Application des méthodes combinant la géostatistique et les simulations numériques

La caractérisation des zones contaminées et ses enjeux 

Les sites et sols pollués constituent une problématique importante dans les anciennes régions industrielles. En France, de nombreux outils sont développés dans l’objectif de les recenser, comme la base de données Basol [Site du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (a)]. Ces sites représentent un enjeu conséquent en terme d’aménagement du territoire : la reconquête de friches industrielles permet de réhabiliter des espaces, souvent en zone urbaine, et constitue une grande part du marché de la dépollution [Site du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (b)]. Selon les usages prévus des sites réhabilités (zone industrielle, logements, etc.), les exigences de dépollution et de surveillance varient. Les sites contaminés par des substances radiologiques sont traités différemment des autres sites pollués. Les modalités de stockage des déchets radioactifs, et par conséquent les coûts associés, varient selon le type de déchet. Le problème des sites marqués par des substances radiologiques se pose surtout au moment de leur démantèlement. L’IRSN recense les installations nucléaires en cours de démantèlement en France : neufs réacteurs EDF, une usine de retraitement de combustible d’Orano et des installations du CEA en janvier 2020 [Site de l’IRSN (a)]. Les installations nucléaires ne sont pas la seule source de contamination radiologique : les anciennes mines d’uranium [Site de l’IRSN (b)] ou les sites industriels qui utilisaient du radium jusqu’aux années 1960 [Site de l’IRSN (c)] sont également des sources importantes de contamination radiologique.

L’Agence pour l’Énergie Nucléaire de l’OCDE rappelle l’importance de délimiter la contamination dans les sols et les nappes pendant le fonctionnement des installations, sans attendre leur arrêt [Nuclear Energy Agency, 2018]. Les difficultés à délimiter ces contaminations sont souvent soulignées [OECD et NEA, 2014], bien que des campagnes de caractérisation des sols et des nappes soient en général réalisées en amont (comme recommandé par l’IRSN et l’ASN [IRSN et ASN, 2011]). Ces difficultés rendent complexe la prévision des coûts associés à l’excavation et au stockage des terres contaminées.

Objectifs et contexte scientifique : le projet Kri-Terres 

Cette thèse fait partie du projet Kri-Terres  , accompagné par l’ANDRA dans le cadre du programme « Nucléaire de demain » des Investissements d’Avenir. Ce projet vise à améliorer la caractérisation de la contamination radioactive autour des centrales à démanteler, via deux axes d’étude. Le premier axe, traité dans cette thèse, consiste à développer des méthodes de modélisation permettant d’estimer précisément les étendues et niveaux de contamination. Le second axe, non développé dans cette thèse, consiste à mettre au point des méthodes de mesure in situ des propriétés des sols, pour mieux caractériser la variabilité spatiale de ces propriétés à l’échelle d’un site afin d’améliorer la modélisation des écoulements et du transport de contaminants dans la zone non saturée [Houzé et al., 2019]. L’objectif du projet est d’apporter des éléments de réflexion sur des questions opérationnelles de remédiation et surveillance des sites : méthodes les plus adaptées, emplacement optimal des piézomètres pour la surveillance du site, paramètres de modélisation sur lesquels réaliser les études préliminaires les plus approfondies, . . .

La caractérisation de la contamination dans les sols et les nappes autour d’installations industrielles ou nucléaires est complexe, pour plusieurs raisons :
• l’historique des activités (différents usages du site, substances utilisées, éventuels incidents, sources potentielles de contamination), notamment sur les petites installations industrielles utilisant des substances radioactives depuis le début du XXème siècle, n’est pas toujours connu précisément ;
• l’accès aux données peut être difficile (coûts des prélèvements et analyses, présence d’infrastructures empêchant l’échantillonnage, risques sanitaires lors de l’accès à des zones fortement contaminées) ;
• les niveaux de contamination sont fortement non stationnaires, les panaches peuvent présenter des formes complexes, et ces niveaux et formes évoluent au cours du temps ;
• la contamination peut être due à plusieurs éléments, avec des propriétés physico chimiques contrastées, et par conséquent des évolutions spatiales et temporelles différentes ;
• la compréhension des phénomènes régissant la migration des contaminants est complexe, ainsi que leur modélisation (nombreux phénomènes physiques et chimiques, difficulté à estimer les paramètres de modélisation).

Ainsi, les méthodes de caractérisation des contaminations dans les sols et les nappes doivent tenir compte de ces difficultés et permettre de travailler dans différents cadres : modélisation spatiale (estimation des niveaux de contamination à une date fixée), modélisation spatio-temporelle (prévision de l’évolution de la contamination à plus ou moins long terme), modélisation multivariable (plusieurs contaminants). La démarche développée dans le projet Kri-Terres vise à combiner deux types d’approches de caractérisation, les approches probabilistes et les approches à base physique, afin de bénéficier des forces de chacune pour obtenir des estimations plus réalistes ou plus précises.

L’approche géostatistique pour caractériser les contaminations 

L’intérêt de la géostatistique est aujourd’hui reconnu par les professionnels du secteur des sites et sols pollués [INERIS et al., 2005 ; UPDS, 2016]. La géostatistique a été développée dans les années 1950 par D. Krige [Krige, 1951], au cours de travaux sur des mines d’or en Afrique du Sud. Elle a ensuite été théorisée à partir des années 1960 par G. Matheron [Matheron, 1963, 1971, 1978]. Historiquement, son domaine d’application est la caractérisation de gisements miniers. Cependant, elle est appliquée à d’autres domaines des géosciences depuis les années 1970, notamment à des problèmes environnementaux [Delhomme, 1978]. Actuellement, la géostatistique est couramment utilisée dans d’autres domaines, par exemple pour la construction de méta-modèles remplaçant des codes de simulations numériques lorsque ceux-ci sont trop coûteux [Asher et al., 2015 ; Kleijnen, 2015].

Variables régionalisées et fonctions aléatoires 

La géostatistique s’appuie sur la théorie des variables régionalisées, qui caractérisent des phénomènes présentant des structures dans l’espace et/ou dans le temps. Par exemple, les altitudes, les concentrations en polluant ou les teneurs en minerai sont des variables régionalisées. La qualité de la représentation d’une variable régionalisée par un modèle déterministe dépend des connaissances que l’on a sur le phénomène étudié et des moyens qui peuvent être consacrés à son étude. Par ailleurs, une modélisation déterministe ne permet pas de prendre en compte l’incertitude résultant d’observations ponctuelles. Par conséquent, la modélisation géostatistique, qui est probabiliste, est utilisée. En tout point x d’un domaine D, la valeur de la variable régionalisée est considérée comme une réalisation particulière ω d’un mécanisme aléatoire : z(x) = Z(x,ω). Chaque fonction Z(.,ω) est une réalisation de la fonction aléatoire Z(x,ω), plus simplement notée Z(x) [Chilès et Delfiner, 2012]. À noter que lorsque D est un espace à une dimension, une fonction aléatoire est également appelée processus stochastique. Lorsque la dimension de D vaut au moins deux, on parle de champ aléatoire.

Traitement usuel de la non-stationnarité

Pour de nombreuses applications, l’hypothèse de stationnarité d’ordre deux est discutable, qu’il s’agisse d’une non-stationnarité de la moyenne ou de la covariance, et les caractéristiques non stationnaires du phénomène étudié doivent être prises en compte pour obtenir une estimation de bonne qualité. Par exemple, Reed et al. [2004] soulignent le caractère non stationnaire de la distribution spatiale de panaches de contaminant.

Différentes méthodes sont utilisées pour prendre en compte la non-stationnarité de la variable étudiée. Par exemple, si la non-stationnarité est liée à une tendance spatiale, le krigeage universel ou le krigeage avec dérive externe permettent de se ramener à l’étude de résidus stationnaires [Chilès et Delfiner, 2012], en introduisant la dichotomie suivante : Z(x) = Y (x) + m(x), où Y (x) est un résidu stationnaire d’espérance nulle et m(x) une dérive déterministe. Cela permet de modéliser la non stationnarité de la moyenne. Le cadre des fonctions aléatoires intrinsèques d’ordre k permet également de modéliser des phénomènes non stationnaires, par un ajustement indirect des structures [Chilès, 1977]. De nombreuses publications suggèrent l’utilisation de classes de modèles de covariances non stationnaires paramétriques, ou basés sur des convolutions, ou encore des déformations de l’espace de travail [Sampson et Guttorp, 1992 ; Rivest et Marcotte, 2012 ; Liang et Marcotte, 2016]. Une revue plus complète des méthodes de traitement des non stationnarités est disponible dans la thèse de F. Fouedjio [Fouedjio, 2014]. Ces méthodes sont cependant propres à un type de non-stationnarité et leur application requiert une ou plusieurs hypothèses que la variable étudiée ne vérifie pas toujours.

Enfin, une autre méthode de modélisation des fonctions aléatoires non stationnaires consiste à travailler dans le cadre des équations aux dérivées partielles stochastiques : le champ aléatoire modélisé est considéré comme solution d’une équation aux dérivées partielles stochastique. La structure de covariance du champ aléatoire est contrôlée par les coefficients de l’équation et une approximation de la solution de l’équation est obtenue par éléments finis [Lindgren et al., 2011 ; Carrizo Vergara, 2018 ; Pereira, 2019]. Cette méthode a initialement été développée dans le cadre des fonctions aléatoires stationnaires d’ordre deux, mais elle est désormais utilisée dans le cadre des fonctions aléatoires non stationnaires. À nouveau, cette méthode ne s’applique qu’à certains types de fonctions aléatoires et de covariances.

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Table des matières

Introduction
I Contexte et méthodes développées
1 Approches usuelles et état de l’art
1.1 L’approche géostatistique pour caractériser les contaminations
1.2 Le cas particulier du cadre spatio-temporel
1.3 La modélisation à base physique
1.4 Combinaison de simulations numériques et de la géostatistique
1.5 Synthèse du chapitre
2 Mise en œuvre des méthodes géostatistiques développées
2.1 Le krigeage avec dérive externe
2.2 Les covariances et variogrammes numériques
2.3 Synthèse du chapitre
II Applications à un cas synthétique
3 Construction d’un cas synthétique en zone non saturée
3.1 Les paramètres hydrodynamiques de la zone non saturée
3.2 Influence de la variabilité spatiale des paramètres du modèle de Mualem-van Genuchten sur la migration d’un panache de tritium
3.3 Utilisation des résultats précédents pour construire un cas synthétique
3.4 Synthèse du chapitre
4 Application des méthodes combinant la géostatistique et les simulations numériques
4.1 Scénarios d’échantillonnage des activités en tritium
4.2 Exploitation des simulations de panaches de tritium
4.3 Estimations de l’activité en tritium
4.4 Quantification des incertitudes
4.5 Un cas multivariable
4.6 Synthèse du chapitre
5 Estimations spatio-temporelles et prévisions
5.1 Position du problème et ensemble de particules
5.2 Mise en œuvre des méthodes spatio-temporelles
5.3 Prévisions
5.4 Krigeage spatial ou krigeage spatio-temporel ?
5.5 Recherche de la localisation de la source
5.6 Synthèse du chapitre
III Applications à deux jeux de données réels acquis autour de la centrale de Tchernobyl
Présentation des sites
6 Application à une expérience de traçage
6.1 Présentation de l’expérience et des données
6.2 Simulations d’écoulement et de transport avec MELODIE
6.3 Estimations de l’activité en 36Cl
6.4 Synthèse du chapitre
7 Application à un site d’enfouissement de déchets radioactifs
7.1 Présentation du site et des données
7.2 Simulations d’écoulement et de transport avec MELODIE
7.3 Combinaison du krigeage et de simulations d’écoulement et de transport : cadre spatial
7.4 Combinaison du krigeage et de simulations d’écoulement et de transport : cadre temporel
7.5 Synthèse du chapitre
Conclusion
Annexes

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