Cartographie de la végétation à l’échelle des individus

Enjeux de la cartographie de la végétation

La cartographie de la végétation et de sa dynamique est un enjeu majeur aussi bien en agriculture que pour l’étude des écosystèmes. Dans ce mémoire, nous nous plaçons dans le contexte de l’étude de la biodiversité* où cette cartographie est nécessaire pour comprendre les interactions complexes que l’on observe chez les espèces* végétales entre elles, avec leur milieu et les espèces animales dont elles forment l’habitat. Après avoir explicité ce contexte et soulevé les enjeux de cette cartographie, nous montrerons comment les facteurs d’échelles* conduisent à une cartographie confinée à l’observation manuelle et les problèmes que cette limitation engendre.

Contexte de la biodiversité

L’année 2010 a été déclarée « Année internationale de la biodiversité » par l’assemblée des Nations Unies afin d’alerter l’opinion publique sur l’état et les conséquences du déclin de la biodiversité dans le monde[Biodiversité 2010]. Cette préoccupation politique et la médiatisation qui l’accompagne met plus que jamais en avant l’importance du travail des chercheurs qui désirent comprendre et à protéger les nombreuses richesses naturelles de notre planète. Défini pour la première fois au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, le mot biodiversité est un terme récent qui décrit pourtant un phénomène aussi ancien que la vie  elle-même. La biodiversité est une notion complexe car elle comprend trois échelles interdépendantes : la diversité des milieux de vie, celle des espèces et celle des individus* au sein de chaque espèce.

Elle peut être vue comme « l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactéries, virus. . .) ainsi que toutes les relations et interactions qui existent, d’une part, entre les organismes vivants eux-mêmes, d’autre part, entre ces organismes et leurs milieux de vie. »[Biodiversité 2010]. La diversité des milieux de vie se perçoit aussi bien dans la disparité spatiale que dans la multitude d’échelles d’analyses possibles du concept d’environnement. Si les différences de climat et de composition des sols et des océans, mêlées à l’influence anthropique ou à l’histoire biologique et géologique des lieux génèrent des milliers de paysages différents, il faut y rajouter une variété exponentielle à toutes les échelles : « une petite mare temporaire de quelques mètres carrés est un écosystème* au même titre qu’une forêt de quelques centaines ou de quelques milliers d’hectares»[Aguesse, 1971]. Au sein de ces écosystèmes — qui regroupent l’ensemble du vivant et de la matière morte dans une unité fonctionnelle — on retrouve une profusion d’espèces végétales, animales ou bactériennes qui interagissent entre elles selon des processus complexes de prédation, de coopération ou de symbiose, mais qui modifient aussi leur environnement (et sont influencées par lui en retour) dans une dynamique sans fin  .

Enfin, au sein de chaque espèce — groupe d’êtres vivants inter-féconds possédant des caractères anatomiques, morphologiques et physiologiques communs — on retrouve encore une grande diversité, génétique et phénotypique  , au niveau des individus; à la fois proche des autres membres de sa population, chaque individu est unique dans ses capacités et dans le potentiel transmissible dont il est porteur. La relation entre le génotype et le phénotype est souvent si complexe que même lorsque les biologistes sont d’accord sur la valeur délétère d’un phénotype (maladie génétique mortelle), les gènes incriminés ne peuvent pour autant pas être catégorisés comme néfastes pour l’espèce. Jacquard [1969] montre dans son livre sur la génétique des populations que la persistance des allèles récessifs porteurs de maladie dans les populations est probablement expliquée par une résistance accrue des porteurs hétérozygotes sains : la richesse d’une population est liée à sa diversité, bien plus qu’à la présence de gènes favorables. L’étude et la préservation de la biodiversité forment par conséquent des champs de recherche aussi vastes que nécessaires et l’ampleur de la tâche semble montrer qu’aucun traitement exhaustif n’est envisageable. Si l’on sait aujourd’hui identifier environ 1,8 millions d’espèces, on estime qu’il en existe probablement dix fois plus[Thomas, 2010] et il en est de même des milieux de vie : il reste encore de nombreuses choses à découvrir et les moyens actuels, en terme de temps, de ressources ou de techniques, limitent fortement l’ambition des biologistes.

Étude et protection des ressources naturelles

Les études menées par les biologistes peuvent être effectuées dans le cadre de plusieurs missions : leur mission de recherche afin d’approfondir nos connaissance du domaine ou leur mission sociale qui consiste à conseiller les acteurs sociaux sur la valeur d’un territoire en matière de patrimoine écologique. En effet, dès le Sommet de la Terre en 1992 et la prise de conscience du fait que la dégradation des écosystèmes de part le monde était une atteinte irréversible au patrimoine mondial de l’humanité, une volonté nationale et internationale est apparue pour préserver une partie significative des territoires des États. Par exemple, la directive européenne Natura 2000 incite les États membres à protéger au moins 10% de leur territoire autour de deux axes : la préservation de la biodiversité et la valorisation des patrimoines naturels. Mais de l’identification de l’intérêt biologique d’un territoire (de part sa spécificité, sa richesse ou son impact favorable sur les autres territoires) au classement de ce territoire, le chemin est long où les biologistes ont la tâche ardue de fournir des données objectives dans des débats mélangeant intérêt écologique, économique et politique.

L’identification des zones d’intérêt biologique provient souvent de l’immense accumulation d’observations léguées par les générations précédentes. On trouve en effet dans ces travaux séculaires la définition de grandes zones biogéographiques — découpage géographique selon la répartition des espèces — dont les espèces caractéristiques ont largement été documentées (collections, herbier) ainsi que la description de micro-habitats au sein de ces espaces dont les paramètres de surface* (types de sol, humidité, exposition. . .) ont conduit à l’apparition d’espèces particulières, dites espèces endémiques, car on ne les trouve qu’à cet endroit. Généralement, la frontière entre ces zones biogéographiques est très riche et diversifiée et l’on défini souvent des zones préservées à ces endroits afin d’essayer de protéger les deux milieux à la fois. Cependant, de par la nature intrinsèquement dynamique de ces frontières la notion de conservation (à l’identique) n’y est pas forcement facilitée. Les zones d’intérêt biologique sont aussi proposées par les associations locales ou la Direction Régionale de l’ENvironnement (DIREN)* qui fait alors appel aux biologistes qui cherchent à en identifier la valeur biologique. Comme on l’a vu précédemment, les recherches exhaustives ne sont pas envisageables et c’est par des repérages et des observations ponctuelles — basées sur une connaissance a priori des modèles biogéographiques et des techniques d’échantillonnage statistiques — que les scientifiques essayent d’identifier les caractéristiques de la zone. À nouveau, ce sont les ressources humaines et temporelles qui déterminent l’étendue de l’étude et la précision des résultats.

Une fois le débat entre les différents acteurs associatifs, économiques et politiques mené, la zone peut être classée selon de nombreux statuts : Réserve biologique, Forêt de protection de l’Office National des Forêts (ONF)*, Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF)*, Zone d’Intérêt Communautaire (Status Natura 2000 de la Communauté Européenne) ou encore acquérir le titre prestigieux de Réserve de la biosphère décerné par l’UNESCO[Davoust, 2010].

Ces statuts définissent les contraintes de préservation qui pèsent sur les lieux. Par exemple, la convention Natura 2000 exige une conservation de la biodiversité des espèces avec des bilans effectués tous les six ans[Eionet]. Ces exigences posent parfois des problèmes aux biologistes en charge de cette protection lorsque la dynamique naturelle de la zone est en contradiction avec la notion de préservation en l’état. En effet, si l’on cherche à observer et à préserver les plantes autochtones, généralement stables en opposition aux plantes envahissantes, il n’est pas toujours évident de distinguer ce qui est de l’ordre des cycles naturels (disparition cyclique de certaines plantes) de ce qui est lié à des changements « linéaires » : modifications de l’environnement dues au changement climatique ou simplement au changement d’usage lors du passage d’un usage agricole favorisant les milieux ouverts à celui d’abandon à l’état de nature. Il faut alors étudier de près l’évolution dynamique des plantes pour comprendre les mécanismes complexes qui sont à l’œuvre et surveiller l’éventuelle disparition des espèces sous protection. C’est une des tâches de l’équipe Écologie et Gestion de la Biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN)* avec qui nous avons étroitement collaboré et c’est pourquoi nous nous concentrerons par la suite sur les problématiques de la biodiversité végétale et du suivi de l’évolution dynamique des espèces et de leur milieu.

Cartographie de la dynamique de la végétation

La biologie recouvre un immense champ de recherche : de l’écologie qui prend en compte l’ensemble de la biosphère à la biochimie au cœur des cellules en passant, entre autres, par la taxinomie — la classification* des êtres vivants —, l’anatomie ou la physiologie. . . On trouve parmi les attributions des biologistes sur le terrain : l’identification de nouvelles espèces, l’amélioration de la taxinomie, la conservation d’une espèce menacée ou encore la gestion d’un écosystème entier. L’étude de la dynamique des milieux naturels quant à elle, cherche à comprendre les interactions des espèces entre elles et avec leur milieu, ainsi que l’évolution dans le temps de ces interactions. Cela nécessite de s’appuyer aussi bien sur des connaissances en taxinomie et en physiologie qu’en climatologie, géologie ou pédologie. . . Les besoins de cette discipline sont donc particuliers puisqu’elle exige à la fois un suivi spatial précis et une série d’acquisitions temporelles adaptées au rythme de vie des individus. L’identification et le suivi des paramètres de surface biophysiques (espèce, âge et état de santé des plantes. . .) et géophysiques (type de sol, humidité, exposition. . .) se traduisent généralement sous forme de cartes qui sont autant de représentations de l’état de la zone d’étude au moment de sa réalisation. Nous parlerons donc par la suite de la cartographie de la dynamique de la végétation et de ses contraintes logistiques et analytiques.

En botanique, où les espèces ont des espérances de vie relativement longues (environ 50 ans pour la callune*, une centaine d’années pour un bouleau), la périodicité des cartes dynamiques est de l’ordre de trois à dix ans. La directive européenne Natura 2000 exige un bilan tous les six ans, mais pour les zones hors de cette juridiction, la périodicité dépend surtout des moyens. Du point de vue des botanistes du MNHN, une périodicité de trois ans — qui n’est pas atteinte aujourd’hui — leur permettrait d’affiner leurs connaissances sur la dynamique de population et suscite un fort intérêt de leur part.

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Table des matières

Introduction Générale
1 Cartographie de la végétation à l’échelle des individus : utilisation de la Réalité Terrain Étendue
1.1 Enjeux de la cartographie de la végétation
1.1.1 Contexte de la biodiversité
1.1.2 Étude et protection des ressources naturelles
1.1.3 Cartographie de la dynamique de la végétation
1.2 Concept de Réalité Terrain Étendue
1.2.1 Méthodes actuellement utilisées
1.2.2 Formalisation du concept
1.3 Contraintes posées par la cartographie de la végétation à l’échelle des individus
1.3.1 Discrimination des espèces
1.3.1.1 Signature spectrale
1.3.1.2 Aspect morphologique et textural
1.3.1.3 Approche 3D
1.3.2 Contraintes opérationnelles
1.3.3 Résolution et identification de la végétation .
1.3.3.1 Échelle, résolution des capteurs et taille de l’échantillon au sol
1.3.3.2 Interprétabilité des images
1.3.4 Synthèse
2 Quels outils de télédétection pour la Réalité Terrain Étendue ?
2.1 Un problème de média
2.1.1 Télédétection spatiale
2.1.2 Télédétection aéroportée
2.1.2.1 Caméras petit format
2.1.2.2 Caméras moyen format
2.1.2.3 Caméras grand format
2.1.2.4 Limites opérationnelles
2.1.3 Télédétection basse altitude
2.2 Arrivée des microdrones civils
2.2.1 Brève histoire des drones
2.2.2 Classification
2.2.3 Aspects règlementaires
2.2.4 Évolutions technologiques récentes
2.2.5 Avantages opérationnels
2.2.6 Limites des systèmes actuels
2.3 Contraintes sur l’instrumentation
2.3.1 Notion de charge utile
2.3.2 Caméras pour les micro-drones
2.3.3 Systèmes multi-caméras
2.3.3.1 Systèmes directionnels
2.3.3.2 Systèmes stéréoscopiques
2.3.3.3 Systèmes multi-spectraux
2.3.3.4 Synthèse
2.3.4 Géolocalisation des images
2.3.4.1 Principe et enjeux de la géolocalisation
2.3.4.2 Capteurs pour le géoréférencement direct
2.3.5 Contraintes sur le système
2.4 Contraintes tirées du modèle image
2.4.1 Calcul de la vitesse de déplacement en fonction du recouvrement désiré
2.4.2 Calcul de la vitesse de déplacement en fonction du flou de filé
2.4.3 Choix de la distance focale
2.4.4 Influence de l’inclinaison sur la taille de l’échantillon au sol
2.4.5 Synthèse générale
3 Système micro-drone multi-cameras développé durant la thèse
3.1 Présentation du système utilisé
3.1.1 Choix du quadri-rotors
3.1.2 Principe de vol
3.1.3 Architecture du système
3.1.3.1 Assistant bas niveau
3.1.3.2 Assistant pilotage
3.1.3.3 Cartes filles : altimètre et charge utile
3.1.3.4 La station sol
3.1.4 Caractéristiques du porteur
3.2 Capteur multi-caméras
3.2.1 Avantages attendus du système
3.2.2 Support tri-caméras
3.2.3 Réalisation mécanique
3.2.4 Choix du modèle d’appareil photographique numérique
3.2.5 Électronique de contrôle et station sol
3.2.5.1 Contrôle électronique d’un appareil du commerce
3.2.5.2 Analyse des signaux
3.2.5.3 Réalisation de la carte
3.2.6 Autres systèmes de vision
3.2.6.1 Système de visée et de pilotage embarqué
3.2.6.2 Acquisition de flux vidéos
3.2.6.3 Afficheur tête haute
3.3 Avancées logicielles
3.3.1 Station sol
3.3.2 Plan de vol
3.3.3 Projection des empreintes au sol des images
3.3.4 Recherche topologique dans une base d’images
3.4 Bilan des travaux
3.4.1 Sorties terrain
3.4.2 Avancement
Conclusion Générale

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