Chronologie et précautions d’emploi entre les prises médicamenteuses et les tétées

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La base de données de pharmacovigilance : Source de données

La BNPV a été mise en place en 1985 pour permettre la mise en ligne des notifications spontanées relatives aux effets indésirables des médicaments des 31 centres régionaux de pharmacovigilance. La législation française demande aux professionnels de santé de rapporter tous les effets indésirables des médicaments à leur centre régional de pharmacovigilance respectif. (19)
Les cas de pharmacovigilance sont analysés par les experts de chaque centre avant d’être enregistrés dans la BNPV. Les effets indésirables des médicaments sont codés à l’aide du dictionnaire MedDRA (Medical Dictionary for Regulatory Activities). Le dictionnaire MedDRA est un glossaire de terminologie médicale standardisé destiné à faciliter, sur le plan international, le partage d’informations règlementaires concernant les produits médicaux à usage humain.
Il est développé par un groupe d’experts international de la conférence d’harmonisation. Il est utilisé lors de l’enregistrement, la documentation et la surveillance des produits médicaux. Il contient une série de termes catégorisant l’information médicale et s’organise en cinq niveaux hiérarchiques allants de la classification par discipline médicale (SOC), divisée en groupe de termes de très haut niveau (HLGT), termes de haut niveau (HLT), termes préférentiels (PT) et enfin les termes de plus bas niveau (LLT). (37)
L’imputabilité est déterminée selon la méthode d’imputabilité française de pharmacovigilance. L’imputabilité permet de formaliser et d’expliciter l’évaluation du lien de causalité entre la prise d’un médicament et la survenue d’un effet indésirable. Cette méthode algorithmique repose sur l’évaluation de critères répartis en trois groupes : chronologique, séméiologique et bibliographique. Ainsi les différents critères permettent d’établir un score. L’imputabilité intrinsèque qui combine les scores chronologique et séméiologique. Chaque score comporte trois niveaux : 1 – douteux, 2 – plausible et 3 – vraisemblable.
L’imputabilité extrinsèque repose sur les données bibliographiques, également constituée de trois niveaux : 1 – Aucune référence dans la littérature scientifique, 2 – Publications rares et incertaines, 3 – Effets indésirables référencés et largement publiés dans les ouvrages de référence ou bases de données bibliographiques.
– Score chronologique:
Le score chronologique comprend trois critères sur lesquels s’appuyer pour déterminer la responsabilité du médicament : le délai d’apparition de l’effet indésirable, l’évolution de l’effet indésirable et la réapparition ou non de l’effet indésirable en cas de ré-administration.
– Score sémiologique:
La séméiologie repose sur quatre critères : la présence d’autres causes médicamenteuses à la survenue de l’évènement, l’existence d’un tableau clinique ou biologique caractéristique de l’effet indésirable avec le médicament suspecté, l’existence d’un facteur favorisant à la survenue de cet effet indésirable et les résultats de tests spécifiques fiables en faveur de la responsabilité du médicament.(38)
– Score bibliographique:
Le score bibliographique est réévalué au vu des données scientifiques actuelles.

Critères d’inclusion et d’exclusion

Trois critères d’inclusion sont considérés :
• Chaque cas sélectionné comprend nécessairement, une exposition à un médicament, un effet indésirable et un patient.
• Le patient sera nécessairement âgé de deux ans ou moins (nouveau-né et nourrisson).
• Les cas extraits de la BNPV sont libellés « Cas allaitement ».
Les situations suivantes ne sont pas étudiées : critère d’exclusion:
• Les cas relatifs à des expositions chez des enfants âgés de plus de 2 ans.
• Les erreurs de codage (les cas enregistrés dans la BNPV comme des cas dit « allaitements » qui s’avèrent en fait ne pas correspondre à ce libellé).

Analyse des cas

L’imputabilité est réévaluée et harmonisée pour chaque dossier avant l’analyse des cas.
La chronologie des évènements de chaque dossier est vérifiée.
Les cotations du score séméiologique sont estimées à 3 en cas d’erreur médicamenteuse, de contre-indication absolue actuelle dans le résumé des caractéristiques du produit ou encore quand l’usage est déconseillé et que le cas comprend un facteur favorisant du couple effet indésirable/médicament. En cas d’erreur médicamenteuse, il est d’usage au CRPV de Marseille-Provence-Corse, que le score sémiologique soit maximal. Dans ce cas, le score sémiologique n’est pas attribué à l’effet indésirable présenté en lui-même mais à l’erreur médicamenteuse. Il ne s’agit pas de coder une imputabilité intrinsèque dans le but de faire remonter une information à l’ANSM mais de valider l’exposition médicamenteuse avec les connaissances actuelles.
Puis les cas sont décrits selon :
– La durée d’administration du traitement maternel:
La durée d’administration du traitement (prise unique, traitement à court terme ou chronique).
Un traitement chronique a été défini comme plusieurs mois de prise médicamenteuse (≥ 3 mois).
Un traitement court a été défini comme traitement inférieur à un mois de prise médicamenteuse.
Un traitement par prise unique consiste en l’exposition à une seule prise médicamenteuse.
– Les modalités de consommation du médicament:
Les médicaments peuvent être pris à la suite d’une prescription médicale ou lors d’une automédication ou d’une intoxication médicamenteuse volontaire.
– La gravité des cas:
Les effets indésirables des médicaments sont considérés comme graves s’ils conduisent à la mort (gravité G6), mettent en jeu le pronostic vital (gravité G5), s’ils entrainent la persistance d’une incapacité ou d’un handicap important, une anomalie congénitale (gravité G4), entrainent une hospitalisation ou une prolongation de celle-ci (gravité G3) ou une autre situation médicalement grave (gravité G2).

Validation des éléments de l’outil

À la suite de l’analyse, l’outil initialement présenté est validé rétrospectivement à travers les cas de pharmacovigilance du CRPV Marseille-Provence-Corse. Chaque donnée de ce dernier est illustrée par un cas de PV afin de démontrer son utilité et ainsi le valider.

Approbation éthique

Les événements indésirables ont été signalés conformément aux bonnes pratiques de pharmacovigilance ; la base de données ne contenait que des renseignements sous forme anonymisée (anonymat pour le patient et pour le déclarant). Aucune approbation éthique n’a été requise conformément à la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelle. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) précise que les patients doivent être informés lors d’études rétrospectives. C’est le déclarant qui informe la personne du traitement de ses données. Le patient possède un droit d’opposition (consentement implicite).

Analyse de la littérature scientifique

Pour la grande majorité des médicaments, la section des caractéristiques du produit (RCP) relatives à l’allaitement fait preuve d’une grande prudence et prône la contre-indication ou déconseille l’usage en l’absence de données suffisantes. Il devient alors indispensable de rechercher systématiquement des données de la littérature pour évaluer l’exposition via le lait.
1. Anatomie, physiologie et biologie de la lactation La fonction de la glande mammaire est la production de lait. La lactogénèse est le processus de développement de la capacité à sécréter du lait. Elle se déroule en 2 étapes : l’initiation de la sécrétion (lactogénèse de phase I qui a lieu pendant la seconde moitié de la grossesse) et l’activation de la sécrétion (lactogénèse de phase II qui débute après l’accouchement).
Structure de la glande mammaire fonctionnelle :
La glande mammaire est composée surtout de cellules épithéliales en monocouche organisées en alvéoles qui constituent l’unité fonctionnelle fondamentale. Ces alvéoles sont situées à l’extrémité d’un réseau de canaux dont la fonction est de véhiculer le lait des alvéoles vers le mamelon. Des groupes de dix à cent alvéoles forment des lobules eux-mêmes regroupés en lobes aboutissant à des formations lobulo-acineuses.
Les cellules épithéliales appelées lactocytes sont de grande taille, cuboïdales, polarisées avec leur noyau projeté du côté basal au voisinage de la circulation sanguine. Elles captent les éléments précurseurs et les transforment en lait. Cet épithélium mammaire n’est pas complètement étanche pendant la gestation et une partie des protéines maternelles sanguines (notamment les immunoglobulines) le traverse. Au moment de la parturition, des jonctions serrées s’établissent sous contrôle hormonal le rendant étanche. Ces cellules sont ceinturées par des cellules myoépithéliales qui se contractent sous l’influence de l’ocytocine post hypophysaire secrétée à chaque stimulation du mamelon par la succion de l’enfant. (40),(41)
Ces deux types de cellules (épithéliales et myoépithéliales) constituent le parenchyme mammaire. En périphérie des alvéoles se trouve le mésenchyme composé d’adipocytes et de fibroblastes. Entre le mésenchyme et le parenchyme se trouve la matrice extracellulaire (Fig 1a et 1b).
Physiologie de la lactation :
Le sein est un organe encore immature à la fin de la puberté. Il est constitué d’un réseau de canaux galactophores drainant des bourgeons épithéliaux non fonctionnels. Au cours de la grossesse, le sein va terminer son développement par deux processus, la mammogenèse et la lactogénèse comme l’illustre la figure 2. (40)
Au cours d’une grossesse, le sein subit un important remodelage en rapport avec un bouleversement hormonal appelé mammogenèse correspondant au développement du parenchyme glandulaire associant la multiplication cellulaire et la mise en place de l’organisation lobulo-acineuse. Les cellules épithéliales acquièrent toutes les caractéristiques d’une cellule sécrétoire ainsi la glande mammaire synthétise de petites quantités de lait avant la parturition. Tous les éléments nécessaires à la production de lait se mettent en place mais la lactation est infraclinique.

Caractéristiques du nouveau-né et du nourrisson

Les nouveau-nés ou nourrissons peuvent être exposés à des médicaments via le lait maternel. L’extrapolation des données pharmacocinétiques (PK) et pharmacodynamiques (PD) de l’adulte sont inappropriées du fait d’une importante différence de réponse au traitement médicamenteux entre le nouveau-né prématuré, né à terme, le nourrisson et l’adulte. Les 4 étapes majeures du processus de pharmacocinétique (absorption, distribution, métabolisme et élimination) atteignent leur maturité au fur et à mesure de la croissance et du développement de l’enfant. L’immaturité physiologique des organes de l’enfant qui sont la cible du médicament entraine une variabilité pharmacodynamique.
La pharmacologie pédiatrique tient compte de la physiologie particulière de l’enfant dont l’immaturité de certains organes et les transformations physiologiques liées à la croissance, ce qui explique la variabilité PK/PD des médicaments.
Première étape : L’absorption gastro-intestinale est affectée par plusieurs paramètres incluant le pH gastrique, la vitesse de vidange gastrique, la motilité intestinale. La biodisponibilité peut être affectée par le développement des cytochromes et des pompes d’efflux P-glycoprotéine. L’absorption diffère de celle de l’adulte par 6 points essentiels : une surface du tube digestif augmentée (1er) , une vidange gastrique ralentie (2ème) et un péristaltisme intestinal irrégulier (3ème), une acidité gastrique différente (4ème) permettant d’expliquer la présence intacte de la lactoferrine et des IgA du lait dans les fèces du nourrisson (le pH plus élevé retarde la destruction des protéines au niveau de l’estomac), une teneur en acides biliaires moindre (5ème) et une flore microbienne dont la vitesse de formation est variable (6ème).
Deuxième étape : La distribution est également impactée. La liaison aux protéines plasmatiques est faible chez le nouveau-né et donc la fraction libre active est plus importante. Cela est dû à la faible concentration en albumine plasmatique, à la faible affinité de l’albumine foetale pour les médicaments, et au déplacement des médicaments par fixation des acides gras et de la bilirubine qui ont une plus grande affinité pour l’albumine. Le volume de distribution est augmenté chez le nouveau-né. L’explication la plus souvent admise fait intervenir l’importance du compartiment aqueux et la faiblesse du tissu adipeux (85 % d’eau corporelle et 1% de tissu adipeux chez le prématuré, 75% d’eau corporelle et 15% de tissu adipeux chez le nouveau-né à terme contre 60 % d’eau corporelle et 30 % de tissu adipeux à l’âge de 6 mois). Il est noté également une distribution importante dans le système nerveux central (SNC) dans les premiers jours de vie du fait d’une grande perméabilité entre le compartiment sanguin et cérébral.
Troisième étape : Le métabolisme principalement hépatique est modifié du fait de l’immaturité physiologique de l’organe. Il en résulte un défaut de clairance hépatique. Les mécanismes en cause sont une moindre captation des hépatocytes lors des dix premiers jours de vie, un faible niveau d’activité des enzymes impliquées dans les réactions de phases I comme le résume le tableau 1, le défaut de certains processus de conjugaison de phase II (en particulier la glucuroconjugaison). Il y a donc un risque de surdosage des médicaments épurés exclusivement par le foie.

Données recueillies

Plus le nombre de données recueillies pour chaque dossier est important, plus l’analyse de pharmacovigilance est documentée particulièrement quand il y a peu d’informations sur le passage du médicament dans le lait.
Sur les 48 cas de pharmacovigilance, le degré du passage dans le lait maternel a été estimé pour 37 principes actifs. Le passage dans le lait maternel n’est pas renseigné pour 22 principes actifs. Le passage est « faible » pour la majorité des médicaments (27 principes actifs). Le passage est « modéré » pour 9 principes actifs.
Un seul cas comporte un médicament pour lequel le passage dans le lait maternel est réputé « important ». Il s’agit du Métronidazole et de la Spiramycine contenus dans la spécialité pharmaceutique Birodogyl®. Ce cas concerne, une diarrhée chez un nourrisson âgé de 4 mois, avec une introduction 48 h avant l’apparition de l’effet indésirable de Birodogyl à la suite de soins dentaires maternels. L’allaitement est exclusif, avec impossibilité d’alterner les tétées avec des biberons de lait maternisé qui sont refusés par ce nourrisson. Il n’est pas rapporté de contage infectieux.
Le rapport L/P est de 1.5 et la RID est de 12 à 14% pour le Métronidazole. Pour la Spiramycine, il est noté un rapport L/P entre 20 et 40.
L’enfant reçoit 6 à12 % de la dose pédiatrique en cas d’exposition via le lait maternel à la Spiramycine et reçoit jusqu’à 34 % de la dose pédiatrique lors d’une exposition au Métronidazole. De rares cas de diarrhées bénignes et une candidose buccale sont rapportés chez des nouveau-nés dont les mères allaitantes recevaient du métronidazole par voie intraveineuse.
Chez l’enfant allaité exclusivement par une mère traitée par Spiramycine, les troubles digestifs sont classiquement rapportés. Le RCP du Birodogyl® préconise une éviction de ce traitement en cas d’allaitement. Le tableau clinique présenté est compatible avec le médicament récemment introduit.
La figure 14 présente le type de données recueillies au sein des 48 cas de pharmacovigilance. Elle renseigne sur chaque acteur (la mère, le médicament, l’enfant et l’allaitement) les données recueillies ainsi que le pourcentage de dossiers pour lesquelles ces données ont été renseignées. Concernant la mère, les informations les plus fréquemment recueillies sont : La modalité de consommation (prescription, automédication, IMV), la voie d’exposition, la durée du traitement, l’indication et l’état de santé.
En revanche, il n’est jamais mentionné le poids maternel, ses particularités pharmacogénétiques, sa protidémie plasmatique, sa capacité de compréhension ou de vigilance et les résultats des dosages pharmacologiques.
Pour le médicament, on retrouve de nombreuses données pharmacologiques dans la littérature. Les informations issues des cas de PV relatives au médicament (le délai entre la prise du traitement maternel et la mise au sein, le dosage pharmacologique chez l’enfant, le délai de régression de l’effet indésirable par rapport à l’arrêt de l’exposition au médicament) sont peu fréquemment connues et transmises par les notificateurs.
Selon les bonnes pratiques de pharmacovigilance, nous retrouvons systématiquement, l’âge de l’enfant au moment de l’exposition et l’effet présenté ainsi que très fréquemment le poids de l’enfant. Le terme de naissance est rapporté dans moins de 20% des cas. Les autres éléments (prématurité, maladie et traitement infantile, exposition anténatale, anomalies des paramètres pharmacocinétiques de l’enfant et les suivis médicaux) sont contextuels.
En ce qui concerne l’allaitement, la période et le type d’allaitement sont en grande majorité renseignés. Les horaires des tétées et le nombre de tétées quotidiennes ne sont très peu décrits. Le volume de lait ingéré et la durée de la tétée ne sont jamais renseignés.

Validation de l’outil

Données relatives à la mère allaitante

. Antécédents médicaux :
Il est déclaré au CRPV une consultation pédiatrique chez un nourrisson âgé de 2 mois au cours d’un allaitement exclusif. Il présente un érythème de la face et du tronc après l’introduction de Céfixime chez sa mère traitée pour une lymphangite.
La symptomatologie de l’enfant apparaît dans l’heure qui suit la première tétée et la prise médicamenteuse. Il est observé une régression spontanée sans recours à un traitement symptomatique.
Il est noté un antécédent d’éruption cutanée chez la mère un mois auparavant, après une semaine de traitement par Amoxicilline dans un contexte également de lymphangite.
Elle présente à nouveau une éruption cutanée prurigineuse dans un délai plus court, après une prise unique de Céfixime.
. Pharmacogénétique :
On rapporte deux cas d’exposition au Paracétamol Codéiné. Les tableaux cliniques présentés par les deux nourrissons sont tous deux compatibles avec une exposition à la codéine mais différent en termes de gravité. Les différences génétiques de métabolisme maternel peuvent expliquer ces discordances.
L’un présente une somnolence et des vomissements après deux prises médicamenteuses et une exposition par le lait maternel une demi-heure après la prise thérapeutique. Il ne présente plus de symptômes dans les 12 heures qui ont suivi la dernière tétée.
L’autre nourrisson présente une simple fatigue après un allaitement dans l’heure qui suit la prise unique maternelle. La symptomatologie du second régresse dans les trois heures qui suivent la tétée.
Les examens cliniques sont normaux et les allaitements sont poursuivis après interruption des traitements contenant de la codéine.
. Durée du traitement maternel :
Un retard staturo-pondéral est découvert chez ce nourrisson à l’âge de 5 mois et se confirme à l’âge de 11 mois.
L’enfant est né à terme eutrophique sans exposition médicamenteuse in utéro. Le traitement par Paroxétine est initié immédiatement après la naissance de l’enfant. L’enfant est allaité exclusivement et il est constaté que c’est presque encore le cas jusqu’à l’âge de 11 mois.
À 11 mois, le régime alimentaire en complément de l’allaitement n’est pas complètement diversifié, il consiste en des jus de fruits, des yaourts et du riz.
. Grossesse multiple :
Il est rapporté une consultation médicale chez un nourrisson âgé de 2 mois, qui a un frère jumeau, pour une diarrhée et des vomissements associés à une agitation.
Un traitement par Méthylergométrine est prescrit. Il doit être administré juste après une tétée. Il est initié chez la mère allaitante la veille des symptômes de l’enfant.
La mère ne peut pas préciser l’horaire des tétées dans ce contexte de grossesse gémellaire. L’allaitement est exclusif. Le frère jumeau ne présente aucun symptôme.
L’allaitement est suspendu pendant 48 heures, soit jusqu’à la fin du traitement et la symptomatologie régresse spontanément.
. Capacité et degré de compréhension :
Le cas index illustre le fait que la compréhension maternelle et la compliance permettent de poursuivre un allaitement même si cela est contre-indiqué par le RCP.
Un autre cas confirme l’importance de cette information. Il est déclaré au CRPV une consultation médicale chez un nourrisson de six mois pour une modification de l’humeur et un sommeil de mauvaise qualité dans un contexte de sevrage de l’allaitement et de l’initiation d’un traitement inhibiteur de la lactation (Bromokin®).
La symptomatologie de l’enfant est survenue dès le lendemain de l’initiation du traitement avec la poursuite des tétées habituelles du matin et du soir. La symptomatologie a duré tout au long de la prise de Bromocriptine. La nuit qui a suivi l’arrêt du traitement, l’enfant dort bien et n’est plus grincheux.
Le tableau clinique présenté par le nourrisson peut être compatible avec le médicament suspecté. L’allaitement est exclusif jusqu’à l’âge de quatre mois, la diversification a été réalisée sans problème en conservant une tétée le matin et le soir. L’allaitement n’a pas été interrompu par la mère malgré une volonté de sevrage et l’initiation d’un traitement inhibiteur de lactation.
. Situation particulière :
Il est rapporté au CRPV, un échec de sevrage de l’allaitement maternel chez un nourrisson âgé de 15 mois.
Dans un contexte de toxicomanie maternelle, la mère reçoit quotidiennement du Tramadol, de l’Oxazépam et de la Codéine.
L’enfant est allaité depuis sa naissance. Il est très demandeur et il est impossible à sevrer de l’allaitement maternel.
Le tableau clinique est compatible à une pharmacodépendance et une accoutumance aux traitements maternels suspectés.
L’allaitement est exclusif depuis la naissance. L’enfant ne présente pas de trouble du développement psychomoteur. La dyade mère-enfant est suivie dans une unité parent-enfant dans ce contexte de toxicomanie.
. Contexte et environnement maternel :
Un grand nourrisson âgé de deux ans présente un épisode diarrhéique important. La veille des symptômes, la mère initie un traitement par Secnidazole pour une infection génitale à Gardnerella vaginalis. L’enfant présentera dans les jours qui suivent cette prise unique une diarrhée dont l’évolution sera favorable sans troubles électrolytiques.
L’enfant est issu d’une fécondation in vitro pour indication paternelle. Il a dans ses antécédents un neuroblastome de stade IV avec des nodules hépatiques et une lésion péritonéale qui a été opéré à un mois de vie. Il n’est pas traité par radiothérapie, ni chimiothérapie. L’allaitement est poursuivi à l’âge de 2 ans. Le jour du traitement maternel, l’enfant mange peu au goûter et tête à plusieurs reprises dans la nuit. Le tableau clinique de l’enfant est compatible avec une exposition au traitement maternel suspecté.

Données relatives au médicament

. La posologie :
Il est rapporté au CRPV une hospitalisation chez une enfant de deux mois pour vomissements dans un contexte de tentative de suicide (TS) de la mère associant une intoxication médicamenteuse volontaire et une exposition à l’éthanol.
La mère ingère 5 grammes de paracétamol associé à la prise de Whisky à 11h du matin. L’enfant est allaité à deux reprises à 16h puis à 19h et présente des vomissements dans les suites de la seconde tétée. L’allaitement est repris deux jours après la TS et les vomissements ne sont pas réapparus.
Le tableau clinique est compatible avec un surdosage en paracétamol. La TS est mixte associant Paracétamol et alcool. Le bilan hépatique est normal. L’enfant sort de son séjour hospitalier après deux jours de surveillance clinique.
. La voie d’administration :
Il est rapporté au CRPV une consultation pédiatrique chez un nourrisson âgé de cinq mois pour fixité du regard et tremblements.
La veille de la symptomatologie de l’enfant, une prescription de Diclofénac formulation gel est réalisée pour des douleurs cervicales maternelles. Le Diclofénac est utilisé à la demande. Les symptômes ont régressé et ne se sont pas représentés.
Le tableau clinique présenté n’est pas évoqué dans la littérature lors de la prise de Diclofénac. Le pédiatre ne réalise aucun bilan complémentaire car le passage systémique du Diclofénac après application cutanée n’est pas attendu.
. La biodisponibilité :
Il est déclaré une consultation médicale chez un nourrisson âgé d’un mois présentant des coliques abdominales. Il est noté une automédication d’une prise unique de Flubendazole dans un contexte d’allaitement exclusif.
La prise médicamenteuse est absorbée per os à 20 h par la mère. Les tétées sont réalisées à 21h, 2h et 7h le lendemain. La symptomatologie apparaît le lendemain de la prise médicamenteuse sans autre précision.
Le tableau clinique présenté par l’enfant pourrait être compatible avec le médicament suspecté mais l’explication est plus vraisemblablement parasitaire puisque le Flubendazole agit essentiellement localement au niveau digestif. Il est très peu absorbé et donc faiblement présent dans le plasma maternel entrainant une faible biodisponibilité pour l’enfant.
. Le pic plasmatique :
Une consultation aux urgences pédiatriques chez un nourrisson de six semaines pour une somnolence importante est enregistrée.
La mère allaitante s’auto-médique avec un quart de comprimé de Bromazépam. Elle allaite son enfant dans l’heure qui suit la prise médicamenteuse. Il présente une période de sommeil diurne prolongée inhabituelle jusqu’au soir. Ces éléments sont compatibles avec le pic plasmatique et la demi-vie d’élimination de ce médicament. Régression de la symptomatologie dans les heures qui suivent l’exposition.
À 22h30, lors de l’examen clinique, l’enfant est bien réveillé et a très faim. Aucun autre examen n’est pratiqué. Aucun antécédent n’est précisé.
. La demi-vie d’élimination :
Il est rapporté une consultation aux urgences chez un nourrisson âgé de deux mois pour hypotonie et diarrhée. Un traitement par Pholcodine (contenu dans le BIOCALYPTOL®) est initié 48 heures avant la symptomatologie de l’enfant. Le premier jour, la mère reçoit 39,3 mg de Pholcodine puis le deuxième jour 58, 95mg. L’épisode d’hypotonie est apparu 48 heures après le début du traitement. L’examen clinique est normal au moment de la consultation.
Le tableau clinique est compatible avec le médicament suspect et son élimination. L’allaitement est exclusif. Un retour à domicile est autorisé après contre-indication du traitement maternel.

Données relatives à l’enfant

. La prématurité :
Il est rapporté au CRPV une admission en réanimation d’un enfant prématuré âgé de 33 SA en âge corrigé dans un contexte d’apnée, de bradycardie associée à une désaturation. L’enfant est né à 25 SA avec des problèmes respiratoires : broncho dysplasie et maladie des membranes hyalines. Le pouls habituel de l’enfant est de 160 battements par minute. Le bilan infectieux est négatif (CMV, Mycoplasme, Bordetella, VRS, virus de la grippe).
L’allaitement maternel n’était effectif que depuis quatre jours, et un traitement maternel par Celestamine (Bétaméthasone et dexchlorphéniramine) est initié depuis trois jours, avant que l’enfant ne soit admis en réanimation. Il faudra 3 jours après arrêt de l’allaitement pour que les symptômes de l’enfant ne soient résolus.
. L’âge d’exposition :
Une hypotonie et une somnolence entrainent l’hospitalisation d’un nouveau-né âgé d’une semaine.
Un traitement maternel (Noctran®), à base de Clorazépate et d’Acépromazine / Acéprométazine, est instauré à la suite de l’accouchement par césarienne. L’enfant est allaité.
Le tableau clinique présenté par l’enfant est compatible avec les principes actifs du traitement maternel. Le dosage pharmacologique des benzodiazépines dans le sang de l’enfant est négatif. Ce qui laisse supposer que les symptômes présentés par l’enfant sont dus à l’Acépromazine/ Acéprométazine.
. L’exposition anténatale :
Il est noté plusieurs consultations pédiatriques chez un nourrisson entre le 18 ème jour et le 4ème mois pour une gynécomastie et une galactorrhée persistante.
Lors d’un allaitement exclusif, la mère souffre de schizophrénie. Elle est traitée tout au long de la grossesse par Loxapine. L’enfant est né eutrophique à terme par voie basse et présente une crise génitale du nouveau-né très importante au 18ème jour. L’évolution de cette crise est longue et une amélioration est constatée au bout d’un mois. Il persiste par la suite une mammite à l’âge de 4 mois bien que des précautions d’emploi vis-à-vis du traitement et de l’allaitement soient prises (la Loxapine est prise le soir), le lait de la nuit et du matin est jeté, le lait du soir avant la prise médicamenteuse est tiré et conservé pour nourrir l’enfant. Il se peut que le lait du matin soit donné en fonction des quantités restantes de lait tiré.
Grâce à ces précautions, l’examen neurologique et le développement de l’enfant restent normaux Le tableau clinique présenté par l’enfant est compatible avec le médicament suspecté.
. Les antécédents dans la fratrie :
Il est déclaré une consultation pédiatrique chez un nourrisson de 5 mois pour une urticaire siégeant au niveau du thorax et des cuisses.
Un traitement par Daflon® (fraction flavonoïque purifiée micronisée correspondant à 90% de diosmine et 10% d’autres flavonoïdes hespéridine, isorhoïfoline, linarine, diosmétine) est instauré chez la mère allaitante deux jours avant la symptomatologie présentée par l’enfant. Une prescription d’antihistaminique et l’arrêt du traitement suspecté amende l’éruption cutanée.
Deux ainés de la fratrie de cinq enfants présentent une maladie atopique connue. La prévalence des formes allergiques d’urticaire est plus importante chez les sujets ayant des antécédents personnels ou familiaux atopiques.
Le pédiatre ne retrouve aucune autre cause à la survenue de l’événement.
. Le tableau clinique non lié à la dose :
Un purpura thrombopénique et une rectorragie avec un taux plaquettaire à 7, 6 G/L nécessiteront une hospitalisation chez un nourrisson âgé de 2 mois.
Un traitement maternel par Ibuprofène pour douleurs dentaires est initié quelques semaines avant la symptomatologie de l’enfant. La symptomatologie de l’enfant régresse après trois cures de Tegeline ®et un transfert de culot plaquettaire.
Un myélogramme est réalisé et confirme l’origine périphérique du trouble du fait de la richesse médullaire. Les bilans étiologiques complémentaires n’ont pas été communiqués ou non réalisés. Le tableau clinique est compatible avec le médicament suspecté.
. Le traitement infantile :
Il est rapporté au CRPV, des troubles digestifs associés à une diarrhée, des selles blanchâtres et une perte d’appétit chez un nourrisson âgé de 2 ans dans un contexte de poussée dentaire. L’enfant est traité par Amoxicilline/acide clavulanique et Ibuprofène pour une fièvre suite à la poussée dentaire. La mère est traitée simultanément par Thiocolchicoside pour des douleurs liées à une chute mécanique. L’enfant tète chaque soir. Le lendemain de l’initiation des traitements, apparaît le début de la symptomatologie de l’enfant. Il est observé une normalisation du transit 10 jours après l’arrêt des traitements maternels et infantiles. L’anorexie et l’asthénie persistent chez cet enfant.
Aucune consultation médicale n’est réalisée. Il est noté des antécédents de dermite atopique et de laryngite chez l’enfant. Le tableau clinique est compatible avec les traitements maternels et infantiles.
. Le dosage pharmacologique et les modalités de prélèvement :
Une hospitalisation chez un nouveau-né âgé de 11 jours pour un malaise est rapporté au CRPV. Un traitement maternel par Alprazolam est instauré dans les suites de l’accouchement dans un contexte de dépression de type « baby blues ». L’enfant présente un malaise juste après une tétée. Le traitement est interrompu et relayé par Stresam®.
La symptomatologie est compatible avec le traitement suspecté.
Un dosage toxicologique urinaire chez l’enfant sera réalisé tardivement et ne permettra pas d’objectiver la présence de benzodiazépines.

Le dosage plasmatique reste l’élément le plus fiable

Chez la femme qui allaite, la concentration plasmatique du médicament n’a été objectivée que pour le cas « index ». Cet élément a permis de ne pas retenir le rôle du médicament ainsi que et la poursuite de l’allaitement dans ce cas. Le dosage plasmatique maternel est un élément essentiel qui reflète la quantité de médicament pouvant atteindre le compartiment lacté et donc l’enfant.
Il est possible d’estimer théoriquement les échanges entre le compartiment plasmatique et le lait maternel à l’aide des paramètres pharmacocinétiques (la biodisponibilité maternelle, le volume de distribution maternel, la fraction libre du médicament, clairance maternelle, demi-vie d’élimination maternelle). Cependant les dosages pharmacologiques permettent une mesure précise et fiable de l’exposition médicamenteuse. Dans les situations où l’exposition est inévitable, dans le cadre de traitements maternels indispensables à l’état clinique ou psychiatrique au long cours, associé au désir impérieux d’allaitement, il serait possible d’envisager un suivi thérapeutique pharmacologique systématique.
Le dosage pharmacologique dans le lait maternel n’est également jamais réalisé. En effet, ces dosages sont complexes et ne sont pas réalisés en routine.
Les méthodes de mesure des médicaments sont généralement optimisées pour les dosages sanguins ou urinaires. Les concentrations du médicament dans le lait maternel sont soumises à des variations inter et intra individuelles (des concentrations plasmatiques, de la variabilité génétique des enzymes métabolisant les médicaments, de la phase du lait, du stade de maturation ou du moment de la journée, des teneurs en lipides et en protéines), qui sont également des facteurs pouvant contribuer à la difficulté d’échantillonnages.
Pour appréhender l’exposition à un médicament ou à son métabolite par le lait et définir le risque pour l’enfant allaité, il est essentiel de développer des méthodes d’analyse pour la mesure dans le lait maternel. L’avantage de ce dosage est non invasif pour l’enfant.
Seulement trois cas de pharmacovigilance rapportent des dosages pharmacologiques chez l’enfant allaité. Les dosages urinaires ou sanguins se sont avérés à chaque fois négatifs.
Comme il est évoqué, le cas « index » confirme l’intérêt et le rôle central du dosage pharmacologique de la mère et de l’enfant, permettant à la mère de recevoir son traitement et de poursuivre l’allaitement en s’assurant de taux plasmatique médicamenteux acceptable ou négatif chez son enfant.
Ainsi le suivi thérapeutique pharmacologique (dosage sanguin maternel et dans le lait maternel) est un moyen fiable de vérifier la quantité de médicament qui passe dans le lait maternel et qui peut être absorbée par l’enfant lors des tétées. Cela permet de maintenir le taux plasmatique le plus bas efficace pour la mère allaitante et limiter le risque pour l’enfant potentiellement exposé.

Données relatives à la mère et à son environnement

Antécédents médicaux

Un seul antécédent médical maternel, en dehors des pathologies nécessitant le traitement médicamenteux, est renseigné. Le cas présenté relate une éruption cutanée apparue chez une mère après une semaine d’un traitement par bêtalactamine. Le mois suivant, elle représentera la même situation clinique nécessitant de nouveau un traitement par antibiotique. La même famille d’antibiotique est alors prescrite (Céfixime). La mère présentera dans les heures qui suivent la réintroduction une éruption cutanée prurigineuse associée à des oedèmes des membres inférieurs. L’enfant lui présentera un érythème de la face et du tronc dans l’heure suivant la tétée. Le tableau clinique présenté par l’enfant est compatible avec le médicament suspecté et le tableau clinique de la mère.
Le RCP mentionne des affections du système immunitaire avec l’apparition de prurit et de rash cutané. Les amines biogènes comme l’histamine sont des bases organiques de bas poids moléculaire qui passent le lait maternel(58). Le taux de réactions croisées entre les pénicillines et les céphalosporines de troisième génération est décrit comme faible. (59)
Ici, on peut évoquer soit une première sensibilisation de l’enfant lors du premier traitement antibiotique, soit une exposition à travers le lait maternel à l’histamine libérée par la réaction allergique IgE dépendante qui s’est produite chez la mère.
Les antécédents médicaux de la mère sont un élément informatif en particulier quand ces derniers concernent d’éventuels antécédents d’effets indésirables en lien avec un traitement médicamenteux.

Statut pharmacogénétique

La pharmacogénétique s’intéresse aux différences génétiques de métabolisation des médicaments. Parmi les gènes les plus importants impliqués dans le métabolisme des xénobiotiques, on s’intéresse particulièrement à ceux codant pour les iso enzymes du cytochrome P450.
La différence entre deux tableaux cliniques présentés par des nourrissons exposés au même médicament (la Codéine) à des posologies et des horaires de tétées similaires après la prise thérapeutique maternelle interroge sur le statut pharmacogénétique du cytochrome P450 2D6 de la mère allaitante.
Le RCP contre-indique l’usage de la codéine du fait d’un risque d’exposition du nourrisson à des taux élevés en métabolite actif (la Morphine) en cas de statut pharmacogénétique maternel « métaboliseur ultra-rapide » du cytochrome 2D6. Dans cette situation, l’enfant présente des symptômes de toxicité aux opioïdes comme la somnolence, la difficulté de succion, des pauses voire dépression respiratoire et hypotonie qui peuvent être fatales.
La recherche du statut pharmacogénétique est généralement réalisée dans des contextes de pathologies chroniques devant des échecs thérapeutiques ou des effets indésirables typiques de surdosage à des posologies usuelles. Dans le cas précis, la symptomatologie du nourrisson allaité fait évoquer un potentiel statut « métaboliseur ultra-rapide » du CYP 2D6 chez sa mère. Une exploration peut être envisagée en ce sens.

Durée du traitement maternel

Comme nous l’avons précédemment évoqué, dans le cadre d’une pathologie chronique psychiatrique, le maintien de l’allaitement apporte un bénéfice mutuel et favorise le lien mère-enfant qui peut être fragile dans ce cas. Ces pathologies peuvent être liées à un déséquilibre psychique du post-partum ou être antérieures à la grossesse. Dans tous les cas, les traitements maternels sont des traitements chroniques, les enfants allaités sont exposés aux traitements psychotropes maternels sur des périodes prolongées.
Le cas présenté de retard staturo-pondéral du nourrisson allaité quasi exclusivement encore à l’âge de 11 mois interroge sur le rôle du médicament (Paroxétine). Il est décrit dans le RCP que des faibles quantités de Paroxétine sont excrétées dans le lait maternel. Dans les études publiées, les concentrations sériques de Paroxétine chez le nourrisson allaité étaient indétectables (< 2 ng/ml) ou très faibles (< 4 ng/ml). Aucun effet du médicament n’a été observé chez ces nourrissons. L’allaitement est donc jugé envisageable. Les éléments pharmacologiques du médicament sont en faveur du passage dans le lait (Biodisponibilité de 100%, poids moléculaire 329 Da, demi-vie d’élimination > 24 heures, un log de P de 2, 5, un pKa à 9,9 et une RID entre 2,8 à 4,7%). Le RCP indique qu’aucune donnée n’est disponible concernant la tolérance à long terme chez l’enfant et l’adolescent (la croissance, la maturation et le développement cognitif et comportemental).
On retrouve dans la littérature des données expérimentales qui suggèrent que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine telle que le Paroxétine pourraient avoir un effet direct sur la densité osseuse en jouant un rôle dans le métabolisme osseux en plus d’être impliqués dans la survenue l’hyperprolactinémie et d’impacter la sécrétion de l’hormone de croissance (GH).(60)

Observance, compliance et suivi médical

On constate que les suivis médicaux sont réalisés dans le cadre de pathologie chronique et principalement psychiatrique. Le suivi clinique psychiatrique d’une mère exposée aux psychotropes est un élément permettant d’évaluer l’observance, la compliance de la mère allaitante vis-à-vis des traitements médicamenteux. Ainsi la régularité de venue aux consultations médicales, l’équilibre de l’état clinique ou psychiatrique, la poursuite ou la modification du traitement, l’interrogatoire et les considérations de la mère sont des éléments qui orientent l’évaluation de l’exposition médicamenteuse. On peut évaluer en plus des dires de la mère, l’observance par un dosage plasmatique maternel qui permettra d’objectiver avec certitude les prises ou déceler une anomalie pharmacogénétique en cas de prise médicamenteuse effective et de dosage pharmacologique non corrélé.
Dans le cas index, le praticien s’assure que la mère est dénuée de doute ou de crainte concernant la prise de son traitement et la poursuite de l’allaitement, mais aussi de sa capacité à comprendre les enjeux de la prise thérapeutique, de la vigilance portée à son enfant, de sa capacité cognitive à comprendre et reconnaitre les signes cliniques pouvant faire évoquer une exposition médicamenteuse inadéquate, mais également de l’importance de la régularité du suivi clinico-biologique.

Capacité de compréhension

Dans un contexte de sevrage de l’allaitement avec l’aide d’un inhibiteur de la lactation, il est implicite de cesser la mise au sein. Dans le cas présenté, il semble que la mère n’a pas intégré cette information
La rubrique du résumé des caractéristiques du produit de la Bromocriptine ne mentionne aucune information relative à l’allaitement. L’agitation fait partie des effets indésirables rapportés lors des traitements par Bromocriptine. Celle-ci est fortement liée aux protéines plasmatiques (90 à 96%), et à un volume de distribution faible (3 ,4 L/kg), elle subit un premier passage hépatique important laissant moins de 6% de bromocriptine dans le plasma. Il est rapporté une RID à 0,04 %. Les nourrissons de mères allaitantes et atteintes de prolactome ou d’adénome hypophysaire traité au long cours par bromocriptine présentent peu ou pas d’effets indésirables.(56)
Si d’une part, les données bibliographiques sont rassurantes (57) et d’autre part, la pharmacodynamie de la bromocriptine explique la rareté des effets indésirables chez l’enfant, les arguments chronologiques ainsi que l’initiation de la diversification sans difficulté sont des éléments qui peuvent expliquer que la symptomatologie de l’enfant soit en lien avec une exposition au médicament.
L’enfant n’aurait jamais dû être exposé à la bromocriptine dans cette indication de sevrage. Cette erreur de compréhension maternelle est un élément d’orientation dans l’explication de cette agitation. On ne peut pas exclure que ce changement de comportement de l’enfant ne soit pas en lien avec la diminution de la sécrétion lactée.

Grossesse multiple

Une grossesse multiple est un élément à considérer dans l’analyse de l’exposition médicamenteuse via le lait maternel. Dans le cas présenté, le tableau clinique est compatible avec le traitement suspect puisque des tachycardies, vomissements, diarrhées et des agitations ont été rapportés chez des nouveau-nés et nourrissons allaités par une mère traitée par la Méthylergométrine.
Le RCP, du fait de la faible quantité de Méthylergométrine reçue par l’enfant via le lait maternel, autorise l’allaitement à condition de respecter les posologies usuelles et une durée de traitement n’excédant pas trois jours. Il décrit également les modalités de prises médicamenteuses vis-à-vis des horaires des tétées (« juste après la tétée »). On suppose que l’horaire des tétées n’est pas maîtrisé correctement dans cette situation de grossesse gémellaire.
Un des deux jumeaux est indemne de tout effet indésirable et les modalités de prise médicamenteuse sont bien décrites. La gémellarité peut complexifier l’allaitement. En cas de non-synchronisation des tétées et du respect des modalités de prise médicamenteuse, un des deux enfants sera peu ou pas exposé tandis que l’autre peut présenter des effets indésirables voir être intoxiqué. Le contexte familial de grossesse gémellaire doit poser la question de la simultanéité des tétées pour appréhender l’exposition médicamenteuse et comprendre les tableaux cliniques différents entre les jumeaux.

Situations particulières

Il est évoqué précédemment un échec de sevrage de l’allaitement dans un contexte de toxicomanie maternelle à la Codéine, à l’Oxazépam et au Tramadol.
La mère et l’enfant font l’objet d’un suivi médical depuis la naissance. L’exposition de l’enfant aux médicaments maternels est connue, acceptée et surveillée. On comprend ainsi que l’équipe médicale a évalué le rapport bénéfice/risque en faveur de l’allaitement maternel par rapport aux risques associés à l’exposition de l’enfant aux substances absorbées via le lait. Le développement psychomoteur de l’enfant est satisfaisant, ce qui sous-tend que le polymorphisme génétique maternel de l’iso enzyme du cytochrome 2D6 est normal pour le métabolisme de la codéine. Les benzodiazépines (Oxazépam) comme les dérivées des opiacées (Tramadol et Codéine) entrainent un syndrome de sevrage en cas d’interruption brutale des traitements. L’échec de l’interruption de l’allaitement évoque un syndrome de sevrage aux traitements maternels chez ce nourrisson. La toxicomanie maternelle, la durée prolongée de l’allaitement (au-delà de 15 mois) et une demande importante de l’enfant sont les éléments qui confirment un syndrome de sevrage au moment de la tentative d’interruption de l’allaitement.
Les monographies décrivent pour les trois médicaments, le potentiel développement d’une tolérance et d’une dépendance psychique et physique, particulièrement après une exposition au long cours.
Un syndrome de sevrage peut être observé chez le nouveau-né de mère intoxiquée à la codéine lors de son arrêt brutal.
Lors de l’arrêt du Tramadol, il est conseillé de réduire progressivement la dose afin d’éviter les symptômes de sevrage. Il est décrit que 0,1% de la dose de Tramadol administrée à la mère est excrété dans le lait maternel. Durant la période du post-partum immédiat, une prise orale quotidienne jusqu’à 400 mg de Tramadol par la mère correspond à une quantité moyenne de Tramadol ingérée par le nourrisson allaité de 2,4% de la dose prise par la mère ajustée au poids corporel. Ainsi, il convient soit de ne pas utiliser le Tramadol pendant la lactation, soit d’interrompre l’allaitement lors d’un traitement par Tramadol. (61)
Les symptômes du sevrage peuvent se manifester dans les jours qui suivent l’arrêt du traitement par Oxazépam. Un syndrome de sevrage néo-natal peut être observé chez des nouveau-nés exposés in utéro.
Dans le cas présenté, l’allaitement a retardé la survenue du sevrage qui n’a pas eu lieu après la naissance de l’enfant.

Contexte et environnement maternel

Il faut d’abord comprendre toutes les composantes du contexte maternel et en tenir compte. Dans un des cas rencontré, l’enfant est issu d’une fécondation in vitro. À la naissance, on lui découvre un neuroblastome de stade IV. Dès lors, sa mère dort toutes les nuits avec son enfant et l’allaite à la demande, encore à l’âge de deux ans. Cette mère vit une situation de monoparentalité, depuis la découverte de la maladie de l’enfant. Le parcours de procréation médicale assistée, la lourdeur de la maladie, l’abandon paternel, l’isolement de la mère sont des éléments qui peuvent expliquer la fusion mère-enfant à travers l’allaitement. L’enfant est en âge de ne plus être allaité et une interruption temporaire des tétées aurait été une possibilité raisonnable.
La monographie du Secnidazole précise que le passage dans le lait maternel n’est pas connu pour le Secnidazole. Cependant, le passage dans le lait maternel est documenté pour d’autres dérivés Imidazolés, et des cas de candidoses oro-anales ou de diarrhées ont été décrits chez des enfants allaités de mère traitée par ces autres Imidazolés. En conséquence, il est recommandé d’éviter l’administration de ce médicament pendant l’allaitement ou de suspendre l’allaitement pendant 24 heures en cas de prise unique. Le CRAT indique que le Secnidazole a une faible liaison à la protéine plasmatique (15%) et une longue demi-vie d’élimination (25heures) ce qui constitue des facteurs de risque de passage et d’accumulation importants dans le lait maternel.
Cependant, les éléments du contexte maternel peuvent expliquer un défaut de compliance (non-respect de la suspension de l’allaitement) ou d’observance (non-respect de la prise du traitement). L’allaitement maternel est un lien très important qui semble ici impossible de rompre ou de suspendre. L’écoute maternelle est donc limitée. Le contexte maternel (psychologique et familial) renseigne sur la marche de manoeuvre envisageable pour prendre en charge l’affection maternelle.
Le cas « index » illustre aussi l’importance de l’environnement maternel. En effet l’enfant présente un changement de comportement, ce signe peut être attribuable à la situation conjugale violente vécue par l’enfant puisque de surcroit ses dosages pharmacologiques sont négatifs. Ces informations renforcent le résultat des dosages pharmacologiques négatifs. C’est donc le contexte et l’environnement qui peuvent permettre d’évaluer l’exposition médicamenteuse de l’enfant via le lait maternel.

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Table des matières

I. Introduction
1. Contexte
2. Objectif de l’étude
3. Matériel et méthode
1. Analyse du cas « index »
2. Analyse de la littérature scientifique
3. Analyse des cas de pharmacovigilance
4. Approbation éthique
II. Résultats
1. Partie I : Analyse du cas « index »
2. Partie II : Analyse de la littérature scientifique
1. Anatomie, physiologie et biologie de la lactation
2. Caractéristiques du nouveau-né et du nourrisson
3. Pharmacologie de l’excrétion lactée
4. Présentation de l’outil construit à partir des données de la littérature
3. Partie III : Analyse des cas de pharmacovigilance
1. Étude rétrospective observationnelle
2. Données recueillies
3. Imputabilités
4. Partie IV : Validation de l’outil
1. Données relatives à la mère allaitante
2. Données relatives au médicament
3. Données relatives à l’enfant
4. Données relatives à l’allaitement
5. Proposition d’un outil
III. Discussion
1. Le dosage plasmatique reste l’élément le plus fiable.
2. Données relatives à la mère et à son environnement
1. Antécédents médicaux
2. Statut pharmacogénétique
3. Durée du traitement maternel
4. Observance, compliance et suivi médical
5. Capacité de compréhension
6. Grossesse multiple
7. Situations particulières
8. Contexte et environnement maternel
9. Modalités de prise
10. Indication du traitement maternel
11. Poids maternel
12. Examens complémentaires : Protidémie ou albuminémie
3. Données pharmacologiques du médicament
1. Posologie
2. Voie d’administration
3. Biodisponibilité
1. Pic plasmatique
2. Demi-vie d’élimination
3. Métabolites actifs
4. Marge thérapeutique étroite
5. Degré d’ionisation
6. Lipophilie
7. « Relative Infant Dose » (RID)
8. Poids moléculaire
9. Rapport L/P
10. Chronologie et précautions d’emploi entre les prises médicamenteuses et les tétées
4. Les données relatives à l’enfant
1. Antécédents dans la fratrie
2. Prématurité
3. Exposition anténatale
4. Age d’exposition
5. Tableau clinique non lié à la dose d’exposition
6. Traitement infantile
7. Déficits congénitaux
8. Modalités des prélèvements pharmacologiques
5. Données relatives à l’allaitement
1. Période d’allaitement
2. Compatibilité du traitement avec la poursuite de l’allaitement
3. Délai entre la prise médicamenteuse et la tétée
4. Caractéristiques des tétées
IV. Conclusion
V. Annexes
VI. Bibliographie

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