Cognition sociale dans la maladie de Huntington

La cognition sociale renvoie à l’ensemble des aptitudes et expériences émotionnelles et sociales régulant les relations entre les individus et permettant d’expliquer les comportements individuels ou en groupe (Allain, Aubin, & Le Gall, 2012). Les travaux dans ce domaine de recherche ont connu un essor considérable depuis les années soixante. Ils restent néanmoins très peu développés dans le champ de certaines pathologies neurodégnératives dont la maladie de Huntington.

Généralités et émergence du concept 

La notion de cognition sociale est née dans les années 1960, de la rencontre de plusieurs disciplines, telles la psychologie, les neurosciences cognitives, l’anthropologie ou encore la sociologie. Selon les différents auteurs, plusieurs définitions caractérisent ce domaine de la cognition. D’une façon générale, tous s’accordent pour dire que la cognition sociale fait référence au processus par lequel les individus se comprennent eux-mêmes, mais aussi entre eux (Beer & Ochsner, 2006). Elle permet à l’individu d’interagir dans le monde social selon les règles convenues par sa culture et ses groupes d’appartenance, en se distinguant des autres, et en reconnaissant ces autres en tant qu’agents, porteurs de croyances, d’intentions et d’émotions (Duval et al., 2011).

Les notions de cerveau social (Gazzaniga, 1985), ou encore de neurosciences sociales (Dunbar, 1998), apparaîtront plus tardivement avec le développement de l’imagerie cérébrale (Lieberman, 2012). Ces disciplines apporteront une description des trois grandes étapes nécessaires au traitement de l’information sociale, à savoir la perception, la cognition et la régulation (Adolphs, 2010). La première étape concerne la perception en général, à travers la détection de phéromones, la somatosensation, ou encore la perception auditive ou visuelle. La seconde, et celle qui nous intéressera dans ce travail de recherche, concerne le traitement audelà du simple apport sensoriel. Il s’agit d’une représentation plus riche des stimuli qui ne semble trouver aucune analogie avec la cognition dite non sociale (Fiske & Taylor, 1991). Cette notion permet de voir le monde imprégné de sens social et génère des connaissances sur des éléments qui ne sont pas directement observables (tels « l’esprit » d’une autre personne). Grâce à ces connaissances, les individus peuvent alors mettre en œuvre la dernière étape : la régulation sociale, qui nous permet de réguler et de contrôler notre comportement grâce aux capacités métacognitives acquises.

Processus impliqués

Les enjeux de la cognition sociale concernent l’encodage et le décodage du monde social (Beer & Ochsner, 2006). Cette compréhension requière différents niveaux d’analyses, fonctionnant de manière interconnectée et complémentaire. Ces auteurs distinguent trois processus principaux :

La perception
Tout d’abord, la cognition sociale est constituée de mécanismes permettant de percevoir et comprendre les autres. Ils impliquent, d’une part, les indices perceptifs présents dans l’environnement et, d’autre part, leur signification (Adolphs, Tranel, & Damasio, 2001). Il s’agit d’extraire les stimuli pertinents (par exemple, le sourire d’une personne), de les traiter (et donc de le reconnaître comme sourire) pour finalement en interpréter le sens physiologique (le sourire d’une personne qui signifie qu’elle ressent de la joie). Cette compréhension des autres s’appuie par ailleurs sur des informations plus générales extraites du contexte, que nous pouvons relier à nos expériences vécues, soit avec ce contexte en particulier, soit avec une personne spécifique (Helen Tager-Flusberg, 2007). Nous replaçons alors les indices perceptifs dans un contexte plus global qui nous permet d’être plus précis dans notre compréhension des autres (le sens de ce sourire pourra être différent selon qu’il est ironique ou amical).

Le Self
Un autre composant est le Self (le Soi). Il fait référence à la fois au « Je » et au «Moi», correspondant respectivement au soi sujet, responsable du sentiment propre d’identité, et au soi comme objet de connaissance, qui regroupe l’ensemble des « représentations de soi » que l’on a sur nous-mêmes (James, 1890). On distingue le Self physique ou matériel, impliquant d’être capable de différencier son propre visage d’un autre, du Self psychologique ou spirituel, concernant cette fois la représentation de ses traits de personnalité associés à sa propre mémoire autobiographique et à ses expériences (Gillihan & Farah, 2005). Le Self appartient à la cognition sociale car, tout comme les autres personnes, le Self est un objet social. Même si les recherches portant sur la perception des autres et sur le Self sont souvent distinctes, ces deux processus semblent fortement intriqués. D’une part, les processus engagés pour se comprendre soi-même sont, au moins en partie, similaires à ceux déployés pour comprendre les autres. D’autre part, le Self va offrir un filtre cognitif à travers lequel nous allons percevoir les autres.

Les connaissances sociales 

Chaque individu stocke, au cours de son existence, un fond de connaissances lui permettant de réaliser les tâches quotidiennes (Kihlstrom & Cantor, 2000). Ces connaissances peuvent être déclaratives ou procédurales et vont renvoyer aux savoirs acquis sur les règles sociales et interpersonnelles, les normes et les concepts sociaux. Stockées en mémoire sémantique, les connaissances dites déclaratives renvoient aux faits ou aux concepts abstraits sur les scripts sociaux, comme par exemple les différentes étapes d’actions à réaliser pour aller « Dîner dans un restaurant », mais aussi sur les relations et les phénomènes sociaux (Schank & Abelson, 1977). Quant à la composante procédurale de ces connaissances, elle concerne davantage les règles, les compétences et les stratégies permettant de sélectionner les réponses ou les actions adaptées à l’environnement social (Wood et al., 2003). L’ensemble de ces connaissances va nous permettre de nous comporter de façon appropriée lors d’interactions, de choisir les réponses comportementales adaptées au contexte, et de donner du sens aux différents codes sociaux (Beer & Ochsner, 2006).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. COGNITION SOCIALE
1. GENERALITES ET EMERGENCE DU CONCEPT
2. PROCESSUS IMPLIQUES
2. 1. La perception
2. 1. Le Self
2. 3. Les connaissances sociales
3. LA THEORIE DE L’ESPRIT : UNE COMPOSANTE A PART ENTIERE
3. 1. Définition générale
3. 2. Deux types de représentations
3. 2. 1. La théorie de l’esprit cognitive
3. 2. 2. Les différents niveaux d’attribution mentale
3. 2. 3. La théorie de l’esprit affective
3. 2. 4. Les différents types d’émotions
3. 3. Lien entre la TdE et les autres fonctions cognitives
4. SUBSTRATS CEREBRAUX DES PROCESSUS DE COGNITION SOCIALE
4. 1. La complexité du réseau cérébral de la cognition sociale
4. 2. Les régions spécifiquement dédiées à la TdE
2. LA MALADIE DE HUNTINGTON
1. REPERES HISTORIQUES
2.PRESENTATION EPIDEMIOLOGIQUE
2. 1. Prévalence et incidence
2. 2. Sex ratio et anticipation génétique
2. 3. Facteurs génétiques
3. PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
3. 1. Diagnostic de la MH
3. 2. Evolution de la pathologie et décès
4. DEGENERESCENCE CEREBRALE
4. 1. Atteinte moléculaire dans la MH
4. 2. Les structures sous-corticales
4. 3. Atteinte de ces structures
4. 3. 1. Atteinte sous-corticale
4. 3. 2. Atteinte corticale
5. SYMPTOMES CLINIQUES
5. 1. Les troubles moteurs
5. 2. Les troubles psychiatriques
5. 3. Les troubles cognitifs
5. 4. Impacts de l’ensemble de ces troubles sur la qualité de vie
6. COGNITION SOCIALE ET MH
6. 1. Déficit de perception des émotions
6. 2. Atteinte de TdE
6. 3. Etudes de la cognition sociale à travers la neuroimagerie dans la MH
7. SOLUTIONS ET TRAITEMENTS PROPOSES DANS LA MH
3. ETUDES REALISEES
1. PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS GENERAUX
2. PROTOCOLE COSIMH
2. 1. Evaluation neuropsychologique
2. 2. Examens de neuroimagerie
3. ETUDE 1: INFLUENCE OF EMOTIONAL COMPLEXITY ON THE NEURAL SUBSTRATES OF AFFECTIVE THEORY OF MIND
4. ETUDE 2 : HUNTINGTON DISEASE AND CLINICAL SINGULARITY : EARLY DISORDERS OF COGNITIVE THEORY OF MIND
5. ETUDE 3 : SOCIAL COGNITION IMPAIRMENTS IN PATIENTS WITH HUNTINGTON DISEASE
4. DISCUSSION GENERALE
1. EVALUATION DE LA COGNITION SOCIALE DANS LA MH
1. 1. Epreuves neuropsychologiques et limites de la littérature
1. 2. Apports expérimentaux de notre protocole de recherche
2. COGNITION SOCIALE ET COMPORTEMENT : APPORTS DE NOS ETUDES
2. 1. Analyses de groupe chez les sujets MH
2. 1. 1. Constats généraux
2. 1. 2. Stade précoce de la MH vs phase présymptomatique
2. 2. Singularité clinique dans la MH
3. BASES CEREBRALES DES TROUBLES DE LA COGNITION SOCIALE
3. 1. Fonctionnement normal
3. 2. Les spécificités de la MH
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION GENERALE

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