Causes de renoncements et de non-recours aux soins primaires des personnes en situation de précarité

La santé, et la protection contre les discriminations devant la loi sont des droits fondamentaux de l’être humain, affirmés dans de nombreux textes majeurs tels que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme . La lutte contre les inégalités sociales de santé est une priorité d’action selon les déclarations de l’Organisation Mondiale de la Santé d’Alma-Ata et de Rio . En France, la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions  a institué des dispositifs tels que le Programme Régional d’Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS), ayant pour objectif de lutter contre les pathologies aggravées par la précarité ou l’exclusion, et de rendre effectif l’accès universel au système de santé médico-social. Assurer l’accès à la santé de façon équitable et universelle est donc un enjeu éthique dans l’organisation des politiques publiques, mais aussi, pour la pratique de tous les acteurs du système de santé œuvrant dans « l’itinéraire de santé » d’une personne : les professionnels du médical, du social, mais aussi les administratifs, et le cadre institutionnel participant à l’accès à la santé d’un individu. Malgré toutes les lois et les dispositifs ayant pour objectif de diminuer les inégalités sociales de santé et les difficultés d’accès aux soins touchant en priorité les personnes les plus précaires, on continue de constater des retards de soins, des renoncements aux soins, des parcours de soins erratiques, etc. Les politiques publiques de santé, confrontées à l’épreuve de la réalité de vie des personnes, se heurtent à des éléments allant bien au delà des difficultés financières des individus ou du degré de leur couverture sociale. Les phénomènes de renoncements et de non-recours aux soins interrogent la qualité, l’efficience et même l’utilité des politiques de santé.

En avril 2016, dans le cadre de la réécriture du PRAPS par l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté après la fusion des régions, un comité stratégique du « parcours précarité-vulnérabilité » a été créé. Les réflexions de ce comité ont abouti au projet de construction d’un dispositif dynamique d’évaluation qualitative des facteurs de non accès aux soins sur le territoire régional. Ce dispositif permettrait de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans le non-recours aux soins, et d’en déterminer des leviers potentiels. Notre travail s’inscrit en tant que travail préparatoire à des études qui seront menées dans le cadre du dispositif mis en place par l’ARS. L’objet de notre thèse est d’expertiser les multiples causes de difficultés d’accès aux soins des personnes en situation de précarité, que nous observerons par le prisme des renoncements et des non-recours aux soins.

La pauvreté

Il n’existe pas de définition consensuelle de la pauvreté. Le Conseil Européen a adopté la définition suivante au Conseil des Ministres du 19 décembre 1984 : doivent être considérées comme pauvres, « les personnes dont les ressources (matérielles, culturelles ou sociales) sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l’Etat membre où elles vivent ». En France et dans les pays de l’Union Européenne, la pauvreté est définie et mesurée par les institutions par des indicateurs monétaires. Selon la définition commune adoptée par l’Union Européenne en 2008, le seuil de pauvreté est fixé par convention à 60% du niveau de vie médian national (1). Le niveau de vie d’une personne est calculé en rapportant le revenu disponible du ménage à la taille de celui-ci, décrit en Unités de Consommation. Le taux de pauvreté correspond à la part de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.

Le taux de pauvreté est un indicateur d’inégalités et non de « bien-être collectif ». Il est relatif, c’est-à-dire qu’il reflète la dispersion des revenus et non leur niveau absolu. Selon Stéfan Lollivier (2), « Si l’on double le niveau de vie de chacun, il y a toujours autant de pauvres. Si le revenu des plus pauvres progresse, mais moins rapidement que le niveau de vie médian, alors le nombre de pauvres augmente automatiquement. […] A la limite, si personne n’a rien, il n’y a pas de pauvres. » En 2014 en France, la pauvreté touchait 14% de la population, soit 8,8 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté monétaire (3) (qui était de 1 008€ par mois). Cela touchait un enfant sur cinq, voire un sur deux dans les Zones Urbaines Sensibles. La pauvreté tend à se renforcer, à s’étendre à de nouvelles populations précaires « invisibles » (4) (jeunes en insertion, familles monoparentales, travailleurs pauvres, personnes âgées isolées, etc.) (5).

Les précarités

Définitions

La question de la lutte contre les exclusions a été portée par les associations par la création de dispositifs tels que la Mission France de Médecins du Monde et de Médecins Sans Frontières dans les années 80. Le père Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD (Agir Tous pour la Dignité) Quart Monde donne une définition de la précarité dans son rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » présenté le 28 février 1987 au Conseil Economique et Social. Cette définition est celle la plus souvent utilisée aujourd’hui dans la littérature (8) :

« La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. »

La précarité est ainsi définie comme « multidimensionnelle ». Elle provient d’un manque et engendre de l’insécurité et des empêchements. Elle conduit à la grande pauvreté « quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle tend à se prolonger dans le temps et devient persistante, qu’elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de réassumer ses responsabilités par soimême dans un avenir prévisible ». La précarité se caractériserait par son caractère instable, alors que la pauvreté serait plus durable, plus installée. Il existe un continuum entre les notions de précarité, de pauvreté et d’exclusion, qui peuvent aussi coexister dans différents champs de la vie d’une personne.

L’Observatoire National de la Fin de Vie pour son étude sur la « fin de vie et précarités » en 2014 (9), choisissait de mettre l’adjectif au pluriel, pour mettre en avant la multiplicité des formes possibles de précarités : « Par personnes précaires on entend les personnes vivant dans une insécurité qui ne leur permet pas d’assumer seules leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux. »

Du fait de la cohabitation de nombreuses formes différentes de précarités, s’il peut y avoir une instabilité dans chaque forme, la somme de celles-ci peut mener à un état permanent de marginalisation sociale et économique, car les difficultés ne se règlent rarement toutes au même moment. Les moments temporaires de « mieux » dans la situation sociale peuvent ainsi être source d’aggravation des difficultés par exemple par la perte d’éligibilité à une prestation sociale, produisant de nouvelles difficultés peu de temps après. Face à l’organisation des politiques sociales aujourd’hui, face à la temporalité institutionnelle, le facteur de stabilité dans un statut précaire ou de pauvreté pourrait paradoxalement être un facteur facilitateur de l’accès aux droits et services. Régis Pierret, sociologue, décrit trois catégories de populations (10) : les «protégés », les « précarisables » et les « précarisés ». Les « précarisables » seraient majoritaires. Il s’agirait des personnes qui savent que leurs conditions de vie sont fragiles, qu’elles peuvent basculer, que leur statut est « éphémère ». Cela induit: « la souffrance au travail, la peur de perdre son emploi, la dépression ». Ce serait par exemple le cas des « travailleurs précaires », qui vivent avec la menace permanente de devenir « exclus ».

Indicateurs

Plusieurs scores ont été créés dans le but d’étudier les populations précaires, d’explorer le champ des inégalités sociales en santé, et afin de guider les politiques sociales. Trois scores ont été développés dans ce domaine :
– Le score « Handicap social » créé en 2006, afin de repérer et de « coter » la précarité, lors de la mise en place de la tarification à l’activité dans le cadre hospitalier.
– Le score « Pascal », créé au Centre Hospitalo-Universitaire de Nantes ayant pour objet de repérer les patients précaires venant en consultation à l’hôpital.
– Le score EPICES (Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé pour les Centres d’Examen de Santé de l’Assurance Maladie) créé en 1998, est le plus fréquemment utilisé dans la littérature. Il comporte 11 questions binaires . La somme des réponses, affectées chacune d’un coefficient, donne le score EPICES. Celui-ci est quantitatif, il varie de 0 signifiant « pas de précarité » à 100, la « précarité la plus élevée ». La personne est considérée comme précaire au delà de 30. Ce score conduit à classer les personnes de façon binaire (13) soit en « précaire » soit en « non précaire » ce qui est certainement réducteur.

Les inégalités sociales de santé

Les inégalités sociales se traduisent en inégalités de santé, d’où l’expression «inégalités sociales de santé ». Elles résultent de l’accumulation au cours de la vie de désavantages et d’avantages sociaux, d’inégalités, influencées par certaines caractéristiques des individus eux-mêmes, mais aussi du milieu social dans lequel ils vivent. Le lien est à double sens : un mauvais état de santé influe sur les conditions sociales, mais celles-ci influent également sur la santé. Les déterminants sociaux agissant sur l’état de santé sont multiples. On peut citer les facteurs socioéconomiques tels que l’accès à l’éducation, les revenus, les conditions de vie dans l’enfance, l’accès à l’emploi, les conditions de travail, les conditions de vie mais aussi l’environnement, les comportements des individus et le système de santé (14). Les inégalités sociales de santé se construisent dès l’enfance (15), en lien avec les conditions de vie des parents, et ont des répercussions négatives sur l’état de santé jusqu’à l’âge adulte. Les besoins de recours au médecin sont plus importants chez les personnes précaires, qui sont plus à risque de développer des pathologies, alors que le recours effectif aux soins est plutôt observé chez les personnes aisées (16). Les personnes nécessitant le plus les soins sont donc celles chez qui il y a le plus de renoncements ou de non-recours aux soins. Or, un retard, un non-recours aux soins, dégrade l’état de santé. Pour le système de soins et de protection sociale, cela représente souvent des soins plus coûteux (17). L’enjeu des politiques publiques envers les plus précaires est de se conformer aux valeurs de l’Etat en rapport avec les droits des individus, mais aussi, de satisfaire les logiques économiques. Selon le rapport «Santé et accès aux soins – pour un accès plus égal et facilité à la santé et aux soins » rédigé en vue de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de 2012 (16): « Réduire les inégalités de santé suppose donc d’introduire la préoccupation de la santé dans l’ensemble des secteurs de la vie sociale, […] le système de soins, […] devrait rappeler inlassablement les conséquences négatives des dommages sociaux sur l’état de santé des populations.» .

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
INTRODUCTION
1ère PARTIE – Sémantique et définitions
2ème PARTIE – Revue de la littérature
3ème PARTIE – Etude d’un cas
4ème PARTIE – Discussion
CONCLUSION
ANNEXES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
TABLE DES MATIERES

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