littérature jeunesse,c’est une des formes essentielles de la lecture littéraire car elle renvoie à ce qu’il appelle « les petits savoirs », c’est à dire l’ensemble des connaissances qui permettent de lire un texte avec un « regard cultivé ».
Ces « petits savoirs » se construisent dans la fréquentation des réseaux et des textes littéraires.
Ils construisent et développent les compétences de lecture.
Selon Catherine Tauveron (2002), on peut considérer que le dispositif du réseau est une « mise en relation concertée de textes » dont les caractéristiques sont les suivantes. Il se fonde surla mémoire culturelle des enfants ; ilpermet de favoriser le passage intersubjectif, c’est-à-dire à ce qui est commun à tous et qui en tant que tel cimente les individus les uns aux autres en leur permettant de se ressembler suffisamment pour comprendre et échanger (CNRTL, Carr.-Dess. Psych. 1976).Par ailleurs, il aide à la structuration des connaissances ; il permet une initiation à l’intertextualité et à l’hypertextualité. D’après Marc Escola, Gérard Genette, critique littéraire et théoricien de la littérature qui participe à la construction de la notion, l’intertextualité est la « présence effective d’un texte dans un autre » de façon explicite (la citation) ou non (plagiat, allusion). Il la distingue de l’hypertextualité, où « un texte peut dériver d’un texte antérieur, sous la forme notamment de la parodie et du pastiche » que l’on retrouvedans toute littérature à travers les innombrables liens tissés entre les œuvres.

Comment les réseaux peuvent-ils contribuer à développer les compétences de lecture littéraire des élèves ?

Nous exposerons la position des textes officiels au sujet des réseaux, et nous verrons comment les mettre en œuvre effectivement dans une classe pour en tirer les avantages sans tomber dans les écueils majeurs de ce dispositif.
Le ministère de l’éducation nationale publie, en mars 2008, le texte Une culture littéraire à l’école du Ministère de l’Education nationale, dans lequel il est dit : « Les élèves de cycle 3 construisent et élargissent leur culture. Les nouvelles lectures proposées conduisent au rapprochement du texte et de l’image avec d’autres textes, d’autres œuvres, littéraires ou relevant des arts visuels. », dans la rubrique « Des œuvres à mettre en réseau : la programmation des lectures ».
Dans les programmes de 2008, en littérature, les élèves de cycle 3 « mettent en relation des textes entre eux (auteurs, thèmes, sentiments exprimés, personnages, événements, situation spatiale ou temporelle, tonalité comique ou tragique…) ». Le dispositif de la mise en réseau d’albums est à utiliser selon les textes officiels pour construire et développer la culture de tous les élèves, et d’explorer l’univers de la littérature. D’ailleurs, Bernard Devanne, professeur à l’IUFM de Basse-Normandie au Centre d’Alençon, est interviewé dans l’ouvrage Autour d’une œuvre : Rascaloù il défend l’adoption de ce dispositif dès le cycle 2 et même dès la maternelle. Selon lui, l’approche par le réseau pensée dans la continuité du cycle I au cycle III est évolutive : « explorant à l’origine la diversité pour lui donner cohérence ».
Diversité (types littéraires, de récits, d’iconographies, de concepts, etc.) dans laquelle les élèves tissent des liens et identifient des auteurs, des personnages caractéristiques, des esthétiques comparables au fil du temps. La condition essentielle est que leur propre activité intellectuelle soit en jeu « sans artifice didactique et par une authentique réflexion en réseaux » en multipliant des remarques du style « c’estcomme (…) ». Le réseau apparaît alors comme un « véritable itinéraire d’apprentissage » du cycle I au cycle III.
Le travail de lecture en réseaux permet de répondre aux deux objectifs d’apprentissage: l’éducation d’un comportement (mettre en relation) et la constitution d’une culture (pour nourrir la mise en relation). Selon Catherine TAUVERON, il y a quatre intérêts majeurs dans la mise en réseau littéraire (La lecture et la culture littéraire au cycle des approfondissements(avril 2011)) :
• Permettre l’éducation d’un comportement de lecture spécifique qui suppose la mise en relation des textes déposés dans la mémoire culturelle du lecteur, que Bernard DEVANNE appelle  » la pensée en réseaux  » ;
• Construire et structurer la culture qui en retour alimente la mise en relation ;
• Permettre de résoudre les problèmes de compréhension et d’interprétation posés par un texte donné, problèmes qui trouvent leur solution dans la considération d’autres textes ;
• Multiplier les voies d’accès au texte pour s’y plonger avec plus de finesse.
Plus généralement, la mise en réseaux est un outil de construction de compétences de lecteur-interprète. Mettre en relation des textes littéraires est un processus essentiel permettant d’appréhender des textes résistants. Les chemins d’accès à l’interprétation sont ainsi multiples et c’est en regroupant les textes dans des réseaux, que l’enseignant peut aider les élèves à faire émerger le sens. Le parcours de ces chemins conduit à la construction de nouvelles compétences. D’après Catherine TAUVERON (2002), « c’est aussi au détour d’un de ces chemins que l’élève découvrira le plaisir de lire un texte littéraire qui ne révèle sa saveur qu’après un patient travail d’exploration, un lent cheminement dans l’univers du sens ». Les programmes de 2002, dont les grandes orientations sont reprises dans les documents d’accompagnement de 2008 en littérature (Une culture littéraire à l’école) font de ces parcours de textes un enjeu essentiel : « Les lectures littéraires du cycle des apprentissages fondamentaux, comme celles des autres cycles, doivent donc être choisies avec soin et organisées en parcours qui permettent de retrouver un personnage, un thème, un genre, un auteur, un illustrateur… ». En ce sens, cette façon de procéder va progressivement créer une culture littéraire chez les élèves. Constituer une collection d’albums autour d’un problème repéré, c’est mettre en réseau des textes qui vont permettre de résoudre ce problème de compréhension-interprétation. Le réseau se présente comme une pluralité de voies d’accès à un même problème. C’est par l’étude de ce problème que l’obstacle peut être dépassé et qu’un apprentissage s’effectue à travers sa résolution.
Cependant, quelques limites sont à prendre en compte par l’enseignant lors de la construction et de l’exploitation d’un corpus de textes. Tout d’abord, il ne faut pas voir des réseaux partout. Il est important de varier les dispositifs de présentation des textes pour ne pas amoindrir la curiosité des jeunes lecteurs. La mise en réseau doit servir un objectif précis (exemple : découvrir l’univers d’un auteur ou le fonctionnement spécifique d’œuvres) touten développant la culture littéraire des élèves. Le réseau ne doit pas être trop large. Par exemple, de nombreux réseaux se font sur des histoires ayant pour personnage le loup, pas seulement parce qu’ils parlent de loups, mais surtout pour comparer le traitement du personnage par différents auteurs. En effet, quelques « réseaux » sans grand intérêts sont construits autour d’un thème (ex : un lapin) que l’on va essayer de travailler dans toutes les disciplines sans avoir de sens et d’intérêts pédagogique. Selon Catherine Tauveron (2002) « pour qu’il puisse opérer comme un révélateur, le réseau doit répondre à un problème de lecture attesté ou anticipé par le maître ». Un autre écueil peut être de pousser les élèves trop loin dans l’analyse littéraire d’un album, de les écœurer et de ne laisser plus une seule zone d’ombre pouvant étayer leur curiosité. Si tout l’album est passé au peigne fin de façon isolé, le travail enrichissant de mise en réseau n’est pas fait par les élèves et l’attitude de lecteur recherchée n’est pas adoptée. Pour finir, le réseau ne se limite pas forcément au réseau thématique. La pratique du réseau thématique est courante en maternelle, mais reste un travail de surface assez pauvre. Il est plus productif de construire des réseaux qui provoquent et suscitent de nombreux allers et retours entre les textes comme les réseaux suivants.

Analyse des albums du réseau

Train de nuit, John BURNINGHAM, Père Castor Flammarion, 1999

Train de nuitfait partie de la liste de référence des ouvrages de littérature de jeunesse pour le cycle 2. Le thème du livre est le voyage dans ses rêves d’un enfant passionné de train.
C’est aussi une histoire fantastique qui abordele devenir écologique de notre planète.
Le livre a un format à l’italienne qui laisse une large place aux illustrations et invite le personnage à découvrir les paysages de peintures à l’huile aux contours indéfinis traduisant l’imaginaire de l’enfant. Il y a une alternance entre la peinture à l’huile, indice du rêve, et le dessin qui renvoie à la réalité. Train de nuit de John Burningham est l’histoire d’un petit garçon qui joue avec son train dans sa chambre. Il se couche et s’endort avec son chien rangepyjama, son train placé au pieddu lit. Et le train démarre, avec à son bord le petit garçon et son chien. A chaque arrêt, il recueille un animal dont l’espèce est menacée de disparition.
L’histoire se déroule à notre époque, elle dure une nuit et les lieux traversés dans le rêve sont flous et indéterminables. Au niveau littéraire, la structure de l’histoire est très répétitive. C’est une accumulation de scènes ayant le même schéma pour chaque nouvelle rencontre, la même formule:
« -Dis donc toi ! Que fais-tu là ? Allez, ouste ! »
« S’il vous plaît, laissez-moi monter dans votre train. Les hommes (…). Bientôt il ne restera plus un(e) seul(e) d’entre nous. »

Les difficultés de l’album 

Les difficultés que peuvent rencontrer les élèves dans la compréhension de cet album sont, tout d’abord, le passage de la réalité au rêve bien que la transition soit explicite car on voit le petit garçon s’endormir dans son lit avec son chien-range-pyjama. Les jeunes lecteurs ne maîtrisent pas totalement la notion du temps, c’est pourquoi il faut faire porter leur attention sur la durée du rêve. La maman dit au début « tu dois te lever tôt demain pour aller à l’école », et à la fin « debout et vite ou tu vas être en retard pour l’école ». Par ailleurs, la nature des personnages rencontrés dans le rêve peut porter à confusion car on les découvre animés dans un premier temps, puis au réveil du petit garçon, sa maman constate la « ménagerie » dans la maison.

Max et les Maximonstres, Maurice SENDAK, L’école des loisirs, 1973

Sélectionné dans la liste des ouvrages de référence pour le cycle 2, Max et les Maximonstres y est mentionné comme un « classique » de la littérature de jeunesse. Son succès n’est pas prévisible lors de sa parution en 1963 aux Etats-Unis. En effet, le livre est alors censuré carjugé trop sombre et inquiétant pour les enfants. Il reçoit la Médaille Caldecott en 1964 qui récompense aux Etats-Unis le meilleur ouvrage illustré pour enfants. Plus tard, il fait l’objet de nombreuses adaptations (cinéma, opéra, dessins animés, etc.).
Le livre raconte l’histoire de Max, qui joue un soir chez lui, commettant des bêtises dans un costume de loup. Pour le punir, sa mère l’envoie au lit sans dîner. Dans sa chambre, une mystérieuse jungle surgit de son imagination, et Max part en voyage au pays des Maximonstres (the Wild Things).Ce sont des monstres horribles à faire peur, mais Max les soumet de son regard effrayant, et il est fait roi des Maximonstres. Cependant, il se sent seul, regrette sa maison, et retourne dans sa chambre. Il y trouveson souper qui l’attend, « encore tout chaud ».
L’illustration joue un vrai rôle dans le livre. Elle accompagne la place du rêve dans l’histoire. Le livre débute par un texte de cinq courtes lignes sur la page de gauche. Cantonnée à la page de droite, l’illustration va grandir de page en page, jusqu’à occuper tout l’espace lorsque la chambre de Max devient forêt. Les illustrations débordent alors peu à peu sur la page de gauche et en viennent à prendre toute la largeur du livre déployé. Le texte diminue pour enfin disparaître complètement. Suivent six pleines pages sans texte : c’est le moment où la « fête épouvantable », le rêve, bat son plein. « Ça suffit », décide alors Max, et le texte réapparaît dans le bandeau du bas, dont la taille augmente jusqu’à reprendre sa place dans la page de gauche, tandis que les illustrations réintègrent celle de droite pour traduire la sortie du rêve.

Lolotte d’Alan METS

L’album Lolotteraconte l’histoire d’un ours, Lolotte, qui s’ennuie. Alors, il décide de peindre une baleine, cette baleine va devenir vivante. C’est là que l’aventure commence, Lolotte se retrouve au milieu de la mer, il joue avec la baleine, qui l’emmène au Groenland. Mais Lolotte se réveille dans sa baignoire. Il va à la piscine avec son cousin Charlie et rencontre la baleine de son rêve.
Le livre Lolotte se dessine selon le schéma suivant : « réalité / histoires de rêve / réalité ». Dansce schéma la « réalité » est elle-même un premier degré de fiction.L’album commence avec l’identification du personnage, la raison de son assoupissement, ensuite il se poursuit avec les aventures du personnage dans le rêve et enfin, le lecteur prend conscience que le personnage fait un rêve et pense qu’il se réveille. Dans cet album,l’histoire du rêve est relativement explicite car le personnage utilise clairement le mot « rêve » ;lorsque la baleine sort du dessin Lolotte s’étonne et précise « je rêve ou quoi ? », de plus quand il semble se réveiller, il réutilise le terme « rêve » et annonce « j’ai fait un drôle de rêve ». Ces deux formules indiquent l’entrée et la sortie du rêve du personnage. À partir de la première formule, le lecteur commence à voir des choses impossibles, oniriques. Toutefois, à la fin de l’histoire le doute s’installe, rêve et réalité semble intimement mêlés. On retrouve des objets du rêve dans la réalité. Dans cette œuvre littéraire, le rêve et la réalité semblent communiquer, cene sont pas deux mondesclairement distincts. Le récit efface les frontières entre lesdeux mondes : après son réveilLolotte retrouve la baleine de son rêve dans la piscine municipale.
La baleine va l’emmener voir ses cousins du Groenland. Le lecteur est alors invité à s’interroger sur le caractère réel ou onirique de la situation, ou plus exactement il se demande s’il se trouve dans le rêve ou l’imagination du personnage. De plus, le cousin Charlie ressemble étrangement à un ours blanc. La pertinence de cette lecture repose sur ce problème de repérage qui soulève obligatoirement plusieurs questions. La lecture de l’album Lolotte appel nécessairement à l’interprétation, la fin de l’histoire reste ouverte.En ce sens, le lecteur possède une certaine liberté, il n’est pas invité à comprendre, à trouver le sens, mais plutôt à construire du/dessens, à interpréter.

Les difficultés de l’album

La difficulté pour les élèves est de comprendre le rôle de la baleine, et de son existence, entre rêve et réalité. Difficulté à distinguer le monde onirique, l’imagination du personnage et la réalité.

Zigomar n’aime pas les légumesde Philippe CORENTIN

Tout commence le jour où une souris, Pipioli, veut apprendre à voler. C’est le merle, Zigomar, qui lui propose des séances d’initiation. Après plusieurs essais, la souris semble être capable de voler et les deux animaux se retrouvent prisonniers de légumes prêts à leur imposer des châtiments identiques à ceux qu’on leur fait généralement subir en tant que légumes. Prised’angoisse, la souris appelle sa mère qui vient à leur secours et leur propose un goûter (tarte aux noix et aux cerises) que la petite souris refuse de manger. Ceci est une première version de l’histoire qu’on lirait sans s’apercevoir qu’en fait, lors de ses essais, la petite souris fait une chute et perd connaissance.
Tout l’épisode des légumes se donne dès lors à lire comme le récit de son cauchemar.
Cependant, rien dans le texte ne signifie explicitement ce passage et les indices à l’image se réduisent à des changements –quasi imperceptibles à la première lecture –des vêtements des personnages.L’album joue sur le passage invisible d’un plan fictionnel à un autre et la fin de l’album montre comment la fiction, par le biais du cauchemar, vient déborder sur la réalité, ce qui est un des traits récurrents dans l’œuvre de Corentin.
De plus, l’auteur joue sur le signal conventionnel du début d’un album pour signifier qu’il peut constituer aussi bien un signal qu’un leurre, en tout état de cause un signe qui interroge les frontières du récit, les marques des différents plans de fiction. Effectivement, les lecteurs peuvent se demander où commence le récit. La première page de l’album est en fait une scène non signalée du cauchemar de la souris où on la voit en compagnie du merle et que le narrateur présente de la manière suivante : « C’est un oiseau et un autre oiseau». Le récit ne commence pas où il semble commencer. En fait, on peut même s’interroger sur les possibilités et les impossibilités de son énonciation dans la mesure où le moment de l’énonciation est situé dans le temps du cauchemar, c’est-à-dire précisément un temps qui n’a pas de réalité. Dès lors, on a affaire à une énonciation qui n’a pas véritablement d’origine temporelle. Ainsi par ce jeu de leurre sur le début, Corentinentraîne ses jeunes lecteurs dans le jeu de la parole fictionnelle, soulignant le caractère singulier de toute fiction dont les frontières sont nécessairement mouvantes et perméables.

Les difficultés de l’album

La chronologie de l’histoire n’est pas linéaire, le livre commence par une image du rêve pour repartir au début de l’histoire le jour où tout commence. Le personnage Pipioli imagine, voit des choses qui ne sont pas réelles alors qu’il est éveillé ; nous ne sommes pas encore dans le rêve et il perçoit une scène onirique : un lapin qui vole. Cependant, l’entrée dans le rêve n’est pas explicite, certains détails nous indiquent cette entrée mais ils sont difficilement perceptibles. Pour des élèves lecteurs : le langage des légumes est difficilement déchiffrable.

Analyse de la séquence

Présentation de la séquence

Nous avons réalisé une séquence portant sur un réseau d’albums de la littérature de jeunesse. Avant d’en faire l’analyse, nous allons replacer cette séquence dans son contexte de mise en œuvre, dégager l’intérêt quelle porte et exposer ses grandes articulations.

Le contexte

En binôme, nous avons effectué un stage de pratique accompagnée dans une classe de CP à Annecy, stage lorsduquel la séquence aété mise en œuvre. Les élèves étaient au nombre de vingt-six. Une mineure partie d’entre eux commençait à lire des textes de façon assez fluide. Le reste, la majorité des élèves, déchiffrait seulement quelques mots dans les phrases.
La pratique littéraire était, au moment où nous étions dans la classe, séparée de l’apprentissage de la lecture. La méthode de lecture utilisée dans l’école est celle de Sabine CHRISTOPHE et Patrick STRAUB, éditée chezAccès ; c’estl’histoire de Patati Patata, qui s’appuie sur l’album Le secret de la planète bizarre,dont la trame doit donner du sens à la gestuelle et à l’apprentissage du code. En classe, les élèves participaient à des ateliers de reconnaissance, de fabrication et de lecture de mots. De plus, un travail de lecture d’un album Viens jouer avec moi Petite souris ! de Robert Kraus, avait débuté. En classe entière, les élèves avaient un temps pour déchiffrer une page de l’album, un d’entre eux la lisait à haute voix avec l’aide de l’enseignante, puis ils devaient la relire à la maison le soir. L’enseignante encourageait les élèves à s’aider de l’illustration pour déchiffrer certains mots. L’album, très simple sur le plan de la compréhension, est seulement un support pour l’activité technique de lecture : apprendre et automatiser la correspondance graphèmes/phonèmes, travailler la procédure directe de reconnaissance orthographique de certains mots récurrents, travailler la procédure indirecte (lexicale) dedéchiffrage de mots et entraîner à une lecture fluente.
En parallèle de l’apprentissage de la lecture, les élèves développaient une pratique littéraire. La classe terminait la découverte d’un réseau littéraire portant sur différentes versions du Petit Chaperon Rougedont le fil rouge reposait sur le statut du personnage. Dans le coin lecture, les élèves, regroupés autour des albums, se sont exprimés sur leurs mises en réseaux personnelles, les liens qu’ils avaient tissés entre les albums pour clore la séquence.
C’est pourquoi on peut direqu’il y avait d’ores et déjà une pratique littéraire dans la classe, notamment grâce à l’utilisation du dispositif de mise en réseaux, quia favorisé l’introductionet la mise en place de notre séquence.

Intérêt de la séquence : la frontière entre le rêve et la réalité

L’objectif de notre séquence est l’identification de la frontière entre le rêve et la réalité, et la différenciation entre ces deux espaces-temps dans les albums de littérature de jeunesse grâce au dispositif de mise en réseaux. Plus globalement, il s’agit de travailler les compétences de compréhension et d’interprétation des élèves. Pour cela, nous avons utilisé quatre livres dont la complexité et les résistances ont été présentées en première partie de ce mémoire.
Le niveau de classe pour lequel nous avons construit la séquence a encouragé notre choix. Au CP, l’apprentissage de la lecture prend parfois le pas sur les activités de lecture littéraire. Les enseignants focalisent l’attention des élèves sur le principe alphabétique : comprendre qu’à une lettre isolée ou à un groupe de lettres (graphème) correspond un son (phonème), et sur l’apprentissage du code. Cependant, la lecture ne se résume pas à ces aspects. Elle est le résultat d’une action d’identification et d’une action de compréhension. Si nous voulons que les élèves travaillent leurs compétences de compréhension fine, une lecture reposant sur des textes littéraires doit être menée pour donner du sens à une simple lecture d’identification des mots. Dans les programmes de 2002, l’introduction du terme « interprétation » a d’ailleurs engagé une nouvelle façon d’enseigner la compréhension : lire de façon littéraire. Notre séquence s’engage dans cette voie qui consiste à un travail interprétatif dès le cycle 2. Il s’agit d’explorer les aspects ouverts des œuvres littéraires pour débattre et s’interroger dans le respect des droits du texte et des droits de l’auteur pour que les élèves construisent leur propre compréhension. Ainsi, Yves Reuter dans Les Chemins de la littérature au cycle 3, indique que dans l’activité de compréhension il s’agit de « retrouver un sens que l’on postule « premier », « littéral », partagé par une communauté culturelle, relativement indiscutable, explicite ou explicitable sans grandes dissensions ». Alors que dans l’interprétation, selon lui : « on quitte le terrain du « sens premier » pour ceux du ou des sens seconds, de la construction du sens, des intentions et des effets de sens. ».
Compréhension et interprétation ont un caractère interactif indissociable dans la mesure où l’une et l’autre sont le fruit d’allers et retours incessants entre prises d’indices objectives dans les textes et errances subjectives selon Catherine TAUVERON (1999).
Notre choix a été de traiter le thème de la frontière entre rêve et réalité car de nombreux livres pour la jeunesse utilisent ce procédé qui amène le personnage dans des « réalités » distinctes, sans pour autant que le jeune lecteur comprenne réellement où se déroulel’action. S’y ajoute le fait que les enfants ont l’habitude d’entendre ou de voir des histoires relevant de l’imaginaire. C’est pourquoi pour eux, il n’y a rien de choquant ou d’anormal à voir une souris qui réussit à apprendre à voler. En effet, l’identification des frontières entre le rêve et la réalité nécessite une attitude de lecteur particulière. Les indices présents dans le texte et/ou dans les illustrations, parfois subtils, sont à relever. Des hypothèses peuvent être élaborées. Une réelle attention doit être portée à ces détails pour prendre conscience du changement d’univers du personnage sans quoi le lecteur termine le livre sans en avoir compris le sens.
Le dispositif de mise en réseaux nous a semblé intéressant. Par ce biais, nous souhaitions que l’approche des élèves -face à la multiplicité des livres choisis traitant de la frontière entre le rêve et la réalité – les pousse à mettre en place des stratégies pour les comprendre. L’élève est actif dans la construction du sens. Qui dit stratégie de lecture dit élaboration d’une attitude de lecteur plus approfondie et développée.

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Table des matières
Introduction
I. Cadre théorique
A. Place de la littérature au cycle 2
a) La lecture littéraire
b) La lecture littéraire au cycle 2 : objectifs et enjeux
c) La démarche de la lecture littéraire au cycle 2.
e) Le choix des lectures littéraires
B. Le dispositif de mise en réseaux
a) La mise en réseaux littéraire
b) Comment les réseaux peuvent-ils contribuer à développer les compétences de lecture littéraire des élèves ?
c) Typologie des réseaux littéraires selon Catherine TAUVERON
d) Progressions possibles d’une mise en réseau littéraire
C. Analyse des albums du réseau
a) Train de nuit, John BURNINGHAM, Père Castor Flammarion, 1999
b) Max et les Maximonstres, Maurice SENDAK, L’école des loisirs, 1973
c) Lolotte d’Alan METS
d) Zigomar n’aime pas les légumesde Philippe CORENTIN
II. Analyse de la séquence
A. Présentation de la séquence
a) Le contexte
b) Intérêt de la séquence : la frontière entre le rêve et la réalité
c) Les grandes articulations de la séquence
B. Éclairage sur notre séquence
a) Le choix de la progression
b) Avantages, inconvénients et avis des élèves sur la progression
C. Variété dans les dispositifs d’approche des albums
a) L’approche de chaque album
b) Dispositif privilégié : le débat interprétatif
III. Rôle de la mise en réseaux dans la démarche interprétative
A. La mise en place de la lecture en réseaux
B Faire des analogies pour entrerdans la compréhension fine
a) Train de nuit et Lolotte : identifier les clefs de compréhension
b) Utiliser les clefs de compréhension dans Max et les Maximonstreset Zigomar n’aime pas les légumes
Conclusion
Bilans personnels
Bibliographie / Sitographie
ANNEXE 1 Plan de la séquence
ANNEXE 2 Quelques passages des débats interprétatifs
ANNEXE 3 Classement des albums selon leur complexité : difficulté pour se détacher de ses préférences
ANNEXE 4 Représentation du rêve : identifier un moment du rêve
ANNEXE 5 Représentation du rêve : difficulté pour identifier le rêve
ANNEXE 6 Entourer les indices du rêve : cibler les détails
ANNEXE 7 Entourer les indices du rêve : confusion

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