Chimie radicalaire des xanthates et additions radicalaires sur des pyridines

Malgré la découverte des premiers radicaux à la fin du XIX siècle, la chimie radicalaire a longtemps été dénigrée dans le domaine de la synthèse fine, principalement par manque de compréhension. Aussi, un effort considérable a été mené ces trente dernières années pour développer des réactions extrêmement utiles au chimiste organicien, en complément de l’arsenal des réactions ioniques et organométalliques. Parmi les récents développements, la chimie radicalaire des xanthates étudiée au laboratoire s’est montrée particulièrement performante dans le domaine des additions intermoléculaires (transfert de groupe) et des cyclisations sur des noyaux aromatiques. L’essentiel de mon travail de thèse s’inscrit d’ailleurs dans ce cadre, avec l’utilisation de pyridines comme site de cyclisation. De nouvelles méthodes de synthèse de composés hétérocycliques azotés, basées sur l’utilisation des xanthates comme source de radicaux, ont ainsi pu être développées.

Le mécanisme de la réaction repose sur l’addition réversibleV d’un radical stannylé A sur la fonction thiocarbonyle du précurseur, conduisant à un radical B qui se fragmente du côté de l’oxygène de manière irréversible pour donner un radical carboné C. La force motrice de la réaction est la formation d’une liaison C=O plus stable que la liaison C=S initiale. La fragmentation du côté du soufre est de plus défavorisée car elle conduirait à la formation d’un radical méthyle très haut en énergie. Cette réaction est généralement limitée aux alcools secondaires car, selon le mécanisme précédent, un xanthate dérivé d’un alcool primaire pourrait fragmenter du côté du soufre. Dans le cas des xanthates dérivés d’alcools tertiaires, la réaction de désoxygénation est en compétition avec une élimination facile par chauffage (élimination de Chugaev). La réversibilité de l’addition sur le thiocarbonyle ainsi que la relative fragilité de la liaison C-S vis-à-vis d’une rupture homolytique ont permis de développer au laboratoire une nouvelle chimie radicalaire des xanthates.

Chimie radicalaire par transfert de xanthate 

La chimie radicalaire par transfert d’atome ou de groupe 

La chimie radicalaire par transfert d’atome ou de groupe a pour la première fois été exploitée par Kharasch, pour l’hydrobromation régiosélective des alcènes.

Le radical R• issu de l’amorçage peut évoluer selon deux voies. S’il réagit avec une molécule de départ R-X, le radical et son précurseur radicalaire sont régénérés : cette réaction dite dégénérée est sans effet visible au niveau macroscopique. D’autre part, il peut également évoluer vers le radical R’• par une suite de réactions radicalaires élémentaires. Ce nouveau radical réagit alors avec la molécule de départ pour donner le produit désiré R’X en régénérant le radical R• qui propage ainsi la chaîne.

Lors des réactions par transfert de groupe, la réactivité des radicaux n’est pas modifiée, cependant, les réactions parasites que l’on peut observer en utilisant d’autres méthodes (comme la réduction prématurée du radical lors de l’emploi d’hydrure de tributylétain) sont supprimées et donc des transformations plus difficiles car plus lentes peuvent ainsi être réalisées. En d’autres termes, le temps de vie effectif du radical dans le milieu est plus grand. Le radical engendré peut ainsi s’additionner efficacement de manière intermoléculaire sur des oléfines même si celles-ci ne sont pas particulièrement activées. Un autre avantage, non négligeable, de cette méthode, réside dans la fonctionnalisation du produit de la réaction par le transfert d’atome ou de groupe. Cette méthode ne nécessite pas en outre, l’utilisation de métaux lourds toxiques et permet de travailler dans un milieu relativement concentré.

Toutefois, cette méthode n’est pas aussi générale que celles utilisant la chimie de l’étain. En effet, pour propager la chaîne, le radical R’• doit être moins stable que le radical initial R• afin que l’étape de transfert d’atome soit efficace. Si ce n’est pas le cas, des produits issus de réactions d’oligomérisation peuvent être obtenus. Ainsi, l’utilisation de radicaux R• alkyles primaires non stabilisés, aromatiques ou encore vinyliques sera difficilement envisageable avec cette méthode. Les réactions radicalaires développées au sein du laboratoire qui mettent en jeu des xanthates sont également basées sur un transfert de groupe (sauf dans le cas des cyclisations sur les noyaux aromatiques, comme nous le verrons un peu plus loin).

La chimie radicalaire des xanthates 

• Principe
Contrairement à la réaction de Barton-McCombie qui s’appuie sur la fragmentation de la liaison C-O après addition sur la fonction thiocarbonyle, la chimie radicalaire des xanthates par transfert de groupe est basée sur la rupture de la liaison C-S. Cette modification de réactivité repose sur un choix judicieux du groupe porté par l’oxygène de la fonction xanthate. Dans la chimie du laboratoire, ce groupe est presque toujours de type alkyle primaire .

Un radical R0
• s’additionne sur l’atome de soufre de la fonction thiocarbonyle du composé A pour engendrer un radical B. Il peut alors β-fragmenter du côté de l’oxygène (voie b) ou du côté du soufre (voie c). La voie b conduit à l’élimination d’un radical éthyle et à la formation d’une fonction carbonyle. Cette voie peut être considérée comme irréversible puisque l’addition d’un radical sur un groupe carbonyle est généralement lente. Cependant, le radical éthyle étant haut en énergie, cette fragmentation est défavorisée. Finalement, il peut y avoir rupture de la liaison C-S pour engendrer le radical R2• et une nouvelle fonction thiocarbonyle. Cette fois-ci, la réaction est réversible, le produit D étant à nouveau un xanthate. La fonction xanthate du composé A est ainsi transférée au radical R0.

Ce mécanisme par transfert de xanthate est ainsi constitué de deux étapes distinctes. La première, l’addition sur la fonction thiocarbonyle d’un radical carboné, est très favorisée. La vitesse d’addition est du même ordre de grandeur que celle sur un dérivé iodé (pour leur part, peu aisés à manipuler en raison de leur instabilité thermique et photochimique). Vient ensuite l’étape de fragmentation intramoléculaire, qui est donc plus facile qu’une étape de transfert d’atome. L’amorçage peut ainsi être réalisé avec des radicaux carbonés réactifs, ce qui permet de s’affranchir de l’étain pour la formation et l’utilisation de nombreux radicaux. Cependant, l’utilisation d’AIBN n’est pas possible car la réaction doit être amorcée de manière à ne pas suivre la voie a à partir du radical B. Une caractéristique importante de la chimie des xanthates réside dans la formation de l’intermédiaire radicalaire B. Celui-ci possède une stabilité plus grande que les radicaux carbonés non stabilisés et se comporte comme un ‘réservoir’ de radicaux. Les radicaux réactifs R2 • sont libérés dans le milieu de manière régulée, afin d’assurer une très faible concentration en radicaux ‘actifs’. Ainsi, très peu de réactions parasites comme la dimérisation ont lieu.

• Quelques applications
La chimie radicalaire des xanthates a été éprouvée avec succès au laboratoire au cours des quinze dernières années, en explorant ses diverses possibilités. L’addition intermoléculaire sur des oléfines externes peu activées vis-à-vis de ce type de réaction a été un des atouts majeurs de cette méthode. La diversité des structures obtenues provient à la fois des oléfines et des xanthates fonctionnalisés employés .

Cette méthode a ainsi permis d’utiliser des radicaux peu communs comme des radicaux propargyliques, trifluorométhylacétyle, ou dérivés de tétrazoles. Dans le cas du radical trifluorométhylacétyle, le xanthate de O-neopentyle a été utilisé afin de limiter la présence de la trifluorocétone sous forme hydratée, qui réduit fortement la stabilisation du radical. D’autre part, les xanthates de O-neopentyle se sont révélés moins prompts à une décomposition ionique et à l’élimination de type Chugaev, aussi ils peuvent être utilisés dans des cas sujets à complications. L’addition des xanthates peut se faire sur des oléfines terminales ou disubstituées. Beaucoup de couplages peuvent être envisagés et ouvrent l’accès à des structures très diverses, comme des petits cycles polysubstitués ou encore des analogues de produits naturels. L’addition radicalaire de xanthates sur des oléfines est une réaction générale et fiable. Elle est aisément mise en œuvre et les rendements sont bons voire excellents. Les xanthates peuvent ainsi être utilisés afin de réaliser des cyclisations radicalaires intramoléculaires sur des oléfines. Les exemples réalisés sont nombreux et ont montré la viabilité de cette méthode pour l’accès à des cycles à 4, 5, 6, 7 ou 826 chaînons. Le système permet également d’envisager des cyclisations réputées plus difficiles sur des noyaux aromatiques. Les travaux menés au laboratoire ont également démontré la possibilité d’effectuer des cyclisations intramoléculaires à 5, 6 ou encore 7 chaînons sur des noyaux aromatiques . De nombreuses structures intéressantes telles que des indolines, des α-tétralones ou encore des benzazépinones ont ainsi été synthétisées.

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Table des matières

Abréviations de la partie théorique
Abréviations utilisées
Avant-Propos
Avant-Propos
I. Chimie radicalaire des xanthates et additions radicalaires sur des pyridines
Introduction
A. La chimie radicalaire des xanthates
1. Les xanthates
2. Chimie radicalaire par transfert de xanthate
B. Additions radicalaires sur des pyridines
1. La réaction de Minisci
2. Additions radicalaires sur des pyridines
Première Partie : Synthèse d’hétérocycles variés par voie radicalaire
II. Synthèse des azaoxindoles
Introduction
A. Les azaoxindoles, principales méthodes de synthèse
1. Par oxydation de l’azaindole
2. Via un réarrangement d’acylpyridylhydrazine
3. Via la formation de la liaison (N)-Ar
4. Via la formation de la liaison (C)-Ar
5. Via la formation de la liaison amide
6. Par métallation
B. Nouvel accès aux azaoxindoles par les xanthates
1. Au départ de 2-aminopyridines
2. Au départ de 3-aminopyridines
3. Au départ d’une 4-aminopyridine
Conclusions et perspectives
III. Synthèse des azaindolines
Introduction
A. Principales méthodes de cyclisation pour la synthèse des azaindolines
1. Méthodes ioniques
2. Méthodes radicalaires
B. Nouvel accès aux azaindolines par les xanthates
1. Au départ d’une 2-aminopyridine
2. Au départ d’une 3-amino-pyridine
3. Au départ d’une 4-amino-pyridine
Conclusions et perspectives
IV. Synthèse de cycles azotés à 6 et 7 chaînons accolés à une pyridine
Introduction
A. Préparation de tétrahydronaphtyridines et de dihydronaphtyridinones.
1. Quelques méthodes de synthèse
2. Nouvel accès aux tétrahydronaphtyridines et dihydronaphtyridinones via les xanthates
B. Préparation de tétrahydropyridoazépinones et tétrahydropyridoazépines
1. Quelques méthodes de synthèse
2. Nouvelles voies d’accès aux tétrahydropyridoazépinones
Conclusions et perspectives
V. Préparation d’analogues
Introduction
A. Analogues des azaoxindoles
1. Réactivité des azaoxindoles
2. Transformations des azaoxindoles
B. D’autres analogues
1. Déprotection de l’atome d’azote
2. Transformation des groupements introduits
3. Oxydation et réduction des azapyridines bicycliques
Conclusions et perspectives
Deuxième partie : Quelques applications de la chimie radicalaire des xanthates
VI. Brève étude du xanthate dérivé de l’α-chloroacétone
Introduction
A. Synthèse du xanthate dérivé de l’α-chloroacétone
1. Préparation usuelle des xanthates par substitution nucléophile
2. Préparation du xanthate dérivé de l’α-chloroacétone
B. Quelques applications
1. Amélioration des résultats précédents
2. Construction de squelettes par voie radicalaire
Conclusions et perspectives
VII. Une nouvelle réaction de Smiles radicalaire
Introduction
A. Réarrangement de Smiles radicalaire
1. Effet du substituant porté par l’atome d’azote
2. Effet du système aromatique
3. Effet du radical issu du xanthate
B. Cyclisation ipso sans réaromatisation du système
1. Conception du système radicalaire
2. Préparation du précurseur radicalaire
3. Synthèse de la spirocyclohexadiénone
Conclusions et perspectives
Conclusion générale
Conclusion générale
Références
Références bibliographiques

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